Service correctionnel du Canada
Symbole du gouvernement du Canada

Liens de la barre de menu commune

FORUM - Recherche sur l'actualité correctionnelle

Avertissement Cette page Web a été archivée dans le Web.

Traitement efficace des délinquants sexuels: la clinique de comportement sexuel de l'établissement Warkworth

La clinique de comportement sexuel de l'établissement Warkworth a ouvert ses portes en 1989 et traite environ 75 délinquants par année. Le traitement vise à diminuer les probabilités de récidive chez les délinquants, particulièrement les infractions accompagnées de violence et les infractions sexuelles. Le programme est dispensé sous forme de thérapie de groupe. Il est conçu de manière à permettre aux participants de poursuivre leur travail dans l'établissement ou à l'extérieur.

Cet article présente les résultats préliminaires d'un récent projet de recherche dont l'objectif était d'évaluer le processus d'évaluation du risque utilisé par la clinique et l'efficacité de l'approche employée pour le traitement.

Caractéristiques du programme

La clinique de comportement sexuel de l'établissement Warkworth utilise un processus relativement innovateur pour évaluer le risque de récidive chez les délinquants. Au cours de l'évaluation qui précède le traitement, on s'intéresse aux antécédents de délinquance sexuelle, aux signes d'excitation sexuelle déviante, aux antécédents de comportement antisocial et aux autres indicateurs de personnalité antisociale et de problèmes liés aux aptitudes sociales. Des recherches ont révélé que ces quatre facteurs sont associés à la récidive chez les délinquants sexuels. En outre, on tient compte de la motivation des délinquants et du degré de changement de leur comportement au cours du traitement, afin d'intégrer leurs progrès dans l'évaluation du risque. L'évaluation du risque effectuée avant le traitement est finalement combinée à l'évaluation de ces deux facteurs dynamiques et aux impressions générales cliniques, ce qui permet de déterminer le niveau de risque global que présente le délinquant après le traitement (de faible à élevé).

L'évaluation du risque sert à définir les besoins du délinquant. Elle permet de fixer des objectifs de traitement adaptés au risque de récidive et de déterminer la durée du traitement ­ plus le risque est élevé, plus le traitement sera long.

Dans le cadre du programme, on tente de répondre aux besoins particuliers de chaque délinquant en lui offrant le traitement au moment le plus propice pour susciter un changement de comportement et pour le guider vers une mise en liberté sûre.

Les groupes de délinquants se rencontrent environ trois heures par jour, à raison de cinq jours par semaine. La thérapie de groupe est supervisée par un thérapeute principal; le directeur du programme y assiste régulièrement. Ces groupes comptent habituellement dix délinquants qui en sont à leur premier traitement à la clinique. Toutefois, on peut y trouver également d'autres délinquants qui sont traités pour une deuxième ou une troisième fois.

À la fin du traitement, on prépare un rapport détaillé sur l'évaluation du risque que présente le délinquant, les progrès qui ont été réalisés au cours du traitement, le cycle d'infractions et le plan de prévention de la rechute. Dans ce rapport, on recommande également des mesures de soutien pour répondre aux besoins postlibératoires du délinquant, on parle des objectifs de traitement qui n'ont pas été atteints et on dirige le délinquant vers un programme de traitement communautaire (s'il y a lieu). Ce rapport est acheminé à la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC).

Échantillon de l'étude

Parmi les 250 délinquants qui avaient été traités à la clinique au moment de cette étude, on comptait 123 auteurs de viol, 56 auteurs d'un acte incestueux, 56 auteurs d'un acte de pédophilie à l'égard d'un enfant (de moins de 14 ans) étranger à leur famille et 15 délinquants condamnés pour un homicide lié à une agression sexuelle. En acceptant de se soumettre à l'évaluation et au traitement, tous les délinquants ont consenti à ce que les renseignements qui les concernaient soient utilisés à des fins de recherche.

Les renseignements ont été extraits des dossiers de l'établissement, des entrevues semi-structurées réalisées auprès des délinquants, des tests psychologiques et phallométriques et des rapports rédigés avant et après le traitement. Les premiers délinquants mis en liberté après le traitement l'ont été en 1989, ce qui a permis une période maximale de suivi de six ans.

