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Portrait-robot du jeune contrevenant
Le premier dossier de ce numéro suit l'évolution de la criminalité
juvénile au Canada et la replace dans le contexte du secteur correctionnel fédéral.
Une discussion détaillée du sujet auquel est consacré ce numéro de FORUM les
premiers indices de la délinquance - suit. Le deuxième dossier fait le point sur les
facteurs qui rendent un enfant susceptible d'adopter un comportement asocial ou délinquant, en
plus d'expliquer le développement de ces comportements. Le troisième et dernier dossier
présente le sujet de façon plus concrète, c'est-à-dire en reprenant les
conclusions d'une vaste étude longitudinale canadienne visant les enfants agressifs et le
résultat d'un programme de traitement mis au point à l'intention de ces enfants. Cet article(1) consiste en un portrait-robot des adolescents qui comparaissent devant les tribunaux de la jeunesse; il rend compte des accusations portées contre eux et des mesures prises par les tribunaux. Dans le but de préciser la nature du jeune contrevenant récidiviste(2), les auteurs font le point sur la récidive chez les adolescents. En guise de conclusion, les auteurs abordent la question de l'influence directe des adolescents renvoyés au tribunal pour adultes ainsi que des conséquences éventuelles de ces renvois pour le secteur correctionnel fédéral. Les données fournies dans cet article sont tirées de l'Enquête sur les tribunaux de la jeunesse (ETJ) menée par le Programme de la justice pour les jeunes du Centre canadien de la statistique juridique (CCSJ). Cette enquête se résume à un recensement des accusations portées en vertu du Code criminel et de lois fédérales qui ont été entendues par les tribunaux de la jeunesse des provinces et des territoires visés. Malheureusement, ce n'est que récemment que l'Ontario et les Territoires du Nord-Ouest ont entrepris de participer à l'enquête. L'Ontario est complètement exclu des données fournies ici tandis que les Territoires du Nord-Ouest ne sont inclus que dans le profil de l'année en cours (1989-1990), et non dans les comparaisons historiques. En outre, il n'est pas à exclure que l'information fournie par certaines autorités puisse être incomplète. Il ne faut donc pas partir du principe que les données fournies dans cet article sont concluantes. Facteurs liés au nombre de causes
Le nombre d'adolescents comparaissant chaque année devant les tribunaux de la jeunesse varie
en fonction de plusieurs facteurs : les méthodes employées par la police pour porter
accusation, la politique de tri avant la comparution en vigueur dans la province ou le territoire,
l'importance des ressources dont dispose l'appareil de justice pénale, le nombre de causes en
instance au tribunal, et le nombre de cas qui finiront ou non par un procès.
En 1989-1990, quelque 37 000 adolescents(3) ont comparu devant les tribunaux de la jeunesse.
Quatre-vingt trois pour cent d'entre eux étaient des jeunes hommes. La plupart (57 p. 100)
étaient âgés de 16 ans et plus tandis que 32 p. 100 avaient 14 ou 15 ans et il p.
100 en avaient 12 ou 13. Ces proportions ont peu varié depuis 1986-1987.
L'infraction contre les biens est demeurée l'accusation la plus grave portée contre la
plupart des adolescents (62 p. 100) qui ont comparu devant les tribunaux de la jeunesse en 1989-1990.
Dans environ 18 p. 100 des cas, l'accusation la plus grave portée contre un jeune était
une infraction avec violence. Les adolescents accusés en vertu du Code criminel
constituaient environ 10 p. 100 de l'échantillon tandis que ceux inculpés en vertu de
la Loi sur les jeunes contrevenants en représentaient 6 p. 100. Des accusations
liées à la consommation de drogue pesaient contre 4p. 100 des jeunes(4).
En 1989-1990, à peu près quatre adolescents sur cinq comparaissant devant les tribunaux
de la jeunesse furent jugés coupables d'au moins une infraction(5). Dans environ 16 p. 100 des
cas, les instances ont été suspendues ou abandonnées; dans 4p. 100 des cas, un
verdict de non-culpabilité a été rendu ou l'accusation a été
retirée. Moins de 1 p. 100 des cas ont été renvoyés au tribunal pour
adultes ou réglés d'une autre façon.
En 1989-1990, les adolescents devant répondre, comme accusation la plus grave, à une
infraction liée à la consommation de drogue ou à une infraction à une
autre loi fédérale risquaient davantage d'être jugés coupables que les
adolescents accusés d'une infraction d'une autre nature. Ainsi, le taux de condamnation des
adolescents accusés d'une infraction liée à la consommation de drogue s
élevait à 86 p. 100. À titre de comparaison, le taux de condamnation des
adolescents accusés d'avoir enfreint la Loi sur les jeunes contrevenants était
de 65 p. 100.
