Comparaison descriptive entre les caractéristiques démographiques et familiales de la population
générale et de la population carcérale au Canada
La structure de la famille canadienne est en pleine évolution. Bien que la majorité de la
population continue à vivre dans une certaine forme de cadre familial et que les couples
mariés constituent encore le «type de famille» le plus commun, les familles
canadiennes sont de plus en plus diversifiées.
Au cours des dernières décennies, le nombre d'unions de fait et de familles
monoparentales a augmenté considérablement. Il y a eu aussi une grande augmentation du
nombre de divorces et de remariages. Nous disposons d'une foule de données sur l'évolution
de la famille canadienne, mais nous en savons relativement peu sur les familles, les
antécédents et les relations des détenus.
Cet article établit une comparaison descriptive entre plusieurs caractéristiques
démographiques et familiales de la population générale et de la population
carcérale sous responsabilité fédérale. Méthodologie Les
données sur la population carcérale proviennent de l'étude sur la violence
familiale chez les détenus
(2) effectuée par le Service correctionnel du Canada.
Cette étude est fondée sur l'examen des dossiers de 935 délinquants qui ont
été admis dans des établissements correctionnels fédéraux entre juin
et novembre 1992.
Au cours de cette période, il y a eu 2 806 admissions dans les établissements
fédéraux. Par conséquent, l'échantillon représente environ le tiers
des délinquants admis durant la période visée.
Dans l'étude sur la violence familiale chez les détenus, on s'est efforcé de
respecter les critères établis de l'échantillonnage aléatoire, mais il a
fallu faire certaines exceptions afin que le projet se déroule assez rapidement et ne soit pas
trop coûteux. Ainsi, les établissements dans lesquels on avait choisi moins de sept
dossiers n'ont pas été inclus dans l'échantillon. En outre, pour remplacer des
dossiers qu'on ne pouvait pas obtenir, on en a pris d'autres choisis au hasard. Cependant, malgré
ces entorses au processus de l'échantillonnage aléatoire, il est peu probable que
l'échantillon ne représente pas de façon assez exacte l'ensemble des
détenus, que ce soit à l'échelle régionale ou à l'échelle
nationale.
Les données sur la population générale ont été tirées du
recensement de 1991
(3). Lors de ce recensement, on a recueilli des données
démographiques de base sur toutes les personnes ayant leur lieu de résidence habituel au
Canada. En outre, des données culturelles et socio-économiques détaillées
ont été recueillies auprès d'environ deux millions de foyers. On a ensuite
pondéré ces données d'échantillon afin qu'elles reflètent l'ensemble
de la population canadienne.
Il importe de noter que notre article repose sur deux sources de données indépendantes.
Le lecteur ne doit donc pas en généraliser les conclusions. En effet, les résultats
que nous avons obtenus ne correspondent peut-être pas à des différences ou à
des similitudes entre
tous les détenus des établissements fédéraux et
les membres de la population générale.
En ce qui concerne la comparabilité des données, deux autres points sont à
souligner. En premier lieu, tous les membres de l'échantillon de détenus étaient
des hommes de 18 ans ou plus. Les comparaisons portant sur les groupes ethnoculturels ont
été faites avec l'ensemble de la population canadienne, hommes et femmes. Ensuite, les
comparaisons relatives à la situation de famille et à la religion ont été
faites avec les membres masculins de la population canadienne âgés de 15 ans ou plus, alors
que les comparaisons portant sur l'âge et le sexe ont été faites avec la population
canadienne de 18 ans ou plus. Sexe Selon le recensement de 1991, les hommes représentent un peu
moins de la moitié (49,5 %) de la population canadienne. Nous savons toutefois que les hommes
représentent beaucoup plus que la moitié de la population carcérale sous
responsabilité fédérale. En 1993-1994, 97 % des délinquants admis dans les
établissements fédéraux étalent des hommes. En fait, l'échantillon de
l'étude sur la violence familiale est entièrement constitué d'hommes. Age Au cours
des dernières années, on a beaucoup parlé de la génération du
baby-boom (les personnes nées entre 1951 et 1966), et en particulier du vieillissement de cette
population. On s'aperçoit également que la population carcérale vieillit.
