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La priorité dans le domaine du traitement des délinquants sexuels : une illustration du principe du risque et des besoins

Voici une comparaison des résultats produits par deux programmes de traitement des délinquants sexuels offerts en Saskatchewan. L'un s'adresse à des détenus sous responsabilité provinciale tandis que l'autre est assuré au Centre psychiatrique régional (Prairies) à sécurité maximale du Service correctionnel du Canada.

Les deux programmes ont à peu près le même niveau d'intensité. Toutefois, les détenus sous responsabilité provinciale ont vraisemblablement besoin d'un traitement moins intensif, étant donné que les délinquants sous responsabilité fédérale (qui purgent des peines d'au moins deux ans) tendent à commettre des crimes plus graves, à éprouver des besoins plus grands et à présenter un risque plus élevé.

Les deux programmes de traitement visent la prévention de la rechute et sont offerts sous forme de séances de groupe destinées à aider les délinquants à reconnaître les situations à haut risque, à surmonter leurs tendances à la rationalisation et au déni de la réalité, et à assumer la responsabilité de leurs infractions(2). Cette méthode de traitement s'est révélée particulièrement efficace auprès des délinquants dont le niveau de risque et de besoins était le plus élevé(3). Le programme provincial Au cours de la période visée par l'étude, 30 détenus ont été aiguillés vers le programme provincial de traitement des délinquants sexuels. Deux d'entre eux n'ont pas achevé le programme, un a été exclu de l'échantillon à cause d'une incapacité mentale, tandis qu'un autre n'a pas été inclus dans l'échantillon parce qu'il est décédé peu après sa mise en liberté. L'étude a donc porté sur 26 délinquants.

Environ 62 % des membres de l'échantillon étaient de race blanche, les autres 38 % étant Autochtones ou Métis. Leur âge moyen était de 38 ans et leur niveau moyen de scolarité correspondait à peu près à la 9e année.

Il s'agissait, dans la plupart des cas, de délinquants sexuels primaires reconnus coupables d'avoir agressé des enfants qu'ils connaissaient. Même si 56 % des délinquants avaient fait l'objet de condamnations antérieures, seulement 15 % avaient déjà été condamnés pour des infractions sexuelles. La durée moyenne de la peine (y compris la période de probation) était de 27,5 mois.

Étant donné l'absence relative d'antécédents criminels, le fait que la plupart des délinquants avaient commis des infractions intrafamiliales et le fait que tous les délinquants purgeaient des peines de moins de deux ans, cet échantillon était considéré comme étant plutôt à faible risque.

Un groupe témoin a été constitué à partir d'un échantillon d'hommes incarcérés pour avoir commis à peu près le même nombre et le même genre d'infractions sexuelles en Saskatchewan au cours de la période visée par l'étude.

Après avoir apparié les délinquants quant à l'âge, à l'origine raciale, à la perpétration antérieure d'infractions sexuelles et non sexuelles, à la durée de la peine et à «l'intervalle d'exposition au risque», nous nous sommes retrouvés avec un groupe témoin comprenant 35 délinquants qui n'ont reçu aucun traitement avant leur mise en liberté.

Par «intervalle d'exposition au risque», on entend le nombre de mois qu'un délinquant reste dans la collectivité après sa mise en liberté. Cette variable a été mesurée à partir de la date de libération conditionnelle indiquée dans la base de données du Centre d'information de la police canadienne ou de la date correspondant aux deux tiers de la peine du délinquant.

Des questionnaires ont été utilisés pour évaluer l'état affectif, les attitudes sexuelles et les connaissances sexuelles des délinquants avant et après le traitement. On a également mesuré chez eux la désirabilité sociale, le fonctionnement cognitif, la possession d'information sur la sexualité, la présence de symptômes psychiatriques et le comportement au moyen de jeux de rôles. Des tests papier-crayon ont été administrés avant et après le traitement et les jeux de rôles ont été effectués et évalués avant le traitement, immédiatement après celui-ci et de nouveau trois mois après le traitement. Des aptitudes comme l'affirmation de soi et l'angoisse ont aussi été évaluées, et une cote globale a été attribuée pour les compétences sociales.

Les cotes moyennes attribuées quant à l'angoisse des délinquants durant les trois jeux de rôles semblent indiquer une baisse significative de l'angoisse d'un test à l'autre (p < 0,01)(4). Les cotes attribuées pour les jeux de rôles semblent aussi révéler une amélioration dans les compétences sociales générales (p < 0,01).

Les données sur la récidive ont été tirées de la base de données du Centre d'information de la police canadienne. Ces données portent sur les arrestations, les condamnations et les violations de la libération conditionnelle ou de la probation après la mise en liberté. La période moyenne de suivi pour le groupe étudié était de 31,2 mois et, pour le groupe témoin, de 28,8 mois.

Le taux moyen de récidive sexuelle était légèrement plus faible pour le groupe témoin que pour le groupe étudié, mais il n'y avait pas de différence significative entre les groupes pour ce qui est de la récidive non sexuelle ou de la récidive globale (voir le tableau 1).

