Décisions récentes
Sont résumées ci-après cinq décisions récemment rendues par les
tribunaux; elles touchent toutes des questions dont s'occupe le Service correctionnel du Canada. Ces
résumés visent à informer le lecteur et à lui faciliter la tâche. Il
ne faut pas perdre de vue que ces renseignements sont incomplets; le lecteur doit donc consulter les
avis ou les documents originaux ou faire appel aux Services juridiques de l'administration centrale
relativement à l'interprétation précise ou à la pertinence des avis ou des
décisions rapportés dans les résumés.
Pour plus amples renseignements sur les sujets abordés ici ou sur des sujets connexes,
prière de communiquer avec Mark Zazulak, avocat général, Ministère de la
justice, Services juridiques, Service correctionnel du Canada, 4A-340, avenue Laurier ouest, Ottawa
(Ontario) K1A 0P9. Wesley Crowe c. La Reine En l'espèce, le tribunal devait
décider si un détenu autochtone à qui l'on avait refusé une absence
temporaire sous escorte pour se rendre à l'enterrement de son fils avait été
victime de discrimination fondée sur la race, en dérogation à l'article 15 de la
Charte des droits et libertés. Le détenu soutenait que le Service correctionnel du
Canada exerçait une discrimination endémique contre les Autochtones, globalement.
L'article 15 de la Charte interdit toute discrimination fondée sur la race, l'origine
nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales
ou physiques.
La Section de première instance de la Cour fédérale du Canada a statué
qu'il n'existait pas de preuve pour indiquer que le refus de l'absence temporaire au détenu
était fondé sur la discrimination raciale. Au moment des événements en
question, le détenu, M. Crowe, purgeait une cinquième peine d'emprisonnement au sein d'un
établissement fédéral pour avoir commis une série d'infractions avec
violence; son entrée en incarcération était encore relativement récente,
mais il s'était pourtant déjà rendu coupable de plusieurs infractions
disciplinaires au sein de l'établissement. Le tribunal a statué que le refus de l'absence
temporaire était fondé sur le profil de sécurité du détenu, et non
sur sa descendance autochtone.
Le tribunal a également rejeté l'allégation de discrimination endémique. Le
juge Cullen a fait remarquer que le Service correctionnel du Canada avait pris de nombreuses mesures
pour parer aux désavantages dont sont victimes les détenus autochtones: «... la
rapidité de l'intervention du Service correctionnel du Canada pour satisfaire les besoins des
prisonniers autochtones est remarquable. C'est pourquoi n'importe quel tribunal, et
particulièrement celui-ci, trouverait difficile de trouver motif pour affirmer que les droits des
prisonniers indiens autochtones ont été violés aux termes de la Charte».
[traduction] Robert Cunningham c. sa Majesté la Reine, l'État et le commissaire du
Service correctionnel du Canada En l'espèce, la Cour suprême du Canada a rejeté
les plaidoiries à l'effet que les dispositions sur la détention de l'ancienne Loi sur
la libération conditionnelle de détenus, lorsqu'elles visent des personnes
condamnées à l'emprisonnement avant que les dispositions sur la détention ne
deviennent loi, enfreignent les droits du détenu en vertu de l'article 7 de la Charte. Le
tribunal a aussi rejeté la représentation que le commissaire du Service correctionnel du
Canada aurait agi illégalement en transmettant le cas de M. Cunningham à la Commission
nationale des libérations conditionnelles.
L'article 7 de la Charte garantit à tous le droit à la vie, à la
liberté et à la sécurité de la personne. Nul ne peut être privé
de ces droits, hormis «en conformité avec les principes de justice fondamentale».
Le tribunal a convenu que le détenu avait été privé de sa liberté,
mais uniquement dans la mesure nécessaire pour protéger le public, ce qui n'est donc pas
contraire aux principes de justice fondamentale dans la mesure où la Loi et le
règlement afférent prévoient une audience, la représentation et d'autres
audiences pour réévaluer le maintien de la détention. Ces dispositions
éliminent le risque d'ordonnances de détention non justifiées et garantissent qu'il
n'y a détention que lorsqu'il est nécessaire de protéger le public et ce,
uniquement lorsque les intérêts du prisonnier relativement à l'octroi de la
libération ont été entièrement et équitablement pris en
considération.
