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Sensibiliser davantage à la question des personnes ayant une déficience dans les établissements correctionnels fédéraux du Canada

Une vaste enquête sur les personnes du Canada ayant une déficience et un examen des employés et des délinquants du Service correctionnel du Canada portent à croire que la prestation d'aide technique ou de services spécialisés pourrait être au nombre des nouvelles responsabilités dévolues aux services correctionnels fédéraux. Ce nouvel état de choses devient particulièrement évident à mesure que le nombre de délinquants purgeant une peine de longue durée et la moyenne d'âge de la population carcérale continuent de grimper.

En 1991, les délinquants purgeant une peine de longue durée (10 ans ou plus) représentaient 26,4 p. 100 de tous les détenus sous responsabilité fédérale(2). Qui plus est, entre 1981 et 1991, il y a eu une augmentation de 41,5 p. 100 du nombre de délinquants purgeant une peine de longue durée sous responsabilité fédérale (de 2 672 à 3 782) et une étude prévisionnelle de la population carcérale indique que, dans les vingt prochaines années, ce sont les personnes de plus de 40 ans qui viendront grossir plus que les autres le nombre des admissions (dans le système correctionnel fédéral)(3).

Cette tendance correspond au changement prévu dans la structure par âge de la population canadienne - le gros de la croissance démographique (de 1991 à 2011) se situant dans la catégorie des «plus de 50 ans». Regroupés, ces indicateurs avancés donnent à penser que le Service correctionnel du Canada pourrait avoir besoin d'accroître le nombre de programmes et de services spécialisés destinés aux détenus ayant une déficience. Canadiens ayant une déficience D'après les réponses aux questions sur les limitations fonctionnelles du questionnaire du recensement de 1991, Statistique Canada a demandé à certaines personnes de participer à une enquête plus détaillée sur leurs limitations dans la vie quotidienne. Les réponses à l'enquête sur la santé et les limitations d'activités(4) illustrent par conséquent la perception qu'ont les participants de leur situation et elles sont considérées comme subjectives. Cependant, l'enquête a révélé certains faits remarquables sur l'âge et le sexe des Canadiens ayant une déficience ainsi que sur la prévalence, la nature et la gravité de leurs incapacités.

L'enquête définissait l'invalidité ou l'incapacité en reprenant les termes de l'Organisation mondiale de la santé, à savoir : «Toute réduction ou absence due à une déficience, de la capacité d'exécuter une activité de la manière ou dans la plénitude considérées comme normales pour un être humain». Parmi la population canadienne adulte (âgée de 15 à 64 ans), 12,7 p. 100 ont mentionné une certaine forme d'incapacité liée à la mobilité, à l'agilité, à la vue, à l'ouïe, à la parole ou autre en 1991(5). La catégorie «autre» regroupait les répondants qui se considéraient personnellement comme limités en raison de difficultés d'apprentissage, de leur santé mentale, d'une déficience intellectuelle ou du diagnostic d'autres personnes.

Comme on peut s'y attendre, la prévalence et la sévérité des limitations progressent avec l'âge. Parmi les répondants âgés de 65 ans ou plus, près de la moitié ont mentionné un certain niveau d'incapacité et un tiers une grave incapacité.

L'enquête a également révélé que 93,7 p. 100 des personnes ayant une déficience vivaient à leur domicile alors que 6,3 p. 100 vivaient dans un établissement de santé (hôpital, centre d'hébergement, foyer pour personnes âgées, établissement psychiatrique et établissement de soins pour les personnes ayant une incapacité physique). Il convient de signaler que les personnes vivant dans les établissements carcéraux et correctionnels ont été exclues de l'enquête pour des raisons pratiques.

Donnant une idée plus précise de la prévalence, de la nature et de la sévérité des incapacités dans la population canadienne adulte(6), le tableau 1 indique que l'incapacité la plus courante est liée à la mobilité (capacité de marcher, de se déplacer ou de se tenir debout), qui touche 6,6 p. 100 de la population. Le taux d'incapacité liée à l'agilité (la capacité de se plier, de s'habiller ou de manipuler de petits objets) est de 6,4 p. 100; la perte d'acuité auditive touche 3,1 p. 100 de la population, alors que les troubles de la vue concernent 1,2 p. 100 de la population et les troubles de la parole, environ 1 p. 100.

