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Les domaines de besoins du délinquant : « relations conjugales et familiales »

Cet article examine des études portant sur les relations conjugales et familiales par rapport à la récidive criminelle chez les adultes. Les études sur la récidive tenaient compte d'un éventail de variables liées au couple et à la famille comme la taille de la famille, le rang de naissance, les tensions dans la famille et la qualité de la relation parent-enfant. L'examen des recherches a été structuré en fonction de la psychopathologie familiale, de l'attachement et de la relation parent-enfant, de la violence faite aux enfants, de la structure de la famille et du rang de naissance, et des relations conjugales. Malgré les déficiences méthodologiques, les éléments de preuve semblent indiquer que le maintien de relations familiales saines peut contribuer à réduire la récidive.

La criminalité est considérée comme un phénomène complexe comportant des antécédents biologiques, sociologiques, psychologiques et situationnels nombreux2. Tout semble indiquer qu'il existe une corrélation entre un vaste éventail de facteurs démographiques, familiaux et personnels et des comportements criminels. La prévision de la criminalité, voire la compréhension parfaite de tous ses antécédents, ont donc toujours posé des défis de taille aux travailleurs correctionnels, aux scientifiques du milieu médico-légal et aux cliniciens.

Les enjeux liés à la probabilité de la récidive revêtent une importance pratique et scientifique depuis de nombreuses années. On n'a pas encore réussi à déterminer si les facteurs à l'origine d'un comportement criminel sont identiques aux facteurs qui expliquent son maintien ou son abandon à l'âge adulte, mais relativement peu d'études ont exploré ces aspects.

La sagesse populaire veut que les liens familiaux, l'emploi, le mariage, les enfants et le maintien d'autres attachements sociaux au sein de la collectivité protègent contre le comportement criminel puisqu'ils constituent un investissement social par la personne dans la conformité. En outre, un volume croissant de preuves appuie l'hypothèse voulant que des facteurs comme la qualité des relations parent-enfant, la criminalité au sein de la famille, la maladie chez les parents et la séparation entre l'enfant et ces derniers augmentent le risque de délinquance juvénile et de criminalité à l'âge adulte.

Méthodologie

Nous avons mené une recherche approfondie pour trouver des publications sur la récidive d'ordre criminel chez les adultes. Nous avons extrait toutes les données sur le sujet existant dans des bases de données automatisées comme PsychInfo, HealthGate, Medline et le National Criminal Justice Reference System. Voici les mots clés que nous avons utilisés pour la recherche : récidive criminelle et famille, criminalité et famille, criminalité et mariage, criminalité et prévalence de problèmes familiaux, variables familiales et criminalité et instruments d'évaluation de la famille.

Nous avons examiné 238 études pour déterminer si elles s'appliquaient sur les plans théorique et méthodologique à notre domaine d'exploration, ainsi que pour établir leurs résultats empiriques. Il y avait 193 études empiriques et 35 études qu'on pouvait qualifier de théoriques. La plupart d'entre elles (n = 149) portaient sur des échantillons d'au moins 100 récidivistes. La méthode d'échantillonnage la plus courante était celle de la commodité (n = 148).

Plus de la moitié des études sur la récidive ne comportaient pas de groupe témoin (n = 132). Soixante-six étaient de nature rétrospective, 38 à caractère longitudinal, tandis que 19 consistaient en des études à la fois rétrospectives et longitudinales. Les analyses à variables multiples étaient la forme la plus poussée d'analyse statistique employée dans 65 études, tandis que les modèles de fréquences et à équations structurelles constituaient les formes les plus poussées utilisées dans 25 études.

