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L'espérance de vie des employés du Service correctionnel du Canada(1)

La Direction de l'évaluation du Service correctionnel du Canada a récemment entrepris une étude sur l'espérance de vie des agents correctionnels (Cx) afin de déterminer si le métier d'agent correctionnel comporte un risque professionneL Cette étude a consisté en une comparaison de l'espérance de vie des employés du Service correctionnel du Canada, et particulièrement des Cx, à celle des autres fonctionnaires.

Perspective de la recherche

L'espérance de vie, ou données de mortalité, des agents correctionnels a été analysée grâce à une méthode statistique dite de l'analyse de la survie ou, plus précisément, modèle de hasards proportionnels. L'analyse de la survie est une méthode d'analyse statistique qui est employée pour calculer l'intervalle entre deux moments, par exemple la naissance et le décès (espérance de vie).

Les méthodes d'analyse statistique conventionnelles, comme le calcul de la durée moyenne entre deux moments, ne pouvaient pas être employées pour cette étude à cause du grand nombre de facteurs qui compliquent la recherche. Par exemple, l'événement intéressant, c'est-à-dire le décès dans ce cas, ne se produit pas pour tous les sujets pendant la période où ceux-ci sont sous observation; en outre, la période d'observation réelle n'est pas forcément la même dans tous les cas. Autrement dit, tous les sujets ne prennent pas leur retraite ou ne meurent pas le même jour, pas plus qu'ils ne naissent ni ne commencent à travailler le même jour.

Les données sur lesquelles est fondée cette étude ont été extraites d'une base de données informatisée sur les pensions de retraite que conserve le ministère des Approvisionnements et Services. Ce système de gestion permet au ministère de rester en contact avec ses clients pour leur faire verser certaines sommes d'argent, en l'occurrence des prestations de retraite (rentes et allocations annuelles). Les données analysées se rapportaient à tous les fonctionnaires fédéraux (exception faite des membres de la Gendarmerie royale du Canada et des Forces canadiennes) qui, depuis 1974:

  • se sont retirés de la fonction publique fédérale (le cas échéant, ils touchent une pension différée ou une rente immédiate);
  • sont décédés dans l'exercice de leurs fonctions;
  • sont en congé d'invalidité de longue durée.

En tout, le fichier de donnés sur les pensions de retraite qui a été compilé réunissait les dossiers de 148 850 personnes, dont 3 851 s'étaient retirées du Service correctionnel du Canada. De celles-ci, 1 422 étaient classifiées agents correctionnels (catégorie Cx). À cause de la répartition par sexe très inégale dans l'organisme, particulièrement par le passé, l'étude ne s'est penchée que sur les retraités de sexe masculin.

Analyse des données de survie

Afin de refléter adéquatement la structure relative des données de survie des agents correctionnels retraités, il faut comparer ces données à celles sur les retraités d'autres classifications de la fonction publique fédérale. Il est logique de commencer par comparer les retraités du Service correctionnel du Canada classifiés Cx aux retraités du même Service qui n'étaient pas classifiés Cx ainsi qu'à l'ensemble des fonctionnaires retraités, sans distinction selon le ministère ou la classification.

Les chercheurs ont commencé par estimer la distribution des données de survie des trois groupes. Comme le montre la figure 1, la courbe de survie du groupe classifié Cx chute légèrement plus rapidement que celle des retraités de l'ensemble de la fonction publique, indiquant par là que les retraités du groupe Cx vivent en moyenne (valeur médiane) un peu moins longtemps que les autres retraités de la fonction publique. Par ailleurs, la courbe de survie des retraités du Service correctionnel non classifiés Cx tombe moins abrupte-ment que celle du groupe réunissant tous les autres fonctionnaires fédéraux, ce qui signifie que les retraités du Service correctionnel qui ne sont pas classifiés Cx ont une espérance de vie plus longue. On peut donc conclure que les retraités du Service correctionnel sont répartis en deux groupes -l'un qui se situe légèrement en-dessous de la courbe projetée pour l'ensemble des fonctionnaires fédéraux et l'autre qui se trouve légèrement au-dessus.



