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Traitement correctionnel efficace par rapport au coût

par Shelley L. Brown1
Direction de la recherche, Service correctionnel du Canada

Selon les conclusions établies à la lumière de plus de 500 études portant sur 50 années de recherche et résumées récemment, tout type de traitement à caractère social réduit le taux de récidive de 10 %.2 Par ailleurs, les méthodes de traitement suivant des principes d’intervention efficace dont la validité a été empiriquement démontrée donnent lieu à des réductions bien plus grandes, allant de 26 à 40 %.3 Des travaux de recherche menés au cours des 10 à 15 dernières années indiquent clairement que les programmes qui réduisent le taux de récidive peuvent engendrer d’importantes économies de coûts à long terme, en diminuant notamment les frais de justice pénale, les dépenses des victimes, et, plus récemment, les pertes intangibles pour les victimes. Cet article présente les principaux résultats observés au cours des 10 à 15 dernières années.

Les analyses de l’efficience, que l’on appelle plussouvent analyses coûts-avantages ou analyses coûts-efficacité, visent à promouvoir une allocation optimale des ressources. Les analyses coûts-avantages donnent lieu à des conclusions comme celles-ci : « Pour chaque dollar consacré au programme X, le contribuable économise 10 $ à long terme. » En revanche, les analyses coûts-efficacité font état des avantages concrets d’un programme donné, et non des avantages pécuniaires. Ainsi, une analyse coûts-efficacité pourrait mener à la conclusion suivante : « Le traitement des délinquants sexuels coûte 12 000 $ par victime potentielle épargnée ».4

Selon les conclusions d’un article5 datant du milieu des années 1980, les prisons s’avèrent un moyen très rentable de réduire la criminalité puisque chaque dollar dépensé pour l’incarcération génère 17 $ en avantages tangibles. Cependant, l’article a été fort critiqué pour plusieurs raisons théoriques, méthodologiques et éthiques.6

On a évalué les coûts-avantages dans le cadre d’une méta-analyse récente7 et portant sur 108 études des résultats du traitement correctionnel. Par le passé, les techniques de la méta-analyse étaient employées pour regrouper les résultats d’un grand nombre d’études sur le traitement afin de vérifier l’impact moyen du traitement sur la réduction de la récidive.

On a constaté des économies de coûts pour plusieurs catégories de traitement différentes selon deux points de vue, celui du contribuable et celui de la victime. Le point de vue du contribuable se limite aux économies relatives au système de justice pénale (p. ex., police, décision, services correctionnels), tandis que celui de la victime porte sur les économies en frais de justice pénale ainsi que sur les pertes monétaires pour la victime (p. ex., frais médicaux, pertes et dégâts matériels, réduction du revenu futur). Les coûts intangibles pour la victime, comme la douleur, la souffrance et la perte de vie, ont été exclus. Dans l’ensemble, l’examen a démontré qu’en moyenne, chaque dollar consacré à des interventions à caractère social (n = 88) représente pour le contribuable une économie d’environ 5 $, et pour la victime, de 7 $. Par contre, les interventions axées sur la punition, comme les camps de type militaire et les programmes de surveillance intensive faisant appel à des stratégies onéreuses comme les vérifications aléatoires du respect de la consigne concernant les heures de rentrée, la surveillance électronique et l’analyse des échantillons d’urine (n = 20), ont eu un rendement de loin inférieur, allant de 50 à 75 cents pour chaque dollar investi dans les programmes.

Mentionnons également un article8 paru récemment où l’on comparait la rentabilité de la loi californienne de la troisième faute avec celle de programmes d’intervention précoce. Parmi les programmes d’intervention les plus prometteurs soulignons le Programme d’aide à l’obtention d’un diplôme qui offre aux élèves défavorisés d’écoles secondaires une aide financière pour les encourager à décrocher leur diplôme et le Programme d’apprentissage des compétences familiales et parentales qui prévoit la prestation d’une formation à domicile aux parents ayant des enfants agressifs. Ces deux programmes pourraient à eux seuls permettre de réduire deux fois plus la criminalité à un cinquième du coût, soit environ un milliard de dollars.