Psychopathologie dans la famille

Il n'est pas déraisonnable de supposer qu'une certaine prédisposition biologique au comportement antisocial caractérise certains délinquants très violents ou récidivistes. Les auteurs d'une étude ont utilisé l'adoption pour examiner la contribution des troubles mentaux existant dans les acquis biologiques des enfants adoptés. Ils ont constaté un niveau sensiblement plus élevé de comportement criminel non violent répété chez les fils adoptés dont la famille biologique présentait des caractéristiques de troubles mentaux et de criminalité. Ils ont également noté un accroissement analogue mais non significatif des taux de comportement de violence. Les caractéristiques parentales les plus fortement liées au comportement criminel futur des garçons étaient la toxicomanie, l'alcoolisme et les troubles de la personnalité. Il n'y avait pas de relation entre la psychose chez les parents et la récidive ou la violence chez les enfants parmi cette cohorte. On a tenu compte des effets de confusion que pouvaient constituer l'absence de données, le placement dans un établissement avant l'adoption, l'information au sujet des antécédents biologiques d'un enfant communiquée aux parents adoptifs par les agences d'adoption, la période historique, les facteurs périnataux et le placement sélectif3. Enfin, une méta-analyse récente a confirmé la présence d'un lien entre la criminalité au sein de la famille et la récidive en général parmi les délinquants adultes4. Toutefois, les contributions individuelles attribuables à la prédisposition biologique par rapport à une influence environnementale n'ont pas pu être vérifiées.

Relation parent-enfant

Les prévisions de la criminalité à l'âge adulte basées sur une connaissance de la relation parent-enfant sont apparues comme un bon moyen de comprendre le rôle du développement et des variables familiales dans la récidive. On a notamment avancé que l'absence d'un attachement précoce solide aux parents pouvait prédisposer une personne à une vie de délinquance et de comportements criminels répétés. Selon une étude, il existerait une interaction très significative entre des complications à l'accouchement et un rejet précoce de l'enfant et une probabilité de violence future, ce qui semblerait indiquer que les personnes qui ont connu des complications à la naissance et un rejet précoce sont les plus susceptibles de devenir des délinquants violents à l'âge adulte. L'interaction entre les complications à l'accouchement et le rejet précoce dans l'enfance s'est aussi révélé un facteur important dans les comparaisons entre criminels violents et criminels non violents5.

Selon d'autres recherches, une discipline inadéquate, une faible surveillance parentale, l'attachement aux parents et un comportement de fugue seraient aussi tous des variables prédictives du comportement criminel à l'âge adulte6. Une récente méta-analyse a aussi confirmé que les pratiques d'éducation employées dans la famille (c.-à-d., manque de surveillance et d'affection, conflit, violence) permettaient aussi de prévoir la récidive7. Enfin, certains éléments de preuve semblent indiquer que le père exerce une influence plus déterminante que la mère pour ce qui est de la manifestation ou non d'une criminalité avec violence8.

Expérience de la violence dans l'enfance

L'expérience de la violence physique ou sexuelle dans l'enfance, à l'intérieur ou à l'extérieur du cercle familial, est souvent liée à la qualité des relations parent-enfant. Selon une hypothèse répandue dans les milieux cliniques au sujet des délinquants sexuels adolescents et adultes, ces personnes peuvent avoir été victimes de violence sexuelle dans l'enfance. Il existerait des preuves à l'appui de cette hypothèse, surtout en ce qui concerne les infractions sexuelles perpétrées contre des garçons. D'après une étude récente, 75 % des adolescents qui ont agressé un garçon ont dit avoir été eux-mêmes victimes de violence sexuelle, contre 25 % de ceux qui ont agressé des filles, des jeunes de leur âge ou des adultes9. D'autres recherches semblent révéler l'existence d'une relation entre la violence sexuelle subie dans l'enfance et la toxicomanie, la délinquance juvénile et le comportement criminel plus tard dans la vie10. Par contre, une récente méta-analyse sur les délinquants sexuels n'a révélé aucune relation entre la violence sexuelle subie dans l'enfance et la récidive sexuelle11. Bref, il faut interpréter avec prudence les éléments de preuve à l'appui de l'hypothèse voulant que la violence engendre la violence étant donné le manque de rigueur méthodologique qui caractérise ordinairement les recherches dans ce domaine12.

