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Diminuer la récidive chez les délinquants au moyen de programmes de traitement dispensés en établissement

Il a été difficile dans le passé de faire la preuve que les programmes de traitement dispensés en établissement diminuaient de beaucoup la récidive chez les délinquants(2). Il y a plusieurs raisons qui expliquent cette situation, dont l'absence de groupes témoins ou l'utilisation de groupes témoins inadéquats, une mauvaise définition des objectifs et des méthodes de traitement, certaines caractéristiques propres aux établissements et les particularités des délinquants en général.

Cet article tente de combler cette lacune en analysant le comportement postlibératoire de délinquants qui ont suivi deux types de programmes de traitement au Centre correctionnel Rideau.

Contexte

Le Centre correctionnel Rideau compte une unité d'évaluation de 24 places et une unité de traitement de 64 places. Dans le cadre des programmes dispensés au Centre, on cherche à offrir les traitements les plus susceptibles de diminuer le risque de récidive(3). Ainsi, les méthodes opérationnelles et les fonctions des agents de correction ont été conçues en fonction des objectifs de traitement :

  • les agents de correction participent au processus d'évaluation et à la conférence de cas initiale;
  • chaque agent joue le rôle de gestionnaire de cas auprès de trois ou quatre délinquants, en surveillant les plans de traitement et en préparant plusieurs rapports;
  • les délinquants sont libérés de leur travail dans l'établissement afin de suivre leur programme de traitement à temps plein;
  • les agents de correction et les coordonnateurs des dortoirs se rencontrent chaque semaine pour régler des questions opérationnelles et pour favoriser l'esprit de corps.
  • Les éléments de programme qui contribuent à réduire la récidive ont également été intégrés aux programmes du Centre :
  • l'affectation d'un délinquant à un programme dépend des résultats d'une évaluation de deux semaines, au cours de laquelle on passe en revue ses antécédents criminels, son comportement dans le dortoir, les traits de sa personnalité, sa motivation par rapport au traitement, ses sentiments criminels et son adhésion au code des détenus;
  • les programmes sont axés sur les facteurs criminogènes tels que la toxicomanie, le comportement violent et les attitudes criminelles;
  • les programmes s'appuient sur le modèle cognitivo-comportemental ainsi que sur l'influence exercée par les pairs et leur soutien;
  • les programmes sont suffisamment individualisés pour être axés sur les situations et les états émotifs pertinents;
  • les programmes sont intensifs (ils se déroulent sur quatre ou cinq demi-journées par semaine, pendant au moins 20 jours;
  • des tests administrés avant et après le programme permettent d'évaluer le progrès du délinquant, incitent à apporter les changements nécessaires au programme et fournissent des mesures qui peuvent ensuite être utilisées pour évaluer le risque de récidive chez les délinquants.
Méthode

Deux échantillons ont été examinés. Le premier comptait 216 : un groupe de délinquants (groupe de traitement) qui avaient suivi soit un programme de prévention de la rechute en matière de toxicomanie(4) soit le programme de prévention de la rechute ainsi qu'un programme de maîtrise de la colère(5) au cours de 1991-1992, et un groupe témoin composé de délinquants qui étaient sur une liste d'attente pour le traitement. Ces délinquants ont également été classés comme étant violents ou non violents, d'après les caractéristiques de leur condamnation.

On a comparé le groupe témoin au groupe de traitement en fonction de plusieurs variables qui auraient pu les différencier sur le plan de la récidive. Toutefois, on n'a relevé aucune différence significative quant à l'âge, aux scores obtenus d'après l'Inventaire du niveau de supervision, à la durée de la peine, au nombre d'années de consommation de drogues, au pourcentage de délinquants ayant des dépendances multiples, aux condamnations antérieures, aux périodes d'incarcération antérieures ou aux emplois occupés. Vu les similitudes qui ont été constatées, on peut raisonnablement affirmer que les différences entre les deux groupes sur le plan de la récidive sont dues au traitement.

Le second échantillon comptait 190 délinquants : un groupe de délinquants qui avaient participé à une forme de programme de traitement de la toxicomanie ainsi qu'à un programme de maîtrise de la colère en 1993-1994, et un groupe témoin composé de délinquants qui étaient sur une iste d'attente en vue d'un traitement. Selon l'évaluation, tous les délinquants de cet échantillon avaient besoin de suivre un programme de maîtrise de la colère.

Programme de prévention de la rechute

Chez les délinquants du premier échantillon ayant suivi ce programme, le taux de récidive était largement inférieur, de façon statistiquement significative (p<0,05), à celui du groupe témoin (graphique 1).

Le traitement a même eu des effets sur les délinquants qui ont fini par récidiver. Ainsi, les délinquants ayant suivi le programme de prévention de la rechute ont récidivé après une période plus longue que les délinquants du groupe témoin (p<0,05). Durant la période de suivi, le nombre de jours d'incarcération des délinquants du groupe de traitement a été significativement moins nombreux que pour le groupe témoin (p<0,05). Ainsi, le programme de prévention de la rechute a non seulement diminué le risque de récidive de façon significative, mais il semble aussi avoir aidé les délinquants qui ont récidivé.