Parmi les 250 délinquants, 193 ont suivi le traitement jusqu'au bout. Il n'y avait aucune différence significative entre les diverses catégories de délinquants.

Évaluation du risque

D'après l'évaluation effectuée avant le traitement, les auteurs d'un acte incestueux présentaient un risque moins élevé que les autres catégories de délinquants sexuels. Toutefois, on n'a constaté aucune différence significative entre les diverses catégories de délinquants quant au risque qu'ils présentaient après le traitement. Le niveau moyen de risque des auteurs d'un acte incestueux n'a pas changé au cours du traitement, tandis que le niveau moyen de risque des autres groupes a légèrement diminué.

Réussite ou échec de la liberté sous condition

On a obtenu des renseignements extraits des dossiers de la CNLC à l'égard de 215 des délinquants de l'échantillon. Les dossiers concernant les 35 autres délinquants n'ont pu être consultés pour diverses raisons. Des 215 délinquants faisant partie du groupe de suivi, 17 n'étaient pas admissibles à la mise en liberté sous condition pendant la période visée par l'étude. Il n'y avait donc que 198 délinquants admissibles à ce type de liberté.

Les deux tiers de ces délinquants ont bénéficié d'une forme de mise en liberté sous condition, tandis que le reste d'entre eux ont été maintenus en incarcération après la date de leur admissibilité à la libération d'office. Il n'y avait aucune différence entre les catégories de délinquants quant au pourcentage qui a été maintenu en incarcération. Toutefois, une plus grande proportion des délinquants considérés comme étant plus susceptibles de récidiver après le traitement ont été maintenus en incarcération. Il y avait également un lien significatif entre le niveau recommandé de gestion après la libération et le maintien en incarcération.

Des 132 délinquants mis en liberté, 32 % ont connu un échec. Dans certains cas, aucune mesure officielle n'a été prise; dans d'autres cas, on a suspendu la liberté pour cause de violation d'une des conditions; ou encore, on a révoqué complètement la liberté sous condition. Les auteurs de viol étaient plus susceptibles que les membres des deux groupes de délinquants s'en étant pris à des enfants de ne pas mener à terme leur libération, bien que cette différence ne soit pas statistiquement significative.

La période de temps moyenne passée dans la collectivité avant l'échec de la mise en liberté sous condition était d'environ 43 mois, s'échelonnant entre une semaine et 5,2 ans. L'analyse de survie a révélé que 29 % des auteurs de viol ont connu un échec dans l'année qui a suivi leur libération, comparativement à seulement 14,4 % des délinquants qui s'en étaient pris à des enfants. On a constaté une tendance identique au cours des périodes de suivi plus longues, ce qui indique que les auteurs de viol ont échoué près de deux fois plus que les délinquants de l'autre catégorie.

Cependant, comme plus de 50 % des délinquants de chaque groupe couraient encore le risque d'échouer parce qu'ils n'avaient pas fini de purger leur peine, la prudence s'impose dans l'interprétation de ces résultats.

Récidive

En tout, 218 des délinquants avaient été mis en liberté au moment où cette étude a été réalisée : 132 bénéficiaient d'une mise en liberté sous condition et 86 étaient parvenus au terme de leur mandat. Toutefois, un délinquant est décédé et 15 autres ont été expulsés. Les observations qui suivent portent donc sur 202 délinquants. De ceux-là, 36 ont commis une nouvelle infraction après leur mise en liberté : 13, une infraction sexuelle et 4, une infraction avec violence (tableau 1).

Tableau 1

Récidive selon le type de délinquant sexuel (202 délinquants)
Type de
délinquant sexuel
Tous les types
de récidive
Récidive de
nature sexuelle
Récidive
violence
Auteurs de viol
26
8
3
Meurtriers sexuels
1
1
0
Auteurs d'un acte nestueux
5
2
1
Auteurs d'un acte i.e pédophile
(enfant étranger à la famille)
5
2
0

Les auteurs de viol ont été les plus nombreux à commettre tout type de nouvelle infraction ou une nouvelle infraction sexuelle. Toutefois, on n'a constaté aucun lien entre la récidive et la participation au traitement. Les résultats se comparent à ceux qui ont été obtenus dans d'autres programmes de traitement de délinquants sexuels.

