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Est-ce que la baisse du taux de criminalité et une utilisation accrue de la probation ont réduit l'incarcération? -- Quelques tendances et comparaisons

Dernièrement, la croissance de la population carcérale au Canada a été plus rapide que celle de la criminalité ou de la population en général. Cela est particulièrement remarquable parce que cela s'est produit en dépit d'une augmentation accélérée de l'utilisation de la probation et d'autres ressources communautaires. Cet article examine ces récentes tendances et offre une comparaison entres les expériences canadiennes et américaines.

Au cours des dernières années, le Canada a été témoin de différents taux de croissance de sa population, de crimes reportés et de la moyenne annuelle du dénombrement des délinquants incarcérés et sous surveillance communautaire. Le graphique 1 illustre ces différences et l'on peut voir les changements qui se sont opérés depuis 1991­1992.

Tendances démographiques

Les changements démographiques ont eu un effet significatif sur la criminalité et les tendances correctionnelles2. Le Graphique 1 montre de quelle façon la population canadienne a augmenté depuis 1991­1992. Cette augmentation totalise presque 1,9 millions de personnes, soit une croissance de 7 %. La croissance de la population explique une partie de la hausse de la criminalité et de l'incarcération.

Graphique 1 .

Toutefois, le vieillissement de la population compense maintenant l'incidence de la croissance de la population en général sur la criminalité. Le Graphique 2 illustre que, depuis 1981, le nombre d'hommes qui sont dans le groupe d'âge des 18 à 29 ans (le groupe qui présente le risque le plus élevé d'implication criminelle) a subi un déclin absolu, après une pointe en 1982, et les hommes âgés entre 30 et 39 ans ont connu une pointe en 1996. Parmi les hommes, on prévoit que le groupe âgé entre 40 et 49 ans ainsi que celui âgé au-dessus de 50 ans vont subir une hausse dans la prochaine décennie3.

Graphique 2

Tendances relatives à la criminalité

Depuis 1991, le nombre d'infractions au Code criminel qui sont portées à l'attention des services de police a baissé. En 1991, on comptait un peu plus de 3 millions d'infractions et en 1997 on en comptait un peu plus de 2,6 millions4, soit une baisse de 13%. De plus, les crimes violents -- qui ont, en général, augmenté plus rapidement que les autres infractions -- ont également chuté depuis 19935. Comme nous l'avons déjà mentionné, le vieillissement de la population canadienne a probablement contribué à la baisse du taux de criminalité.

Croissance de la population carcérale

Incarcération. Depuis 1991­1992, la moyenne du dénombrement des détenus adultes incarcérés dans les établissements fédéraux, provinciaux ou territoriaux a subi une hausse de 11 %, elle est passée d'environ 30 700 à 34 200 détenus (voir le Tableau 1). Par conséquent, au cours de cette période, le taux de croissance de la population carcérale a largement surpassé la hausse du taux de criminalité et a presque dépassé la croissance de la population canadienne.

Tableau 1

Comparaison du taux de croissance de la population carcérale et des probationnaires aux États-Unis et au Canada
Index canadien 1991-1992 n=1,00
 
1991-1992
1992-1993
1993-1994
1994-1995
1995-1996
1996-1997
Population candienne totale
1,00
1,02
1,03
1,04
1,05
1,07
Infractions au Code criminel
1,00
0,98
0,94
0,91
0,91
0,87
Dénombrement de la population carcérale
1,00
1,03
1,07
1,10
1,10
1,11
Population sous surveillance dans la collectivité
1,00
1,08
1,09
1,08
1,08
1,05
Index américain n=1,00

1991
1992
1993
1994
1995
1996
Population américaine totale
1,00
1,01
1,02
1,03
1,04
-
Infractions au U.S. crime index
1,00
0,07
0,95
0,94
0,98
-
Dénombrement de la population carcérale
1,00
1,05
1,12
1,21
1,30
-
Nombre de probationnaires
et de libérés conditionnels
1,00
1,05
1,08
1,11
1,14
-
Canadian Growth Trends 1991-1992 to 1996-1997
 
