Service correctionnel du Canada
Symbole du gouvernement du Canada

Liens de la barre de menu commune

FORUM - Recherche sur l'actualité correctionnelle

Avertissement Cette page Web a été archivée dans le Web.

Le secteur correctionnel communautaire et le syndrome PDMC*

« En 1975, à St-John's (Terre-Neuve), la société John Howard avait la possibilité d'acheter, sur la rue Leslie, une maison qu'elle comptait transformer en maison de transition pour délinquants « non violents »; il lui fallait cependant obtenir l'autorisation du conseil municipal. Le 30 décembre, le conseil municipal accordait à l'organisme un permis d'exploitation de la maison; mais une semaine plus tard, ce même conseil cherchait une façon d'annuler le permis après avoir reçu une pétition longue de 231 noms de résidants de cette rue. Une séance d'information eut lieu en janvier 1976, réunissant les résidants de la rue, les promoteurs du projet et le conseil municipal. Les promoteurs ont fait valoir que la maison n'accueillerait que des délinquants non violents. Les résidants de la rue se disaient toujours très inquiets de la présence d'ex-détenus dans leur voisinage. Cette perspective terrifiait littéralement plusieurs personnes. Les conseillers reconnaissaient avoir été consultés par les promoteurs mais prétendaient n'avoir pas vraiment compris les enjeux réels. Un mois plus tard, le permis était annulé et la société John Howard devait renoncer à son projet et chercher un autre endroit pour ouvrir sa maison(1). »

Cette histoire aurait pu tout aussi bien se passer hier qu'il y a treize ans et dans n'importe quelle ville d'Amérique du Nord. Elle illustre ce qu'il est maintenant convenu d'appeler le syndrome PDMC (pas dans ma cour). Quelles sont les origines de ce syndrome? Que signifie-t-il pour le secteur correctionnel communautaire? Comment s'en débarrasser? Ces questions font inévitablement partie de toute discussion sur les moyens d'améliorer le rôle et la contribution du secteur correctionnel. Qu'est-ce que le secteur correctionnel communautaire? Le secteur correctionnel communautaire comprend plusieurs types de programmes, programmes de diversion, de probation, de libération conditionnelle, de services communautaires et d'amendes optionnelles. La majorité de ces programmes sont administrés de façon très discrète et il y a peu de risques qu'ils suscitent chez le public des inquiétudes apparentées au syndrome PDMC. En fait, peu de gens remarquent la présence, dans leur milieu, d'un probationnaire ou d'une personne effectuant des travaux communautaires. Les libérés conditionnels appartiennent à une classe à part. Ce sont habituellement les délinquants qui ont commis les crimes les plus graves qui nécessitent une mise en liberté progressive par le recours aux maisons de transition. Cependant la mise en liberté surveillée dans une maison de transition est forcément associée à une structure extrêmement visible, cette maison étant souvent située dans un quartier résidentiel. Les délinquants atterrissent littéralement dans la cour de quelqu'un. Les maisons de transition constituent donc l'aspect le plus dérangeant et le plus préoccupant du secteur correctionnel communautaire.

La réadaptation des délinquants n'est pas un concept nouveau. L'idée de garder les délinquants au sein de la communauté remonte à l'époque de la Grèce ancienne, de la Rome antique, et de la Renaissance européenne, où la communauté se chargeait elle-même de punir les criminels(2). Les maisons de transition ne sont pas non plus une invention récente. Les premières maisons de ce genre s'inscrivaient dans la foulée de l'idéalisme religieux et moral; ce sont des groupes comme l'Armée du Salut et les Volunteers of America qui les ont créées dans les années 1 800(3).

Si on se tourne aujourd'hui vers les services correctionnels communautaires c'est qu'on a perdu toute illusion sur la valeur de l'incarcération en tant qu'élément central des systèmes de justice pénale. Tous les pays sont à la recherche de solutions de rechange à l'emprisonnement(4). Si le secteur correctionnel communautaire doit constituer la solution de l'avenir, les responsables de ce secteur devront faire preuve d'énormément de créativité afin de trouver des sanctions intermédiaires offrant une gamme intéressante de possibilités au juge chargé de la détermination de la peine. Et si la maison de transition est appelée à jouer un rôle important, en tant que mesure de semi-détention, il faut à tout prix se débarrasser du syndrome PDMC.