Figure 1
Figure 1
Les données de survie des trois groupes sont regroupées autrement à la figure 2. Ce graphique permet d'interpréter les espérances de vie de chaque groupe dans un contexte plus général, c'est-à-dire en les comparant à celles de l'ensemble des Canadiens (à la naissance, à 20 ans et à 35 ans) d'après le Recensement du Canada de 1986.


Figure 2
Figure 2
Une analyse comparative de l'espérance de vie des agents correctionnels retraités et de l'ensemble de la population a révélé que dans l'ensemble, les agents correctionnels de sexe masculin peuvent s'attendre à vivre un peu plus longtemps que le Canadien moyen. Les agents correctionnels sont en moyenne âgés de 36 ans au moment où ils entrent au Service correctionnel du Canada. On peut considérer qu'il s'agit là d'un âge avancé pour commencer à travailler, mais il ne faut pas négliger que bien des agents correctionnels sont des membres retraités de forces armées qui amorcent une seconde carrière. Pour cette raison, le groupe qui se prêtait le mieux à une analyse comparative des agents correctionnels de sexe masculin était celui des Canadiens de sexe masculin âgés de 35 ans. Dans l'ensemble de la population canadienne, les hommes à 35 ans peuvent s'attendre à vivre encore 40 années jusqu'à, en moyenne, l'âge de 75,21 ans.

Ainsi, comme le montre la figure 2, l'espérance de vie des agents correctionnels excède de plusieurs années celle du Canadien moyen de sexe masculin. La comparaison de l'espérance de vie des agents correctionnels à celle des employés du Service correctionnel qui ne sont pas classifiés Cx ainsi qu'à celle de l'ensemble des fonctionnaires révèle que les agents correctionnels risquent de décéder un an plus tôt. Cependant, le commentaire qui suit établit que ces deux différences n'ont pas de signification statistique.

Analyse statistique

Le modèle de hasards proportionnels Cox a été employé pour comparer statistiquement l'espérance de vie des agents correctionnels à celle des individus des deux autres groupes. Le premier modèle comparait deux catégories de retraités du Service correctionnel du Canada: les agents correctionnels retraités (classifiés Cx) et les autres retraités du Service (classifiés autre que Cx). Le second modèle comparait les agents correctionnels retraités (Cx) à l'ensemble des autres fonctionnaires retraités.

Il a fallu tenir compte de plusieurs facteurs extérieurs (variables indépendantes) dans l'élaboration de ces modèles statistiques. Les facteurs suivants ont été contrôlés statistiquement: l'âge en début d'emploi, les années de service, la raison de la retraite (âge, démission, santé, décès) et la classe sociale (fonction du niveau de revenu). Le contrôle de ces facteurs était nécessaire pour les raisons suivantes.

D'une part, toute analyse globale doit tenir compte du fait que les fonctionnaires fédéraux débutent leur carrière à des âges qui varient considérablement selon les personnes. Ces écarts d'âge considérables en début de carrière peuvent fausser les estimés de survie, c'est pourquoi il faut les contrôler. Toutes choses égales d'ailleurs, les personnes qui commencent à travailler à un âge plus avancé ont une espérance de vie légèrement plus longue puisqu'elles ont déjà survécu à tous les risques que courent les jeunes.