1991-1992
1992-1993
1993-1994
1994-1995
1995-1996
1996-1997
Population candienne totale
28,100,00
28,542,400
28,946,900
29,251,200
28,606,000
28,997,540
Infractions au Code criminel
3,027,881
2,970,525
2,852,915
2,757,355
2,758,992
2,624,143
Dénombrement de la population carcérale
30,723
91,700
32,000
33,750
99,795
94,167
Population sous surveillance dans la collectivité
111,682
120,113
121,650
120,542
120,411
117,888
American Growth Trends 1991-1995
 
1991
1992
1993
1994
1995
1996
Population américaine totale
252,618,000
255,881,000
258,132,000
280,682,000
268,000
-
Infractions au U.S. crime index
14,872,00
14,438,2000
14,141,800
13,990,00
13,867,000
-
Dénombrement de la population carcérale
1,216,664
1,292,347
1,364,881
1,469,947
1,577,845
-
Nombre de probationnaires
et de libérés conditionnels
3,319,520
3,470,212
3,579,260
3,671,393
3,796,703
-

Surveillance communautaire

Comme on peut le voir dans le Graphique 1, le nombre total d'adultes en surveillance dans la collectivité a grimpé de façon significative durant la première partie de la période à l'étude pour baisser ensuite graduellement, mais il n'était pas aussi faible qu'en 1991­1992. Depuis 1991­1992, le dénombrement de la population carcérale adulte en surveillance communautaire est passé d'environ 112 000 à presque 118 000, soit une augmentation d'un peu plus de 5 %.

Graphique 3

Au Canada, on peut imposer la probation en tant que sanction mais elle peut être accompagnée par une autre sanction comme une période d'emprisonnement ne dépassant pas deux ans, une peine discontinue, une amende, une condamnation avec sursis, ou encore une mise en liberté sous condition.

Pour les adultes, l'imposition de la probation6 est une des principales alternatives à l'emprisonnement dont se servent les tribunaux. Selon le sondage effectué par Statistique Canada sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, qui est relativement récent, les tribunaux provinciaux ont ordonné la probation pour 37 % des condamnations et elle était accompagnée par une peine d'une durée médiane d'un an. Quarante pour cent de ces condamnations étaient accompagnées d'une seule sanction, 45 % de deux sanctions et presque 10 % avaient trois sanctions ou plus. Parmi les peines combinées, l'incarcération et la probation totalisaient 12 %, la probation et les amendes 8%, et la probation accompagnée d'autres formes de sanction totalisaient 23 %7.

Comparaisons avec les États-Unis

Les États-Unis ont pris une approche différente face à la criminalité et à l'incarcération au cours des dernières années. Entre 1991 et 1995, leur population carcérale et le nombre de personnes en probation ou en liberté conditionnelle ont considérablement augmenté, à des taux bien supérieurs à ceux de la criminalité ou à ceux de la croissance de la population américaine en général. En fait, les tendances relatives à la croissance de la population et à la criminalité aux États-Unis sont remarquablement semblables aux tendances canadiennes (vous pouvez comparer le Graphique 1 au Graphique 3)8.

L'augmentation de la population carcérale américaine -- une hausse de presque 30 % en 4 ans seulement -- était presque le triple de la croissance de 10 % qu'a connu le Canada. Le nombre de délinquants en liberté conditionnelle et en probation augmente également plus rapidement qu'au Canada ­ 14 % comparativement à 8 %, ou pratiquement le double du taux. Comme les taux de croissance de la criminalité et de la population sont semblables pour les États-Unis et le Canada, les autres facteurs doivent avoir une importante influence, comme les différences dans les politiques publiques face à la prévention du crime.

L'impact des sanctions communautaires

Les nouvelles lois régissant les services correctionnels (ou les lois modifiées) au cours des cinq dernières années ont eu comme résultat de réduire légèrement l'utilisation de l'incarcération pour les adultes qui sont accusés par la police et d'utiliser un peu plus les ordonnances communautaires9. Toutefois, les données indiquent que les sanctions alternatives ont, au mieux, réduit modestement la croissance du taux d'incarcération. L'approche canadienne semble avoir plus de succès que celle des États-Unis où les taux d'octroi de "la liberté conditionnelle et de la probation ont augmenté deux fois plus rapidement qu'au Canada et où le taux de croissance de la population carcérale a triplé par rapport au taux canadien.