Délinquants violents

Il appert que le programme de prévention de la rechute a eu des effets bénéfiques pour les délinquants non violents.

Le taux de récidive chez les délinquants non violents du premier échantillon était de 33 %, comparative-ment à 68 % pour le groupe témoin (graphique 2).

Graphique 1

Figure 1

Par contre, il semble que ce programme n'ait eu que peu d'effet, sinon aucun, sur les délinquants violents. Toutefois, le taux de récidive des délinquants violents qui avaient suivi à la fois les programmes de prévention de la rechute et de maîtrise de la colère était largement inférieur à celui du groupe témoin (p<0,05).

Programme de maîtrise de la colère

On peut diviser en trois groupes les délinquants du second échantillon qui avaient suivi un traitement : ceux qui n'avaient suivi que le programme de traitement de la toxicomanie, ceux qui avaient suivi un programme de traitement de la toxicomanie et un programme de maîtrise de la colère et ceux qui n'avaient suivi que le programme de maîtrise de la colère.

Il n'y avait aucune différence significative entre les groupes quant aux scores obtenus d'après l'Inventaire du niveau de supervision, et tous les délinquants avaient été recommandés pour le programme de maîtrise de la colère.

Chez les délinquants qui avaient suivi soit le programme de maîtrise de la colère soit les deux programmes (maîtrise de la colère et traitement de la toxicomanie), le taux de récidive était sensiblement inférieur à celui du groupe témoin (p<0,01). En revanche, ce n'était pas le cas pour les délinquants qui n'avaient suivi que le programme de traitement de la toxicomanie (graphique 3).

Toutefois, le taux de récidive des délinquants qui n'avaient suivi que le programme de traitement de la toxicomanie ne différait pas de façon significative des taux de récidive des deux autres groupes de délinquants qui avaient suivi un traitement.

Analyse

Il semble que les programmes de traitement intensif dispensés dans un milieu de traitement, adaptés au comportement des délinquants et axés sur les facteurs criminogènes contribuent à la diminution de la récidive. Le programme de prévention de la rechute a permis de diminuer le taux prévu de récidive de 51 % chez les délinquants non violents, tandis que la combinaison des programmes de traitement de la toxicomanie et de maîtrise de la colère a diminué le taux de récidive de 40 % chez les délinquants violents.

Le fait que le programme de traitement de la toxicomanie n'a pas, en soi, diminué la récidive de façon significative chez les délinquants violents des deux échantillons s'explique de plusieurs façons. Tout d'abord, la plupart des délinquants recommandés pour le programme de maîtrise de la colère refusent d'admettre leur problème et déclarent qu'ils ne sont violents que lorsqu'ils ont consommé une substance intoxicante. Les résultats de cette étude semblent contredire cette affirmation. Étant donné que les délinquants sont souvent touchés par plusieurs facteurs criminogènes, on ne peut s'attendre à obtenir des résultats positifs que dans la mesure où l'on s'attaque à tous ces facteurs.

Graphique 3

Figure 1

À tout le moins, les programmes de traitement devraient être axés sur le comportement du délinquant dans un contexte précis. Par conséquent, si le problème réside dans la maîtrise de la colère, le traitement devrait être axé sur la maîtrise de la colère dans le contexte où le délinquant éprouve de la difficulté à maîtriser sa colère. Cette approche remet en question l'efficacité des programmes qui essaient de traiter de façon générale des troubles comme l'impulsivité, l'incapacité de résoudre des problèmes ou la faible estime de soi.


(1 )Centre correctionnel et Unité de traitement Rideau, R.R. 3, Merrickville (Ontario) K0G 1N0.

(2 )ANDREWS, D.A., BONTA, J. et HOGE, R.D., «Classification for effective rehabilitation : Rediscovering psychology», Criminal Justice and Behaviour, n(o) 17, 1990, p. 19-52. Voir aussi ANDREWS, D.A., ZINGER, I., HOGE, R.D., BONTA, J., GENDREAU, P. et CULLEN, F.T., «Does correctional treatment work? A clinically relevant and psychologically informed meta-analysis», Criminology, n(o) 28, 1990, p. 369-404 et GENDREAU, P. et ROSS, R.R., «Revivification of rehabilitation: Evidence from the 1980s», Justice Quarterly, n(o) 4, 1987, p. 349-407.

(3 )GENDREAU, P., «The principles of effective intervention with offenders», Choosing Correctional Options that Work: Defining the Demand and Evaluating the Supply, A.T. Harland, dir., Thousand Oaks, Sage, 1996.

(4 )Le programme de prévention de la rechute a été conçu par Guy Bourgon et Pamela Yates dans ANNIS, H., «A relapse prevention model for treatment of alcoholics», Treating Addictive Behaviours, W.E. Miller et W. Heather, dir., New York, Plenum, 1986, p. 407-435.

(5 )Le programme de maîtrise de la colère a été conçu par Barbara Armstrong.