D'autre part, il a fallu tenir compte des années de service (différence entre l'âge en début de carrière et l'âge à la retraite). Là encore, les fonctionnaires fédéraux se retirent à des âges qui varient considérablement; il a donc été possible de tenir compte des années de service comme facteur indépendant et d'en estimer l'incidence sur l'espérance de vie. Il s'est avéré précieux d'avoir pu contrôler les années de service parce que cette variable a permis de vérifier si, comme le veut l'hypothèse, l'emploi ou la profession des gens influe d'une quelconque façon (conditions de travail ou mode de vie) sur leur espérance de vie. On s'attendrait à une corrélation positive entre les années de service et l'espérance de vie (quand l'un augmente, l'autre suit), même lorsque compte est tenu de l'âge d'entrée en fonction. Un rapport négatif entre les années de service et la survie laisserait supposer que la profession a pour effet, d'une façon ou d'une autre, de réduire l'espérance de vie. Le cas échéant, les personnes qui ont le plus d'ancienneté, toutes autres proportions gardées d'ailleurs, auraient une espérance de vie moindre.

En outre, on pourrait naturellement penser qu'il existe un rapport entre le motif de la retraite et l'espérance de vie. En particulier, on pourrait s'attendre que la répartition des données de survie soit moindre dans le cas des travailleurs qui décèdent dans l'exercice de leurs fonctions. On pourrait également penser que les personnes qui se retirent pour des raisons de santé ont une espérance de vie plus courte que celles qui démissionnent de leur plein gré ou qui prennent leur retraite parce qu'elles ont atteint un certain âge.

Enfin, les recherches passées sur la mortalité ont fait ressortir qu'il existe un rapport étroit entre l'espérance de vie et la classe sociale. Puisque le niveau de revenu est en Amérique du Nord l'un des indicateurs les plus probants du rang social, on s'attendrait que les personnes qui gagnent très bien leur vie aient une espérance de vie plus longue que ceux qui sont moins bien nantis.

Conclusions tirées de l'analyse statistique

Les analyses faites au moyen des deux modèles d'analyse des données de survie ont révélé que l'âge d'entrée en fonction professionnelle, les années de service et le niveau de revenu sont statistiquement significatifs et qu'ils ont une incidence positive sur la survie. Ainsi, les personnes qui gagnent un revenu élevé peuvent s'attendre à vivre plus longtemps que celles qui gagnent moins bien leur vie. La dernière variable, le motif de la retraite, a également une signification statistique, mais celui-ci joue négativement sur la survie. Ainsi, comme on le devine, les personnes qui meurent avant leur retraite ou qui se retirent pour des raisons de santé ont une espérance de vie moindre.

Toutefois, les comparaisons statistiques qui présentent le plus d'intérêt sont celles qui rapprochent les agents correctionnels (Cx) retraités et les retraités des deux autres groupes. Le premier modèle comparait les agents correctionnels retraités (Cx) aux retraités du Service correctionnel du Canada qui n'étaient pas classifiés Cx. Comme le montre la figure 2, les agents correctionnels ont une espérance de vie légèrement plus courte que les employés du Service correctionnel qui ne sont pas classifiés Cx. En revanche, après le contrôle de toutes les variables indépendantes mentionnées ci-dessus, il n'est pas resté de différence statistique entre les deux groupes, ce qui signifie que les Cx et les non-Cx ont une espérance de vie essentiellement égale. D'après ce résultat, la légère différence de longueur de l'espérance de vie des deux groupes est le fait de variables indépendantes qui ont été contrôlées, et non d'un risque professionnel comme tel.

Le second modèle comparait les Cx aux autres fonctionnaires retraités. Comme dans le premier cas, il n'existait pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes.

Conclusion

Cette étude prouve que le métier d'agent correctionnel ne comporte pas de risque professionnel susceptible de réduire l'espérance de vie de ceux qui l'exercent. Les employés du Service correctionnel du Canada, qu'ils soient agents correctionnels ou classifiés autrement que Cx, peuvent s'attendre à vivre aussi longtemps que les autres fonctionnaires fédéraux. Et mieux encore, les employés du Service correctionnel du Canada peuvent s'attendre à vivre plusieurs années de plus que le Canadien moyen.


(1)Pour obtenir une version considérablement plus circonstanciée de cet article, s'adresser à la Direction de l'évaluation du Service correctionnel du Canada, 340, avenue Laurier ouest, 4e étage, Section E, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.