La population carcérale du Canada et des États-Unis a augmenté plus rapidement que les taux de criminalité respectifs, qui ont baissé, ou que les taux de croissance de la population en général, qui étaient très semblables. En dépit de l'augmentation rapide du nombre de délinquants sous surveillance communautaire, l'utilisation accrue des ordonnances communautaires semble provenir de leur popularité comme sanction additionnelle et non pas comme solution de rechange à l'incarcération.

En conclusion

Le taux de criminalité va probablement continuer à baisser pour les cinq à dix prochaines années au moins. Tout d'abord, au fur et à mesure que la population vieillit, le nombre de jeunes adultes présentant un plus grand risque va diminuer. La plupart des démographes ont défini la période du baby-boom comme étant celle qui se situe entre 1946 et 1966. Par conséquent, en 1986, le plus vieux d'entre eux était âgé de 40 ans et le plus jeune avait 20 ans. En 1996, tout ce monde là avait entre 30 et 50 ans et en 2006, ils auront entre 40 et 60 ans.

Les courbes démographiques peuvent favoriser une baisse continue des taux de criminalité et d'incarcération pour une autre raison. Ainsi, au fur et à mesure que les «baby-boomers» commencent à quitter le marché du travail, le choix des possibilités économiques qui seront disponibles aux jeunes gens devrait être meilleur. À l'avenir, les employeurs seront obligés de se concurrencer dans un marché du travail beaucoup plus restreint. Toutefois, nous avons déjà pu constater qu'une baisse du taux de criminalité ne veut pas nécessairement dire une diminution de la population carcérale, même si l'on utilise plus souvent les sanctions communautaires. Si nous voulons obtenir une baisse du taux d'incarcération, il faut que les politiques publiques prennent des mesures pour qu'une éventuelle législation en matière de surveillance communautaire ne prolonge pas simplement la portée du système de justice pénale.


1. 340, avenue Laurier ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.

2. Surtout depuis l'affirmation provocative de David Foot à l'effet que «la démographie explique les deux tiers de chaque chose» dans Boom, Bust and Echo, Toronto, ON, Macfarlane Walter and Ross, 1996, p. 1.

3. Ce graphique est basé sur les données du recensement et les projections de Statistique Canada de 1991; les projections selon le recensement de 1996 n'étaient pas encore disponibles. Les tendances et les projections devront peut-être être modifiées lorsque des projections plus récentes seront disponibles.

4. Ces statistiques proviennent du Centre canadien de la statistique juridique et comprennent les infractions au Code criminel, à l'exception des infractions au code de la route, Un coup d'oeil sur la justice pénale, 1997, CD-ROM, Ottawa, ON,: Statistique Canada, 1997.

5. Centre canadien de la statistique juridique, Un coup d'oeil sur la justice pénale.

6. L'octroi de la probation peut être accompagné de conditions spécifiques, en plus des conditions de base, à savoir, ne pas troubler l'ordre public, avoir un bon comportement et comparaître devant les tribunaux tel que requis.

7. Veuillez noter que ces combinaisons peuvent comprendre des sanctions additionnelles et de ce fait s'excluent mutuellement. Elle proviennent des Statistiques sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, 1996­1997, Juristat, Vol.18, no. 7, Statistique Canada.

8. La population des États-Unis a augmenté de la même façon qu'au Canada (un taux de croissance de 4 % par rapport à 5 % au Canada). Le taux de criminalité a baissé mais pas aussi rapidement (il a baissé plus lentement de presque 7 % comparativement à un peu plus de 13 % au Canada). En 1991, les États-Unis tout comme le Canada ont connu un point culminant de leur taux de criminalité qui a ensuite baissé.

9. «...l'admission en détention au Canada semble avoir maintenu une relation avec le nombre d'adultes accusés depuis 1986-1987. Cependant, depuis 1988-1989, il y a une tendance à l'augmentation dans l'utilisation de la probation relativement au nombre d'adultes accusés par la police.» Centre canadien de la statistique juridique, Programmes correctionnels, Programmes correctionnels communautaires : Provinces et Territories, Ottawa, ON, Statistique Canada, février 1993.