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L'emploi des détenus: l'importance croissante des compétences génériques
Le travail en milieu correctionnel, initialement conçu dans une optique de châtiment et de
dissuasion, s'est vu progressivement assigner un but plus pratique, celui de faire acquérir aux
délinquants des compétences monnayables susceptibles d'améliorer leurs perspectives
d'emploi après leur mise en liberté(2).
L'emploi en milieu correctionnel est désormais considéré comme un moyen important
de contribuer à la réadaptation et à la réinsertion sociale des
délinquants. Bien qu'il soit ordinairement axé sur des habiletés concrètes,
il peut aussi contribuer à l'acquisition d'attitudes et de comportements positifs (comme la
motivation et la responsabilité) qui peuvent être appliqués dans un milieu de
travail et dans des situations sociales après la mise en liberté.
Le milieu de travail correctionnel permet aux délinquants de mettre en pratique les
habiletés acquises dans les programmes destinés à modifier des attitudes et
comportements criminels. C'est pourquoi l'on reconnaît de plus en plus l'emploi en milieu
correctionnel comme moyen de réadaptation des délinquants: il contribuerait au
renforcement des compétences, au changement d'attitude et aux progrès vers la
réadaptation.
Cet article confirme ce rôle «nouveau» que joue l'emploi des détenus en
mettant en relief les compétences génériques, plutôt que propres à un
emploi particulier, que le travail en établissement permet d'acquérir et qui peuvent
ensuite être appliquées à divers milieux de travail et situations sociales.
Les avantages de l'emploi en milieu correctionnel Les recherches ont révélé que,
mis à part leur emploi en milieu correctionnel, la plupart des délinquants ont une
expérience professionnelle minime ou sporadique(3). D'ailleurs, ils ont
eux-mêmes indiqué que les problèmes d'emploi avaient contribué à leur
comportement criminel et que la préparation à l'emploi était, à leur avis,
indispensable à la réussite postlibératoire(4).
En plus de permettre l'acquisition de compétences professionnelles spécifiques, l'emploi
en milieu correctionnel produirait un certain nombre de résultats positifs. Le fait que les
détenus aient des horaires quotidiens plus structurés, qu'ils soient davantage
occupés et qu'ils soient de manière générale mieux adaptés à
la vie carcérale présente des avantages pour l'établissement(5).
La fonction de réadaptation de l'emploi en milieu correctionnel a également
été signalée par les chercheurs, les employés et les délinquants.
Outre des compétences monnayables et une expérience professionnelle, l'emploi offre aux
délinquants des possibilités de développement personnel (comme par exemple, le sens
des responsabilités et une discipline personnelle) pouvant contribuer à leur
réadaptation(6).
Ces résultats peuvent aussi avoir une incidence positive sur la société en
général. Une bonne éthique du travail peut accroître les perspectives
d'emploi des délinquants après leur mise en liberté(7) ce qui, à
son tour, facilite leur réinsertion sociale et diminue la probabilité qu'ils retombent
dans la criminalité.
L'emploi en milieu correctionnel et la réadaptation De nombreux programmes de
réadaptation offerts par le Service correctionnel du Canada visent à modifier les
attitudes et croyances qui suscitent un comportement antisocial chez les délinquants. Ils sont
basés sur la théorie de l'apprentissage social, selon laquelle il est possible de modifier
des croyances existantes.
Le Service offre ces programmes dans l'espoir de changements d'attitude qui aideront les
délinquants à s'adapter à leur collectivité et qui en définitive
réduiront la récidive. Le travail en milieu correctionnel donne aux délinquants la
possibilité de mettre en application les habiletés acquises dans ces programmes (comme la
maîtrise de la colère) pour faire face aux exigences et aux pressions qu'ils sont
susceptibles de rencontrer dans la société.
Ensemble, un emploi régulier et la participation à des programmes destinés
à modifier les attitudes criminelles peuvent contribuer à l'acquisition des habitudes de
travail et des valeurs nécessaires pour occuper un emploi dans la société.
Les recherches initiales sur l'emploi en milieu correctionnel et la récidive ont permis de
constater que les probationnaires qui se réintégraient bien dans la société
étaient deux fois plus susceptibles (que les probationnaires qui retombaient dans la
criminalité après leur mise en liberté) d'appliquer les habiletés qu'ils
avaient acquises durant leur emploi en milieu correctionnel(8).
Attitudes au travail et comportement Les ressources les plus importantes que l'emploi en milieu
correctionnel permet aux délinquants d'acquérir sont peut-être des
compétences génériques, des attitudes et des comportements découlant d'une
expérience du travail, qui ne sont pas propres à un emploi mais peuvent être
appliqués à de nombreux emplois différents. Ces compétences
génériques sont particulièrement importantes pour les délinquants vu que ces
derniers ont ordinairement occupé peu d'emplois dans la collectivité et peuvent par
conséquent avoir beaucoup à apprendre de toute expérience de travail.
Même si l'expérience contribue certes à l'employabilité globale, on peut
soutenir qu'il est encore plus important pour les délinquants d'acquérir les attitudes
(comme la motivation) et les comportements (comme la capacité de collaborer avec des
collègues) généraux que donne l'expérience du travail et qui peuvent
être appliqués à divers emplois.
Nous avons examiné pour cette étude les attitudes au travail et les comportements dans un
échantillon composé de 128 délinquants incarcérés dans sept
établissements du Service correctionnel du Canada.
La motivation est un aspect du travail en milieu correctionnel qui mérite qu'on s'y attarde.
D'après les recherches, les délinquants qui sont personnellement satisfaits de leur
«emploi» et qui estiment faire un travail utile croient avoir plus de chances de se
réadapter(9). Par contre, ceux qui estiment que leur travail n'a ni sens ni importance
sont peu susceptibles d'être motivés(10).
Les cotes obtenues par les délinquants sur le plan de la motivation intrinsèque au
travail (correspondant à la mesure dans laquelle une personne veut accomplir son travail
correctement dans un but de satisfaction personnelle) étaient semblables, quoiqu'un peu plus
faibles, à celles qui ont été obtenues pour deux échantillons de
travailleurs manuels britanniques.
Les perceptions de la valeur de l'emploi et de la mesure dans laquelle les délinquants se
sentent responsables des résultats produits étaient semblables à celles d'un
échantillon de membres de la collectivité quoique, dans ce cas aussi un peu plus
faibles.
Nous avons examiné les comportements au travail en fonction d'un ensemble de compétences
génériques que les employeurs de la collectivité jugent importantes(11).
Les délinquants ont été invités à évaluer leur
efficacité sur les plans suivants: