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Rôle accru des collectivités autochtones dans le processus correctionnel

par Gina Wilson1
Directrice générale, Questions autochtones, Service correctionnel du Canada

La Cour suprême a uni sa voix à celles de la Commission royale sur les peuples autochtones et du Vérificateur général pour demander que l’on cesse de remplir les prisons canadiennes avec des Autochtones. Elle a qualifié de honte nationale la surreprésentation des Autochtones dans les prisons fédérales et provinciales.

Le Commissaire du Service correctionnel du Canada, Ole Ingstrup, a maintes fois répété que le système correctionnel canadien compte un trop grand nombre de délinquants issus des Premières Nations et des collectivités inuits et métis. En effet, bien qu’ils ne forment que 3 % de la population canadienne, les Autochtones représentent 17 % de la population carcérale sous responsabilité fédérale. La représentation de ce groupe dans les pénitenciers fédéraux a doublé depuis 1987, alors que les Autochtones comptaient pour 8,8 % des détenus. La situation est encore plus grave dans certains établissements provinciaux. Alors que les Autochtones sont surreprésentés dans les services correctionnels fédéraux partout au pays, leur présence atteint des sommets critiques au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta, où ils composent plus de 60 % de la population de certains pénitenciers. En Saskatchewan, par exemple, les Autochtones sont incarcérés dans une proportion 35 fois supérieure à celle de la population générale. Fait encore plus alarmant, on prévoit une croissance de la population autochtone au Canada et une augmentation de sa représentation dans les services corrections fédéraux.

Les systèmes correctionnels canadiens ne peuvent certes contenir l’incarcération croissante des Autochtones à eux seuls, mais ils doivent œuvrer avec d’autres ministères, organismes et administrations pour élaborer des stratégies et des solutions de rechange. Toutefois, c’est à eux qu’il incombe d’essayer de trouver des façons sûres et efficaces pour réinsérer dans leur collectivité le flot croissant de délinquants autochtones, une fois que ceux-ci sont entrés dans le système correctionnel fédéral.

Depuis plusieurs années, le Service correctionnel du Canada entretient des liens étroits avec les Aînés des Premières Nations, qui fournissent des services de counseling et de spiritualité et aident les délinquants autochtones à reprendre contact avec leurs racines autochtones. Les agents de liaison avec les Autochtones ont servi de pont pour une meilleure compréhension des cultures. Les établissements fédéraux mettent maintenant en œuvre des programmes de guérison et des programmes d’études axés sur les cultures autochtones. De nombreux délinquants autochtones qui ont eu accès à des enseignements traditionnels affirment que la peine qu’ils ont purgée dans un établissement fédéral a souvent été l’occasion d’avoir accès à des programmes adaptés à leur culture et d’être initiés à une spiritualité qui leur est propre.

Plus récemment, le Service correctionnel du Canada a travaillé avec des collectivités des Premières Nations pour mettre sur pied des pavillons de ressourcement et conclure des ententes de transfert de services correctionnels dans diverses parties du Canada. Le Service a ainsi collaboré avec la Première Nation crie de Samson pour établir le Centre Pe Sakastew, un établissement de 40 places pour délinquants à sécurité minimale et délinquants en liberté sous condition. Le pavillon de ressourcement Ochimaw Ohci, dans la Première Nation des Nikaneet, a été conçu pour répondre aux besoins des délinquantes autochtones. Le village de ressourcement d’Elbow Lake, près du territoire de la nation des Chehalis en Colombie-Britannique, est un établissement à sécurité minimale où l’on met au point un programme entièrement adapté pour les Autochtones.

Le Solliciteur général, Lawrence MacAuley, a déclaré dernièrement qu’il est résolu à s’attaquer au problème de la surreprésentation des Autochtones dans la population carcérale; la création de nouveaux pavillons de ressourcement conçus avec la collaboration des peuples autochtones est un des éléments principaux de la stratégie élaborée à cette fin. Le processus de réinsertion sociale (à l’intérieur et à l’extérieur des limites des établissements) pour tous les délinquants autochtones sera confié aux collectivités autochtones. Le Service a commencé à travailler avec la Première Nation des Beardy’s Okemasis, en Saskatchewan, et la Première Nation O-Chi-Chak-O-Sipi (Crane River), au Manitoba, pour ouvrir des pavillons de ressourcement. Le Solliciteur général a également conclu des accords avec la Première Nation Alexis en Alberta et les Services de counseling autochtones de l’Alberta qui permettent l’utilisation du Centre de ressourcement Stan Daniels pour transférer des services correctionnels aux collectivités autochtones, en application du paragraphe 81(3) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC). Cette mesure s’ajoute à l’Accord par lequel le Service correctionnel du Canada transféré des responsabilités au Grand conseil de Prince Albert (Saskatchewan); l’Accord prévoit l’utilisation du pavillon de ressourcement spirituel du Grand conseil, situé à Wahpeton, en Saskatchewan, pour la prise en charge des délinquants.