Tableau 1
Taux d'incapacité des hommes et des femmes
adultes (âgés de 15 à 64) ans au Canada
 
Hommes
Femmes
Total
Type
(%)
(%)
(%)
Mobilité
5,68
7,59
6,64
Agilité
5,99
6,71
6,35
Vue
0,95
1,39
1,17
Ouïa
3,85
2,42
3,13
Parole
1,19
0,78
0,99
Autre
4,10
4,18
4,02
Poplation totalé avec ou sans défience 18,156,165
Nombre total d'hommes: 9,045,720; Nombre total de femmes 9,110,445

Fait intéressant, les taux d'incapacité de la population totale sont pratiquement les mêmes pour les hommes et les femmes adultes, à 12,5 et 12,7 p. 100 respectivement. Cependant, la tendance est différente lorsqu'on ventile les incapacités par sexe.

Les hommes sont plus susceptibles que les femmes de considérer qu'ils ont des problèmes d'ouïe et de la parole alors que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de considérer qu'elles ont des troubles de la vue, de mobilité ou d'agilité. Les employés du Service correctionnel du Canada ayant une déficience Ces dernières années, une sensibilisation accrue du public aux personnes ayant une déficience a donné lieu à de nombreuses études réalisées sur les lieux de travail. Nous trouvons d'un intérêt tout particulier les données sur l'emploi et le niveau de scolarité concernant les 2,3 millions de Canadiens qui ont mentionné un certain niveau d'incapacité dans l'enquête sur la santé et les limitations d'activités de 1991(7).

En 1991, le taux de chômage des personnes de la population active ayant une déficience était de 14p. 100 alors que le taux de chômage des Canadiens n'ayant aucune déficience était de 10 p. 100. Globalement, 48p. 100 des personnes d'âge actif ayant une déficience étaient employées et 35p. 100 avaient fait des études postsecondaires.

Il est important de signaler que, si l'enquête dénombrait de façon exhaustive les personnes ayant une déficience, ses conclusions reflètent peut-être (du moins en partie) la volonté des personnes de mentionner les limites et les obstacles qu'elles rencontrent dans leur vie quotidienne. En conséquence, tout changement dans la méthodologie d'enquête pourrait entraîner d'importants écarts dans la déclaration des limitations fonctionnelles. Il f au t donc être prudent lorsqu'on tire des conclusions des différentes enquêtes mentionnées ici.

Pour mettre en oeuvre les politiques du gouvernement fédéral concernant l'égalité d'accès à l'emploi, à la formation, au perfectionnement et à l'avancement professionnel de tous ses employés, les bases de données d'information personnelle sur l'équité en matière d'emploi sont tenues à jour à des fins statistiques(8).

Les taux d'incapacité des employés du Service correctionnel du Canada peuvent être établis en examinant les réponses du personnel aux questions posées sur les formulaires d'identification de l'employé (extraites des bases de données). Ces questions d'auto-identification sont cochées par les personnes qui se jugent défavorisées en raison d'une incapacité persistante et grave.

Globalement, le taux d'incapacité parmi les employés du Service est évalué à 2 p. 100 et concerne toutes les catégories de personnel: scientifique, professionnel, administratif, technique, soutien administratif et opérationnel.

Le tableau 2 présente les taux d'incapacité pour il 269 employés du Service à plein temps, à temps partiel et pour une période déterminée relativement à cinq catégories de limitation:
mobilité, agilité, vue, ouïe et parole. Bien que les données soient disponibles pour les difficultés d'apprentissage, les problèmes psychiatriques et de santé mentale (de même que pour la catégorie «autre»), cette information n'est pas présentée ici.

