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Polémique sur le rapport entre le rang social et la criminalité

Selon le domaine dans lequel les gens oeuvrent, leurs avis quant à l'importance du rang social du point de vue de la criminalité et de la justice pénale sont souvent partagés. Alors que certains affirment qu'il existe un lien entre le rang social et la criminalité, d'autres soutiennent que l'appartenance à une classe sociale plutôt qu'à une autre n'a rien a voir avec la criminalité et ne vaut pas d'être mise en cause.

Pour marquer le lancement de la rubrique Opinions et comptes rendus, FORUM a invité deux universitaires bien connus à polémiquer sur ce rapport entre le rang social et la criminalité.

Ross Hastings, de l'Université d'Ottawa, affirme qu'il est impensable de parler de criminalité sans aborder la question du rang social. Don Andrews, de l'Université Carleton, est d'avis que le rang social et la criminalité sont deux questions distinctes. Le secteur correctionnel et la distinction de classe Ross Hastings
Faculté de criminologie, Université d'Ottawa

De plus en plus, les criminologues conviennent de l'importance d'un retour à la criminologie appliquée. Plus précisément, ils manifestent le désir de s'attaquer à des domaines plus limités, mais aussi plus précis.

Pour leur part, les défenseurs de la théorie de la réadaptation invoquent davantage la primauté de la personne plutôt qu'une réforme attribuable aux circonstances. Quant aux criminologues critiques, ils préfèrent miser sur les collectivités locales et la collaboration entre organismes plutôt que sur les rapports entre classes.

Malheureusement, la volonté concertée d'agir n'est pas animée par une perspective théorique commune. Il en résulte de nombreux débats virulents et, il faut le dire, parfois très futiles. Exemple probant si jamais il en fut, la polémique de l'heure sur l'importance du rang social.

À mon avis, la réponse est simple : le rang social a indubitablement une incidence considérable sur le taux de criminalité et de victimisation au sein de diverses classes sociales. Il faut cependant commencer par démontrer comment se manifeste l'importance du rang social.

Selon les résultats de récents travaux sur la réadaptation, il semble que le comportement criminel est attribuable à des différences individuelles, mais qu'il est possible d'élaborer des programmes visant à compenser ces différences et donc à limiter la récidive. Pourtant, il est rare que ces travaux mettent en évidence le rapport entre ces facteurs et le rang social.

L'importance des différences individuelles est indéniable. Or, la répartition de ces différences n'est pas un effet du hasard. Les différences qui font « toute la différence » sont beaucoup plus répandues au sein de certains groupes sociaux en raison des pressions sociales et économiques qui s'exercent sur eux.

Il ne faut pas non plus se contenter de reconnaître l'importance de l'origine sociale; il faut également en tenir compte dans les analyses que nous faisons et dans les moyens que nous concevons pour parer au crime. Tant que nous ne le ferons pas, il est peu probable que les programmes visant la réadaptation des délinquants s'avèrent très efficaces, principalement parce qu'ils ne seront pas à la mesure des situations problématiques que doivent surmonter chaque jour les délinquants.

Ainsi, même si les programmes de réadaptation aideront certaines personnes pendant un certain temps, ils ne seront pas tellement utiles, à long terme, pour enrayer la criminalité et rendre les collectivités plus sûres et plus dynamiques. L'origine socio-économique et le comportement criminel individuel Don Andrews
Faculté de psychologie, Université Carleton

La répartition inégale des richesses, du pouvoir et du prestige au sein de la société constitue un problème de taille qui a parfois des conséquences individuelles et familiales tragiques. La pauvreté et l'abus de pouvoir ne sont pas tolérés, et les efforts déployés en vue de répartir plus équitablement les richesses et le pouvoir sont très prisés.

Quoiqu'on ne puisse nier l'importance de ces facteurs, il n'existe pas pour autant de corrélation importante entre l'origine sociale et la criminalité, pas plus que l'origine sociale ne permet de prévoir la délinquance. Ainsi, l'édifice de la criminologie sociale, qui repose sur les tensions entre les classes, les sous-cultures, les distinctions et les perspectives critiques et marxistes du comportement criminel individuel, menace de s'effondrer faute de fondement empirique.

Il suffit de songer aux vastes études quantitatives sur les documents qui abordent la question. En 1978, Tittle, Villimez et Smith se sont penchés sur certaines études empiriques et en ont conclu que la corrélation moyenne entre l'origine sociale et la criminalité est d'environ -0,09. Une corrélation si faible n'étaye pas tellement les théories concernant les différences entre les classes sociales.

Selon Rolf Loeber et ses collègues, si l'on s'appuie sur l'origine sociale plutôt que sur la chance (deviner) pour prédire la délinquance, l'amélioration relative des chances d'avoir raison est d'environ 18 p. 100 - là encore, le rapport entre l'origine sociale et la criminalité est faible.

Dans le cadre d'une étude effectué en 1991, Gottfredson, McNeil et Gottfredson se sont intéressés aux caractéristiques socio-économiques dans les quartiers. Ils ont conclu qu'elles avaient une incidence négligeable sur la criminalité.

En somme, l'hypothèse voulant que l'origine sociale - déterminée par des indices liés aux parents, aux études, à la profession et à la situation financière ou par les caractéristiques socio-économiques des quartiers - et la criminalité soient liées est toujours sans fondement empirique.

Les variables les plus importantes du comportement criminel des particuliers sont les facteurs personnels, interpersonnels, familiaux et structurels et culturels qui dépendent de l'ensemble de la personnalité et des perspectives socio-psychologiques du comportement criminel.