L’Article 84 de la LSCMLC énonce que les collectivités autochtones peuvent participer à l’élaboration d’un plan de libération conditionnelle d’un délinquant autochtone. Depuis la mise en œuvre de la politique prévoyant la conclusion d’accords de surveillance des libérés conditionnels autochtones en août 1998, 80 ententes de mise en liberté sont intervenues et les délinquants autochtones en cause purgent actuellement le reste de leur peine dans une collectivité autochtone. On prépare actuellement les dossiers de plusieurs autres délinquants autochtones qui seront mis en liberté dans leur collectivité d’origine ou d’adoption.

Les services correctionnels mettent maintenant l’accent sur la recherche de solutions faisant appel aux collectivités et permettant d’atteindre un meilleur équilibre entre les délinquants placés dans des établissements et ceux qui purgent leur peine dans la société. Les projets peuvent comprendre l’aménagement d’un centre, ou prendre une autre forme. De cette façon, les délinquants qui désirent poursuivre leur démarche de guérison peuvent avoir accès à des outils et à des ressources pour travailler à leur réinsertion dans leur propre collectivité, en profitant d’un contexte et d’un environnement autochtone.

Le travail des Aînés et des Autochtones a été très précieux pour le Service, ayant pavé la voie, à l’intérieur des établissements, à des changements positifs dans les méthodes correctionnelles. Il est de plus en plus reconnu au Service correctionnel du Canada que l’énergie qui émane des collectivités autochtones est à la source même de la réinsertion sociale des délinquants autochtones. Les pavillons de ressourcement témoignent du succès de cette approche. Ainsi, un suivi effectué dernièrement auprès des 412 délinquants ayant séjourné dans l’un des trois pavillons de ressourcement révèle qu’environ 70 % d’entre eux ont mené leur programme à bonne fin. De ce groupe, quelque 6 % sont retournés sous garde, une proportion qui contraste avec le taux de récidive national, qui s’élevait à 11 % en 1997-1998. Le taux de récidive relativement faible des délinquants ayant séjourné dans des pavillons de ressourcement donnent une bonne indication de l’incidence positive que peuvent avoir ces établissements.

La mise au point par les Autochtones de modèles correctionnels communautaires propres à leur culture et leur collaboration avec le Service à cet égard commencent à connaître un essor. Ainsi, les collectivités autochtones soumettent maintenant des projets pour prendre en charge les délinquants issus de leur milieu et pour en assurer elles-mêmes la garde; elles prévoient des services mieux adaptés à leur culture, qui favorisent la guérison et l’atteinte d’un équilibre. Les collectivités autochtones affirment qu’elles sont en mesure de faire un meilleur travail que le système carcéral traditionnel pour amener les délinquants autochtones à progresser dans un processus de guérison. Fait particulièrement encourageant, ces programmes donnent de bons résultats : la participation des délinquants autochtones et leur taux de réussite ne cessent d’augmenter chaque année. La chose n’étonne nullement les collectivités autochtones qui ont participé à la restructuration et à l’administration de programmes semblables dans d’autres domaines, comme les écoles, les services de santé et la police.

Dans les collectivités autochtones, les délinquants ont accès à des méthodes correctionnelles bien différentes de celles qui ont cours dans les services correctionnels. Ces méthodes sont le reflet d’un virage dans la notion même de l’intervention correctionnelle, où l’on intègre les concepts de guérison, réconciliation, spiritualité, respect, responsabilisation, équilibre et réparation. Ces solutions de rechange à l’incarcération et la mise en œuvre de méthodes de surveillance des libérés conditionnels adaptées sur le plan culturel constituent des progrès très importants pour les services correctionnels fédéraux. L’élaboration de modèles propres à la justice réparatrice et la crédibilité accordée à ceux-ci dans le processus correctionnel témoignent du fait que le système de justice pénale profiterait peut-être d’une approche concertée. Il est possible que l’évolution que connaîtra l’approche communautaire conduise à l’élaboration de nouvelles options pour la détermination de la peine et la prévention du crime.

Le Service a également mis au point une stratégie nationale pour doter les établissements fédéraux des programmes autochtones requis pour répondre aux besoins exprimés. Un atelier national tenu en octobre 1998 a donné le coup d’envoi à un processus de renforcement des programmes pour les Autochtones au sein du Service correctionnel du Canada et un symposium international, qui a eu lieu en mars 1999, a permis d’échanger de l’information sur les programmes avec des pays étrangers qui comptent des délinquants autochtones dans leurs systèmes correctionnels.

Des stratégies d’embauche d’Autochtones sont en cours d’élaboration et une priorité élevée est accordée au recrutement et à la formation. Le Service recherche activement des candidats intéressés à pourvoir les postes d’agents de correction, d’agent de libération conditionnelle et de gestionnaire. De plus, le Service collabore avec d’autres ministères fédéraux, des organismes provinciaux et des représentants de l’étranger pour atteindre ses objectifs.

Grâce à la mise en œuvre de programmes adaptés sur le plan culturel, à la dévolution d’un plus grand rôle aux collectivités autochtones et à l’embauche d’un plus grand nombre d’Autochtones par le Service correctionnel du Canada, on devrait accroître le potentiel de réinsertion sociale des délinquants autochtones en leur offrant plus de possibilités pour se réinsérer en toute sécurité dans leurs collectivités.


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