Les coûts de construction et d'opération des prisons sont très élevés; celles-ci sont souvent surpeuplées et, à plusieurs égards, inhumaines. Autre considération importante elles ne semblent pas particulièrement efficaces lorsqu'il s'agit de réadapter les délinquants et de faire fléchir le taux croissant de criminalité. Les services communautaires d'aide et de traitement sont appelés à remplir certaines fonctions de réadaptation que les établissements sont incapables d'offrir.

Pour les délinquants non violents, les centres résidentiels communautaires peuvent constituer une solution de rechange valable à l'emprisonnement. Les foyers de groupe mis à la disposition des délinquants violents répondent aux besoins à long terme de la société et permettent de promouvoir leur intégration progressive à la vie sociale et économique de la collectivité, une fois qu'ils ont purgé une partie de leur peine en prison. Ces maisons constituent une solution de rechange intéressante dans la mesure où elles permettent de surveiller les délinquants tout en atténuant les effets néfastes d'une mise à l'écart de la collectivité.

La recherche portant sur les attitudes du public à l'égard du secteur correctionnel communautaire est encore sporadique mais certains indices permettent de penser que le public est tout à fait d'accord, en principe, avec les buts humanitaires que poursuivent les maisons de transition(5). Les problèmes surgissent lorsque les communautés sont appelées à mettre leurs bonnes intentions en pratique. L'idée des maisons de transition pour délinquants violents est particulièrement difficile à faire accepter. Au Canada Les autorités correctionnelles fédérales et provinciales financent toutes deux les maisons de transition. L'Ontario à elle seule soutient financièrement 56 maisons de ce genre. Les maisons de transition provinciales accueillent généralement les délinquants relevant de leur juridiction, c'est-à-dire les jeunes contrevenants et les délinquants condamnés à deux ans moins un jour d'emprisonnement.

Les maisons de transition financées par le fédéral reçoivent les délinquants purgeant des peines de deux ans ou plus. Au Canada, on dépense chaque année environ 25 millions de dollars pour loger quotidiennement i 200 détenus fédéraux dans 170 maisons de transition(6). La plupart de ces maisons sont dirigées par des organismes privés, selon des normes établies par le Service correctionnel du Canada.

Le Service correctionnel du Canada (SCC) et les organismes correctionnels des gouvernements provinciaux s'efforcent de travailler en collaboration afin de favoriser la multiplication et l'exploitation efficace des maisons de transition ou des centres résidentiels communautaires (CRC)(7). Ces centres résidentiels communautaires (et les maisons de transition en général) sont indispensables car ils constituent: a)une solution de remplacement valable aux formes traditionnelles d'incarcération;

b)un lien entre les services offerts en établissement et ceux qui sont offerts au sein de la collectivité;

c)une incitation à l'innovation et au changement au sein du secteur correctionnel;

d)une oeuvre à laquelle la collectivité et les citoyens peuvent participer(8).
Pour que les services correctionnels communautaires remplissent efficacement ces fonctions, les délinquants ne doivent pas simplement habiter dans un quartier mais s'y intégrer. S'ils sont maintenus dans l'isolement, ils ne pourront établir de liens valables avec les autres, objectif premier du secteur correctionnel communautaire.

On a déjà clairement démontré l'importance de l'emplacement de la maison de transition. C'est aussi une question de bon sens. Si les maisons de transition étaient situées en milieu rural éloigné, loin des possibilités d'emploi et des programmes de traitement, elles cesseraient d'être des solutions de remplacement intéressantes à l'incarcération. Quelles sont les attitudes du public à l'égard des maisons de transition? Compte tenu du syndrome PDMC, il faut d'abord se demander si ces résidences peuvent nuire à la collectivité dans laquelle elles sont situées. De nombreuses études ont démontré que les foyers de groupe pour personnes souffrant de problèmes mentaux, pour personnes vivant avec un handicap physique et pour personnes âgées n'ont aucun effet négatif sur les quartiers résidentiels(9). L'incidence des maisons de transition ou des foyers de groupe correctionnels est moins bien connue.

Ce qui est clair cependant, c'est que placés devant la possibilité d'avoir un CRC dans leur quartier, les gens risquent fort de présenter des symptômes du syndrome PDMC(10). Trois raisons expliquent cette réaction : la façon dont ils perçoivent les délinquants et les attitudes qu'ils entretiennent à leur égard sont fort peu réalistes; ils ont peur du crime et pensent que le fait de vivre à proximité de délinquants augmente les risques auxquels ils sont exposés; ils craignent également qu'un foyer de groupe entraîne une dégradation du quartier et une baisse de la valeur des propriétés.

