Les délinquants et la surveillance intensive
La surveillance intensive est devenue une pratique commune dans les services correctionnels
communautaires au milieu des années 80, en prenant diverses formes selon les pays. Le but de ce
régime de surveillance est de multiplier les contacts entre délinquants et agents de
liberté conditionnelle, et de suivre de plus près les délinquants les plus
susceptibles de récidiver.
Cette approche est en accord avec un principe bien établi, qui consiste à réserver
les services les plus intensifs aux délinquants présentant le risque le plus
élevé. En outre, on constate que depuis la création d'unités de surveillance
intensive, la gestion de ces cas s'est amélioree.
Au Canada, des programmes de surveillance intensive ont été mis en place dans les grandes
villes. À Toronto, il a pris le nom de «surveillance par équipe». Le travail
en équipe contribue à accroître l'intensité de la surveillance : le
délinquant doit se rapporter à deux agents de liberté conditionnelle - il y a
toujours deux agents au courant d'un même cas.
Cet article décrit le travail accompli par l'unité de la surveillance par équipe
de Toronto ainsi que l'attitude des délinquants face à la surveillance intensive. Qui sont
les délinquants placés sous surveillance intensive? La population cible de l'unité
de la surveillance par équipe se compose de délinquants bénéficiant d'une
libération d'office (après avoir purgé les deux tiers de leur peine) qui ont obtenu
des résultats insatisfaisants selon l'Échelle d'information statistique sur la
récidive et (ou) qui ont besoin d'une aide plus spéciale pour réussir leur
réinsertion sociale (compte tenu de leurs antécédents criminels et de leurs
expériences antérieures de mise en liberté).
Les délinquants qui font l'objet d'une mise en liberté à octroi unique (et non
d'une libération d'office ordinaire) constituent un autre groupe cible. Ils sont habituellement
soumis à ce régime particulier en raison de leurs antécédents de violence.
En cas de révocation de la liberté d'office à octroi unique, pour quelque motif que
ce soit, ils doivent purger le reste de leur peine dans un établissement correctionnel.
Les agents de liberté conditionnelle des autres bureaux de Toronto réfèrent
également des délinquants à l'unité, soit simplement parce qu'ils sont
difficiles à surveiller, soit parce que certains facteurs liés à leurs
antécédents criminels refont surface et contribuent à accroître le risque de
récidive (la surveillance intensive devient alors une solution de rechange à la suspension
de la liberté sous condition).
Enfin, l'unité surveille aussi les délinquants sexuels non traités qui sont admis
au programme pour délinquants sexuels à risque élevé de l'Institut
psychiatrique Clarke. Les responsables du programme et les thérapeutes travaillent en
étroite collaboration avec les agents de liberté conditionnelle de l'unité.
Réaction initiale à la surveillance intensive Les premières semaines sont
déterminantes pour le délinquant placé sous surveillance intensive. C'est pourquoi,
avant sa mise en liberté, on lui remet de la documentation sur ce que l'on attend de lui sous ce
régime et son agent de gestion de cas en établissement lui explique également en
quoi consiste le processus. Enfin, au moment de sa mise en liberté, il suit une séance
d'information détaillée.
Toutefois, les problèmes surgissent souvent dès les premiers jours suivant la mise en
liberté. Bien des délinquants s'imaginent que les agents de liberté conditionnelle
ne suivent pas leurs activités d'aussi près qu'ils le disent. En outre, au moindre
manquement aux conditions établies par la Commission nationale des libérations
conditionnelles ou par les agents de liberté conditionnelle eux-mêmes, ces derniers
imposent immédiatement des sanctions (qui peuvent aller jusqu'à la suspension de la
liberté sous condition).
Au cours des quatre premiers mois de 1995, l'unité a émis 25 mandats de suspension, dont
cinq dans les jours suivant la mise en liberté parce que les délinquants en cause ne
s'étaient pas conformés au plan qu'ils avaient établi lors de l'entrevue
initiale.
Ces mandats ont été annulés par la suite, et les délinquants sont
retournés dans la collectivité après avoir été informés de
nouveau des conditions de leur mise en liberté et s'être engagés à les
respecter. Autrement dit, ils ont eu tôt fait de comprendre que les conditions du régime de
surveillance intensive étaient incontournables et non négociables.
Certains délinquants estiment au départ que ce régime de surveillance est trop
strict et intrusif. Mais ils s'aperçoivent rapidement que, même s'ils y sont soumis
à cause du risque de récidive qu'ils présentent, ils ont affaire à des
agents de liberté conditionnelle tout disposés à faciliter leur réinsertion
dans la société.
Les agents de liberté conditionnelle ont tous d'excellents rapports avec les autres intervenants
de la collectivité - coordonnateurs locaux de programmes, médecins, professionnels de la
santé mentale, personnel de l'aide sociale et autorités responsables du logement.
Lorsqu'un délinquant est aux prises avec un problème d'adaptation particulier, les agents
de liberté conditionnelle le dirigent rapidement vers le service qui convient. Voilà qui
démontre aux délinquants que l'équipe est là pour les aider et non pas
seulement pour les surveiller.
Comme dans tous les autres régimes de mise en liberté sous condition, une nouvelle
évaluation des risques et des besoins est effectuée dans les 30 jours suivant la mise en
liberté. Le fait de passer en revue les besoins actuels des délinquants, compte tenu de
leurs antécédents criminels, se révèle également très efficace
pour ce qui est de les convaincre de la nécessité d'une surveillance intensive.