Structure de la famille et rang de naissance

Les recherches sur la relation entre la structure de la famille (taille de la famille ou rang de naissance) et la récidive ont généralement abouti à des résultats non concluants. Certains chercheurs ont conclu qu'il n'y avait aucune relation entre le nombre de frères et soeurs et la récidive13 tandis que d'autres ont trouvé des éléments prouvant l'existence d'une relation prédictive entre la taille de la famille ou le rang de naissance et la récidive criminelle. Il y aurait par exemple une relation entre d'une part le nombre de soeurs aînées et d'autre part le nombre d'incarcérations antérieures et le nombre de mois d'incarcération14. Il existerait aussi des preuves de l'existence d'une relation entre des rangs de naissance extrêmes (soit, premier né, dernier né) et le comportement criminel15. De toute évidence, il faudrait poursuivre les recherches.

Relations conjugales

Plusieurs études longitudinales ont exploré la relation entre le vécu familial dans l'enfance et un mode de vie criminel à l'âge adulte, mais on en trouve assez peu sur l'incidence de moments marquants, comme le mariage et la naissance d'un enfant, sur la criminalité. Bien que les résultats soient inégaux, un examen récent de la relation entre le mariage et la criminalité a révélé l'existence d'un lien entre l'attachement au conjoint et une baisse de la probabilité de la criminalité à l'âge adulte. On a aussi constaté un lien entre d'une part le maintien de rapports avec la famille durant l'incarcération et l'établissement d'une relation mutuellement satisfaisante après la mise en liberté et d'autre part la récidive16. De même, une méta-analyse récente sur les délinquants sexuels a révélé une relation entre le statut de célibataire et la récidive d'ordre sexuel17 .

Conclusions

Bien qu'on ait étudié de nombreuses variables démographiques et psychosociales pour déterminer si elles permettent de prévoir la récidive chez les délinquants adultes, les mesures du comportement passé semblent figurer parmi les prédicteurs les plus solides d'une violence et d'une criminalité futures. Toutefois, ceux-ci incluent aussi la psychopathologie dans la famille, la qualité de la relation parent-enfant, le fait d'avoir été victime de violence dans l'enfance, la situation matrimoniale et la qualité de la relation conjugale. Force est de constater qu'il nous reste beaucoup de choses à apprendre sur la capacité de la vie familiale à l'âge adulte de modifier le cheminement criminel d'un délinquant et de contrer les influences criminogènes chez l'adulte.

La plupart des recherches ont été déficientes sur le plan méthodologique et de nature fragmentaire, descriptive et corrélationnelle. Ce n'est qu'au cours de la dernière décennie qu'on a commencé à appliquer les méthodes de l'analyse à variables multiples à un éventail complet de variables. Il faudrait employer les formes les plus poussées de ces méthodes dans les recherches à venir. De toute évidence, ces travaux de recherche devraient porter sur le rôle des variables démographiques, familiales et personnelles dans des sous-groupes hétérogènes de criminels. L'information obtenue pourrait servir à concevoir des programmes de prévention et d'intervention efficaces.

On sait que l'établissement et le maintien de relations familiales saines chez les condamnés et les détenus peuvent réduire le risque de récidive. Il est recommandé que, tant dans les établissements que dans la collectivité, les spécialistes des services correctionnels et de la santé mentale créent des occasions qui permettent aux délinquants d'entretenir des relations constructives et périodiques avec leur famille. Pour un grand nombre d'entre eux, cela peut contribuer à leur propre traitement de même qu'à celui de leur sous-système familial (c.-à-d., père et mère, proches parents et conjoint). Loin d'éclaircir la relation de causalité qui peut exister entre la vie familiale et la criminalité chez les adultes, les recherches existantes justifient néanmoins des interventions qui permettent de raffermir les interactions au sein de la famille.


