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Programmes de mise en liberté graduelle : rendement du délinquant durant la semi-liberté et durant les périodes subséquentes de liberté

La réinsertion sociale des délinquants, de façon sûre et efficace, est le but visé par la plupart des systèmes correctionnels. Le Service correctionnel du Canada offre un vaste éventail de programmes pour atteindre cet objectif. Mentionnons, entre autres, le traitement de la toxicomanie, la formation scolaire, le développement des aptitudes cognitives et le counseling. Ces programmes jouent un rôle important dans la réinsertion sociale des délinquants. Toutefois, les programmes de mise en liberté graduelle sont également essentiels, car ils fournissent aux délinquants l'occasion de réintégrer progressivement la société en étant soumis à de moins en moins de contraintes.

Les programmes de mise en liberté graduelle vont des sorties supervisées (qui ne durent que quelques heures) à la libération conditionnelle totale et à la libération d'office, qui permettent aux délinquants de purger une partie de leur peine sous surveillance dans la collectivité. Les délinquants peuvent également se voir octroyer une semi-liberté avant la libération conditionnelle totale ou la libération d'office, ce qui leur permet de travailler ou d'étudier dans la collectivité tout en vivant dans une maison de transition ou un établissement correctionnel(2).

La semi-liberté permet au Service de surveiller attentivement le comportement des délinquants et de faire en sorte qu'ils présentent un faible risque pour la société, tout en leur donnant l'occasion de s'adapter à la vie dans la collectivité d'une manière qui favorise la réussite de la liberté totale. Le but de la semi-liberté est de préparer les délinquants à la libération conditionnelle totale ou à la libération d'office(3). Par conséquent, la réussite de la semi-liberté devrait indiquer que le délinquant a des chances de mener à bien sa libération totale. Dans cet article, nous présentons un résumé des résultats d'une récente étude qui avait pour objectif de vérifier la pertinence de cet énoncé.

Réussite ou échec de la semi-liberté

Dans le cadre de l'examen du programme de semi-liberté du Service correctionnel du Canada qui a été effectué en 1992, des données ont été recueillies sur plusieurs facteurs associés à la réussite ou à l'échec de la semi-liberté(4). Par la suite, on a recueilli d'autres données sur les délinquants qui avaient fait l'objet de cet examen afin de déterminer s'il existait un lien entre leur rendement au cours de la semi-liberté et l'issue de leur libération totale.

Le groupe qui avait été soumis à l'examen de 1992 était composé du tiers des délinquants qui avaient terminé leur période de semi-liberté en 1990-1991. Un sous-groupe de délinquants de sexe masculin ayant bénéficié d'une semi-liberté «ordinaire» (le délinquant habite dans une maison de transition ou un établissement correctionnel) ont été sélectionnés pour le suivi(5). Cet échantillon comptait 681 délinquants, dont 126 n'ont pas été retenus pour le suivi postlibératoire parce qu'ils n'avaient pas été libérés après leur semi-liberté ou qu'ils n'avaient pas fini de purger leur peine à la fin de la période visée par l'étude (31 mars 1994).

Avant 1992, les délinquants étaient admissibles à la semi-liberté après avoir purgé un sixième de leur peine. À l'heure actuelle, la plupart des délinquants sont admissibles à la semi-liberté six mois avant d'avoir droit à la libération conditionnelle totale. Environ 6 % des délinquants de l'échantillon se sont vu octroyer une semi-liberté dès le jour de leur admissibilité, 40 % d'entre eux avant leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale et 54 % après leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale. Toutefois, d'autres données indiquent que 8 % seulement des cas de semi-liberté ont été octroyés entre le moment où le délinquant a fini de purger le sixième de sa peine et six mois avant l'admissibilité à la libération conditionnelle totale(6), ce qui laisse supposer que peu de délinquants ont été touchés par les récentes modifications apportées aux dates d'admissibilité.

Près de 80 % des délinquants ayant bénéficié d'une semi-liberté avant leur admissibilité à la libération conditionnelle totale l'ont menée à terme (tableau 1). Ce taux est tombé à 70 % pour les délinquants à qui on a accordé une semi-liberté après leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale. La plupart d'entre eux ont dû attendre parce qu'ils présentaient un risque plus élevé pour la société, ce qui explique en partie le taux élevé d'échec dans leur cas.

