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Les traitements de santé mentale en établissement correctionnel

Les travailleurs du milieu correctionnel sont nombreux à croire que le traitement de santé mentale n'est généralement pas très efficace, que les détenus souffrant de troubles mentaux devraient être logés dans des unités psychiatriques spéciales jusqu'à la fin de leur peine où ils seront d'ailleurs réadmis peu de temps après avoir obtenu leur congé.

C'est pour vérifier ces hypothèses que M.A. Conroy, chercheur et chef des services médico-légaux aux États-Unis, a réalisé, de novembre 1980 à mai 1987, une étude en deux étapes au Medical Centre for Federal Prisoners (MCFP) afin d'évaluer le comportement des détenus après leur départ de l'établissement.

Aux États-Unis, le système carcéral fédéral comprend trois grandes unités de services psychiatriques pour les délinquants de sexe masculin. Le MCFP, situé à Springfield (Missouri), est l'établissement le plus important. Son service psychiatrique compte 294 lits répartis entre deux unités : une unité de 178 lits pour patients internes dont l'état est critique et une unité de 116 lits pour les patients de la clinique externe. Le centre doit effectuer des évaluations médico-légales pour les cours fédérales et des évaluations pré-admissions pour le système fédéral.

Avant d'être admis à l'unité de traitement pour patients internes du centre médical, le délinquant fait l'objet d'un examen approfondi. Deux des trois médecins qui participent à l'évaluation doivent confirmer qu'il souffre d'une grave maladie mentale répertoriée dans le Diagnostic Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-III), qu'il doit être traité dans un établissement psychiatrique et que le traitement en clinique externe n'a aucune chance de réussite.

Entre novembre 1979 et mai 1987, 2 744 délinquants ont été transférés au MCFP pour évaluation, dans l'attente d'un traitement éventuel. Seulement 47,3 % des personnes renvoyées pour traitement psychiatrique ont été effectivement admises à l'unité psychiatrique pour patients internes. Les autres 52,7 % ont été admises à l'unité externe pour une période de 30 jours après la première évaluation, au cas où d'autres symptômes seraient apparus. Si, à la fin de cette période, aucun autre trouble mental ne surgit, les délinquants sont renvoyés à la prison.

La majorité des délinquants admis à l'aile psychiatrique du MCFP étaient incapables de fonctionner au sein de la population carcérale normale avant leur transfèrement. Les autres détenus transférés au MCFP étaient simplement décrits par l'établissement comme étant « trop bizarres et trop dérangeants pour demeurer au sein de la population carcérale ».

Au moment de leur admission, environ 75 % des délinquants avaient reçu un diagnostic de psychose grave. Les autres souffraient de dépression passagère, d'anxiété ou de troubles organiques.

Au cours de la première étape de l'étude de Conroy, des questionnaires ont été envoyés à l'établissement d'accueil, 60 jours après le départ des détenus du MCFP. Le personnel devait évaluer les réactions des délinquants à leur environnement et leur stabilité mentale.

Les résultats de la première étape démontrent qu'au cours des sept années et demie d'étude, entre 78 et 90 % des délinquants réadmis dans un établissement correctionnel régulier après traitement au MCFP étaient décrits par le personnel comme fonctionnant bien au sein de l'établissement. Pour cette même période, le psychologue de l'établissement a évalué que, dans 88 à 98 % des cas, les détenus avaient conservé leur équilibre mental ou même amélioré leur état mental.

La seconde étape de l'étude s'est déroulée entre 1984 et 1987. Elle avait pour objectif d'évaluer l'efficacité des traitements dispensés aux patients hospitalisés au MCFP. Des questionnaires ont été envoyés à la prison six mois après l'élargissement du délinquant. Les questions portaient sur le rendement au travail du délinquant, l'entretien de ses quartiers, ses interactions avec les autres détenus, ses dossiers de comportement, ses soins de suivi, le cas échéant, et son aptitude à demeurer au sein d'une population régulière.

Les résultats indiquent que, pour cette période de suivi de quatre ans, 87 à 100 % des patients élargis ont reçu pour leur travail une appréciation moyenne ou au-dessus de la moyenne, et qu'entre 90 et 96 % d'entre eux gardaient leur cellule dans un état de propreté moyen ou supérieur à la moyenne. D'après les agents de gestion des cas, 63 à 79 % de ces patients ont des aptitudes à la vie sociale moyennes ou supérieures à la moyenne; entre 8 et 9 % d'entre eux ont été condamnés pour deux manquements à la discipline ou moins, la majorité n'affichant aucune infraction de ce genre, et 73,9 % des délinquants ont bénéficié de soins de suivi dans les six mois suivant leur mise en liberté.

Fait intéressant, surtout si l'on considère que la plupart des délinquants traités au MCFP étaient isolés du reste de la population carcérale avant leur transfèrement, la majorité des délinquants n'ont pas réclamé ou exigé l'isolement dans les six mois suivant leur départ du MCFP.

Autre découverte intéressante sur les 2 744 délinquants transférés au MCFP au cours des sept années et demie de l'étude, soit pour y être évalués soit pour y être traités, seulement 173 ont été réadmis.

Conclusion générale de l'étude Conroy : à la suite du traitement en établissement psychiatrique, les délinquants souffrant de troubles mentaux et de comportement peuvent avoir avantage à poursuivre leur traitement tout en purgeant le reste de leur peine dans un établissement correctionnel régulier.

Au cours de la dernière année, Conroy a élargi sa recherche pour y inclure un suivi des délinquants qui, après avoir reçu leur traitement, ont été confiés à d'autres organismes ou réintégrés dans la collectivité.


Conroy, M. (1990). Mental Health Treatment in the Federal Prison System: An Outcome Study. Federal Probation, mars, 44-47.