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Principes et caractéristiques fondamentaux de la formation correctionnelle de base des adultes

Pourquoi cela vaut-il la peine de consacrer du temps et des efforts à la formation correctionnelle de base des adultes? Principalement parce qu'elle se différencie nettement de la formation de base des adultes tout court

Cela ne signifie pas qu'il existe toujours une nette distinction entre éducation,formation de base des adultes et formation correctionnelle de base des adultes. Par contre, cela signifie qu'il existe un continuum, de l'éducation (publique) normale à la formation de base des adultes et à la formation correctionnelle de base des adultes, et que les enseignants du Service correctionnel du Canada son t les plus efficaces au troisième stade de ce continuum.

En outre, la stratégie correctionnelle du Service exige que tous les programmes soient de nature correctionnelle, c'est-à-dire qu'ils visent à répondre aux besoins des délinquants et à contribuer à leur réinsertion sociale.

C'est pourquoi les premiers éducateurs de la région de l'Ontario ont proposé récemment que la formation correctionnelle de base des adultes soit un projet spécial permanent. Cet article rappelle les textes de référence et les autorités sur lesquels se fonde une telle décision, et analyse les principes et les caractéristiques de la formation correctionnelle de base des adultes.

Il importe de noter que bon nombre de délinquants doivent suivre une formation correctionnelle de base comme condition préalable à leur participation à tout type de programme correctionnel de travail parce qu'ils n'ont même pas les habiletés de base requises pour apprendre les rudiments d'un métier.
Textes de référence et autorités Le recours à la formation correctionnelle de base des adultes au sein du Service correctionnel du Canada s'appuie sur divers textes de référence et autorités.

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et son règlement d'application prescrivent l'utilisation de programmes éducatifs destinés à répondre aux besoins criminogènes. Ainsi aux termes de l'article 76: «Le Service doit offrir une gamme de programmes visant à répondre aux besoins des délinquants et à contribuer à leur réinsertion sociale».

Dans son énoncé de Mission, le Service s'engage également à inciter activement et à aider les délinquants à devenir des citoyens respectueux des lois en leur offrant des programmes. La valeur fondamentale no 2 appuie expressément les activités de formation correctionnelle.

D'autre part, la Directive du Commissaire no 720 précise que le Service doit offrir aux délinquants des programmes agréés au palier provincial, et qui répondent à leurs besoins en matière de formation, afin de les aider à réintégrer la société.

L'American Correctional Association reconnaît depuis longtemps l'utilité de programmes de formation correctionnelle de base des adultes, lorsqu'ils sont bien conçus et bien exécutés, tandis que la Correctional Education Association se range à l'opinion selon laquelle la formation correctionnelle est un moyen de lutte contre les causes profondes de la criminalité.

Enfin, dans le processus de gestion des cas mis en place par le Service, la formation correctionnelle de base des adultes est considérée comme une étape importante de la réinsertion sociale des délinquants. Après tout, les délinquants doivent commencer par apprendre à lire, à écrire et à compter pour comprendre le contenu d'autres programmes et, au bout du compte, le monde dans lequel ils vivent
L'utilité de la formation correctionnelle de base des adultes La formation correctionnelle de base des adultes contribue à la réinsertion sociale des délinquants par des programmes d'acquisition d'habiletés de base (savoir lire, écrire et compter), de développement personnel et de préparation à la vie active qui leur permettront de devenir des citoyens respectueux des lois et autonomes. Ces programmes favorisent par ailleurs l'adoption d'attitudes et de valeurs prosociales qui sont également d'une importance cruciale.

Les études effectuées démontrent que les programmes de formation figurent parmi les moyens les plus efficaces d'aider les délinquants à réintégrer la société. C'est pourquoi l'on y attache de plus en plus d'importance dans les milieux correctionnels.

En outre, bien des délinquants ont un niveau d'instruction très bas par rapport aux autres adultes canadiens. En fait, beaucoup sont des analphabètes fonctionnels et, par conséquent, ont bien peu de chances de trouver un emploi convenable à leur sortie de prison s'ils n'améliorent pas leur niveau d'instruction.

Les résultats de tests indiquent qu'à leur entrée dans le système correctionnel, 60 % des délinquants n'ont pas le niveau requis pour être admis à l'école secondaire, 80 % d'entre eux ne seraient pas admissibles à une formation professionnelle, et 90 % sont au-dessous du niveau correspondant à la fin des études secondaires.

Bien des délinquants n'ont pas non plus les capacités de réflexion et de raisonnement nécessaires pour bien s'insérer dans la société, ni les aptitudes et les bonnes habitudes de travail requises pour conserver un emploi.

Les programmes éducatifs visent à répondre à trois catégories de besoins:

  • l'amélioration du niveau d'instruction (d'alphabétisation fonctionnelle, en particulier);

  • l'acquisition de compétences nécessaires à l'emploi (particulièrement les habiletés génériques applicables à divers métiers);

  • le développement des aptitudes aux relations interpersonnelles, des facultés cognitives et des aptitudes nécessaires pour avoir un comportement prosocial.
Principes et caractéristiques clés On a récemment passé en revue toutes les études effectuées dans le domaine de la formation correctionnelle de base des adultes: il est établi depuis longtemps qu'elle contribue à améliorer l'estime de soi, les aptitudes sociales et la confiance en soi.

Selon les résultats de ces recherches, les programmes correctionnels présentant certaines caractéristiques particulières contribuent à réduire le risque de récidive de 25 % à 80 %, soit d'environ 50 % en moyenne(2).