Quoique peu nombreuses, les recherches canadiennes portant sur cette question indiquent que la présence d'une maison de transition ne semble avoir aucune incidence sur le taux de criminalité du quartier dans lequel cette maison est située(11). De plus, la valeur des propriétés fluctue dans tous les quartiers et aucune recherche n'a pu établir que ces fluctuations étaient liées d'une façon ou d'une autre à la présence d'une maison de transition. L'ignorance pourrait fort bien expliquer les réticences du public. Fait intéressant : les gens qui connaissent l'existence d'un foyer de groupe dans leur quartier ont moins tendance à penser que la valeur des propriétés est menacée ou que le taux de criminalité va en augmentant que ceux qui n'en sont pas informés(12).

Fait encore plus intéressant : la majorité des résidants des quartiers où se trouve une maison de transition ignorent son existence(13). Cela n'a rien d'étonnant car la plupart des maisons de transition se font délibérément discrètes dans le milieu(14). Les raisons sont fort simples : les résidants de la maison s'efforcent habituellement de s'adapter à la vie en collectivité et il serait contraire à leurs intérêts de chercher à se faire remarquer. A long terme, la communauté correctionnelle a tout avantage à faire en sorte que les maisons de transition soient aussi anonymes que possible de façon à éviter tout problème de relations publiques(15).

Étant donné que les gens ignorent habituellement l'existence d'une maison de transition dans leur quartier, la résistance de l'opinion publique peut probablement s'expliquer par le fait que certains incidents isolés et largement publicisés impliquaient des détenus de foyers de groupe, ce qui a suscité peur et indignation. Cet argument vaut tout autant pour les quartiers qui possèdent un foyer de groupe que pour ceux qui n'en ont pas. En fait, certaines personnes sont farouchement opposées aux maisons de transition tant qu'elles n'en ont pas une près de chez elles; elles se rendent compte alors que leurs craintes sont pour la plupart non fondées et se transforment en voisins accueillants(16).

Lorsqu'un meurtre ou un délit de voies de fait se produit dans une communauté, les médias attirent l'attention du public sur les lieux et les circonstances entourant l'incident tragique. Naturellement, si l'incident met en cause un libéré conditionnel ou un ex-délinquant, il est possible que tout le processus de justice pénale soit remis en question. Dans le même ordre d'idée, lorsqu'une tragédie se produit dans une maison de transition ou qu'un crime est commis par l'un des résidants, il n'est pas impossible que le public se pose des questions sur les circonstances ayant mené à cet incident. Cela ne signifie cependant pas que les voisins vont réclamer la fermeture immédiate de la maison de transition.

En fait, par suite du meurtre de Celia Ruygrok, une surveillante de nuit à la maison Kirkpatrick, une maison de transition pour hommes située à Ottawa, la Société John Howard a tenu des séances de discussion « portes ouvertes » aux-quelles ont assisté les voisins et les citoyens que cela préoccupait. Les participants à ces rencontres ont fait plusieurs suggestions utiles pour améliorer le fonctionnement de la maison. Deux des voisins qui s'intéressaient à la prévention de telles tragédies sont par la suite devenus membres du conseil d'administration de la Société. Gerald Ruygrok, le père de Celia, n'a cessé depuis de faire campagne en faveur de normes élevées de professionnalisme et de formation du personnel au sein du secteur correctionnel communautaire. Les répercussions du syndrome PDMC Aucune recherche ne s'est intéressée aux effets destructeurs des préjugés qu'entretient le public à l'endroit du secteur correctionnel communautaire. Il est difficile d'évaluer l'influence qu'a la population sur les politiques du milieu correctionnel communautaire. Voici quelques-unes des avenues qu'il pourrait être intéressant d'explorer: La détermination de la peine
  • Les juges répugnent-ils à imposer des peines communautaires dans les cas où les délinquants font la manchette de l'actualité ou pour certains types de délits, même s'ils en reconnaissent la valeur?
  • La possibilité de s'attirer des critiques à la suite de comptes rendus incomplets ou exagérés des médias peut-elle influencer les juges et les inciter à ne pas imposer de peines communautaires?
  • Lors d'un sondage d'opinion publique réalisé pour le compte de la Commission canadienne sur la détermination de la peine, on proposait deux solutions au problème du surpeuplement des prisons : construire davantage de prisons ou condamner un plus grand nombre de délinquants à des peines autres que l'emprisonnement. Interrogés sur la façon dont le gouvernement devrait dépenser ses sommes d'argent, 70 % des répondants ont dit préférer la dernière option(17). Cette réponse nous indique que les Canadiens sont favorables, du moins en principe, au secteur correctionnel communautaire. Certains indices permettent également de croire que le public canadien est plutôt sympathique aux maisons de transition(18). Plusieurs groupes de discussion organisés par deux sociétés de sondage au cours des deux dernières années ont d'ailleurs confirmé ces appuis. Ces sentiments sont-ils connus de l'organisation judiciaire? Peuvent-ils influencer le processus de détermination de la peine?
La libération conditionnelle
  • Les critiques reprochent souvent aux bureaux de libération conditionnelle de garder secret le processus décisionnel relatif à la mise en liberté. Si le processus devait être plus ouvert, les pressions du public donneraient-elles moins de latitude aux décideurs; ces derniers pourraient-ils encore prendre le risque d'accorder la mise en liberté dans certains cas extrêmes?
  • Les maisons de transition accueillent principalement des délinquants non violents parce que la collectivité a signifié clairement que les délinquants violents n'étaient pas les bienvenus dans ces maisons et que les décideurs ne devaient prendre aucun risque, mais que devons-nous faire avec les délinquants violents? Seul le détenu condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité peut être emprisonné pour le reste de sa vie, s'il est un cas à risque. Tous les autres détenus doivent être remis en liberté à un moment donné. Le syndrome PDMC ou la peur qu'éprouve le public constituent des obstacles à la mise en liberté progressive; en l'absence de programmes de transition pour les délinquants, la société se retrouvera aux prises avec des problèmes encore plus graves.
Que pouvons-nous faire? Pour construire l'avenir, il faut partir de la réalité actuelle et chercher par tous les moyens à améliorer les aspects positifs des centres résidentiels communautaires et à en éliminer les aspects négatifs(19). La recherche de moyens incombe à ceux qui exploitent les maisons de transition et à ceux qui les financent, ainsi qu'aux principaux intervenants du système de justice pénale qui contrôlent le processus d'admission des délinquants dans les centres correctionnels communautaires.

Le public fera confiance aux maisons de transition dans la mesure où elles bénéficieront de l'appui inconditionnel et ostensible des autorités correctionnelles. C'est-à-dire, dans la mesure où elles posséderont les ressources dont elles ont besoin pour offrir aux délinquants les traitements et le support leur permettant de réintégrer la collectivité. Les maisons de transition doivent offrir des services mais elles doivent surtout posséder un personnel qualifié capable d'offrir aide et assistance aux délinquants dans tous les domaines développement personnel, counseling ou même sécurité(20). Si, comme le prouvent les études, les Canadiens sont sympathiques au secteur correctionnel communautaire, nous devons accepter de défrayer les salaires et la formation d'un personnel qualifié, affecté aux maisons de transition et autres centres résidentiels communautaires. Cela signifie que les autorités du secteur correctionnel, responsables du financement des maisons de transition, doivent offrir des salaires suffisamment élevés pour attirer et garder des professionnels qualifiés. Un taux de roulement élevé du personnel menace la qualité du service ainsi que la sécurité du public et, à long terme, devient potentiellement dangereux pour la communauté.

Au-delà des mesures actuelles visant à minimiser les risques pour la collectivité, il est important d'amener le public à prendre conscience des réalités et du rôle important que peut jouer le secteur correctionnel communautaire. Comme les gens s'intéressent habituellement à la situation des délinquants uniquement lorsque leur sécurité ou celle de leurs biens semblent menacées, ce sont les professionnels du secteur correctionnel qui doivent s'efforcer d'obtenir l'appui et la participation de la communauté. Cela dit, il s'agit maintenant de déterminer quels éléments doivent prédominer lors d'une campagne d'éducation populaire.

Il faut sans doute d'abord s'attaquer à l'inquiétude que ressent le public au sujet de sa sécurité. Il faut mettre fin aux mythes entourant la population carcérale canadienne et le pourcentage de délinquants ayant commis des crimes graves contre la personne, éventuellement remis en liberté après avoir séjourné dans des centres résidentiels communautaires. Une deuxième question importante touche à la durée moyenne du séjour dans les CRC et aux politiques régissant ces décisions. Il peut s'avérer extrême-ment difficile d'éviter une réaction PDMC lorsqu'il s'agit de programmes de mise en liberté pour délinquants violents et (ou) pour délinquants sexuels qui constituent une proportion importante de notre population carcérale. Il est bien sûr extrêmement important d'amener le public à comprendre que c'est précisément ce groupe qui a tout avantage à être placé en liberté surveillée.