Le décompte des personnes ou le décompte des causes permet de caractériser les
peines imposées par les tribunaux de la jeunesse. Dans le cas présent, on a opté
pour le décompte des causes comme unité d'analyse car une personne peut
comparaître au tribunal, dans des instances différentes, plus d'une fois la même
année (1,6 cause par personne en 1989-1990). Le décompte des personnes constituerait
donc une sous-estimation des verdicts de culpabilité rendus. Graphique 1 Chez les jeunes hommes, la diminution de la proportion de verdicts de culpabilité a suivi la tendance générale (de 75 à 71 p. 100). Chez les jeunes femmes, le nombre de verdicts de culpabilité est tombé de 71 à 67 p. 100. Les jeunes femmes étaient donc un peu moins susceptibles d'être reconnues coupables que leurs homologues masculins. Nature des décisions rendues par les tribunaux de la jeunesse(6)
En 1989-1990, à peu près la moitié des décisions les plus graves rendues
par les tribunaux de la jeunesse était des modalités de probation. Environ le quart (23
p. 100) était des modalités de détention, en milieu ouvert ou fermé; 14
p. 100 étaient des amendes tandis que 8 p. 100 des accusés se sont vu imposer
l'exécution de travail communautaire. Dans 4p. 100 des cas, une absolution inconditionnelle a
été accordée tandis que dans 3 p. 100, d'autres dispositions ont
été prises. Comme l'indique le graphique 2a, entre 1986-1987 et 1989-1990, les tribunaux de la jeunesse ont plus souvent imposé la détention courte en milieu fermé que des peines plus longues. Graphique 2a Par exemple, la proportion d'ordonnances de garde en milieu fermé de moins d'un mois est passée de 18 p. 100 de l'ensemble des ordonnances de garde en milieu fermé en 1986-1987 à près de 25 p. 100 en 1989-1990. Durant la même période, le nombre de peines de six mois ou plus a chuté du tiers de l'ensemble des peines imposées en 1986-1987 à environ un quart en 1989-1990. Garde en milieu ouvert
La tendance est la même pour les ordonnances de garde en milieu ouvert. Ainsi, la proportion
d'ordonnances de garde en milieu ouvert de courte durée a augmenté entre 1986-1987 et
1989-1990 tandis que la proportion de peines plus longues a diminué. Graphique 2b Le nombre de peines de six mois ou plus a chuté du tiers de l'ensemble des peines en 1986-1987 à un peu moins du quart en 1989-1990. Décisions rendues selon la nature de l'infraction
Entre 1986-1987 et 1989-1990, la majorité (63 p. 100) des décisions les plus graves
rendues par les tribunaux de la jeunesse visaient des infractions contre les biens, principalement
des accusations d'introduction par effraction et de vol de moins de 1 000 dollars.
Entre 1986-1987 et 1989-1990, les décisions comportant la garde (en milieu ouvert et en milieu
fermé) ont constitué 22 p. 100 des peines les plus lourdes imposées par les
tribunaux. Il s'agissait pour la plupart de cas de meurtre ou d'homicide involontaire coupable (88 p.
100), de tentative de meurtre (81 p. 100), d'évasion d'un lieu de détention ou de
défaut de comparaître (61 p. 100) et de vol qualifié (51 p. 100).
La nature du jeune récidiviste a fait l'objet d'une étude spéciale basée
sur les données de l'ETJ collectées en 1988-1989. Les résultats qui suivent sont
les premières conclusions sur la récidive chez les jeunes contrevenants. Graphique 3 Aussi, il était moins probable que la peine la plus lourde imposée aux récidivistes soit une période de probation (38 p. 100 comparativement à 57 p. 100 pour les délinquants primaires). Peu importe l'âge de l'accusé, les récidivistes risquaient une peine plus lourde que les délinquants primaires. En 1988-1989, plus des deux tiers des jeunes contrevenants qui ont dû purger une détention en milieu fermé étaient des récidivistes. Les deux tiers de ceux condamnés à une détention en milieu ouvert l'étaient également. Comparativement, 70p. 100 des jeunes contrevenants mis en probation étaient des délinquants primaires, de même que 60p. 100 de ceux auxquels une amende ou un travail communautaire a été imposé et environ 75 p. 100 de ceux qui ont été visés par d'autres dispositions. Aussi, les peines imposées aux jeunes contrevenants âgés de 16 et 17 ans, tant aux délinquants primaires qu'aux récidivistes, étaient plus lourdes que celles imposées aux contrevenants plus jeunes. Dans le cas des récidivistes, la sévérité de la peine augmentait généralement avec le nombre de condamnations. Par exemple, lors de sa première condamnation, la peine la plus lourde que risquait de se voir imposer le récidiviste, à raison de deux chances sur trois, était une ordonnance de probation. Par contre, au bout de quatre condamnations, il n'avait plus qu'une chance sur trois d'être mis en probation. De même, au bout de quatre condamnations, le jeune contrevenant avait deux chances sur cinq d'être mis en probation. Ce risque, pour les contrevenants ayant moins de condamnations à leur dossier, était nettement moindre. En revanche, le nombre de condamnations antérieures n'avait généralement pas d'incidence sur la durée de la détention imposée à un récidiviste, sur les modalités de probation ou sur le montant de l'amende imposée par le tribunal. Par ailleurs, c'est généralement lors de la première condamnation, et non des condamnations ultérieures, que la peine imposée était la plus longue, ce qui est peut-être dû au fait que les peines imposées dans les années suivant l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants étaient généralement plus longues qu'elles ne le sont aujourd'hui (la première condamnation des récidivistes d'aujourd'hui remonte à cette époque). Conséquences pour le secteur correctionnel fédéral
Rares sont les fois où des causes impliquant des adolescents sont renvoyées au tribunal
pour adultes. En fait, le nombre de causes renvoyées a baissé considérablement
entre 1986-1987 (77), et 1989-1990 (26) (l'Ontario et les Territoires du Nord-Ouest étant
exclus). Cette diminution a forcément entraîné une baisse du nombre d'adolescents
dont la peine peut être administrée par le secteur correctionnel
fédéral.
