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Comparaison des délinquantes et des délinquants ayant commis une infraction grave
L'opinion publique s'intéresse périodiquement à la délinquante,
généralement à la suite d'une histoire à sensation qui mobilise l'attention
des médias. De nombreuses déclarations sur les caractéristiques et les besoins de
cette population ont été faites mais, jusqu'à très récemment, les
délinquantes ont été à toutes fins pratiques invisibles. Ce n'est que ces
dernières années que les chercheurs en sciences sociales ont commencé à
réunir des données systématiques sur ces détenues.
Récemment, une étude comparative a été faite auprès
d'échantillons de délinquants et de délinquantes en fonction de leurs
antécédents sociaux, familiaux et criminels et de leur adaptation personnelle ou
affective. L'objectif est de déterminer si l'un de ces facteurs peut aider à
prévoir la récidive et la violence chez les femmes. Des résultats
préliminaires de cette recherche sont présentés ici.
Non seulement les données de recherches sur les délinquantes sont rares, mais elles
portent en grande partie sur une gamme restreinte de comportements ou sur des sous-populations
limitées et non représentatives. Les enquêtes sociologiques se sont essentiellement
intéressées à la structure sociale des prisons de femmes ainsi qu'aux modes
d'adaptation à l'incarcération(2).
Les études criminologiques ont surtout porté sur des aspects comme les différences
entre les sexes du point de vue des taux de criminalité(3), du traitement judiciaire
ou des condamnations(4).
Souvent, les autres études ont eu une portée limitée. Les études analysant
des phénomènes comme l'écart par rapport aux rôles sexuels
stéréotypés(5), la démarcation par rapport à une
orientation hétérosexuelle(6), les changements physiologiques
présumément anormaux associés à la biologie normale de la
reproduction(7) et les caractéristiques physiques censées refléter la
masculinité(8) témoignent, à divers égards, d'une
préoccupation concernant l'écart par rapport aux stéréotypes de la
féminité.
La plupart des enquêtes faites pour mettre en évidence les facteurs responsables de la
criminalité se sont limitées à des groupes extrêmement restreints de
délinquantes. Souvent, les premiers chercheurs ont choisi les prostituées comme groupe
d'étude et certaines explications du comportement criminel des femmes sont fondées
entièrement sur des généralisations à partir de données sur la
prostitution(9).
Par conséquent, très peu de recherches se sont intéressées à tout le
spectre de la criminalité féminine à partir de données comparables à
la gamme de variables à valeur prédictive prouvée utilisée pour les
délinquants. Par exemple, on ne possède pratiquement pas d'information sur les fadeurs
liés à l'origine ou à la persistance du comportement criminel féminin alors
qu'il existe une quantité appréciable d'écrits à ce sujet sur les
délinquants. Méthodologie Un examen des rares publications sur les facteurs intervenant
dans la récidive et la violence chez les délinquantes donne à penser qu'il pourrait
y avoir à la fois des similitudes(10) et des écarts(11) entre les
deux populations. On a donc mené une étude sur les facteurs liés aux infractions
futures chez les hommes et sur les facteurs qui pourraient différer avec le sexe dans une
population de délinquantes. L'étude portait sur le comportement criminel et violent (y
compris l'automutilation et le suicide) de même que sur d'autres types de problèmes
comportementaux propres au milieu carcéral.
Une centaine de délinquantes ont participé à l'étude réalisée
sur une période de 18 mois; toutes étaient incarcérées à la Prison
des femmes. Les chercheurs ont examiné les dossiers de l'établissement pour en extraire
l'information pertinente : antécédents criminels, participation à un programme de
thérapie dans la collectivité et en établissement, tentatives de suicide et
auto-mutilations précédentes ainsi que divers aspects des antécédents
sociaux, familiaux, scolaires, professionnels et conjugaux.
On a eu recours à une entrevue structurée pour mesurer des variables comme la
psychopathie(12) et la faculté d'adaptation(13), dont
l'intérêt a été démontré pour la prévision des
comportements antisociaux chez les hommes.
Une série de 12 questionnaires (dont deux établis spécifiquement pour
l'étude) a fourni à la fois des données historiques et de l'information sur des
aspects comme l'adaptation affective actuelle. De plus, l'ampleur et la nature des mauvais traitements
physiques et sexuels subis dans l'enfance, à l'adolescence et à l'âge adulte ont
aussi été évalués; d'après des publications récentes, ces
variables peuvent être de puissants prédicteurs de la récidive et de la violence
chez les femmes(14).
