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Points saillants de l'historique du régime de la semi-liberté

Le régime de semi-liberté a aura 29 ans le 27 juin 1998. Ce régime a été adopté dans le projet de Loi C-150, le fameux projet de loi omnibus, qui a, entre autres, révisé les questions de l'avortement du Code criminel; décriminalisé l'homosexualité, introduit les loteries, établi le niveau de tolérance d'alcoolémie à 0,08 mg par cc pour les conducteurs et a instauré la libération d'office. Lors de la seconde lecture du projet de loi, l'honorable John N. Turner, alors ministre de la justice, a dit : «Aucun projet de loi portant sur le droit criminel n'a été autant scruté et commenté, tant par les membres de la profession juridique que par la population en général. On se souviendra de ce projet, j'en suis sûr, comme d'un point culminant de la réforme pénale chez nous.»

L'article 94-1b, qui introduisait le régime de semi-liberté, n'a pas été discuté au cours de l'examen effectué par le Comité permanent sur la justice et les affaires légales; il a simplement été approuvé. Pendant la seconde lecture, le Ministre de la Justice n'a mentionné ni l'article, ni le régime de semi-liberté. Deux membres du Parlement ont indiqué leur approbation pour ce nouveau type de mise en liberté. La première définition légale du régime de semi-liberté contenue dans la Loi sur la libération conditionnelle proclamée en 1969 se lit comme suit : «Semi-liberté» Régime de libération conditionnelle dans lequel le détenu réintègre la prison à certains moments ou au bout d'une période déterminée.

Au cours des années, la semi-liberté est devenue l'un des régimes principaux de la mise en liberté sous condition. Le Tableau 1 illustre la proportion de la semi-liberté par rapport à la libération conditionnelle totale pour les 29 années. Lorsqu'elle a été mise en oeuvre, la proportion était de 9 détenus en semi-liberté pour 91 en libération conditionnelle totale (ou 532 pour 5 161); le régime de libération conditionnelle totale était prédominant. En 1997-1998, la proportion était de 62 pour 38 (ou 3 861 pour 2 319). Actuellement, pour chaque octroi de libération conditionnelle totale il y a 1,5 octrois de semi-liberté. Ce changement n'est pas linéaire.

Cet article examine l'évolution de la semi-liberté à travers quatre grandes période : ses débuts; la période intermédiaire : les années 1980; les années 1990 et le moment présent.

Au début

En vertu de la Loi sur la libération conditionnelle, adoptée en 1959, la Commission nationale des libérations conditionnelles accordait la libération conditionnelle totale et quatre formes de libération progressive soit, la libération anticipée, la libération graduelle, la libération temporaire et la libération minimale.

Tableau 1

Octrois de la libération conditionnelle totale et de la semi-liberté (décision prélibératoires)
 
Lib,ration conditionnelle totale
Semi-liberté
 
 
Niveau
fédéral
Niveau
provincial
Total
%
Niveau
fédéral
Niveau
provincial
Total
%
Grand Total
1969-1970
2 060
3 101
5 161
0,91
532
 
532
0,09
5
1970-1971
2 825
3 228
6 053
0,88
812
 
812
0,12
6
1971-1972
2 351
3 393
5 744
0,83
1 186
 
1 186
0,17
6
1972-1973
1 617
1 750
3 367
0,74
1 201
 
1 201
0,26
4
1973-1974
1 195
1 655
2 850
0,66
763
703
1 466
0,34
4
1974-1975
1 575
1 597
3 172
0,57
1 709
668
2 377
0,43
5
1975-1976
2 732
 
