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Élargir les partenariats avec les collectivités autochtones

par Neil Bennet1
Planification stratégique, Service correctionnel du Canada

Les Autochtones, qui constituent seulement 3 pour 100 de la population canadienne, représentent 17 pour 100 des délinquants admis dans les établissements fédéraux. Ces chiffres sont alarmants en soi, mais ils ne constituent que la pointe de l’iceberg, car la surreprésentation des Autochtones s’étend à tout le système de justice pénale.

Nombre d’analystes qualifient les rapports actuels entre les Autochtones et le système de justice de relation transcontextuelle, c’est-à-dire de « relation problématique entre les mœurs d’une culture et les pratiques d’une autre »2. L’essence du problème réside en ce que les Autochtones du Canada n’ont pas la même conception de la justice que les colonisateurs euro-canadiens. Ils y voient un système étranger qui leur a été imposé par la culture dominante.

Les Autochtones ont longtemps maintenu qu’il n’existe pas un seul et unique système de justice. Les pratiques traditionnelles des Autochtones en matière de justice se fondaient sur le principe selon lequel toute la collectivité devait contribuer à résoudre les problèmes au moyen du règlement des différends, de la réparation des torts et du rétablissement de l’harmonie sociale.

En 1991, on a créé la Commission royale sur les peuples autochtones pour étudier les difficultés affrontées par les Autochtones, notamment en ce qui touche la justice. La Commission est arrivée à la conclusion qu’il fallait donner aux Autochtones et à leurs collectivités les ressources nécessaires pour leur permettre de s’épanouir comme personnes et comme Premières Nations. Elle a fait valoir la nécessité pour les Autochtones d’acquérir des compétences dans un vaste éventail de domaines techniques, commerciaux et professionnels. Dans son rapport en cinq volumes, la Commission a formulé des centaines de recommandations qui touchaient à tous les aspects de la vie des Autochtones au Canada. Tout cela constituait un programme complet et un engagement d’apporter des changements qui bénéficieraient à tous les Autochtones.

En réponse aux recommandations de la Commission, le gouvernement fédéral a lancé l’initiative Rassembler nos forces en 1998. En substance, il s’agissait d’un plan d’action destiné à renouveler les relations avec les Autochtones du Canada. Le plan se fondait sur le respect, la reconnaissance et la responsabilité réciproques et sur le principe du partage. Le rapport de la Commission a été le catalyseur et l’inspiration de la réorientation des politiques du gouvernement fédéral à l’égard des peuples autochtones.

Pour se conformer aux recommandations de la Commission et aux principes énoncés dans le cadre de l’initiative Rassembler nos forces, le Service correctionnel du Canada a réévalué le mandat que lui confèrent les Articles 79 à 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC)3 d’offrir des services aux délinquants autochtones. Ces Articles permettent aux délinquants autochtones de profiter de l’apport spirituel et de l’influence bienfaisante de leur culture. Ils invitent les collectivités et les Aînés autochtones à jouer un rôle plus actif dans la formulation et la mise en œuvre de politiques en tant que fournisseurs de services et de conseils.

Dans le cadre d’un partenariat renouvelé, le Service a cherché des façons d’offrir davantage de services aux délinquants autochtones au moyen d’accords conclus en application des Articles 81 et 84 de la LSCMLC, qui portent sur la mise en liberté de délinquants autochtones dans des collectivités autochtones. Aux termes de l’Article 81 :

  1. Le ministre ou son délégué peut conclure avec une collectivité autochtone un accord prévoyant la prestation de services correctionnels aux délinquants autochtones et le paiement par lui de leurs coûts.
  2. L’accord peut aussi prévoir la prestation de services
    correctionnels à un délinquant autre qu’un autochtone.
  3. En vertu de l’accord, le commissaire peut, avec le consentement des deux parties, confier le soin et la garde d’un délinquant à une collectivité autochtone.

Aux termes de l’Article 84 :

Avec le consentement du détenu qui sollicite la libération conditionnelle dans une collectivité autochtone, le Service donne à celle-ci un préavis suffisant de la demande, ainsi que la possibilité de soumettre un plan pour la libération du détenu et son intégration au sein de cette collectivité.

Aux termes de l’Article 84.1 :

Avec le consentement du délinquant qui est soumis à une ordonnance de surveillance de longue durée et qui sollicite une surveillance au sein d’une collectivité autochtone, le Service donne à celle-ci un préavis suffisant de la demande, ainsi que la possibilité de soumettre un plan pour la surveillance du délinquant et son intégration au sein de cette collectivité.

L’engagement pris par le Service correctionnel du Canada de dynamiser et de renforcer son partenariat avec des collectivités autochtones est clairement énoncé dans deux des neuf objectifs corporatifs de l’organisme.

Objectif corporatif no 3

Accroître de façon appréciable le nombre de délinquants autochtones qui réintègrent la société avec succès et en toute sécurité.

Objectif corporatif no 7

Élargir les partenariats et promouvoir les consultations comme moyens d’atteindre nos objectifs plus efficacement et d’influencer l’élaboration de politiques en matière de justice pénale et l’appui du public à leur égard.

Au cours des cinq dernières années, le Service correctionnel du Canada a tracé une nouvelle voie en matière de services correctionnels pour Autochtones. Avec la création de deux pavillons de ressourcement pour délinquants autochtones dans la région des Prairies, le Service s’est placé à l’avant-garde des services correctionnels, ce qui a valu au Canada les éloges de la communauté internationale. Dans ces établissements, les délinquants autochtones bénéficient de programmes holistiques adaptés à leurs besoins culturels qui les aident à réussir la réinsertion sociale. Ils évoluent dans un milieu moins menaçant que celui d’un établissement correctionnel ordinaire. Le Service correctionnel du Canada assure la gestion et l’administration des pavillons de ressourcement. Cela dit, les pavillons sont désignés comme établissements pour Autochtones, ce qui veut dire qu’ils ont pour unique vocation la réinsertion sociale de délinquants autochtones, et que le personnel chargé de remplir cette mission est majoritairement autochtone.

Plus remarquables encore sont les accords conclus avec des collectivités autochtones en vertu de l’Article 84 de la LSCMLC, qui donne au Service correctionnel du Canada la possibilité de confier la surveillance de délinquants autochtones à des collectivités autochtones. Ces accords visent à permettre à des collectivités autochtones de prendre en charge leurs membres et de jouer ainsi un plus grand rôle dans la réadaptation des délinquants autochtones.

Tous les efforts consacrés à la mise en valeur des services correctionnels communautaires se fondent sur la volonté de réduire le recours trop fréquent à l’incarcération en offrant aux délinquants à faible risque la possibilité de suivre des programmes dans la collectivité. Les partisans des services correctionnels communautaires soutiennent que ces programmes sont plus humains et plus rentables, et qu’en général ils fonctionnent mieux que l’incarcération traditionnelle. Le Service correctionnel du Canada est en train de négocier des arrangements des deux types avec plusieurs collectivités autochtones.

Pour sa part, le Service doit continuer de renseigner les collectivités autochtones sur les possibilités qui leur sont offertes en vertu des Articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et de travailler avec elles à mettre en place l’infrastructure qu’il leur faut pour assurer la garde et la prise en charge des délinquants.


1. 340, avenue Laurier Ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.

2. Roger McDonnell, « Contextualizing the Investigation of Customary Law in Contemporary Communities », Revue canadienne de criminologie, vol. 34, no 3-4, juillet 1992, p. 299.

3. Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.R.C. (1992), c. 20.