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La délation dans les prisons suédoises

Le chercheur suédois Malin Akerström de l'Université de Lund a mené une recherche intéressante sur les méthodes qu'utilisent les détenus pour repérer les délateurs ou les « mouchards » parmi leurs compagnons de cellule. Akerstrom a procédé à des entrevues approfondies avec 104 détenus de neuf prisons suédoises et a décrit les méthodes que les détenus utilisent pour recueillir et interpréter leurs renseignements sur les délateurs. D'après cette étude, l'identification des mouchards constitue une préoccupation constante pour les prisonniers des établissements suédois. Le chercheur y expose dans leurs grandes lignes les techniques complexes auxquelles les détenus ont recours pour repérer ceux d'entre eux qui ne sont pas dignes de leur confiance.

Selon M. Akerstrom, le repérage des délateurs est étroitement lié au contexte dans lequel s'effectue la dénonciation. Celui qui vient de l'extérieur de la prison est davantage perçu comme un « témoin » du milieu plutôt que comme un mouchard. On excuse plus facilement la délation si elle vise à dénoncer des gestes contraires à la moralité ou des individus qui jouissent d'une piètre réputation auprès des autres détenus.

Plusieurs détenus ont l'impression que presque tous leurs co-détenus se sont livrés à des actes de délation alors qu'ils étaient encore en liberté. En milieu carcéral cependant, seul un petit nombre de détenus sont encore considérés comme des «mouchards». L'étude a également permis de constater que les détenus se méfiaient tout particulièrement de ceux qui avaient été mêlés à des histoires de drogues. Les prisonniers qui ont participé à des programmes de réhabilitation forment un second groupe qui est très susceptible d'être accusé de délation. Sachant que leurs compagnons de cellule ont participé à des sessions de thérapie de groupe, plusieurs détenus craignent que les programmes de réhabilitation les incitent à la délation. Par contre, le détenu qui a séjourné dans une prison particulièrement dure se mérite plus facilement le respect de ses compagnons, ce qui le met à l'abri des allégations de mouchardage.

L'étude révèle que les gardiens dont on se méfie habituellement sont considérés comme d'excellents informateurs lorsqu'il s'agit de repérer les délateurs. Les détenus qui parlent aux gardiens, qui bénéficient de privilèges indus ou qui demandent à être isolés courent le risque d'être accusés de délation. En Suède, les détenus ont accès aux transcriptions du tribunal et aux documents d'enquêtes policières dans lesquels ils peuvent retracer des preuves formelles de délation. Ces rapports mentionnent les noms de ceux qui ont fourni des renseignements aux autorités. Certains de ces documents renferment des preuves irréfutables permettant de repérer un mouchard. Il n'est pas rare de voir des détenus conserver leurs propres dossiers; soupçonnés d'être des délateurs, ils peuvent brandir ces documents officiels pour prouver leur innocence.

Les entrevues ont permis d'établir hors de tout doute que les détenus considèrent la délation comme un acte très grave. Parce qu'il était perçu comme un témoin impartial du milieu carcéral et parce qu'il pouvait garantir l'anonymat aux détenus interviewés, le chercheur a pu nous fournir une description inédite d'un phénomène important dans la vie des prisons. On a maintenant la preuve qu'il est possible de mener une recherche approfondie sur les moeurs du milieu carcéral et que les détenus peuvent être des informateurs utiles pour les gens de l'extérieur. Il pourrait être intéressant de mener une recherche sur ce sujet au Canada; on pourrait, par exemple, se demander dans quelle mesure les conclusions de M. Akerstrom peuvent s'appliquer à l'expérience que vivent les détenus dans nos prisons.

Akerstrom, M. (1988). The Social Construction of Snitches. Deviant Behavior, 9:155-167.