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Délinquantes avec antécédents d’infractions violentes : Une comparaison

Amey Bell1
Direction de la recherche, Service correctionnel du Canada

Contrairement à la recherche2 qui, jusqu’à présent, établissait des profils de délinquantes en fonction de plusieurs infractions et caractéristiques de la peine, le profil actuel s’intéresse aux différences entre les femmes avec antécédents d’infractions violentes et les femmes non violentes ou celles ayant commis un acte de violence isolé. Une comparaison des trois groupes en question est établie en fonction de critères sociodémographiques, du type d’infraction, de la durée de la peine et des niveaux de risque et de besoins. L’incidence des conclusions de la recherche sur l’élaboration de programmes et les stratégies d’intervention est aussi traitée brièvement.

Toutes les données sur les délinquantes sous responsabilité fédérale admises entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 2001 sont tirées du Système de gestion des délinquants (SGD) du Service correctionnel du Canada (SCC). Les délinquantes ont été classées dans un des trois groupes suivants : non violentes, a commis une infraction violente isolée, a commis plusieurs infractions violentes (voir le Tableau 1). Aux fins de la présente étude, « violence » s’applique à toute condamnation pour homicide ou pour une infraction mentionnée à l’Annexe I3 et comprend les infractions actuelles et passées.

Groupes de comparaison
  Aucune condamnation passée pour une infraction violente Une condamnation passée pour une infraction violente Plusieurs condamnations passée pour une infraction violente
Aucune condamnation passée pour une infraction violente Non violente A commis une infraction violente isolée A commis plusieurs infractions violentes
Une condamnation passée pour une infraction violente A commis une infraction violente isolée A commis plusieurs infractions violentes A commis plusieurs infractions violentes
Plusieurs condamnations passée pour une infraction violente A commis une infraction violente isolée A commis plusieurs infractions violentes A commis plusieurs infractions violentes

Admissions

Du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2001, 1 995 femmes ont été admises dans un pénitencier fédéral au Canada. Sans compter les femmes sous responsabilité provinciale (n = 423), il reste 1 572 délinquantes, réparties de la façon suivante : 54 % (n = 850) sont non violentes, 22 % (n = 349) ont commis une infraction violente isolée et 24 % (n = 373) ont commis plusieurs infractions violentes. Le Graphique 1 représente la part des délinquantes admises dans un pénitencier fédéral chaque année appartenant à chacun des trois groupes. Chaque année, la majorité des admissions concernaient des délinquantes non violentes. D’ailleurs, la proportion d’admissions de femmes non violentes a connu une augmentation remarquable de 1995 (12 %) à 2001 (21 %). La proportion de femmes admises n’ayant commis qu’une infraction violente isolée a aussi augmenté, passant de 10 % en 1995 à 23 % en 2001. Cependant, la plus grande augmentation concerne le groupe de femmes ayant commis plusieurs infractions violentes, qui est passé de 7 % en 1995 à 25 % en 2001.

Admissions, par groupe, par année

Une analyse des proportions des délinquantes sous responsabilité fédérale dans chaque région a révélé que la majorité de femmes non violentes (44 %) étaient incarcérées dans la région de l’Ontario, et que la majorité des femmes ayant commis une infraction violente isolée (36 %) et des femmes ayant commis plusieurs infractions violentes (32 %) étaient incarcérées dans la région des Prairies.

Information démographique

Les trois groupes sont principalement composés de femmes de race blanche, célibataires et âgées de 26 à 35 ans. Cependant, les différences les plus flagrantes entre les trois groupes concernaient la situation familiale et la composition raciale. Plus précisément, les Autochtones4 représentaient une part très importante des délinquantes ayant commis une infraction violente isolée (32 %) et ayant commis plusieurs infractions violentes (31 %) comparé aux délinquantes non violentes (12 %). En revanche, les femmes de race noire et « autres »5 ethnies représentaient une part beaucoup plus importante de délinquantes non violentes, comparé aux groupes de délinquantes ayant commis une infraction violente isolée ou plusieurs infractions violentes. En ce qui concerne la situation familiale, une plus grande proportion (6 %) de femmes ayant commis une infraction violente isolée étaient veuves, contre 2 % dans le groupe des femmes non violentes et à 2 % dans celui des délinquantes ayant commis plusieurs infractions violentes. Une plus forte proportion de femmes ayant commis plusieurs infractions violentes (43 %) étaient mariées ou en couple, par rapport à 34 % de femmes non violentes et à 35 % de femmes ayant commis une infraction violente isolée. Par contraste, les délinquantes non violentes étaient plus souvent divorcées ou séparées que les femmes ayant commis plusieurs infractions violentes. Il n’y avait aucune différence remarquable entre les âges moyens des femmes appartenant aux différents groupes (34 ans, 33 ans et 32 ans, respectivement).6