Comparaison entre les délinquants qui acceptent le traitement et ceux qui le refusent

À la lumière des données obtenues de la CNLC, on a établi un groupe témoin de 74 délinquants qui avaient été invités à suivre un traitement à la clinique, mais qui l'avaient refusé.

Soixante-cinq d'entre eux avaient été libérés ­ 39 en vertu d'une liberté sous condition et 26 à la fin de leur peine. Il n'est pas étonnant de constater que les délinquants qui avaient refusé le traitement étaient moins susceptibles, dans une proportion de 60 %, de se voir octroyer une mise en liberté sous condition.

Parmi les 39 délinquants qui avaient refusé le traitement et qui ont bénéficié d'une liberté sous condition, 15 ont échoué d'une manière ou d'une autre. Ce taux est comparable à celui des délinquants qui ont accepté le traitement.

Toutefois, la période moyenne passée dans la collectivité n'a été que de 582 jours (de 4 mois à 3,3 ans), ce qui est largement inférieur à la période moyenne pour les délinquants qui avaient suivi le traitement. Il est donc fort possible que ceux qui avaient refusé le traitement auraient un taux d'échec plus élevé que les autres si l'on prenait une période de suivi équivalente.

Une analyse de survie a révélé une tendance semblable. Parmi les délinquants qui avaient suivi le traitement, 77,8 % sont restés en liberté au cours de la première année de suivi, comparativement à 61 % de ceux qui ont refusé le traitement. On a obtenu un résultat semblable après un suivi de deux ans.

Cependant, là encore, la prudence s'impose dans l'interprétation de ces résultats, étant donné le faible nombre de délinquants qui ont refusé le traitement et vu que plus de la moitié des délinquants de chaque groupe risquaient encore d'enfreindre les conditions de la mise en liberté.

Environ 18,5 % des 65 délinquants ayant refusé le traitement qui ont été mis en liberté ont commis une nouvelle infraction par la suite. Ce taux est comparable à celui des délinquants qui ont reçu le traitement. Il n'y avait pas non plus de différence significative entre les deux groupes quant à la perpétration d'une nouvelle infraction sexuelle.

Qu'est-ce que cela signifie?

Ces données préliminaires indiquent que l'évaluation du risque réalisée à la clinique de l'établissement Warkworth permet de prévoir les décisions de la CNLC ainsi que l'échec lors de la mise en liberté.

Cette évaluation préliminaire laisse également supposer que ce programme de traitement permet de réduire la récidive et aide les délinquants à mener à terme leur période de liberté sous condition.

Deux autres conclusions méritent également notre attention. Tout d'abord, il y a un lien évident entre les décisions qui sont prises aux différentes étapes du processus de traitement et la gestion des cas. L'évaluation initiale du niveau de risque est fondée sur des antécédents qui ont été extraits de différentes sources. Même si le niveau de risque déterminé après le traitement ne diffère pas beaucoup du niveau de risque initial, il traduit également la performance du délinquant au cours du traitement.

De même, les recommandations sur la gestion du délinquant après le traitement sont fondées sur le niveau de risque déterminé après le traitement, et la CNLC est influencée par ces recommandations dans sa prise de décisions.

Enfin, comme la conduite du délinquant au cours du traitement joue un rôle assez marquant dans la prévision de sa conduite après le traitement, il pourrait s'avérer très utile de tenir compte de la réceptivité du délinquant tout au long du processus de traitement.


(1 )250, rue College, Toronto (Ontario) M5T 1R8. Pour de plus amples renseignements, prière de consulter BARBAREE, H. E., SETO, M.C. et MARIC, A., Working Papers in Impulsivity Research: Sex Offender Characteristics, Response to Treatment and Correctional Release Decisions at the Warkworth Sexual Behaviour Clinic, Toronto, Institut psychiatrique Clarke, 1996.