2 732
0,56
2 108
 
2 108
0,44
4
1976-1977
2 317
 
2 317
0,53
2 027
 
2 027
0,47
4
1977-1978
3 076
 
3 076
0,58
2 203
 
2 203
0,42
5
1978-1979
3 130
 
3 130
0,52
2 932
 
2 932
0,48
6
1979-1980
1 507
743
2 250
0,44
2 674
206
2 880
0,56
5
1980-1981
1 391
839
2 230
0,42
2 776
333
3 109
0,58
5
1981-1982
1 627
1 018
2 645
0,41
3 427
308
3 735
0,59
6
1982-1983
1 697
1 169
2 866
0,44
3 233
451
3 684
0,56
6
1983-1984
1 839
1 077
2 916
0,42
3 519
559
4 078
0,58
6
1984-1985
1 664
1 089
2 753
0,42
3 215
537
3 752
0,58
6
1985-1986
1 595
912
2 507
0,36
3 942
496
4 438
0,64
6
1986-1987
2 097
987
3 084
0,37
4 656
547
5 203
0,63
8
1987-1988
2 240
1 242
3 482
0,41
4 453
640
5 093
0,59
8
1988-1989
1 782
1 008
2 790
0,38
4 127
504
4 631
0,62
7
1989-1990
1 851
901
2 752
0,37
4 113
474
4 587
0,63
7
1990-1991
2 026
932
2 958
0,36
4 795
419
5 214
0,64
8
1991-1992
2 252
914
3 166
0,36
5 095
445
5 540
0,64
8
1992-1993
2 625
853
3 478
0,38
5 159
436
5 595
0,62
9
1993-1994
2 660
711
3 371
0,41
4 510
334
4 844
0,59
8
1994-1995
2 247
584
2 831
0,40
3 986
323
4 309
0,60
7
1996-1996
1 956
446
2 402
0,41
3 163
288
3 451
0,59
5
1996-1997
1 737
463
2 200
0,43
2 693
279
2 972
0,57
5
1997-1998
1 967
352
2 319
0,38
3 636
225
3 861
0,62
6

Le régime de libération anticipée permettait aux détenus d'être libérés jusqu'à 30 jours plus tôt pour des fins de réadaptation ou de recherche d'un emploi. Aucune surveillance n'était prévue. La mise en liberté graduelle permettait aux détenus ayant obtenu la libération conditionnelle totale de quitter l'établissement pendant de courtes périodes avant leur élargissement définitif pour mieux se réadapter à la société. La libération temporaire, qui a précédé le régime de semi-liberté, est assimilée au régime de mise en liberté graduelle dans les Rapports annuels (mais pas dans les textes de loi) sauf qu'il est destiné aux détenus non admis à la libération conditionnelle totale. Quant au régime de libération minimale, il permettait libérer un détenu jusqu'à six mois (un mois par année purgée) avant la date de sa libération éventuelle par réduction de peine.

Ces formes de libération progressive ont disparu en 1969, suite à l'institution des régimes de liberté surveillée et de semi-liberté. Le premier problème administratif était d'incorporer la semi-liberté aux autres formes de mises en liberté. Très vite, il a été convenu que la permission de sortir était pour moins de 15 jours et la semi-liberté pour une plus longue période. Dans le Rapport annuel de 1970­1971, le Service définit le régime de semi-liberté comme suit : «La libération conditionnelle de jour, aux termes de laquelle le détenu est autorisé à retourner dans la collectivité pour plus de 15 jours, est accordée par la Commission. Le détenu doit réintégrer l'établissement, quoique pas nécessairement tous les jours. On accorde la libération conditionnelle de jour à un détenu pour lui permettre de fréquenter une école, de suivre des cours professionnels qui ne sont pas dispensés dans l'établissement ou de continuer à travailler, si cela peut être utile à sa carrière ou à sa famille.»

On a fixé la date d'admissibilité à la semi-liberté à un an avant la date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale (DALCT), mais cela a été changé en 1978 à un sixième de la peine d'emprisonnement ou à six mois avant la DALCT. Dans le Rapport annuel de 1973­1974, on peut voir une définition plus claire de l'objectif de la semi-liberté : «La Commission a constaté que l'octroi d'une libération conditionnelle de jour à un détenu avant sa libération conditionnelle totale est un moyen efficace d'évaluer comment il se comportera pendant une libération conditionnelle.»

La disponibilité des services et du logement pour les délinquants en semi-liberté a posé un problème : le réseau des établissements résidentiels communautaires n'était pas encore tout à fait en place, il n'y avait donc pas assez d'établissements résidentiels pour faire face aux nouvelles demandes.

Pendant les dix premières années de ce régime, la proportion est passée de 9 semi-libertés pour 91 libérations conditionnelles totales (532 pour 5 161) à 59 pour 42 (3 109 pour 2 230) en 1981 lorsqu'un groupe de travail a présenté l'Étude du Solliciteur général sur la mise en liberté sous condition. Comment la semi-liberté était-elle perçue à cette époque-là?

Période intermédiaire : les années 1980

Le groupe de travail a reconnu que le régime de semi-liberté était une importante forme de mise en libération. Il a parfois eu des propos acerbes :

La libération conditionnelle de jour est une notion très floue et le pouvoir de l'accorder très flexible. Dans la mesure où un programme de libération conditionnelle de jour s'apparente à la libération conditionnelle totale, c'est un programme où le détenu est en bonne partie «à l'extérieur». Et dans la mesure où il comprend des congés temporaires ou exceptionnels, c'est aussi un programme qui retient encore presque entièrement les délinquants «à l'intérieur» du pénitencier. Malheureusement, il existe moins de données sur la libération conditionnelle de jour que sur tout autre programme de libération, sauf les programmes de réduction de peine...