Tableau 1

Réussite et échec de la semi-liberté et
date de l'octroi de la semi-liberté
Semi-liberté
Date de L,octroi de la semi-liberté
Date d'admissibilité
à la semi-liberté
Entre la date d'admissibilité à
la semi lierté et à la lib, con, totale
Aprés la date d'admissibilité
à la lib, cond, totale
Réussite
74,4%
79,8%
70,5%
Échec
25,6%
20,1%
29,5%
Nombre de délinquants
39
263
376
Type de mise en liberté subséquente

Dans la section précédente, nous avons considéré qu'un délinquant réussit sa semi-liberté dans la mesure où il la mène à terme sans incident. Une autre façon de mesurer le succès de la semi-liberté est de vérifier quel type de mise en liberté est octroyée au délinquant subséquemment. Normalement, un délinquant à qui on accorde une semi-liberté au cours de sa période d'admissibilité à la libération conditionnelle totale devrait obtenir une libération conditionnelle totale après avoir mené à terme sa semi-liberté. De même, un délinquant qui se voit octroyer une semi-liberté à une date rapprochée de sa date d'admissibilité à la libération d'office devrait normalement être libéré d'office à la date prévue.

Un examen du type de mise en liberté octroyée à la suite d'une semi-liberté a révélé que 45 % des délinquants ont bénéficié d'une libération conditionnelle totale, et que 19 % sont parvenus à la date d'admissibilité à la libération d'office pendant leur semi-liberté ou immédiatement après (tableau 2).

Environ 30 % des délinquants ont dû demeurer en incarcération pendant une certaine période avant d'être mis en liberté (77 % de ces délinquants ont été mis en liberté à leur date d'admissibilité à la libération d'office), et environ 6 % des délinquants se sont vu octroyer au moins une autre période de semi-liberté avant d'obtenir la libération conditionnelle totale ou la libération d'office. La plupart des délinquants (82 %) qui ont été réincarcérés après une semi-liberté sont demeurés en incarcération pendant plus de deux mois.

Issue de la mise en liberté

Pour déterminer le lien entre le rendement au cours de la semi-liberté et l'issue de la libération totale, on a fait un suivi des nouvelles admissions jusqu'à la fin de la peine des délinquants. Toutefois, plusieurs cas n'ont pas été inclus dans le suivi parce que certains délinquants n'avaient pas été libérés après la semi-liberté (2 %) ou n'avaient pas fini de purger leur peine (17 %). Les résultats qui suivent s'appliquent aux 581 autres cas.

La période de suivi était en moyenne de 21 mois (avec une médiane de 19 mois), s'échelonnant entre 4 et 46 mois (avec une médiane de 19 mois). Plus de 75 % des délinquants ont été suivis pendant plus de 12 mois.

Dans l'ensemble, 77 % des délinquants qui avaient bénéficié d'une semi-liberté n'ont pas été réincarcérés dans un établissement correctionnel fédéral avant la fin de leur peine. Toutefois, 84 % des délinquants qui avaient mené à terme leur semi-liberté ont purgé le reste de leur peine sans être réincarcérés, alors que cette proportion tombe à 56 % chez les délinquants qui n'avaient pas mené à terme leur semi-liberté (tableau 3).

Un délinquant peut être réincarcéré dans un établissement fédéral pour violation des conditions(8) de la mise en liberté sous condition (libération conditionnelle totale ou libération d'office) ou pour avoir commis une nouvelle infraction criminelle. Parmi les 16 % de délinquants qui ont mené à terme leur semi-liberté, mais qui ont été par la suite réincarcérés dans un établissement fédéral, environ 8 % ont été réincarcérés pour violation des conditions de la libération et 10 % pour une nouvelle infraction (un délinquant peut être réincarcéré soit pour une nouvelle infraction, soit pour les deux). Parmi les 44 % qui n'ont pas mené leur semi-liberté à terme et qui ont été réincarcérés par la suite, 20 % ont vu leur liberté révoquée pour violation des conditions et 30 % pour avoir commis une nouvelle infraction (là encore, les groupes ne s'excluent pas mutuellement).

Tableau 3

Type d'échec postérieur à la semi-liberté
Issue de la
semi-liberté
Réincarcération
Violation des conditions
de la libération
Nouvelle
ìnfraction
Nouvelle infracion
avec violence
Réussite
15,5%
8,5%
10,0%
3,4%
Échec
44,2%
20,3%
30,0%
8,0%
Tous les cas
de semi-liberté
22,7%
11,5%
15,0%
4,5%
Les types d'éches ne s'excluent pas mutuellement
Un délinquant peut étre représenté dans plus d'un groupe

Ces chiffres indiquent que les délinquants qui ne mènent pas à terme leur semi-liberté sont deux fois plus susceptibles d'enfreindre une condition de leur libération totale et trois fois plus susceptibles de commettre une nouvelle infraction durant leur liberté totale que les délinquants qui ont mené à terme leur semi-liberté.

En outre, seulement 3 % des délinquants qui ont mené leur semi-liberté à terme ont commis une infraction avec violence avant la fin de leur peine, tandis qu'environ 8 % de ceux qui ne l'ont pas menée à terme ont commis ce genre d'infraction plus tard au cours de leur peine.