Tableau 2
Taux d'incapacité chez les employés du Service
correctionnel du Canada
Type
Nombre
Taux (%)
Mobilité
63
0,56
Agilite
28
0,25
Vue
45
0,40
Ouïa
46
0,41
Parole
7
0,06
Population totale du Service correctionnel du Canada avec et
sans déficience: 11,269

L'incapacité la plus courante chez le personnel du Service correctionnel du Canada a trait à la mobilité. Elle est suivie par les déficiences auditive et visuelle (qui sont présentes en nombre presque identique), puis viennent les incapacités liées à l'agilité et à la parole. Sur ceux qui mentionnent une déficience auditive, 11 p. 100 (5) sont sourds, alors que parmi les personnes mentionnant des problèmes visuels, 13p. 100 (6) sont aveugles. Les détenus ayant une déficience On ne dispose pas de données sur la prévalence des incapacités parmi les détenus. Par conséquent, la Direction de la recherche et des statistiques a conduit une enquête interne sur les besoins spéciaux pour réunir l'information sur les détenus qui, pour des raisons liées à la santé, sont limités dans leurs activités quotidiennes.

En utilisant l'Enquête sur la santé et les limitations d'activités : Guide de l'utilisateur comme modèle, le personnel de la recherche a conçu un court instrument de contrôle. Trois établissements du Service correctionnel du Canada (à sécurité maximale, moyenne et minimale) ont été choisis dans la région de l'Ontario et les données sur l'incapacité ont été réunies grâce à une étude systématique des dossiers médicaux de chaque établissement(9).

Le taux d'incapacité de la population carcérale (d'après l'enquête) est de 4,1 p. 100. Fait intéressant, le taux d'incapacité de la population d'un établissement à sécurité maximale arrive en tête avec 4,9 p. 100, suivi des taux des établissements à sécurité moyenne (4,1 p. 100) et minimale (3,3 p. 100). Globalement, 49 détenus des trois établissements ont mentionné au total 69 limitations fonctionnelles. Là encore, l'incapacité la plus courante est liée à la mobilité (1,85 p. 100) (voir le tableau 3).

Tableau 3

Taux d'incapacité dans les établissements, par niveau de sécurité
 
Maximale
Moyenne
Minimale
Total
Type
Nombre
Taux (%)
Nombre
Taux (%)
Nombre Taux (%) Nombre Taux (%)
Mobilité
4
0,81
16
2,63
2
6,64
22
1,85
Agilité
3
0,61
1
0,16
0
0,00
4
0,34
Vue
2
0,41
0
0,00
0
0,00
2
0,17
Ouïe
2
0,41
4
0,66
1
1,11
7
0,59
Parole
1
0,20
0
0,00
0
0,00
1
0,08
Autre
14
2,85
18
2,30
1
1,11
33
2,77
Population carérale totle: 1,191
Population totale de l'etablissement à sécurité maximle: 492; population totale de
l'etablissement à sécurité moyenne: 609;
Population totale de l'etablissement à sécurité minimale: 90.


Le tableau 4 dresse la liste des appareils et accessoires fonctionnels utilisés par les détenus pour faciliter leur vie quotidienne. La gamme de matériel spécialisé utilisé pour aider les détenus ayant une limitation fonctionnelle est assez étendue.

Tableau 4
Aides techniques utilisées par les détenus ayant
une limitation fonctionnelle
 
Type d'incapacité Aide technique
Mobilité Semelles orthopédiques spéciales
Attelle dorsale ou jambiére
Jambe artificielle
Fauteuil roulant
Canne
Béquilles
Chaussures orthopédiques
Agilité Aucune indication
Vue Oeil de verre
Assisté par ordinateur
Ouïe Prothéses auditives
Parole Aucune indication

On en est arrivé à une compréhension générale de la cause des incapacités des détenus en examinant les dossiers médicaux des délinquants. Pour 51 p. 100 d'entre eux, les principales causes de leur état sont mieux décrites par les termes maladie ou affection (51 p. 100). Pour les autres, c'est le processus de vieillissement naturel (17 p. 100) ou des séquelles d'accidents d'automobile (11,3 p. 100) et autres (9,4 p. 100).

Des analyses descriptives supplémentaires des caractéristiques des délinquants conduisent à certaines constatations intéressantes sur les détenus sous responsabilité fédérale ayant des incapacités fonctionnelles. Ces détenus ont souvent plus de 40 ans (57 p. 100), purgent des peines supérieures à 10 ans (51 p. 100), ont été admis depuis 1991(70 p. 100), purgent leur première peine en établissement fédéral (62 p. 100) et sont violents (83 p. 100). Sur les 38 détenus violents ayant une déficience, 47p. 100 ont été condamnés pour homicide et
34 p. 100 sont des délinquants sexuels. Les délinquants ayant une déficience sous surveillance dans la collectivité On a peu d'information sur la prévalence des incapacités chez les délinquants en libération conditionnelle. La seule source connue de données sur ce sujet est l'évaluation des besoins des délinquants qui est systématiquement administrée par les gestionnaires de cas (agents de libération conditionnelle) de la région de l'Ontario du Service correctionnel du Canada.