L'étude a dégagé sept fonctions du régime de semi-liberté :

  1. une forme progressive de libération et de mise à l'épreuve;
  2. une forme d'atténuation de peine;
  3. une méthode d'affectation de délinquants à des projets ou travaux spéciaux dans la collectivité;
  4. une aide à l'adaptation sociale de délinquants sans ressources,
  5. une façon de donner accès aux ressources ou aux programmes de la collectivité;
  6. un moyen de faciliter la socialisation;
  7. un mode de gestion des peines présentant un bon rapport efficacité-coût.

Les observations en conclusion sur le régime de semi-liberté révèlent des inquiétudes pour la deuxième décennie :

Le Groupe de travail croit, lui aussi, qu'il faudrait définir avec plus de précision les objectifs de la libération conditionnelle de jour, comme d'ailleurs les critères pour l'accorder. La Commission nationale des libérations conditionnelles devra également s'occuper sérieusement des disparités régionales dont font l'objet la conception et l'emploi de la libération conditionnelle de jour, qui ne sont pas (contrairement à bon nombre d'autres disparités), produites par des différences dans la disponibilité des ressources. Il faudrait déterminer, en particulier, si la libération conditionnelle de jour doit être employée dans les cas présentant relativement peu de risques ou si elle devrait être axée davantage sur les cas «risqués» et s'il convient, du point de vue de la justice et de la commisération, d'accorder à un détenu une libération conditionnelle de jour avant qu'il ait purgé le tiers de sa peine. Nous estimons, d'une façon générale, qu'il faudrait recourir davantage à la libération conditionnelle de jour avec résidence dans les CCC [Centre correctionnel communautaire] ou les ERC [Établissement résidentiel communautaire] s'il existe un besoin réel de ressources ou si l'on constate la nécessité d'une structure additionnelle à court terme ou d'une «surveillance» avant la liberté conditionnelle totale ou la liberté surveillée. Il n'est pas nécessaire que la libération de jour serve de condition préalable à la libération conditionnelle totale. Non plus qu'il devrait être permis, dans un grand nombre de cas, de retarder la libération conditionnelle totale ...

La mise en application de la semi-liberté était plus clairement définie en juillet 1986 lorsque la Loi sur la libération conditionnelle a été modifiée dans le cadre du projet de loi C-67. Les nouvelles dispositions exigeaient que la Commission nationale des libérations conditionnelles examine automatiquement tous les cas de délinquants purgeant une peine d'emprisonnement de deux ans et plus à la date d'admissibilité à la semi-liberté. Pour les délinquants purgeant une peine d'emprisonnement de trois ans ou moins, la Commission doit décider de l'octroi de la semi-liberté ou de la liberté conditionnelle totale à leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale. Parce que les anciennes dispositions exigeaient que tous les détenus fassent une demande de semi-liberté, les nouvelles dispositions ont engendré une augmentation des mises en semi-liberté.

L'Évaluation des dispositions du projet de loi C-67 relatives à l'examen automatique en vue de la libération conditionnelle de jour, étude terminée en mars 1989, donne les raisons pour un examen automatique à la première date d'admissibilité :

  • Donner des chances égales à tous les détenus.
  • Faire intervenir tôt la Commission nationale des libérations conditionnelles dans les cas, pour une meilleure planification générale des programmes.
  • Renforcer cette planification en vue d'améliorer la coordination et l'exploitation des diverses possibilités de libération.
  • Identifier tôt dans leur peine d'emprisonnement les détenus pouvant faire l'objet d'une libération conditionnelle pour qu'ils puissent tirer parti le plus tôt possible des différentes formes de mises en liberté qui sont appropriées.
  • Mettre fin à la confusion et aux divergences pour les détenus et les agents de préparation de cas du Service correctionnel du Canada quant au moment de demander une mise en liberté.

Quel était l'incidence de cette disposition sur l'utilisation actuelle de la semi-liberté? En 1984­1985, une année avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-67, la proportion des semi-libertés par rapport aux libertés conditionnelles totales était de 58 à 42 (3 752 à:2 753); en 1985­1986, cette proportion a atteint son plus haut niveau qui n'a pas encore été égalé, soit 64 à 36 (4 438 à 2 507).