Caractéristiques de l’infraction et de la peine

Une étude des catégories d’infractions propres aux trois groupes de délinquantes a permis de relever les infractions à l’origine de la peine actuelle et infractions passées pour lesquelles les délinquantes ont purgé une peine de ressort fédéral. Il se peut qu’une délinquante ait purgé une peine ou purge actuellement une peine pour plusieurs infractions différentes; aux fins du présent rapport, on ne tiendra compte que des infractions à l’origine de la peine actuelle. La plus grande proportion de femmes ayant commis plusieurs infractions violentes purge actuellement une peine pour une infraction non violente quelconque (73 %), voies de fait (49 %) et vol qualifié (47 %). La plupart des délinquantes ayant commis une infraction violente isolée purge actuellement une peine pour une infraction non violente quelconque (46 %) et homicide (40 %). Les délinquantes non violentes purgent actuellement une peine pour une infraction en matière de drogues (72 %) ou une infraction non violente quelconque (57 %).

Comparé aux femmes ayant commis une infraction violente isolée, des taux beaucoup plus importants de femmes ayant commis plusieurs infractions violentes purgeaient des peines pour voies de fait (49 % contre 18 %), vol (47 % contre 21 %), infractions sexuelles (6 % contre 3 %), infractions violentes quelconques (30 % contre 11 %) et infractions non violentes quelconques (73 % contre 46 %). Inversement, un taux plus élevé de femmes ayant commis une infraction violente isolée purgeaient une peine pour homicide que les femmes ayant commis plusieurs infractions violentes (40 % contre 15 %). Ces chiffres ne sont pas étonnants étant donné que les résultats sont regroupés en fonction du nombre et du type d’infractions.

La majorité des femmes non violentes, des femmes ayant commis une infraction violente isolée et de celles ayant commis plusieurs infractions violentes purgent une peine de moins de trois ans (65 %, 56 % et 60 % respectivement). De plus, 13 % des femmes ayant commis une infraction violente isolée et 5 % de celles ayant commis plusieurs infractions violentes purgent une peine d’emprisonnement à perpétuité ou de durée indéterminée. Il n’y avait aucune différence statistique remarquable entre la durée de la peine totale moyenne des trois groupes (2,9 ans, 2,9 ans et 2,8 ans, respectivement).

Facteurs dynamiques du risque et des besoins

Afin de déterminer les besoins criminogènes des délinquantes, on a recueilli les données sur les niveaux de besoins à l’admission pour 1 329 délinquantes. Après examen des sept types de besoin, on a remarqué des différences remarquables entre les trois groupes en ce qui concerne : l’attitude, les relations conjugales, l’orientation personnelle et affective et la toxicomanie. Plus précisément, par rapport aux femmes non violentes, une part beaucoup plus importante de femmes ayant commis une infraction violente isolée ou plusieurs infractions violentes sont considérées comme ayant un « besoin modéré ou manifeste d’amélioration » dans les domaines des relations conjugales, de l’orientation personnelle et affective et de la toxicomanie (voir Graphique 2). En outre, par rapport aux deux autres groupes, les femmes ayant commis plusieurs infractions violentes avaient davantage tendance à présenter un « besoin modéré ou manifeste d’amélioration » dans le domaine de l’attitude.