On a aussi évalué les économies de coûts pour les traitements visant les jeunes contrevenants ainsi que pour un nombre de programmes de traitements pour adultes portant notamment sur l’éducation et l’emploi, la toxicomanie, la délinquance sexuelle et les déficits cognitivo-comportementaux.

On a également estimé que les coûts attribuables à chaque jeune contrevenant récidiviste varieront entre 1,3 et 1,5 millions de dollars, lesquels seront répartis comme suit : frais de justice pénale (20 %), coûts intangibles pour la victime (50 %), coûts tangibles pour la victime (25 %) et perte de productivité du délinquant (5 %).9 En d’autres termes, un traitement ayant une incidence relativement faible peut donner lieu à d’énormes économies de coûts. Par exemple, un programme qui coûte 500 000 $ pour traiter 100 jeunes délinquants récidivistes serait tout de même jugé rentable si son taux de réussite était aussi bas que 1 %. Cependant, en réalité, les taux de réussite sont bien plus élevés, en particulier pour les programmes de traitement intensif des jeunes, comme la thérapie multisystémique (TMS). Tandis que la méta-analyse révélait que la TMS rapportait 13,45 $ pour chaque dollar investi dans le programme (selon une estimation de 1,3 à 1,5 millions de dollars), cette thérapie pourrait bien rapporter 60 $ pour chaque dollar dépensé pour le programme. Cette dernière estimation repose sur l’hypothèse selon laquelle la TMS a un taux de réussite de 20 %. L’écart (13,45 $ par rapport à 60 $) est surtout attribuable au fait que la méta-analyse a exclu les coûts intangibles pour la victime, qui représentaient 50 % du montant estimatif de 1,3 à 1,5 million de dollars.

Les ouvrages traitant de l’efficacité indiquent que le traitement des délinquants adultes peut être rentable. Par exemple, chaque dollar alloué à des programmes d’éducation de base ou de formation professionnelle engendre des économies allant de 1,71 à 3,23 $. Par ailleurs, les programmes de recherche d’emploi ou de counseling donnent lieu à des économies allant de 2,84 à 4 $. L’aide financière à court terme et les programmes subventionnés de placement rentrent quant à eux dans leurs frais. En outre, les programmes de traitement cognitivo-comportemental pour adultes rapportent entre 2,54 et 11,48 $ pour chaque dollar investi dans ces programmes.10

Les ouvrages portant sur l’efficacité accordent également beaucoup d’importance au traitement des toxicomanes. Tandis que le rendement des programmes visant à détourner les délinquants de la drogue s’est avéré modeste (p. ex., de 1,69 $ à 2,18 $ pour chaque dollar investi dans le programme), les interventions classifiées comme programmes pour délinquants toxicomaneset de gestion des cas ont en fait donné lieu à des rendements négatifs, chaque dollar investi dans le programme coûtant en fait au contribuable 15 cents et à la victime 21 cents.11 Cependant, d’autres résultats sont plus encourageants. Par exemple, selon une étude récente menée au Canada, l’un des principaux programmes de traitement pour toxicomanes du Service correctionnel du Canada a donné lieu à des économies annuelles d’environ 2 000 $ par délinquant.12 Par ailleurs, si l’on en croit les recherches portant sur les toxicomanes plutôt que sur les contrevenants, l’administration d’un traitement à 100 toxicomanes donne lieu à une réduction des coûts liés à la criminalité variant entre 1,4 et 2,2 millions de dollars, sous forme de réduction des frais de justice pénale, des pertes tangibles et intangibles pour la victime et des pertes de productivité du délinquant.13

Pour ce qui est du traitement des délinquants sexuels, les ouvrages présentent des résultats contradictoires. Selon trois analyses coûts-avantages distinctes effectuées au Canada, aux États-Unis et en Australie, le traitement de 100 délinquants sexuels peut engendrer des gains économiques variant entre 4 et 7 millions de dollars.14 Par contre, la méta-analyse a permis de conclure que le traitement des délinquants sexuels n’était pas rentable et fait valoir que chaque dollar consacré aux programmes s’adressant aux délinquants sexuels rapportait 25 cents. Cependant, les conclusions de la méta-analyse étaient uniquement fondées sur six études, alors qu’on recensait récemment 34 études sur les résultats du traitement des délinquants sexuels.15 Une analyse coûts-avantages plus détaillée portant sur ces 34 études devrait bientôt être réalisée.