Les années 1990 et l'effet de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

L'octroi de la semi-liberté a atteint un sommet inégalé en 1991­1992 et 1992­1993 (5 540 et 5 595 respectivement), mais, à ce moment-là, la nouvelle loi consolidant les questions correctionnelles était en voie de rédaction.

La définition légale du régime de semi-liberté a été modifiée une première fois en novembre 1992, avec la proclamation de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) :

«Semi-liberté» Régime de libération conditionnelle limitée accordé pendant la période d'emprisonnement d'un délinquant sous l'autorité de la Commission ou d'une commission provinciale en vue de le préparer à la libération conditionnelle totale ou à la libération d'office et dans le cadre duquel le délinquant réintègre l'établissement résidentiel communautaire, le pénitencier ou l'établissement correctionnel provincial chaque soir, à moins d'autorisation écrite contraire.

Cette définition est plus précise :

  • Elle a un objet : «en vue de préparer le délinquant à la libération conditionnelle totale ou à la libération d'office».
  • Elle définit la marge de mobilité : «de réintégrer le pénitencier, l'établissement résidentiel communautaire ou l'établissement correctionnel provincial chaque soir, à moins d'autorisation écrite contraire».
  • Elle limite l'admissibilité à six mois avant la date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale.
  • Elle supprime les dispositions d'examen automatique -- l'évaluation avait montré l'impossibilité de respecter l'esprit et la lettre des exigences du projet de loi C-67.

En 1991­1992 (c.-à-d., avant l'entrée en vigueur de la LSCMLC), la proportion des semi-libertés par rapport aux libertés conditionnelles totales était de 64 à 36 (5 540 à 3 166). Cette proportion est demeurée relativement stable pour quelques années (62 à 38 en 1992­1993, 59 à 41 en 1993­1994, 60 à 40 en 1994­1995, 59 à 41 en 1995­1996, 57 à 43 en 1997­1998). Cependant, cette proportion, qui a permis d'expliquer les débuts de la semi-liberté, est maintenant trompeuse. Une forme de mise en liberté non discrétionnaire, la libération d'office, prend plus d'importance. La proportion est demeurée stable parce les semi-libertés et les libertés conditionnelles totales ont décliné de façon semblable, ainsi, en 1992­1993, le total combiné de ces deux formes de mise en liberté sous condition s'élevait à 9 073 pour tomber à 5 172 en 1997­1998.

Le projet de loi C-55, décrété en juillet 1997, a modifié certains aspects du régime de semi-liberté contenus dans la LSCMLC. Bien que la définition n'ait pas changé, les articles 119.1 et 126.1 fournissent les éclaircissements suivants :

119.1 Le temps d'épreuve pour l'admissibilité à la semi-liberté est, dans le cas d'un délinquant admissible à la procédure d'examen expéditif en vertu des articles 125 et 126, six mois ou, si elle est supérieure, la période qui équivaut au sixième de la peine.

126.1 Les articles 125 et 126 s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, à la procédure d'examen expéditif visant à déterminer si la semi-liberté sera accordée au délinquant visé à l'article 119.1.

Ces deux articles ramènent la notion d'admissibilité à un sixième de la peine ou six mois avant la date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale, et ils introduisent la notion d'une mise en semi-liberté accélérée pour les délinquants qui présentent un faible risque de récidive. On prévoit que la proportion des semi-libertés par rapport aux libérations conditionnelles totales sera de 62 à 38 (selon les données de décembre 1997 et février 1998) avec une importante augmentation des semi-libertés (3 861 par rapport à 2 972 l'année précédente) et une légère hausse des libérations conditionnelles totales (2 319 par rapport à 2 200 l'année précédente).

Le moment présent

Le régime de semi-liberté est passé d'une simple forme de mise en liberté à une forme de mise en liberté fort populaire, éclipsant même la libération conditionnelle totale. Chaque fois que l'on accorde deux libérations conditionnelles totales, on accorde trois semi-libertés.

La première incidence des modifications de la LSCMLC sur la mise en liberté sous condition est une réduction significative du nombre de semi-libertés et de libérations conditionnelles totales. La récente modification apportée au critère d'admissibilité ainsi que la procédure d'examen expéditif pour certains délinquants ont eu pour effet d'augmenter considérablement le nombre des semi-libertés (3 636). Mais, nous sommes encore loin des 5 600 semi-libertés accordées en 1992­1993.

Pour maximiser ses efforts de réinsertion sociale, le Service devra redécouvrir le régime de semi-liberté. Cette forme de mise en liberté est plus flexible que la libération conditionnelle totale ou la libération d'office.