Un examen des niveaux de besoins et de risques a révélé que la majorité des femmes ayant commis plusieurs infractions violentes présentent un risque moyen mais ont des besoins élevés. En général, les délinquantes ayant commis une infraction violente isolée présentent un risque moyen et ont des besoins modérés. Les délinquantes non violentes présentent un faible risque et ont des besoins modérés. D’autres différences remarquables ont aussi été relevées : comparé aux femmes non violentes (13 %), une proportion beaucoup plus importante de femmes ayant commis une infraction violente isolée (44 %) et de femmes ayant commis plusieurs infractions violentes (51 %) ont un besoin élevé en matière de programmes. Dans le même ordre d’idées, comparé aux délinquantes non violentes (3 %), les délinquantes ayant commis une infraction violente isolée (33 %) et celles ayant commis plusieurs infractions violentes (31 %) avaient davantage tendance à présenter un taux élevé de récidive. En ce qui concerne les niveaux de besoins et de risque généraux, aucune différence notable n’a été relevée entre les femmes ayant commis plusieurs infractions violentes et celles ayant commis une infraction violente isolée.

Besoins élevés, par groupe

Conclusion

L’étude comparative révèle que les femmes ayant commis une infraction violente isolée et celles ayant commis plusieurs infractions étaient les plus semblables. Par exemple, les deux groupes de délinquantes ayant commis des infractions violentes avaient davantage tendance à être Autochtones, à avoir des besoins plus élevés et à présenter plus de risque que les délinquantes non violentes. Le programme Esprit7 du guerrier est un programme culturellement adapté aux délinquantes autochtones violentes qui offre un potentiel immense d’intervention auprès de beaucoup des délinquantes violentes. Tout comme la présente étude, des recherches antérieures8 ont aussi conclu que les délinquantes avaient des besoins élevés en matière de toxicomanie, de relations matrimoniales et familiales et d’orientation personnelle et affective. Ces conclusions ont une incidence importante sur la conception et la prestation de programmes qui ciblent les besoins criminogènes de la population carcérale féminine. Il est aussi évident que les programmes devraient être attribués en fonction du profil des infractions, comme les antécédents criminels et le cycle de délinquance. Comme tel, le niveau d’intensité et le contenu du programme dépendraient de l’ampleur des infractions violentes commises par chaque délinquante. Ce profil illustre une fois de plus les divers niveaux de risque et de besoins au sein de la population carcérale féminine et prouve qu’il est nécessaire d’élaborer un programme de prévention de la violence qui tienne compte de cette diversité.


1 340, av. Laurier ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9

2 SINCLAIR, R.L. et BOE, R. Caractéristiques des femmes d’âge adulte purgeant une peine de ressort fédéral au Canada : Tendances de 1981 à 2002, Rapport de recherche R-131, Ottawa, Ontario, Service correctionnel du Canada, 2002. Voir aussi TREVETHAN, S. « Les femmes incarcérées dans des établissements fédéraux, provinciaux ou territoriaux », Forum— Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol.11, no 3, 1999, p. 9-12.

3 Les infractions de l’Annexe I comprennent mais ne sont pas limitées aux homicides involontaires, tentatives de meurtre, agressions sexuelles, voies de fait, vol qualifié, à l’utilisation d’une arme à feu, au harcèlement criminel et à l’enlèvement.

4 Comprend les Premières nations, les Métis et les Inuits.

5 Comprend les Asiatiques, Chinoises, Asiatiques du Sud et du Sud-Est, Arabes, Indiennes orientales, Hispaniques, Philippines, Sud-Américaines et autres.

6 Les condamnées à perpétuité sont exclues.

7 Élaboré en consultation avec le Native Counseling Services en Alberta, le programme Esprit du guerrier s’est inspiré du programme En quête du guerrier en vous, destiné aux délinquants autochtones. Il a été offert au pénitencier de la Saskatchewan (unité colocalisée pour femmes), au Centre correctionnel pour femmes de Burnaby, à l’établissement d’Edmonton pour femmes et au pavillon de ressourcement Okimaw Ohci. Ses objectifs sont d’aider les femmes à comprendre les effets néfastes de la violence intergénérationnelle et pourquoi elles ont commis des actes de violence. À long terme, il vise à réduire et même éliminer les comportements violents.

8 Op. cit. TREVETHAN, S. 1999. Voir aussi DELL, C.A. et BOE, R. Un examen des facteurs liés au risque et aux besoins entre les détenues autochtones et de race blanche, Rapport de recherche R-94, Ottawa (Ontario), Service correctionnel du Canada, 2000.