Service correctionnel du Canada
Symbole du gouvernement du Canada

Liens de la barre de menu commune

FORUM - Recherche sur l'actualité correctionnelle

Avertissement Cette page Web a été archivée dans le Web.

La psychologie du comportement criminel et les principes efficaces de prévention et de réadaptation

Il existe maintenant une science du comportement criminel. Plus précisément, on dispose de théories du comportement criminel qui sont empiriquement vérifiables et qui devraient donc nous aider à concevoir des services efficaces et à les dispenser à un grand nombre de délinquants, y compris les jeunes contrevenants.

Les publications dans ce domaine sont raisonnablement sérieuses et encouragent la mise en place de programmes de prévention et de réadaptation pour les délinquants à risque élevé, dans toute une variété de contextes.

Il nous faut toutefois renforcer cette base de connaissances. Comment pouvons-nous tirer profit des approches qui s'avèrent efficaces? De façon générale, nous devons mettre au point diverses méthodes pour la diffusion, la mise en oeuvre et l'élaboration continuelle de programmes efficaces, afin de transformer des réussites théoriques et philosophiques en résultats pratiques(2).

Avant d'élaborer et de diffuser des programmes, il est capital de disposer d'un résumé concis, mais précis, des connaissances acquises. Dans cet article, nous passerons en revue les principes les plus importants de la base de connaissances actuelle en examinant brièvement une série de principes efficaces de prévention et de traitement en milieu correctionnel(3). Il nous faut établir clairement les connaissances dont nous disposons avant d'essayer de transformer ces connaissances en programmes efficaces pour des groupes de délinquants comme les jeunes contrevenants. Le principe sociopsychologique La base conceptuelle la plus prometteuse pour les programmes de prévention et de réadaptation est la compréhension sociopsychologique du comportement criminel. Cette démarche met en évidence quatre ensembles de facteurs de risque:

  • les attitudes, les pensées, les sentiments, l'interprétation des événements et les rationalisations qui entretiennent le comportement antisocial;
  • la fréquentation de personnes antisociales;
  • les antécédents de comportement antisocial;
  • les indicateurs d'une personnalité antisociale (y compris les indicateurs d'une agressivité ou d'une impulsivité continuelle et, pour les jeunes contrevenants, d'une immaturité psychologique).
Bien entendu, ces quatre ensembles de facteurs de risque ne conduisent une personne à commettre des actes criminels que dans les situations où elle est exposée à des tentations, où les contrôles externes sont faibles et, peut-être, où son niveau de stress est élevé. Cependant, la pertinence de la perspective psychosociale apparaît clairement lorsqu'on examine les causes du comportement mises en évidence dans de nombreuses théories sur le comportement humain.

Par exemple, certains théoriciens humanistes et féministes suggèrent que les gens se comportent comme ils le font parce qu'ils choisissent de se comporter ainsi - leur comportement dénote des choix personnels. Par ailleurs, d'autres théoriciens suggèrent que le comportement des gens est fonction d'une évaluation des récompenses par rapport aux coûts et qu'il se modifie lorsque cette évaluation change.

Quel que soit le processus qui sous-tend le comportement, les évaluations ou les choix sont façonnés par la situation immédiate de la personne ainsi que par ses attitudes antisociales, la fréquentation de personnes antisociales, ses antécédents de comportement antisocial et les variables complexes de la personnalité associées au comportement antisocial.

Par conséquent, quelle que soit la théorie de la criminalité que l'on privilégie, il faut toujours tenir compte des quatre ensembles de facteurs de risque de l'approche psychosociologique dans les recherches, les traitements utilisés et les programmes. Construction, et nondestruction, des connaissances Les détracteurs de la prévision psychologique et des services de traitement correctionnels rejettent habituellement les résultats positifs obtenus en se servant de techniques irrationnelles de destruction des connaissances, alors qu'ils acceptent sans esprit critique les résultats négatifs.

Il faut remplacer cette façon de faire par une méthode rationnelle de construction des connaissances appuyée sur des données. Même Si les travaux de recherche n'ont pas été exempts de certains problèmes méthodologiques en ce qui concerne la prévision et les interventions, en fin de compte, leur valeur a été confirmée tant pour l'exactitude des prévisions que pour les effets des traitements.

Il ne faut pas se laisser berner par les critiques irrationnelles des groupes qui s'opposent à la prévision et aux traitements. Nous devons élaborer des programmes et les diffuser en nous appuyant sur les mesures qui se sont avérées efficaces. Châtiment Des sanctions non accompagnées de services de traitement correctionnel ne sont pas efficaces. La recherche sur la justice pénale permettra peut-être un jour de découvrir un type de peine ayant pour effet de diminuer sensiblement la récidive. Pour le moment, toutefois, les résultats dont on dispose ne laissent aucun doute: le type et la sévérité des peines imposées aux délinquants n'ont pratiquement aucune incidence sur la récidive. Par lui-même, le châtiment n'est donc pas efficace. L'incarcération en dernier recours Les services de traitement au sein de la collectivité donnent des résultats plus positifs que les services de traitement offerts dans les établissements correctionnels. L'incarcération est justifiée dans les cas extrêmes, mais le recours à l'incarcération pour la prestation de services ne doit être, au plus, qu'une exception exigeant une justification sérieuse. Cela ne doit pas être la règle. Évaluation du risque On peut évaluer la fréquence des comportements criminels futurs en examinant systématiquement le nombre et la diversité des facteurs de risque et de besoins de chaque délinquant.

