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Comprendre le « délinquant violent perturbé »

Les délinquants violents perturbés ont toujours représenté un défi de taille pour les chercheurs, en partie parce qu'ils constituent un groupe difficile à isoler et à étudier. Bon nombre de crimes commis par des délinquants perturbés ressemblent aux crimes commis par des délinquants non perturbés. De plus, les liens entre problèmes de santé mentale et violence varient, même chez une seule personne.

Dans un livre récent, intitulé The Disturbed Violent Offender, Hans Toch et Kenneth Adams ont proposé une vue d'ensemble systématique et une typologie des délinquants violents ayant des antécédents de problèmes de santé mentale.

Selon les auteurs, cette typologie a pour but de permettre aux observateurs « de se faire une idée plus précise des délinquants violents et de les comparer en fonction de caractéristiques qu'eux et leurs collègues jugent inquiétantes ».

Toch et Adams ont commencé leur étude par l'identification des délinquants ayant été condamnés, sentencés et incarcérés à la prison de New York aux États-Unis au cours de la période allant de janvier à décembre 1985.

Au cours de cette période, 12 764 délinquants ont été admis dans les pénitenciers de New York. De ce nombre, 8 379 ont été condamnés pour des infractions violentes aux termes de la loi mais dont quelques-unes échappent habituellement à cette définition. Dans l'État de New York, il existe des degrés dans les vols avec effraction et dans les vols qualifiés qui tiennent compte du fait que la victime a été menacée ou blessée physiquement ou non.

Les auteurs ont comparé la liste des délinquants violents de leur échantillon aux dossiers conservés au Office of Mental Health de l'État de New York. Ces dossiers comprennent une liste de toutes les personnes qui ont été hospitalisées ou qui ont reçu des traitements en clinique externe dans un établissement psychiatrique géré par l'État. L'analyse a permis d'établir 1 833 comparaisons. Les dossiers individuels de traitement permettaient de connaître la nature et la gravité des problèmes de santé mentale de chacun.

Les auteurs se sont ensuite adressés au ministère des Services correctionnels de l'État de New York. Les renseignements recueillis au cours de l'incarcération et du processus de classification fournissaient un portrait précis des antécédents de santé mentale et criminels du détenu. Les dossiers correctionnels contenaient des renseignements nouveaux sur la nature des traitements prodigués à certains patients ayant une histoire médico-légale et dont on ignorait les antécédents et sur certains patients souffrant de troubles mentaux qui n avaient pas encore été identifiés comme tels.

Les 1 307 délinquants faisant partie de l'échantillon ont été reclassés en trois groupes d'antécédents de santé mentale toxicomanie (n=83), problèmes psychiatriques (n=540), et combinaison de problèmes psychiatriques et de toxicomanie (n=141). Les délinquants et les clients du système judiciaire n'ayant jamais eu de traitement de santé mentale constituaient le groupe comparatif (n=544).

L'analyse statistique a permis de dégager un certain nombre de résultats précis. Ces résultats indiquaient entre autres que les délinquants ayant des antécédents de problèmes de santé mentale, en particulier les toxicomanes, possédaient « des dossiers criminels beaucoup plus chargés » que les autres délinquants. Selon ces données, les délinquants ayant des antécédents psychiatriques avaient une fois et demie plus de chances d'être arrêtés pour des infractions avec voies de fait que le groupe comparatif.

Les toxicomanes étaient beaucoup plus susceptibles d'être condamnés pour possession ou vente de drogues et conduite avec facultés affaiblies. Ils étaient également enclins aux vols avec effraction et à des infractions contre les biens. Tous les groupes de délinquants ayant des antécédents de problèmes de santé mentale avaient participé à un plus grand nombre d'infractions nuisibles que le groupe comparatif.

Les résultats permettaient également d'établir des liens entre la toxicomanie et le genre de crimes commis par les délinquants. Les alcooliques étaient davantage mêlés à des crimes d'incendie, à des voies de fait et à des comportements imprudents; ils troublaient plus souvent l'ordre public et conduisaient avec facultés affaiblies. Par contre, les toxicomanes étaient plus susceptibles d'être mêlés à des vols avec effraction et à des problèmes de drogues incluant la possession ou le trafic de la marijuana.

Comme l'indique le graphique, le groupe n'ayant aucun antécédent de traitement de santé mentale comprend une plus grande proportion de délinquants n'ayant jamais commis d'infraction violente (38,5 %) alors que le groupe qui combine problèmes psychiatriques et toxicomanie voit cette proportion chuter jusqu'à 22,7 %.



Graphique 1
Graphique 1
De plus, le groupe ayant des antécédents de toxicomanie ainsi que le groupe ayant des antécédents et de toxicomanie et de problèmes psychiatriques ont tendance à afficher des incidences de violence remontant pour la plupart à un passé lointain (44,6 et 51,1 % respectivement). Les trois groupes de santé mentale ont une incidence de violence supérieure à celle du groupe comparatif, les délinquants ayant des problèmes psychiatriques étant les champions et de la violence récente et de la violence passée (18,9 %).