Le tribunal a également statué que même si l'information au dossier comptait parmi
les éléments qui ont guidé la décision, il n'y pas lieu d'interdire au
commissaire d'appuyer sa décision sur les rapports nouveaux ou révisés qui lui
parviennent dans les six mois qui précèdent la libération. De l'avis du tribunal,
il serait fort étrange que l'information communiquée pendant cette période n'ait
pas déjà été signalée, plus ou moins ouvertement, dans les rapports
précédents. Lord c. le Service correctionnel du Canada et le directeur de
l'établissement Matsqui La Section de première instance de la Cour
fédérale du Canada a maintenu la décision du directeur de l'établissement
Matsqui d'interdire à M. Lord de rendre visite à son fils qui purge une peine
d'emprisonnement à perpétuité au sein de l'établissement Matsqui. Les
visites avait été suspendues à la suite d'allégations que M. Lord
s'était comporté de manière «irrespectueuse et abusive» avec le
personnel de l'établissement. Les motifs expliquant la décision du directeur de
l'établissement avaient été communiqués par écrit à M. Lord.
Selon le juge Pinard, «la décision a été prise par une autorité
compétente et de bonne foi, et le requérant a été traité on ne peut
plus équitablement». Le tribunal n'a pas trouvé de dérogation à la
Charte, précisant que «... une personne qui rend visite à un détenu en
prison ne peut jouir d'une liberté d'association totale. Les droits d'association doivent
être assujettis à la nécessité de préserver la sécurité
au sein de l'établissement». [traduction] Bell c. le Service national des
libérations conditionnelles M. Bell a été mis en libération d'office
sous réserve d'une condition supplémentaire lui interdisant de consommer des boissons
alcoolisées. Conformément à l'article 55 de la Loi sur le système
correctionnel et la mise en liberté sous condition, des échantillons d'urine ont
été exigés à intervalles réguliers afin de vérifier si M. Bell
respectait la condition supplémentaire régissant sa mise en liberté. On plaida
qu'il y devait y avoir raisonnablement lieu de croire que M. Bell dérogeait à la condition
imposée pour justifier une telle fouille et saisie.
Le juge Melvin de la cour suprême de la Colombie-Britannique a statué que même si en
vertu de l'article 54(a) de la Loi, il faut avoir «un motif raisonnable» pour
justifier la demande d'un échantillon d'urine, l'article 55 ne contient pas telle mention. Il a
donc rejeté la requête. Frankie c. sa Majesté la Reine La libération
conditionnelle de M. Frankie était suspendue au moment de l'entrée en vigueur de la Loi
sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Elle a
été révoquée le 13 novembre 1992.
Le tribunal devait trancher les questions suivantes:
-
M. Frankie avait-il droit aux jours de réduction de peine qu'il avait accumulés
pendant qu'il purgeait sa peine (et qui lui auraient été retirés au moment de
la suspension ou de la révocation de la libération conditionnelle en vertu de la
Loi sur la libération conditionnelle de détenus)?
-
Avait-il droit aux jours de réduction de peine accumulés pendant la suspension de sa
libération conditionnelle jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle
Loi?
-
À partir de quelle date fallait-il calculer les deux tiers de la période non
purgée de la peine: la date de réincarcération pour cause de suspension de la
libération conditionnelle ou la date de révocation de la libération
conditionnelle?
La Division d'appel de la Cour fédérale a maintenu que le détenu n'avait pas droit
aux jours de réduction de peine accumulés pour réduire la période non
purgée de la peine après la révocation de la libération conditionnelle.
L'article 138 stipule clairement que les détenus doivent purger les deux tiers du reste de la
peine en cours à compter de la date de révocation. La Loi ne prévoit pas de
modalité qui permette de soustraire de cette période les jours accumulés pendant la
suspension de la libération conditionnelle. Les deux tiers de la peine sont calculés
à partir de la date de révocation. Même si les termes français ne sont pas
identiques à ceux en anglais, il est manifeste même dans la version française que la
date de réincarcération correspond à la date du retour en prison après la
révocation, et non à la date de suspension de la libération conditionnelle.