L'efficacité des programmes de formation correctionnelle de base des adultes repose sur les principes suivants:
  • les programmes intensifs doivent porter sur la modification du comportement;

  • ces programmes doivent être axés sur les besoins criminogènes des délinquants à risque élève;

  • les enseignants doivent tenir compte à la fois des caractéristiques du programme et des caractéristiques des délinquants qui y participent, et agir en conséquence;

  • les stratégies comportementales doivent être appliquées fermement mais équitablement;

  • les enseignants doivent être à l'écoute des délinquants et les encourager (et devraient être formés et supervisés en conséquence);

  • les délinquants devraient être placés dans des situations propices aux activités prosociales.
Il est tout aussi important d'être au courant des modes d'intervention qui se sont révélés inefficaces dans le domaine de la formation correctionnelle de base des adultes. Il s'agit notamment des classiques thérapies freudiennes psychodynamiques et des psychothérapies rogériennes centrées sur le client, des approches fondées sur le modèle médical, des approches axées sur la théorie des sous-cultures et de l'étiquetage, des programmes visant les délinquants à faible risque, des programmes axés sur des besoins qui ne sont pas de bons prédicteurs du comportement criminel, et des stratégies mettant l'accent sur un châtiment bien compris.

D'autre part, l'analyse des recherches effectuées sur les programmes correctionnels d'alphabétisation indique que les bons programmes dans ce domaine présentent certaines caractéristiques communes(3). Par exemple, le matériel didactique est varié, intéressant et adapté à la vie carcérale; il porte sur des questions concrètes telles que les relations familiales, la sexualité et la violence. Les détenus doivent également recevoir une information qui leur servira à leur retour dans la société, notamment sur l'emploi, le logement, les transports, les soins de santé et le bien-être social. De même, les programmes destinés aux parents ayant la garde d'enfants doivent porter sur des questions pratiques telles que les soins à l'enfant, la nutrition et la planification familiale.

Les cours destinés aux délinquants qui maîtrisent mal la langue française ou anglaise, selon le cas, doivent tenir compte des différences culturelles et comporter un volet enseignement de la langue. Les programmes doivent également être axés sur la modification du comportement et l'acquisition de compétences; les participants devraient être libres de s'y inscrire, d'abandonner en cours de route et de progresser à leur rythme.

En outre, les programmes doivent intégrer le développement des habiletés de base et l'acquisition de compétences psychosociales; les progrès et les réalisations des participants doivent faire l'objet d'un suivi. Le milieu d'apprentissage doit être structuré, propice au renforcement positif et riche en modèles de comportement prosocial. Les expériences et les activités d'apprentissage devraient être autant d'occasions pour les participants de mettre en pratique les compétences acquises dans des situations fonctionnelles bien réelles. Enfin, les enseignants doivent utiliser des méthodes d'apprentissage individuel et en groupe, et faire appel à toute une gamme de techniques, de technologies éducatives et de personnes ressources des groupes communautaires et des milieux d'affaires.
Miser sur la formation Les programmes de formation établissent les bases à partir desquelles les délinquants pourront acquérir les compétences nécessaires à leur développement personnel et, par le fait même, à leur réinsertion sociale. Bref, pour tirer profit d'un programme, quel qu'il soit, le délinquant doit d'abord savoir lire, écrire et compter.

Avant 1994, la relation existant entre formation, programmes correctionnels et réinsertion sociale était peu structurée. Elle était cependant jugée assez importante pour que des documents officiels tels que la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prescrivent l'utilisation de programmes de formation. De plus, le Service correctionnel du Canada a toujours accordé une grande place à la formation des délinquants dans l'élaboration et la planification de ses politiques.

Aujourd'hui, nous avons une raison supplémentaire de miser sur la formation des délinquants puisqu'il a été établi qu'en appliquant de façon judicieuse les principes et les caractéristiques qui ont fait leurs preuves dans le domaine de la formation correctionnelle de base des adultes, on peut réduire le risque de récidive de 25 % à 80 %.

Les enseignants en milieu correctionnel ont longtemps défini leur activité simplement comme de la «formation correctionnelle», sans pouvoir préciser ce qu'ils entendaient par là. On ne peut plus accepter aujourd'hui des propos du genre: «Je donne simplement des cours de formation de base à des criminels. Leur criminalité n'est pas mon problème.» Notre but n'est pas de produire des escrocs plus instruits, mais de modifier les attitudes, les sentiments et les valeurs des délinquants.

La clé du succès en matière de formation correctionnelle de base des adultes, c'est la formation des enseignants eux-mêmes. Maintenant que nous avons une idée claire de ce que nous recherchons dans ce domaine, nous devons nous assurer que les enseignants du Service comprennent bien les buts de ce procédé et qu'ils possèdent les compétences et les capacités nécessaires pour mettre à exécution les principes et les caractéristiques de la formation correctionnelle de base des adultes.

Pour imprimer une orientation purement correctionnelle à ses programmes de formation, la région de l'Ontario a entrepris un projet visant à incorporer les principes et les caractéristiques des stratégies correctionnelles dans son programme de formation de base des adultes. Toutefois, ce projet n'aura véritablement abouti que le jour où chaque enseignant, chaque délinquant participant et chaque cours mettront en application ces principes et ces caractéristiques.



(1)Établissement Warkworth, C.P. 760, Campbellford (Ontario) KOL 1L0.

(2)GENDREAU, P., «The Principles of Effective Intervention with Offenders», What Works in Community Corrections: A Consensus Conference, Philadelphie, International Association of Residential and Community Alternatives, 1993.

(3)RYAN, T.A., «Alphabétisation et réinsertion sociale des délinquants», Forum, vol. 3, no 3, 1991, p. 17-23.