Tableau 1

Données sur la récidive pour le groupe provincial étudié
(26 délinquants) et pour le groupe témoin (35 délinquants)
Nouvelles infractions
Taux de récidive
Valeur p
(test)
Infractions sexuelles
Groupe étudié
Groupe témoin
0,11
0,03
0,181
Infractions non sexuelles
Groupe étudié
Groupe témoin
0,88
1,23
0,536
Toutes infractions
Groupe étudié
Groupe témoin
1,00
1,23
0,645

Le programme fédéral Une étude de suivi de 5,2 ans en moyenne (la gamme allant de 0,4 à 148,5 mois) de délinquants sexuels traités dans le cadre du programme de Clearwater au Centre psychiatrique régional (Prairies) a produit des résultats fort différents. On a comparé ce groupe de délinquants sexuels à risque élevé (violeurs et pédophiles récidivistes purgeant des peines sous responsabilité fédérale) à un groupe de récidivistes libérés d'établissements fédéraux et suivis pendant une période de trois ans(5).

En accord avec une comparaison antérieure(6), nous avons constaté que le taux de récidive sexuelle du groupe étudié était de 59 % inférieur à celui du groupe témoin, même si le premier avait été suivi pendant plus de deux années supplémentaires (le taux de récidive sexuelle du groupe témoin était de 14,6 % et celui du groupe étudié, de 6 %; p = 0,022). En outre, les membres du groupe étudié ont été réincarcérés dans un établissement fédéral moins souvent que ceux du groupe témoin (48,8 % contre 64,7 %; p = 0,013).

Lorsque nous avons groupé les récidivistes (sous responsabilité fédérale) et les délinquants non récidivistes (sous responsabilité provinciale), nous n'avons pas constaté de différences quant à la récidive sexuelle. Ce résultat démontre clairement comment intervient le principe du risque et des besoins(7); ce sont en effet les délinquants au niveau de risque initial le plus élevé (récidivistes) qui ont bénéficié le plus du traitement (les résultats étant mesurés en fonction de la réincarcération dans un établissement fédéral). Analyse Certes, les résultats obtenus pour l'échantillon de délinquants sous responsabilité provinciale étaient négatifs, c'est-à-dire que le traitement n'a pas semblé avoir d'incidence sur le risque (mesuré en fonction de la récidive). Toutefois, il est normal que le traitement ne réduise pas tellement le risque dans un groupe déjà à faible risque.

Le risque que présentaient les délinquants incarcérés sous responsabilité provinciale ne semblait pas suffisamment grand pour justifier l'intervention intensive dont ces délinquants ont fait l'objet. Ni les délinquants traités ni les membres du groupe témoin n'ont eu des taux élevés d'infractions sexuelles ou d'autres comportements criminels après leur mise en liberté, ce qui traduit peut-être leur capacité de gérer leur risque dans la collectivité, même sans traitement. Cette constatation est en accord avec le principe du risque et des besoins, à savoir qu'on ne peut s'attendre à ce que le traitement correctionnel produise des résultats sensibles parmi les délinquants à faible risque(7).

Même si les programmes pour délinquants sexuels ont produit des changements parmi les délinquants à faible risque en ce qui concerne les objectifs de traitement immédiats, il semble que ces changements ne soient pas liés à la récidive. Par contre, le traitement a été efficace dans le cas des délinquants à risque élevé. Cette constatation a d'importantes répercussions en ce qui concerne l'élaboration des politiques et l'affectation des ressources. Il semble que les délinquants sexuels dans la trentaine, qui n'ont pas d'antécédents d'infractions sexuelles, qui n'ont guère ou pas d'antécédents d'infractions non sexuelles et qui purgent une peine de moins de deux ans devraient être aiguillés vers des programmes peu intensifs et peu coûteux. Les programmes intensifs devraient manifestement être réservés aux délinquants plus endurcis susceptibles d'en profiter le plus.



(1)2520, Central Avenue North, C. P. 9243, Saskatoon (Saskatchewan) S7K 3X5.
(2)MARSHALL, W. L., ECCLES, A. et BARBAREE, H. E., «A three tiered approach to the rehabilitation of incarcerated sex offenders», Behavioral Sciences and the Law, vol. 11, 1993, p. 441-455.
(3)ANDREWS, D. A. et BONTA, J., The psychology of criminal conduct, Cincinnati, Anderson, 1994. Voir également GENDREAU, P., CULLEN, F. T. et BONTA, J., «Intensive rehabilitation supervision: The next generation in community corrections?», Federal Probation, vol. 58, 1994, p. 72-78.
(4)Test Block/Treatment de Friedman.
(5)PORPORINO, F. et ROBINSON, D., rapport inédit, Direction de la recherche et des statistiques, Service correctionnel du Canada, 1991.
(6)GORDON, A., HOLDEN, R. et LEIS, T., «Gestion et traitement des délinquants sexuels : les programmes qui concilient besoins et risques», Forum ñ Recherche sur l'actualité correctionnelle, vol. 3, no 1, 1991, p. 7-11.
(7)ANDREWS et BONTA, The psychology of criminal conduct. Voir également GENDREAU, CULLEN et BONTA, «Intensive rehabilitation supervision: The next generation in community corrections?».