Les caractéristiques des jeunes contrevenants ont très peu changé au cours des
quelques dernières années. Pour la plupart, les jeunes contrevenants ont
été reconnus coupables d'infractions contre les biens. Dianne Hendrick et Marc Lachance sont tous deux conseillers principaux au service du Programme de la justice pour les jeunes du Centre canadien de la statistique juridique. Ils s'occupent principalement de diriger et de contrôler les opérations entreprises dans le cadre de l'Enquête sur les tribunaux de la jeunesse, d'analyser et d'interpréter les données recueillies par le biais de l'enquête et de rendre compte de leurs conclusions. A ce dernier chapitre, ils sont responsables de la préparation, en vue de leur diffusion publique, de nombreux rapports et bulletins, intitulés Juristat qui sont consacrés à divers sujets. On peut déjà obtenir, en s'adressant au Programme de la justice pour les jeunes, des statistiques sur les tribunaux de la jeunesse pour 1990-1991. Dernièrement, le Programme de la justice pour les jeunes a entrepris des recherches intéressantes et longuement attendues sur la récidive chez les jeunes contrevenants. Les résultats de ces recherches ont été présentés ci-avant. Ces recherches devraient se poursuivre. (1)Les résultats présentés dans cet article ont déjà paru dans les bulletins Juristat publiés par le Centre canadien de la statistique juridique. (2)La Loi sur les jeunes contrevenants a remplacé la Loi sur les jeunes délinquants en 1984. L'entrée en vigueur de la nouvelle loi a eu notamment pour effet de modifier la définition de « jeune contrevenant » (ou jeune délinquant). Auparavant, un jeune contrevenant devait avoir au moins sept ans et au plus entre 16 et 18 ans, selon les différentes juridictions du pays. En vertu de la nouvelle loi, l'âge minimum a été fixé à 12 ans. Un an après l'entrée en vigueur de la Lai, la limite d'âge a été fixée à 17 ans pour l'ensemble du pays. À partir de 18 ans, une personne est considérée adulte. (3)Aux termes de l'ETJ, une personne est un adolescent contre lequel pèse au moins une accusation qui aura été réglée durant l'exercice. Un adolescent contre lequel pèse des accusations qui sont réglées par les tribunaux d'une même province plus d'une fois durant l'exercice n'est compté qu'une seule fois. Les données fournies dans ce profil sont préliminaires; on prévoit une augmentation d'environ 3p. 100 dans le décompte par personne de 1989-1990. (4)Aux fins de l'ETJ, les accusations portées contre les adolescents sont classées selon leur gravité. Ainsi, un adolescent accusé de plus d'une infraction dans une instance ne sera compté qu'une seule fois, dans la catégorie correspondant à l'infraction la plus grave. (5)Les verdicts rendus par les tribunaux dans les causes impliquant des adolescents sont classés selon leur gravité. Ainsi, un adolescent qui aura été trouvé coupable et non coupable la même année ne sera compté que dans la catégorie coupable. (6)La « décision » renvoie à la décision la plus grave prise dans une cause donnée. La gravité de la décision est mesurée par les conséquences qu'elle a pour le jeune contrevenant. « L'ensemble des décisions » correspond au cumul des décisions les plus graves (lourdes). (7)La médiane marque le milieu d'une distribution, c'est-à-dire la variable qui est précédée et suivie d'un nombre égal d'éléments. (8)La portée de cette enquête se limitait aux adolescents coupables d'au moins une infraction aux lois fédérales en 1988-1989 qui avaient déjà été trouvés coupables d'une infraction par le même tribunal en 1988-1989 ou dans les années suivant l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants en 1984. L'analyse de la récidive exclut la Nouvelle-Écosse, pour des raisons techniques, ainsi que l'Ontario et les Territoires du Nord-Ouest. |