Pour estimer la prévalence des incapacités chez les délinquants sous surveillance dans la collectivité, un échantillon de 604 délinquants adultes condamnés à une peine dans un pénitencier fédéral (573 hommes et 31 femmes) et libérés d'un établissement de la région de l'Ontario depuis une période de six mois a été constitué pour l'étude.

Ces délinquants étaient sous la surveillance de 22 bureaux de libération conditionnelle différents (y compris un centre correctionnel communautaire) et de sept bureaux d'organismes privés. D'après l'information contenue dans le protocole d'identification et d'analyse des besoins, on estime qu'environ 12 p. 100 de la population sous surveillance dans la collectivité a des incapacités physiques(10). Fait intéressant, la présence d'une incapacité physique n'a pas été reliée aux possibilités d'échec ou de succès de la libération conditionnelle. Quelle est la signification de toutes ces recherches? Cet examen des limitations fonctionnelles chez les Canadiens, le personnel correctionnel fédéral et les délinquants sous responsabilité fédérale a livré d'importantes informations sur un sujet qui a reçu peu d'attention. De toute évidence, il convient d'instaurer la pratique consistant à définir systématiquement les besoins des employés et des délinquants en matière d'aide et de services spécialisés ou techniques. Le nombre croissant de personnes ayant une déficience dans la population active et dans la population carcérale du Canada en fera une stratégie correctionnelle valable et peut-être nécessaire.

Il est à espérer qu'une méthode systématique d'évaluation et de réévaluation des besoins spéciaux, alliée à une sensibilisation aux limitations et aux obstacles auxquels sont confrontées les personnes ayant une déficience, améliorera la prestation de services du Service correctionnel du Canada. Il est donc possible que nous ayons besoin de programmes et de services spécialisés pour les employés et les délinquants ayant une déficience.


(1)Direction de la recherche et des statistiques, Service correctionnel du Canada, 340, avenue Laurier ouest, pièce 4B, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.
(2)WEEKES, J.R. «Les délinquants qui purgent une longue peine: qui sont-ils et où se trouvent-ils?», Forum - Recherche sur l'actualité correctionnelle, vol. 4, n° 2, 1992, p. 3-7.
(3)Service correctionnel du Canada, Prévisions de la population délinquante de 1990 à 2000, Ottawa, Direction de la recherche et des statistiques, Service correctionnel du Canada, 1990.
(4)Statistique Canada, Enquête sur la santé et les limitations d'activités Guide de l'utilisateur, Ottawa, Statistique Canada, 1991.
(5)Statistique Canada, Enquête sur la santé et les limitations d'activités de 1991 - Le quotidien, Ottawa, Statistique Canada, 1992.
(6)L'information a été fournie en janvier 1994 par Statistique Canada pour une analyse comparative. Nous tenons à remercier Bernice Campbell du Programme des enquêtes postcensitaires qui a fourni les données spécialisées de l'Enquête sur la santé et les limitations d'activités.
(7)Statistique Canada, Enquête sur la santé et les limitations d'activités de 1991 - Emploi et niveau de scolarité - Le quotidien, Ottawa, Statistique Canada, 1993.
(8)Nous tenons à remercier Joce-Lyn Hamel et Steven Statham de l'Administration centrale du Service correctionnel du Canada qui nous ont fourni les données sur les employés du système de gestion du personnel en janvier 1994.
(9)25 janvier 1994. Nous tenons à remercier chaleureusement Sue Séguin et Colette Cousineau de la Direction de la recherche et des statistiques ainsi que le personnel de santé des établissements de la région de l'Ontario qui ont recueilli et réuni les données sur l'incapacité à partir des dossiers médicaux.
(10)MOTIUK, L.L. et BROWN, S.L. The Validity of Offender Needs Identification and Analysis in Community Corrections Research Report, Ottawa, Direction de la recherche et des statistiques, Service correctionnel du Canada, 1993.