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Contrôler le phénomène de l'autopunition : une priorité en santé mentale

Une étude récente réalisée à la Prison des femmes de Kingston s'est intéressée à trois aspects du comportement autodestructeur - la réaction aux blessures, la diminution des blessures et le dépistage du suicide. Au cours d'une étude préliminaire réalisée en février 1989, ces trois aspects sont ressortis comme étant les principaux problèmes à examiner.

L'étude avance comme hypothèse que le comportement autodestructeur est une stratégie d'adaptation, résultat de l'exploitation (habituellement sexuelle) subie au cours de l'enfance. Les recommandations de l'étude ont servi à concevoir un programme de thérapie offert par la Prison des femmes de Kingston aux détenues qui s'en prennent à elles-mêmes.

Selon le modèle élaboré au cours de l'étude préliminaire (voir l'encadré), le comportement autodestructeur vise à réduire l'anxiété. Se référant à ce modèle, l'étude a permis d'établir que les réactions du milieu carcéral à l'autodestruction ne pouvaient pas aider et pouvaient même nuire à la santé mentale des détenues.

Les données relatives au comportement autodestructeur ont été recueillies au cours d'entrevues avec les détenues, avec le personnel préposé à la sécurité et avec d'autres groupes intéressés à cette question. Soixante-quatorze pour cent des 45 détenues interrogées ont reconnu avoir été victimes d'exploitation au cours de leur enfance; 50 % ont avoué avoir été exploitées sexuellement et physiquement; 28 % n'ont signalé qu'une exploitation sexuelle et 22 % que des sévices corporels. L'étude révèle que ces statistiques sont plutôt conservatrices car certaines femmes sont réticentes à parler de l'exploitation sexuelle qu'elles ont subie dans leur enfance à un intervieweur qu'elles ne connaissent pas, tandis que d'autres utilisent le silence comme mécanisme de défense.

Parmi les femmes abusées au cours de leur enfance, 76 % ont avoué ressentir encore des difficultés émotives.

Vingt-six (soit 59 %) des 44 détenues interviewées ont reconnu qu'elles avaient tendance, ou qu'elles avaient déjà eu tendance, à s'auto-punir. De ce nombre, 73 % ont avoué avoir été abusées sexuellement au cours de l'enfance. Pour les raisons mentionnées ci-dessus, ces chiffres sont considérés comme plutôt conservateurs.

Ces statistiques ne suffisent cependant pas à déterminer avec précision l'ampleur du phénomène de l'autopunition à la Prison des femmes de Kingston. Les femmes qui ont avoué avoir eu des comportements autodestructeurs n'avaient pas toutes eu ce genre de comportement récemment ou de manière régulière. Ce qui est clair cependant, c'est que le comportement autodestructeur constitue un problème pour un grand nombre de femmes détenues, à un moment ou l'autre de leur incarcération.

Le modèle affirme que l'auto-punition est le point culminant d'une crise. Par conséquent, il est peu probable qu'une détenue s'en prenne à elle-même une fois la crise terminée. Pourtant, à la Prison des femmes, celles qui se sont blessées volontairement ont été placées en isolement, immédiatement après avoir quitté les services de santé. Il était ainsi plus facile de contrôler leurs faits et gestes avant qu'elles ne soient évaluées par un psychologue. Il arrive souvent que les détenues passent la nuit ou la fin de semaine en cellule d'isolement, ce qui risque de déclencher chez elles une nouvelle crise d'angoisse.

Aucune question ne portait directement sur l'isolement mais 39 des 44 détenues interrogées ont abordé d'elles-mêmes le sujet. Trente-huit d'entre elles ont affirmé que l'isolement était une mesure inadéquate. Bon nombre de détenues perçoivent cette pratique comme une forme de punition.

Certaines questions portaient également sur le comportement suicidaire, mais l'auteur a fait remarquer que l'autopunition n'était pas un comportement du même type. Cependant, de nombreuses recommandations portant sur l'autopunition pouvaient aussi s'appliquer au comportement suicidaire, surtout celle d'éviter l'isolement.

Le programme de thérapie

Les résultats de cette étude servent de lignes directrices pour l'élaboration d'un programme de thérapie pour les femmes qui s'infligent volontairement des blessures à la Prison des femmes de Kingston. L'étude révèle qu'il est plus facile de réprimer les comportements autodestructeurs en les abordant comme des signes de détresse émotive plutôt que comme un problème de sécurité. C'est donc au service de counseling qu'il faut avoir recours plutôt qu'aux services de sécurité.

Toujours d'après les constatations de l'étude, les femmes qui se blessent volontairement cherchent souvent un support émotif auprès de leurs compagnes. Cet appui devrait être reconnu et même intégré dans un programme de formation destiné aux détenues.

Le modèle entend réprimer les comportements autodestructeurs en remplaçant les mesures de contrôle par des stratégies d'adaptation plus positives. Mais d'ici à ce que ces stratégies soient en place, les programmes doivent mettre l'accent sur la maîtrise de soi.

Le programme de thérapie par l'entraide s'efforce de tenir compte des facteurs qui sont à l'origine de l'autopunition (les situations qui engendrent un sentiment d'isolement et d'impuissance) et des méthodes de counseling utilisées.

Le programme de thérapie prévoit la constitution d'une équipe de 11 codétenues prêtes à s'entraider, 24 heures par jour. Ces conseillères jouissent également d'un encadrement et d'une formation durant toute la durée du programme.

Le programme résout les problèmes de logistique découlant du fait que les deux psychologues de l'établissement ne sont pas disponibles 24 heures par jour, tout en permettant d'exploiter le réseau d'entraide déjà en place. Le programme soulage également de certaines pressions le personnel correctionnel à qui on demande de prévenir et de traiter les cas d'autodestruction, même s'il n'a aucune formation en psychologie.

Le programme de thérapie s'efforce d'utiliser les ressources déjà disponibles tout en veillant à ce que la santé mentale des détenues demeure la priorité absolue. L'étude démontre que les programmes doivent s'attaquer aux causes et non seulement aux manifestations visibles d'un problème. En plus de favoriser la mise en place d'un programme de thérapie, l'étude a fait ressortir la nécessité d'entreprendre d'autres projets de recherche sur l'efficacité des systèmes d'aide aux détenues.


Heney, J. (1990). Report on Self-Injurious Behaviour in the Kingston Prison for Women. Rapport présenté au Service correctionnel du Canada.