Le but de l'étude était d'abord de présenter une description de tous ces facteurs
et d'évaluer leur utilité dans la prévision d'un certain nombre de manifestations
liées au comportement en établissement et dans la collectivité, comme la violence
des femmes à l'égard d'elles-mêmes et des autres.
Bien que l'analyse complète des données ne soit pas encore prête à
paraître, on peut d'ores et déjà faire certaines comparaisons intéressantes
entre l'échantillon actuel et un échantillon aléatoire de délinquants ayant
fait l'objet d'une étude antérieure dont les grandes lignes étaient
analogues(15). Aux fins de l'analyse longitudinale, des contrôles
répétés de l'échantillon de sexe masculin ont été faits, mais,
pour optimiser la comparabilité, nous avons utilisé les valeurs mesurées environ un
an et demi après le début des peines.
Il convient de noter que les données sur les femmes ayant été recueillies environ
huit ans après les données sur les hommes, les éléments d'information sur
les hommes sont périmés à certains égards (par exemple, la
répartition raciale ne correspond plus à celle des populations carcérales
actuelles). En raison de la conception de l'étude, les données sur les hommes incluaient
également un nombre limité de délinquants sexuels. Toutefois, les méthodes
et les mesures des deux études présentaient suffisamment d'analogies pour qu'il soit
possible d'établir des comparaisons. Échantillon La ventilation par race des
délinquantes est la suivante : 74p. 100 de femmes de race blanche, 12 p. 100 d'Autochtones et
14p. 100 de femmes de race noire. Dans l'échantillon d'hommes, 88 p. 100 étaient de race
blanche, 6 p. 100 étaient Autochtones, 4 p. 100 étaient de race noire et 2 p. 100
étaient asiatiques.
En moyenne, les femmes étaient âgées de 34 ans au moment de l'étude et les
hommes, de 30 ans. La plupart des femmes de l'échantillon (71 p. 100) avaient des enfants et un
tiers d'entre elles s'occupaient de jeunes enfants à l'époque de leur arrestation. Les
chiffres ne sont pas connus pour l'échantillon de sexe masculin. Résultats Les
antécédents sociaux et familiaux Bien que les deux échantillons soient loin
d'être identiques, on a observé des similitudes évidentes. Par exemple, tant les
hommes que les femmes semblent être issus d'un milieu socio-économique relativement
défavorise: 15 p. 100 des femmes et 33 p. 100 des hommes ont grandi dans des familles pauvres.
Toutefois, les écarts par rapport aux moyennes nationales ne sont pas considérables et ces
échantillons de population représentent toutes les couches de la société
canadienne.
Une proportion appréciable de ces hommes et de ces femmes ont passé les cinq
premières années de leur vie avec des adultes qui n'étaient pas leurs parents. De
la naissance à l'âge de 5 ans, environ une femme sur cinq et un homme sur dix ont
vécu avec des parents adoptifs ou nourriciers ou dans un établissement. Entre 6 et 11 ans,
ces proportions sont passées à une sur quatre pour les femmes et à une sur cinq
pour les hommes.
En outre, tant les délinquants que les délinquantes ont éprouvé des
difficultés qui sont ressorties lors de l'étude de leurs antécédents
personnels. En moyenne, ils avaient quitté l'école prématurément (vers
l'âge de 16 ans) et n'avaient guère de formation pour obtenir un emploi. Leurs dossiers
font état de hauts taux de chômage et d'antécédents professionnels
médiocres. La moitié des femmes étaient non qualifiées ou sans emploi alors
qu'une autre tranche de 30 p. 100 occupaient un emploi semi-qualifié ou l'équivalent.
Environ un tiers des hommes étaient non qualifiés ou sans emploi et environ la
moitié occupaient un emploi manuel spécialisé ou l'équivalent.
(16)E. Zamble et F.J. Porporino. Coping, Behavior, and Adaptation in Prison Inmates. voir
également E. zamble, «Behavior and Adaptation in Long-term Prison Inmates», Criminal
Justice and Behavior, n° 19, 1992, p. 409-425.)