Les facteurs de risque les plus pertinents sont les attitudes antisociales, la fréquentation de personnes antisociales, les antécédents de comportement antisocial et de violation des règles, les indicateurs de personnalité antisociale, la fragilité des relations familiales et de la supervision de la famille, et les difficultés à l'école et au travail. L'appartenance à une classe sociale inférieure, la souffrance personnelle et les problèmes neuropsychologiques sont parmi les facteurs de risque les moins importants.

Par conséquent, lorsqu'on essaie de prévoir un type précis de comportement antisocial, comme la violence, il faut évaluer les antécédents du délinquant par rapport à la violence sur les plans de ses attitudes, de ses fréquentations et de ses comportements. Le principe du niveau de risque Il est préférable de réserver les services de traitement intensifs aux délinquants qui présentent un risque élevé (car les délinquants à faible risque se débrouillent aussi bien, sinon mieux, lorsqu'ils ne reçoivent pas ce type de services). Offrir aux délinquants à faible risque les services correctionnels les moins coûteux, les plus simples et les moins intensifs, c'est adopter une pratique correctionnelle efficace. Les besoins Les services de traitement offerts aux délinquants à risque élevé doivent être axés sur les caractéristiques et les circonstances dont la modification permettra de réduire les comportements criminels. Il n'est plus considéré comme efficace de choisir des objectifs intermédiaires qui n'ont aucun lien avec le risque de récidive. Le concept est très direct - il vise les facteurs de risque. Évaluation du risque et des besoins de chaque délinquant Il est préférable que les études systématiques du risque et des besoins soient complétées par des évaluations individualisées qui permettent de découvrir les interprétations de chaque délinquant et les situations dans lesquelles il pose un risque élevé. Autrement dit, il faut en arriver à comprendre le type de criminalité de chaque délinquant. Interventions axées sur les besoins généraux Les styles de traitement les plus efficaces sont ceux qui tiennent compte des besoins, de la situation et des modes d'apprentissage des délinquants. Cependant, ce sont les modes d'intervention structurés et actifs, comme l'apprentissage social et les méthodes cognitivo-comportementales, qui se révèlent les plus efficaces. Les interventions moins structurées, axées sur les relations interpersonnelles, l'introspection et les interactions verbales sont moins efficaces. Interventions axées sur des besoins précis Les délinquants qui ont des problèmes cognitifs et des problèmes de relations interpersonnelles doivent recevoir des services très structurés, bien que les délinquants les plus matures puissent réagir positivement à des styles de services moins structurés. Ainsi, les délinquants qui sont angoissés devant les relations interpersonnelles réagissent mal aux services qui supposent un affrontement. D'autres considérations de ce genre peuvent aussi s'avérer pertinentes, selon les caractéristiques que présente le délinquant. Les recherches axées sur le sexe des délinquants et sur leur origine ethnique doivent recevoir la priorité dans ce domaine. Augmentation de la motivation Lorsqu'un contrevenant résiste à la thérapie et se montre peu motivé à suivre un traitement, il ne faut pas nécessairement l'exclure du traitement. Il faut plutôt concevoir un plan qui l'encouragera à participer au traitement et augmentera sa motivation. Suivi structuré Les besoins liés aux facteurs criminogènes changent constamment. Par conséquent, dans le cadre des programmes et du traitement, il faut prévoir les problèmes qui pourront se présenter plus tard. Il est donc nécessaire d'effectuer un suivi structuré après la participation du délinquant aux programmes. Intégrité thérapeutique Les services de traitement adaptés au niveau de risque, aux besoins et à la réponse aux traitements ont un maximum d'efficacité lorsqu'un modèle de traitement précis est appliqué par un thérapeute qualifié et bien supervisé.

Les bons thérapeutes doivent non seulement appliquer les principes du risque, des besoins, de l'adaptation aux besoins et de l'intégrité thérapeutique, mais ils doivent aussi tenir compte de considérations morales, éthiques, juridiques et économiques, ainsi que des caractéristiques propres à chaque délinquant. Soutien des prestataires de traitement Les professionnels assurant des services de prévention et de réadaptation doivent être activement et directement soutenus dans leurs efforts par la formation, la supervision et le respect du processus et des buts. Les traitements donneront alors des résultats encore plus probants que ceux qui ont été signalés jusqu'à maintenant. Élaboration et la mise en oeuvre des programmes Dans l'ensemble, l'élaboration et la mise en oeuvre des programmes dépendent de l'efficacité de la consultation ainsi que de changements organisationnels et sociétaux. Cela suppose évidemment que les gens connaissent bien les principes décrits dans cet article et sont préparés à les appliquer.

Il est temps que les services de traitement correctionnel et la gestion correctionnelle soient fondés sur des principes à la valeur démontrée. Il n'est plus admissible de se fier uniquement à des modèles de non-intervention, de dissuasion et de contrôle. Ces modèles ne se sont pas révélés efficaces. Il faut plutôt utiliser une approche d'intervention active, fondée sur une compréhension interdisciplinaire du comportement criminel.



(1)Département de psychologie, Université Carleton, 1125, promenade du Colonel By, Ottawa (Ontario) K1S 5B6.
(2)ANDREWS, D. et BONTA, J. The Psychology of Criminal Conduct, Cincinnati, Anderson Publishing, 1994.
(3)ANDREWS, D. «The Psychology of Criminal Conduct and Effective Correctional Treatment», What Works, James McGuire, éd., London, John Wiley (sous presse).