Après avoir fourni une description détaillée des délinquants violents perturbés, les auteurs sont passés à la deuxième partie de leur recherche: le classement par catégories.

Les typologies de délinquants

Les quatre groupes (problèmes psychiatriques, problèmes psychiatriques et toxicomanie, toxicomanie et groupe comparatif) ont été répartis en un certain nombre de typologies. Entre autres exemples de typologies, mentionnons : le voleur avec effraction impulsif, le voleur avec effraction compulsif, l'agresseur d'âge mûr, le délinquant sexuel perturbé, l'alcoolique violent et le voleur clochard.

Comme le font remarquer Toch et Adams, le groupe comparatif n'est ni dans la catégorie « perturbé » ni dans la catégorie « sain d'esprit ». Les auteurs insistent sur le fait qu'il existe un continuum entre la maladie mentale et la santé mentale, et que c'est au cours de cette progression qu'il faut intervenir.

Tout au long de leur analyse, les auteurs rappellent que les problèmes de santé mentale et les comportements se modifient avec le temps, tout comme la relation entre les deux. Tenant compte de la complexité de la santé mentale, les auteurs font référence et aux antécédents criminels et aux antécédents psychiatriques. Ces antécédents s'appuient sur des expériences types, communes à certains groupes de personnes.

La recherche avait pour but de décrire certains modèles de comportement de façon à repérer à temps les actes criminels et les symptômes justifiant qu'il y ait diagnostic et traitement. De cette façon, il deviendrait alors possible d'identifier les délinquants perturbés et (ou) engagés dans la criminalité.

Le fait de découper le comportement du délinquant en ses divers éléments facilite l'élaboration des programmes de traitement. Par exemple, les infractions presque toujours commises à la fin d'un programme ont des conséquences différentes de celles qui sont commises en cours de traitement de santé mentale ou avant diagnostic.

Les problèmes de la détermination de la peine et des programmes

En guise de conclusion à leur étude sur le délinquant violent perturbé, les auteurs se sont intéressés au problème de la détermination de la peine s'appliquant aux délinquants extrêmement perturbés mais peu violents. Ils se sont ensuite penchés sur les programmes pour délinquants extrêmement perturbés et extrêmement violents.

Le problème soulevé par la détermination de la peine, selon Toch et Adams, c'est que certains détenus sont d'abord perturbés avant de devenir délinquants et qu'ils sont traités comme s'ils étaient perturbés parce que délinquants. Les personnes souffrant de troubles mentaux sont privées de traitement mais, pire encore, ils doivent fonctionner dans un milieu difficile avec des capacités d'adaptation limitées. (Pour pousser plus loin cette réflexion, voir H. Toch, Men in Crisis. Human Breakdowns in Prison, 1975).

Ce qui complique l'élaboration de programmes, c'est le fait que le délinquant violent perturbé s'adapte mal à l'environnement d'un hôpital moderne. Le délinquant ne peut quitter l'hôpital avant que l'on ait acquis la certitude qu'il n'est plus dangereux, même s'il ne semble plus perturbé.

En milieu carcéral, le délinquant perturbé fait face à deux problèmes. Il doit participer à la plupart des activités régulières, c'est-à-dire se conformer à des directives et prendre part aux programmes, et il se voit imposer une étroite cohabitation dans un milieu qui n'apprécie guère l'excentricité.

Toch et Adams insistent pour que les établissements carcéraux précisent l'aide qu'ils peuvent offrir aux malades mentaux. On reconnaît que l'exercice est difficile dans la mesure où il n'existe pas de distinction nette entre services de réadaptation et services de santé mentale.

Le fait de partager les délinquants en groupes homogènes permet d'offrir des communautés thérapeutiques aux délinquants aux prises avec des problèmes semblables. Au sein de l'établissement carcéral, Toch et Adams réclament également des installations spéciales pour les détenus troublés ou perturbés. Ce genre d'installation permet une plus grande souplesse et permet également d'alléger les routines au besoin. Pour éviter le cloisonnement entre le personnel des services de santé mentale et celui du secteur correctionnel, Toch et Adams proposent la création d'équipes au sein desquelles les deux groupes pourront collaborer. Le détenu profite également de ce travail d'équipe du seul fait qu'il perd l'étiquette de « malade » qui lui est apposée lorsqu'il est traité par le personnel des services de santé mentale.

Les auteurs croient que ce genre de collaboration doit être mis à l'essai. Le délinquant violent perturbé exige des soins interdisciplinaires et la collaboration de plusieurs organismes. Qui plus est, les établissements doivent offrir des programmes et services qui tiennent compte de la complexité de la personne humaine.

Il faudra pousser plus loin la recherche si l'on désire concevoir des modèles adaptés aux délinquants aux prises avec des problèmes multiples. Il est à souhaiter que les travaux de Toch et Adams amènent d'autres chercheurs à s'intéresser à ces questions passionnantes et encore relativement peu explorées.



Toch, H. et Adams, K. (1989). The Disturbed Violent Offender. Binghamton, New York, Vail-Ballou Press.