En deuxième lieu, il faut expliquer ouvertement et honnêtement le processus utilisé pour déterminer si un délinquant est apte à réintégrer la collectivité; ces discussions permettront au public de comprendre que, sans être infaillible, le processus de sélection exige beaucoup de discernement et de longues recherches. (Il peut s'avérer difficile d'expliquer pourquoi des délinquants présentant des niveaux de risque extrêmement élevés sont automatiquement placés en liberté surveillée).

Troisièmement, il faut informer le public des résultats des recherches portant sur le rôle que peuvent jouer les prisons dans la réadaptation des délinquants ainsi que sur le coût et l'efficacité de l'incarcération par comparaison à un séjour dans un centre résidentiel communautaire. Les experts en opinion publique sont presqu'un animes à reconnaître que le public est habituellement assez ouvert sur ces questions et qu'il est intéressé à trouver des solutions pratiques et rentables aux problèmes.

Quatrièmement, il faut faire comprendre à la population que les services correctionnels communautaires sont une forme de traitement efficace qui a fait ses preuves et non pas un geste de clémence. Des recherches sur l'efficacité des traitements communautaires peuvent nous aider dans cette démarche.

Cinquièmement, les spécialistes du secteur correctionnel devront expliquer les effets négatifs que peut avoir l'incarcération sur certains individus et sur la collectivité dans son ensemble. Cet argument prend tout son sens si on le rattache aux dépenses qu'entraînent l'incarcération des délinquants non violents, la dépendance éventuelle des individus à l'égard du système et leur inaptitude à vivre en communauté. Il faut insister sur les avantages qu'offrent le secteur correctionnel communautaire et les maisons de transition ils n'exigent pas le maintien d'établissements coûteux avec un personnel nombreux et offrent aux délinquants la possibilité d'occuper un emploi et de se livrer à des activités productives(21). Conclusion Le syndrome PDMC refait surface en plusieurs circonstances, qu'il s'agisse de la construction de logements à prix modiques(22), de logements adaptés aux besoins de personnes souffrant de problèmes mentaux, de résidences pour personnes âgées ou de maisons de transition pour criminels. Il s'agit presque toujours d'un symptôme de peur, découlant principalement de l'ignorance. Quelques renseignements supplémentaires peuvent suffire à faire disparaître ces symptômes. Un public mieux informé peut devenir beaucoup plus conciliant.

Il y a plus de vingt ans, l'American Correctional Association avait proposé que les maisons de transition soient situées dans les meilleurs quartiers possibles, s'ils étaient prêts à les accueillir(23). En d'autres mots, ce sont les attitudes de la population qui déterminent l'endroit où pourront se situer les centres correctionnels communautaires. Il est difficile de dire dans quelle mesure cette situation a évolué depuis le milieu des années 60.

La sensibilisation du public et la modification des attitudes sont des processus à long terme. La recherche est un outil d'information indispensable. Nous devons constamment procéder à des études qualitatives et quantitatives afin de nous assurer que les gens n'entretiennent pas d'attentes irréalistes à l'égard du secteur correctionnel en général et du secteur correctionnel communautaire en particulier et qu'ils ne sont pas influencés par des idées fausses et des renseignements inexacts. Il s'agit là d'un objectif à long terme mais prioritaire qui exige un financement adéquat.



Shereen Benzvy-Miller est criminologue et avocate. Elle a participé de très près, a titre d'experte-conseil, a l'élaboration des politiques dans les domaines de la détermination de la peine et du secteur correctionnel. Madame Benzvy-Miller est membre du conseil d'administration de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry et d'un centre pour personnes handicapées à Ottawa. Elle travaille présentement a la Direction de la recherche du Service correctionnel du Canada en tant que conseillère principale en recherche.