Les agents de liberté conditionnelle établissent alors avec le délinquant un plan
correctionnel axé sur les besoins définis au cours de l'évaluation. Étant
donné la nature de la clientèle de l'unité, la liste des besoins est habituellement
longue. L'analyse approfondie de ces besoins permet aux délinquants de bien comprendre pourquoi
ils doivent participer à certains programmes, et pourquoi ils sont soumis à une
surveillance intensive et à des contacts réguliers avec les agents de liberté
conditionnelle.
Les rencontres avec les agents de liberté conditionnelle sont plus ou moins fréquentes
selon l'évaluation du risque et des besoins. Au cours de la première phase du
régime de surveillance intensive, le délinquant doit se présenter à une
entrevue en tête à tête au moins deux fois par semaine; ses heures de rentrée
(entre 21 h et 23 h) sont également vérifiées à l'improviste une fois par
semaine. Les agents de liberté conditionnelle L'unité de la surveillance par équipe
comporte deux équipes de deux agents. À elles deux, ces équipes assurent la gestion
de 48 cas au total.
Les agents de liberté conditionnelle affectés à cette unité doivent
pratiquer une surveillance active, c'est-à-dire qu'ils doivent être capables de tenir
tête à un délinquant, s'il le faut. Compte tenu des antécédents des
délinquants visés, il est également vital que ces agents prennent
immédiatement les mesures qui s'imposent pour maintenir à un niveau acceptable le risque
que les délinquants présentent pour le public.
Les agents de liberté conditionnelle doivent faire preuve de beaucoup d'autorité, tout en
établissant de bons rapports avec les délinquants et leurs familles. Ils doivent aussi
travailler en collaboration avec d'autres organismes gouvernementaux, la police, les responsables de
programmes, les organismes d'aide postcarcérale et la collectivité en
général.
L'efficacité de la surveillance intensive et l'attitude des délinquants face à
cette surveillance dépendent directement de la qualité du personnel de l'unité.
Comme la clientèle cible se compose de délinquants qui ne sont pas admissibles à
une forme discrétionnaire de mise en liberté sous condition ou dont les expériences
antérieures de mise en liberté ont échoué, des interventions
régulières sont encore plus nécessaires. La surveillance intensive donne-t-elle de
bons résultats? Il est difficile de mesurer l'efficacité de la surveillance intensive,
compte tenu du grand nombre de variables qui entrent en jeu. Toutefois, on peut affirmer que le
délinquant réagit d'autant mieux que les agents de liberté conditionnelle lui
expliquent clairement les mesures qui sont prises pour faciliter son retour dans la
société.
En effet, il est indispensable de bien faire comprendre au délinquant que la surveillance
intensive vise non seulement à éviter qu'il ne récidive,
mais
également à l'aider à devenir un citoyen respectueux des lois en l'orientant
vers les programmes communautaires et les activités qui lui conviennent.
Tout au long de la période de surveillance, on procède périodiquement à de
nouvelles évaluations du risque et des besoins, et le plan correctionnel est modifié ou
révisé en conséquence. C'est très important, car cela permet au
délinquant de savoir exactement quels sont les aspects de sa vie qui contribuent à son
comportement criminel et quelles sont les mesures à prendre pour prévenir un tel
comportement.
D'autre part, les contacts réguliers - entrevues en tête à tête, visites au
domicile et au travail (tant pendant la journée qu'en soirée), rencontres avec les
personnes qui occupent une place importante dans la vie du délinquant -permettent de surveiller
l'évolution des facteurs qui contribuent au comportement criminel.
Les équipes de l'unité suivent également de près les délinquants
dont on a établi que le comportement criminel suit un cycle. Les agents de liberté
conditionnelle examinent l'évolution des facteurs contribuant à ce cycle chaque fois
qu'ils sont en contact avec le délinquant, que ce soit pour une entrevue au bureau, une rencontre
à l'extérieur ou une vérification des heures de rentrée.
Bien sûr, il y a toujours des délinquants qui ne sont réceptifs à aucun type
d'intervention et qui rejettent l'obligation de rendre compte prévue sous le régime de la
surveillance intensive. La plupart de ces délinquants ne souhaitent pas devenir des citoyens
respectueux des lois et ne voient donc pas l'intérêt de se conformer à un plan
correctionnel ni de collaborer avec des surveillants. Il s'ensuit que leur liberté ne tarde
généralement pas à être suspendue pour manquement aux conditions.
D'un autre côté, bien des délinquants s'efforcent de se conformer aux conditions de
leur mise en liberté et font des progrès pour ce qui est de remédier aux
problèmes à l'origine de leur comportement criminel passé. Certains d'entre eux
reviennent même régulièrement voir leurs agents de liberté conditionnelle
après l'expiration de leur peine pour leur faire savoir qu'ils se débrouillent toujours
bien dans la collectivité.
Il n'existe pour le moment aucune étude démontrant que la surveillance intensive a une
incidence sur les taux de récidive à long terme. Toutefois, il y a tout lieu de croire que
ce régime facilite la gestion du risque et la réinsertion sociale.
Pourquoi?
Parce que la surveillance intensive permet aux agents de liberté conditionnelle d'intervenir
rapidement auprès du délinquant, et ainsi de réduire le risque de
récidive.
Cette approche leur permet également de consacrer toute l'attention voulue aux
délinquants qui ont besoin d'une aide intensive, ce qui réduit également le risque
de récidive.
(1)107, rue Jarvis, 3e étage, Toronto (Ontario) M5C 2H4.