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Les modes d'apprentissage des détenus
Face à des prisons de plus en plus surpeuplées et à des budgets correctionnels qui ne cessent de fondre, nombreux sont ceux qui croient qu'en améliorant les programmes d'éducation offerts aux détenus on réussirait peut-être à les empêcher de se retrouver une fois de plus «à l'ombre».Tableau 1
Modes d'apprentissage |
|
Mode d'apprentissage | Définition |
Écoute | Assimilation de nouveaux éléments d'information par l'audition (p. ex. cours magitraux, discours et bandes sonores). |
Lecture | Assimilation d'information écrites et lecture de textes divers (p. ex. brochures et manuels scolaires). |
Iconique | Interprétation de graphiques de tableaux, de diapositives, d'illustrations, etc. |
Expérience directe | Apprentissage par le pratique, par exemple dans le cadre de laboratoires et de sorties éducatives. |
L'étude portait sur un échantillon de 120 détenus de sexe masculin de la prison
d'Êtat de l'Utah, qui avaient été choisis pour participer au projetHorizons,
un programme de réduction de la récidive. Les délinquants sexuels et les
détenus atteints de défidences intellectuelles ou de troubles mentaux ne peuvent suivre ce
programme. Pour pouvoir s'y inscrire, les détenus doivent être à au moins 10 mois et
à au plus 3 ans de leur date d'admissibilité à la libération
conditionnelle.
Les auteurs de l'étude ont utilisé un inventaire des modes d'apprentissage (Canfield's
Learning Styles Inventory). Cet instrument psychométrique est un questionnaire très
structuré qui décompose l'élément motivationnel en quatre grandes
catégories et dresse une typologie de l'apprentissage. Il s'agit d'un test papier-crayon
d'auto-évaluation pouvant être administré individuellement ou en groupe. On
présente au répondant 30 énoncés en lui demandant d'indiquer dans quelle
mesure chacun décrit ses réactions ou ses émotions.
On a remis aux détenus le questionnaire assorti d'une lettre de présentation, en leur
demandant de ne pas inscrire leur nom mais d'indiquer s'ils fréquentaient une école
secondaire ou une université au moment de leur arrestation. On leur a aussi demandé la
nature de l'infraction qu'ils avaient commise. Par la suite, on a procédé à une
distribution de fréquences et à une analyse statistique sur tous les résultats
obtenus, afin de déterminer si un mode d'apprentissage prédominait ou était en
corrélation avec la scolarité ou le type d'infraction. Principales constatations La
distribution des fréquences entre les quatre méthodes d'acquisition de nouvelles
connaissances a révélé, de façon significative, que les détenus
avaient une faible préférence pour le mode d'apprentissage iconique (plus d'un
écart-type au-dessous des scores t l'emportait chez les détenus). En effet, des 43
questionnaires remplis, 22 dénotaient une faible préférence pour ce mode
d'apprentissage (voir le tableau 2).
Tableau 2
Préferences des détenus
quant au mode d'apprentissage (43 détenus) |
|||
Mode d'apprentissage |
Faible préférence |
Préférence modérée |
Forte préférence |
Écoute | 5% |
72% |
23% |
Lecture | 9% |
61% |
30% |
Iconique | 51% |
35% |
14% |
Expérience directe | 23% |
63% |
14% |
Remarque: "Faible préférence" signifie
plus d'un écart-type au-dessous du score t moyen. "Préférence modérée" signifie moins d'un écort type en dessous du score t moyen. "Forte préférence" signifie plus d'un écort type au dessous du score t moyen. |
Il ressort de ces résultats que la plupart des détenus préféraient les
trois autres modes d'apprentissage au mode iconique. Il n'y avait pas de différence significative
entre les trois autres modes d'apprentissage.
Fait intéressant, en croisant les données relatives au mode d'apprentissage et à
la scolarité, on a constaté qu'aucun des détenus ayant une formation universitaire
ne manifestait de faible préférence pour l'écoute comme mode d'apprentissage ni de
forte préférence pour l'expérience directe. Le croisement des données
relatives au mode d'apprentissage et au type d'infraction n'a révélé aucune
différence significative, sans doute en raison du petit nombre de répondants par rapport
au nombre d'infractions. Analyse Le résultat qui ressort le plus clairement est que plus de la
moitié des répondants ont déclaré que le mode iconique d'apprentissage
était celui qu'ils aimaient le moins. Les enseignants qui travaillent en milieu carcéral
devraient en tenir compte au moment de choisir leurs méthodes didactiques.
Quant au niveau de scolarité, il se peut que les détenus qui ont fait des études
universitaires aient une préférence modérée ou forte pour l'écoute
simplement parce que les cours magistraux sont le mode d'enseignement prédominant à
l'université. Ces étudiants ne détestent probablement pas, dans l'ensemble,
apprendre par l'écoute, ou du moins ils s'y sont adaptés, si bien que ce mode
d'apprentissage n'est pas celui qui leur répugne le plus. Par ailleurs, aucun des détenus
qui avaient fait des études universitaires n'a indiqué de forte préférence
pour l'expérience directe comme mode d'apprentissage. Cela peut également s'expliquer par
le fait qu'à l'université, on assimile des connaissances principalement en suivant des
cours magistraux. Il est possible qu'ils se soient adaptés aux cours magistraux ou à la
lecture avant d'avoir eu l'occasion d'apprendre par l'expérience pratique.
D'après les résultats d'un test khi-deux effectué sur les quatre modes
d'apprentissage, les préférences exprimées par les détenus pour la lecture
(7,97;p < 0,05) et le mode iconique (44,38;p < 0,001) différaient de
façon significative de celles de la population de standardisation. Cela laisse croire que les
détenus se distinguent sensiblement de la population en général par leur
préférence pour la lecture et l'interprétation d'images comme modes d'acquisition
de nouvelles connaissances.
Certaines mises en garde s'imposent cependant. Premièrement, il convient de rappeler que cette
étude repose sur un petit échantillon, même si le pourcentage de questionnaires
retournés était supérieur à 35 %. Deuxièmement, il faut tenir compte
de la possibilité que les détenus n'aient pas répondu franchement aux questions, de
l'incidence possible de la religion particulière pratiquée dans l'Utah et du fait que
différentes variables socio-économiques, raciales, régionales ou autres ont pu
fausser les résultats.