(1)Zeitoun, L. (1976): « The Development of Community-based Residential Centres in Canada », extrait d'un discours prononcé lors de la Première conférence internationale sur le traitement prévu dans les centres communautaires pour les défavorisés et les stigmatisés sociaux, Université du Surrey, Guildford, Surrey, Royaume-Uni.
(2)Smykla, J.O. (1981). Community-based Corrections : Principles and Practices, New York: MacMillan, 7.
(3)Smykla, page 12.
(4)En fait, le huitième Congrès des Nations-Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui aura lieu à La Havane, en 1990, s'intéresse à la recherche de sanctions valables autres que la détention.
(5)Environics (1989). « Qualitative Investigation of Public Opinion on Sentencing, Corrections and Parole », Focus Canada, septembre 1989 et Groupe de discussion Decima, Toronto, 27 avril 1988; voir également Doeren, S. and Mary H. (1982): Community Corrections, Cincinnati: Anderson Publishing Co., 16.
(6)Crawford, T. «Halfway Houses : Pleading a case with society », The Toronto Star, 20 février 1988.
(7)Aux fins de cette discussion, nous ne ferons aucune distinction entre les centres résidentiels communautaires (CRC) et les centres correctionnels communautaires (CCC), administrés par le Service correctionnel du Canada lui-même.
(8)Centres correctionnels communautaires et centres résidentiels communautaires. Étude comparative de leur utilisation, rapport préparé conjointement par la Commission nationale des libérations conditionnelles et le Service correctionnel du Canada, mars 1989.
(9)Kappel, B. (1986): Community Impact Study: The Effect of Locating Correctional group Homes in Residential Neighborhoods, (Toronto), Institut canadien de formation, mémoires présentes devant le groupe de travail sur le logement adapté à des besoins spéciaux à Ottawa, 1987 jusqu'à de jour.
(10)L'étude Focus Canada de la société Environics, publiée en septembre 1989, confirme cette affirmation.
(11)Kappel, B. (1986). Community Impact Study, 45.
(12)Kappel, B. (1986). Community Impact Study, 45. Voir également Bureau de Toronto de l'Association canadienne pour la santé mentale (1986). Objet: Campagne de l'automne 1986; et Goodale, T. et Wichware, S. (1979). « Group Homes and Property Values in Residential Areas», Plan Canada, 19/2, 162.
(13)Kappel a découvert que seulement 11 % des résidants d'un quartier où se trouve une maison de transition en connaissent l'existence.
(14)Les employés de la maison Fergusson, un foyer de groupe pour femmes adultes ayant eu des démêlés avec la justice, ont qualifié de minimales les interactions du foyer avec la communauté environnante. En dehors des voisins immédiats qui viennent demander si leur fils peut utiliser le panier de basketball, les seules personnes qui viennent à la maison sont des bénévoles ou des gens qui ont de la sympathie pour les résidants et qui veulent faire des dons de vêtements ou d'articles ménagers. Mis à part ces contacts, les résidants utilisent les services sociaux et les autres installations communautaires à peu près de la même façon que les familles du quartier.
(15)Lors d'une discussion informelle avec le personnel de la maison Mcphail, un foyer de groupe pour jeunes contrevenantes en détention ouverte, on a expliqué à l'auteur de cet article qu'on s'efforçait de contenir le nombre de décibels lors des «barbecue» dans la cour et de garder celle-ci propre afin d'éviter de déranger les voisins. il s'agit là d'un exploit car, comme tout parent peut en témoigner, il n'est pas toujours facile de convaincre des résidantes âgées de quinze et seize ans, d'adopter de tels comportements; mis à part certains problèmes, ces adolescentes sont comme toutes les autres et pourraient être les filles de n'importe quel résidant du quartier.
(16)English, K. (1986). «Neighbors happy with group homes - Once bitter opposition dissolves as homes run without problem », The Sunday Star, 26 octobre 1986.
(17)Doob, A.N. and Roberts, J. V. (1987). «Public Attitudes Toward Sentencing in Canada» in Walker, N. and Hough, M Sentencing and the Public, London: Gower.
(18)Environics (1989). « Qualitative Investigation of Public Opinion on Sentencing, Corrections and Parole»' Focus Canada, septembre 1989, et Groupe de discussion Decima, Toronto, 27 avril 1988.
(19)MacNeil, J. et Kappel, B. (1986). Executive Summary, Community Impact Study : The Effects of Locating Correctional Group Homes in Residential Neighborhoods, 18
(20)Ces remarques s'inspirent de nos discussions avec le personnel de la maison Mcphail et de la maison Fergusson, deux résidences pour délinquantes administrées par la Société Elizabeth Fry d'Ottawa.
(21)Smykla (1981), 49.
(22)Glannone, F. (1989). «Ignorance, Meanness typify NIMBYs», The Toronto Star, 31 mai 1989.
(23)American Correctional Association (1966). Manual of Correctional Standards, College Park, Maryland: The Association, 137.