Motivation

La motivation peut constituer un facteur médiateur important dans la résolution des problèmes associés à des antécédents criminels. Ainsi, les délinquants ont été évalués par rapport à leur degré de motivation à participer à un programme au cours de la période de semi-liberté. On a ensuite analysé cette évaluation afin de déterminer dans quelle mesure la motivation a contribué au succès de la semi-liberté et de la libération conditionnelle totale.

Les résultats révèlent que la motivation au moment de l'octroi de la semi-liberté était fortement liée à la réussite de la semi-liberté (tableau 4). Seulement 16 % des délinquants qui ont été reconnus comme étant motivés ont connu un échec, comparativement à 48 % de ceux qui n'étaient pas motivés. Ce lien n'est pas aussi fort dans le cas des périodes de mise en liberté subséquentes, mais il demeure tout de même évident ­ 21 % de ceux qui ont été reconnus comme étant motivés ont été réincarcérés après leur mise en liberté totale, comparativement à 30 % de ceux qui n'étaient pas motivés.

Tableau 4

Taux d'éechec selon la motivation des délinquants
Issue
Délinquants
motivés
Délinquants
non motivés
Échec de la semi-liberté
16.3%
48.0%
Échec aprés la semi-liberté
20.6%
30.1%
* = Réincarcération pour tout genre de motif
Analyse

Ces résultats laissent supposer qu'il existe un lien entre l'issue de la semi-liberté et l'issue des périodes de mise en liberté subséquentes (que la semi-liberté ait été un succès ou non). Même si d'autres facteurs entrent certainement en jeu, cette constatation nous amène à penser que la semi-liberté est une façon efficace de préparer les délinquants à une mise en liberté éventuelle dans la collectivité. L'échec de la semi-liberté peut servir d'indice quant à l'échec éventuel d'autres périodes de mise en liberté sous condition. Un délinquant qui ne peut respecter les conditions de la semi-liberté est susceptible d'avoir encore plus de difficultés à satisfaire aux exigences de la vie quotidienne sans le soutien dont il bénéficiait dans la résidence communautaire où il se trouvait durant la semi-liberté.

Les facteurs de sélection assurent que les délinquants présentant un faible risque se voient octroyer la semi-liberté; mais les données indiquent également que la semi-liberté n'est pas uniquement réservée à ces délinquants. Il s'agit d'offrir aux délinquants la possibilité de vivre efficacement en-dehors de la prison avec un minimum de surveillance. Lorsque des problèmes de comportement surviennent au cours de la semi-liberté, on essaie de trouver des solutions, mais si on n'y parvient pas, on peut facilement réincarcérer le délinquant dans un établissement correctionnel pour préserver la sécurité de la société.

La semi-liberté est un moyen sûr qui permet de déterminer si les divers programmes suivis en établissement ont amené le délinquant à modifier son comportement. Être confiné dans un établissement réduit les influences potentielles externes et peut ainsi fournir moins de facteurs de distraction que dans la communauté. Voilà pourquoi il est préférable de vérifier, dans un milieu positif qui s'apparente le plus possible à un milieu communautaire sans surveillance, si les aptitudes et les modèles de comportement qui ont été enseignés dans le cadre des programmes de développement des aptitudes cognitives et de traitement de la toxicomanie ont été bien assimilés par le délinquant. La semi-liberté offre à celui-ci la possibilité de mettre en pratique les compétences apprises dans les programmes correctionnels, ce qui permet de diminuer le risque pour la société.


(1 )340, avenue Laurier ouest, 2(e) étage, Ottawa (Ontario) K1A 0P9. Prière de noter que Moira Law et Chris Beal ont codifié les données de suivi utilisées dans cette étude.

(2 )La durée de la semi-liberté peut varier, mais elle est d'environ six mois dans la plupart des cas.

(3 )Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.R.C., ch. 20, 1992.

(4 )GRANT, B.A., MOTIUK, L., BRUNET, L., COURTURIER, P. et LEFEBVRE, L., Day Parole Program Review, Ottawa, Service correctionnel du Canada, 1996.

(5 )Les résultats concernant les délinquantes se trouvent dans GRANT, MOTIUK, BRUNET, COURTURIER et LEFEBVRE, Day Parole Program Review.

(6 )GRANT, MOTIUK, BRUNET, COURTURIER et LEFEBVRE, Day Parole Program Review.

(7 )On considère que le délinquant a réussi la semi-liberté lorsqu'il l'a menée à terme sans commettre une nouvelle infraction et sans enfreindre aucune des conditions dont elle est assortie.

(8 )Voici certaines des conditions dont peut être assortie la mise en liberté : s'abstenir de consommer de l'alcool, s'abstenir de communiquer avec des personnes qui possèdent un casier judiciaire, participer à des programmes de traitement.