Dans la population générale, le nombre d'adultes âgés de 20 à 64 ans
a augmenté de 8 % entre 1986 et 1991. Par comparaison, le nombre de détenus de 25 ans ou
plus est passé de 59 % en 1984-1985 à 73 % en 1992-1993. Au cours de la même
période, le nombre de détenus fédéraux de 18 à 24 ans est
tombé de 35% à 27%
(4).
Toutefois, près d'un quart (24 %) de la population carcérale avait de 20 à 24 ans,
alors que seulement un dixième de la population adulte générale se trouvait dans ce
groupe d'âge. Enfin, 39 % de la population carcérale avait de 30 à 44 ans, par
comparaison avec 33,5 % de la population adulte du Canada. Groupes ethnoculturels La recherche
criminologique a montré que certains segments de la société sont souvent
surreprésentés dans les statistiques sur les détenus
(5). Les chercheurs
canadiens ont constaté que les Autochtones sont surreprésentés dans la population
carcérale canadienne. Cela ressort clairement des sources de données utilisées pour
cet article.
Les Autochtones représentent seulement 3,8 % de la population canadienne générale;
pourtant, 14 % des détenus de l'échantillon se sont identifiés comme des
Autochtones. On retrouve la même situation pour ce qui est des Noirs. Ceux-ci représentent
seulement 1,9 % de la population canadienne générale, alors qu'ils constituent 5,4 % de
l'échantillon de détenus. Religion Une grande proportion des détenus (50,2 %) et
des hommes canadiens (45,2 %) sont catholiques. Les confessions protestantes viennent au second rang
dans les deux groupes (22,1 et 34,9 % respectivement).
Un quart (25,3 %) des détenus n'appartiennent à aucune confession religieuse (ou leur
religion n'était pas mentionnée), alors que seulement 14,2 % des hommes canadiens (15 ans
ou plus) ont indiqué n'appartenir à aucune religion. Structure familiale Les tendances qui
se manifestent depuis longtemps quant au mariage et au divorce ont joué un rôle majeur dans
l'évolution des structures familiales. Au cours des dernières décennies, le taux de
mariage a diminué; par ailleurs, le taux de divorce a augmenté et les hommes se marient
à un âge plus avancé.
Tableau 1
Situation de famille de la population masculine générale
(15 ans ou plus)
et de la population carcérale sous responsabilité fédérale
(18 ans ou plus) |
Siuation de famille |
Population masculine
générale |
Population
carcérale* |
Célibataire |
34,2% |
42,4% |
"Marié" au sens de la loi
Union de fait
Mariage |
55,6%
12,4%
43,2% |
44,6%
32,6%
12,0% |
Séparé |
2,6% |
6,4% |
Veuf |
2,3% |
1,2% |
Divorcé |
5,3% |
5,2% |
* La situation de famille de 0,2% de la
population carcérale était inconnue. |
En 1990, il y a eu 7,1 mariages pour 1 000 Canadiens, par rapport à plus de 9 au début
des années 1970.
Il existait des différences marquées entre la population carcérale et la
population masculine générale en ce qui concerne la situation de famille (voir le tableau
1). Parmi les détenus, on trouvait plus de célibataires (42,4 % contre 34,2 %) ou d'hommes
séparés (6,4 % contre 2,6 %), alors que dans la population générale, il y
avait plus d'hommes mariés ou vivant en union de fait (55,6 % contre 44,6 %).