En résumé, l’analyse coûts-avantages se fonde surtout sur des hypothèses incertaines et, parfois, sur des estimations de coûts moins que fiables. Par ailleurs, l’attribution d’une valeur monétaire à la douleur et à la souffrance humaine ainsi qu’à la vie humaine demeure controversée. Néanmoins, comme la lutte pour des ressources limitées s’intensifie, les évaluations coûts-avantages joueront sans aucun doute un rôle de premier plan dans l’élaboration de politiques.


1. 340, avenue Laurier Ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.

2. ANDREWS, D.A., DOWDEN, C. et GENDREAU, P. Clinically relevant and psychologically informed approaches to reduced re-offending: A meta-
analytic study of human service, risk, need, responsivity and other concerns in justice contexts, manuscrit présenté aux fins de publication. Voir LÖSEL, F. « The efficacy of correctional treatment: A review and synthesis of meta-evaluations », dans J. McGuire, éd., What works: Reducing Reoffending: Guidelines from Research and Practice, Chister: Wiley, 1995, p. 79-111.

3. ANDREWS, DOWDEN et GENDREAU, 2000. Voir LÖSEL, F . « Des programmes correctionnels efficaces : que nous révèle la recherche empirique et que ne nous révèle-t-elle pas ? », Forum — Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 8, no 3, 1996, p. 33-37.

4. MARSHALL, W.L. « The social value of treatment for sexual offenders »,
The Canadian Journal of Human Sexuality, vol. 1, no 3, 1992, p. 109-114.

5. ZEDLEWSKI, E.W. « When have we punished enough? », Public Administration Review, Special Issue, vol. 45, 1985, p. 771-779.

6. ZIMRING, F.E. et HAWKINS, G. « The new mathematics of imprisonment », Crime and Deliquency, vol. 34, no 4, 1988, p. 425-436. Voir également GREENBERG, D.F. « The cost-benefit analysis of imprisonment », Social Justice, vol. 17, no 4, 1990, p. 49-75.

7. AOS, S., PHIPPS, P., BARNOSKI, R. et LIEB, R. The comparative costs and benefits of programs to reduce crime: A review of national research
findings with implications for Washington State, numéro de document 99-05-1202, Washington State Institute for Public Policy, 1999.

8. GREENWOOD, P.W., MODEL, K.E., RYDELL, C.P. et CHIESA, J. Diverting children from a life of crime: Measuring costs and benefits, RAND, Santa Monica, CA, 1996.

9. COHEN, M.A. « The monetary value of saving a high-risk youth », Journal of Quantitative Criminology, vol. 14, no 1, 1998, p. 5-33

10 & 11. AOS, PHIPPS, BARNOSKI et LIEB, 1999.

12. T3 ASSOCIATES.An outcome evaluation of CSC substance abuse programs: OSAPP, ALTO, and Choices, 1999. Disponible auprès des Programmes de réinsertion sociale, Service correctionnel du Canada, 340, avenue Laurier Ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.

13. RAJKUMAR, A.S. et FRENCH, M.T. « Drug abuse, crime costs, and the economic benefits of treatment », Journal of Quantitative Criminology, vol. 13, no 3, 1997, p. 291-323.

14. MARSHALL, W.L. « The social value of treatment for sexual offenders »,
The Canadian Journal of Human Sexuality, vol. 1, no 3, 1992, p. 109-114. Voir PRENTKY, R. et BURGESS, A.W. « Rehabilitation of child molesters: A cost-benefit analysis », American Journal of Orthopsychiatry, vol. 60, no 1, 1999, p. 108-117. Voir également DONATO, R. et SHANAHAN, M. « The economics of implementing intensive in-prison sex-offender treatment programs », Australian Institute of Criminology: Trends and issues in crime and criminal justice, no 134, 1999, p. 1-6.

15. HANSON, K.Collaborative database of sex offender treatment outcome, exposé présenté à l’Association for the treatment of sexual abusers (ATSA), Lake Buena Vista, FL, septembre 1999.