1. C.P. 31, 605-5ème Avenue S.O., pièce 1250, Calgary (Alberta) T2P 3H5.

2. ERONEN, M., HAKOLA, P. et TIIHONEN, J. &laqno;Factors associated with homicide. Recidivism in a 13-year sample of homicide offenders in Finland», Psychiatric Services, Vol. 47, no 4, 1996, p. 403-585. Voir aussi MOFFIT, T.E. &laqno;Parental mental disorder and offspring criminal behavior: An adoption study », Psychiatry, Vol. 50, 1987, p. 346-360. Et voir également SPELLACY, F.J. et BROWN, W.G. &laqno;Prediction of recidivism in young offenders after brief institutionalization», Journal of Clinical Psychology, Vol. 40, no 4, 1984, p. 1070-1074.

3. MOFFIT, T.E. Parental Mental Disorder and Offspring Criminal Behavior.

4. GENDREAU, P., LITTLE, T. et GOGGIN, C. &laqno;A meta-analysis of the predictors of adult offender recidivism: What works!», Criminology, Vol. 34, 1996, p. 575-607.

5. RAINE, A., BRENNAN, P. et MEDNICK, S.A. &laqno;Birth complications combined with early maternal rejection at age 1 year predispose to violent crime at age 18 years», Archives of General Psychiatry, Vol. 51, 1994, p. 984-988.

6. CHOCKALINGAM, K. &laqno;Recidivism among adult offenders», The Indian Journal of Social Work, Vol. XLIV, no 1, 1983, p. 81-86. Voir aussi Le BLANC, M. &laqno;Family, school, delinquency and criminality, the predictive power of an elaborated social control theory for males», Criminal Behaviour and Mental Health, Vol. 4, 1994, p. 101-117.

7. GENDREAU, P., LITTLE, T. et GOGGIN, C.&laqno;A meta-analysis of the predictors of adult offender recidivism: What works».

8. YATES, A., BEUTLER, L.E. et CRAGO, M. &laqno;Characteristics of young, violent offenders», The Journal of Psychiatry and Law, Vol. 11, 1983, p.137-149.

9. WORLING, J.R. &laqno;Sexual abuse histories of adolescent male sex offenders: Differences on the basis of the age and gender of their victims», Journal of Abnormal Psychology, Vol. 104, no 4, 1995, p. 610-613.

10. BURGESS, A.W., HARTMAN, C.R. et McCORMACK, A. &laqno;Abused to abuser: Antecedents of socially deviant behaviors», Annual Progress in Child Psychiatry and Child Development, Vol. 20, 1987, p. 601-614.

11. HANSON, R.K. et BUSSIÈRE, M.T. &laqno;Predicting relapse: A meta-analysis of sexual offender recidivism studies», Journal of Consulting and Clinical Psychology, Vol. 66, 1998, p. 348-362.

12. WIDOM, C.S. &laqno;The cycle of violence», Science, Vol. 244, 1989, p. 160-166.

13. HART, H.H. et AXELRAD, S. &laqno;The only-child delinquent contrasted with delinquents in large families», Journal of Criminal Law and Criminology, Vol. 32, 1941, p. 42-66.

14. HORTON, A.M. et WHITESELLl, L.J. &laqno;Prediction of recidivism by sex and number of siblings», Psychological Reports, Vol. 45, 1979, p. 98.

15. SHIELD, J.A. et GRIGG, A.E. &laqno;Extreme ordinal position and criminal behavior», Journal of Criminal Law and Criminology, Vol. 35, 1944, p. 169-173.

16. WRIGHT, K.N. et WRIGHT, K.E. &laqno;Does getting married reduce the likelihood of criminality? A review of the literature» Federal Probation, septembre 1992, p. 50-56.

17. HANSON, R.K. et BUSSIÈRE, M.T. &laqno;Predicting relapse: A meta-analysis of sexual offender recidivism studies».