L'union de fait a gagné en popularité au Canada. Le nombre de couples vivant en union de
fait a plus que doublé entre 1981 et 1991, pendant que le nombre de couples mariés
augmentait seulement de 8 %. Ce type d'union était encore plus fréquent dans la population
carcérale. Les détenus vivant en union de fait constituaient 32,6 % de
l'échantillon alors que ceux qui étalent mariés en représentaient 12 %, soit
trois fois moins. Par comparaison, sur les 55,6 % des hommes de la population générale qui
étaient «mariés» au sens de la loi, 12,4 % seulement vivaient en union de
fait.
De nombreux Canadiens et Canadiennes se marient plus d'une fois. Environ un cinquième des hommes
(21 %) et des femmes (20 %) qui se sont mariés en 1990 avaient déjà
été mariés. En 1970, seulement 8 % des hommes et 7 % des femmes étaient dans
cette situation. Comme dans la population générale, une grande proportion de
l'échantillon de détenus avaient été mariés plus d'une fois. En fait,
18 % des détenus avaient déjà été mariés trois fois ou
plus.
Pendant que le taux de mariage diminuait, le taux de divorce augmentait de façon spectaculaire.
En 1971, on comptait seulement 1,4 divorce pour 1 000 habitants. En 1991, le taux de divorce avait
doublé, passant à 2,8 divorces pour 1 000 habitants. Il est intéressant de noter
qu'on retrouvait à peu près la même proportion de divorces chez les
détenus.
Pour ce qui est des enfants, un peu plus de la moitié (52 %) des familles biparentales de la
population générale avaient des enfants vivant à la maison. Une proportion
légèrement plus élevée (59,1 %) des détenus ont indiqué avoir
des enfants ou des beaux-enfants. Près des deux tiers des détenus de ce groupe avaient
plus de 30 ans. Tableau d'ensemble... L'examen de ces variables démographiques et familiales
clés fait apparaître plusieurs différences, du point de vue des structures
familiales, entre les détenus et la population canadienne générale.
Les détenus sont célibataires pour une plus grande proportion. Ils sont moins nombreux
à être mariés (12 % contre 43,2 %) et plus nombreux à vivre en union de fait
(32,6 % contre 12,4 %). Cependant, au total, une plus grande partie de la population
générale est «mariée» au sens de la loi (mariage ou union de fait).
Les deux groupes ont un taux semblable de divorce et comptent un grand nombre d'hommes qui ont
été mariés plusieurs fois. Cependant, une plus grande proportion des détenus
sont séparés de leur partenaire (6,4 % contre 2,6 %).
(1)Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada, 19,
étage, immeuble R.H. Coats, parc Tunney, Ottawa (Ontario) K1A 0T6.
(2)La violence familiale chez les détenus sous responsabilité
fédérale : étude fondée sur l'examen des dossiers, Ottawa, Service
correctionnel du Canada, 1995.
(3)Statistique Canada,
Un portrait des familles au Canada, Ottawa, Industrie,
Sciences et Technologie Canada, 1993. voir aussi : Statistique Canada,
Données de base sur les
familles canadiennes d'hier et d'aujourd'hui, Ottawa, Industrie, Sciences et Technologie Canada,
1993; Statistique Canada,
Faits saillants du recensement de 1991 dans Le Quotidien, Ottawa,
Industrie, Sciences et Technologie Canada, 1994; Statistique Canada,
Fertilité, Ottawa,
Industrie, Sciences et Technologie Canada, 1993; Statistique Canada,
Age, sexe et situation de
famille, Ottawa, Industrie, Sciences et Technologie Canada, 1992.
(4)Statistique Canada,
Services correctionnels pour adultes au Canada, Ottawa,
Industrie, Sciences et Technologie Canada, 1994.
(5)Les risques de s'engager dans des activités criminelles sont associés
à diverses caractéristiques sociales comme l'âge, le sexe et l'appartenance à
un groupe minoritaire. voir SACCO, v. et KENNEDY, L.,
The Criminal Event, Scarborough, Nelson
Canada, 1994.