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Alcool et drogues : Une perspective de la Nouvelle-Zélande

Richard Morris1
Département correctionnel de la Nouvelle-Zélande

Étant un petit pays de moins de quatre millions d’habitants, la Nouvelle-Zélande a un seul système correctionnel national, qui s’occupe des détenus, des délinquants dans la collectivité et des gens en détention provisoire. On dénombre environ 6 000 personnes incarcérées, dont près de 800 sont en détention provisoire et 300 sont des femmes.

La Nouvelle-Zélande a un grand choix de peines allant des amendes à l’emprisonnement, en passant par l’assignation à résidence, la participation obligatoire à des programmes et les travaux communautaires. En tout temps, environ 21 000 délinquants purgent une peine en milieu ouvert.

Comme d’autres pays, la Nouvelle-Zélande éprouve des difficultés de drogues et d’alcool dans ses prisons. Des études montrent que 83 % des détenus ont eu des problèmes de toxicomanie à une certaine période de leur vie contre environ 32 % de la population générale. Chez les détenus, les infractions en matière de drogue constituent le crime le plus grave qu’ont commis 15 % des femmes et moins de 8 % des hommes.

Ces statistiques ne rendent pas compte de toute l’influence générale des drogues et de l’alcool sur les infractions et les délinquants. Un examen du processus d’évaluation des nouveaux délinquants en Nouvelle-Zélande indique que 80 % d’entre eux ont consommé des drogues ou de l’alcool immédiatement avant de commettre leurs infractions. En tout temps, entre 130 et 150 personnes sont incarcérées parce qu’elles ont conduit en état d’ébriété. En 1999, 36 % des personnes qui ont commis des infractions en matière de drogues ont eu une sanction communautaire. De plus, 55 % d’entre elles ont été condamnées soit à payer une amende soit à une autre mesure non privative de liberté.

En principe, dans le système correctionnel en Nouvelle-Zélande, nous considérons l’alcool et les drogues comme étant :

  • Un problème médical;
  • Une partie du cycle de délinquance;
  • Un obstacle à la gestion sécuritaire des établissements, en ce qui touche la contrebande et le comportement antisocial en prison.

Nous avons déployé des efforts considérables pour enrayer l’offre de drogue en prison. Nous avons eu recours à des chiens-détecteurs de drogue. Nous avons renforcé la sécurité des lieux. Nous fouillons les visiteurs. Nous imposons des contraintes sur les visites. Et nous recueillons des renseignements sur la circulation de la drogue. Ces initiatives exigent souvent que nous collaborons avec la police.

Quand nous avons commencé à effectuer des tests de dépistage au hasard en mars 1998, 35 % des résultats étaient positifs, alors que les derniers résultats mensuels sont de 16 %. Dans 97 % des cas, les résultats positifs ont révélé la présence de cannabinoïdes. Ces pourcentages indiquent que la Nouvelle-Zélande a réussi à échapper, jusqu’à un certain point, aux conséquences liées à la consommation de drogues dures dans la collectivité en général et dans le système correctionnel. Toutefois, on consomme de plus en plus de drogues dures dans les prisons, notamment l’amphétamine, la métamphétamine et ce qu’on appelle les «drogues de loisirs», telles que le GHB (gamma-hydroxybutyrate). Dans une certaine mesure, cette hausse est attribuable à une réaction aux tests de dépistage de drogues et aux mesures d’application de la loi, qui incitent les détenus à préférer des substances qu’ils peuvent facilement faire entrer et que l’on peut difficilement détecter.

La prise en charge des délinquants toxicomanes se fait au moyen du processus intégré de gestion des délinquants, qui consiste à utiliser des outils décisionnels structurés afin de gérer les délinquants. De tels outils portent sur la classification des détenus selon le niveau de sécurité, le risque de récidive et le besoin d’intervention. La gestion en milieu carcéral et dans la collectivité exige l’établissement d’un plan sentenciel exhaustif qui recouvre la réception, l’évaluation, la gestion des peines et la réinsertion sociale.

Les principales interventions sont composées d’un ensemble de programmes cognitivo-comportementaux conçus pour répondre aux besoins relatifs aux facteurs criminogènes. Toutefois, la qualité de l’interaction avec les employés, du milieu du délinquant et des autres interventions (non liées aux facteurs criminogènes) sont également des éléments importants. La toxicomanie est un besoin criminogène fondamental et le processus intégré de gestion des délinquants cherche à résoudre les problèmes connexes de diverses façons.

La Nouvelle-Zélande consacre actuellement 1,9 millions de dollars néo-zélandais (environ 800 000 $US) à des programmes de lutte contre la toxicomanie et l’alcoolisme s’adressant aux détenus et aux délinquants libérés. Ces dépenses financent divers programmes de traitement, y compris trois unités de traitement antidrogue en établissement, dont deux sont gérées par un organisme externe.

Au moyen du processus intégré de gestion des délinquants, nous déterminons les délinquants qui présentent un risque élevé de récidive et qui éprouvent des besoins élevés de traitement de la toxicomanie. Pour les détenus et les délinquants libérés qui doivent suivre ce traitement, on prévoit trois niveaux d’intervention :

  • Un court traitement en groupe visant la réduction des méfaits, au coût d’environ 100 $NZ par intervention;
  • Un traitement en groupe et quelques thérapies individuelles, au coût d’environ 700 $NZ par intervention;
  • Un traitement intensif dans le cadre d’un programme résidentiel de 182 jours. On évalue à environ 20 000 $NZ par personne le coût de cette intervention, qui devrait traiter 400 personnes chaque année.

À condition de recevoir les fonds publics voulus et depouvoir réaffecter nos dépenses, nous espérons arriver un jour à traiter jusqu’à 14 000 délinquants par année. La plupart d’entre eux seront traités dans la collectivité.

Bien que ce soit difficile à mesurer, nous prévoyons que chaque dollar investi dans la prestation de programmes dans ce domaine rapportera des gains de 19 $ sur cinq ans, dont 9,50 $ en fait d’économies découlant de la diminution de la récidive et 9,50 $, en fait de réductions des charges de travail de la police, des tribunaux, des organismes de santé et des services sociaux, sans compter les bénéfices pour la société en général.

En plus des programmes de lutte contre la toxicomanie et des unités de traitement antidrogue, nous avons également un certain nombre d’unités sans drogue dans les prisons, où les détenus reçoivent des privilèges supplémentaires parce qu’ils ont choisi de vivre sans drogue. Cette initiative s’inscrit dans une stratégie que nous avons adoptée pour normaliser le milieu carcéral et le rendre plus prosocial pour réduire les effets négatifs de l’incarcération.

Certaines interventions contre la drogue et l’alcool sont offertes dans le cadre de traitements par des psychologues et d’autres, dans le contexte de mesures axées sur la culture maorie.

La population cancérale se divise en trois groupes distincts :

  • Maoris. Les indigènes de la Nouvelle-Zélande représentent 50 % de la population de délinquants, mais seulement 12 % de la population totale.
  • Délinquantes. Les femmes ne constituent que 5 % de la population carcérale et 24 % des délinquantes purgent des peines communautaires. Elles sont surreprésentées dans les statistiques sur la toxicomanie et plus susceptibles que les hommes de consommer des drogues dures.
  • Délinquants dans la collectivité.

Nombre de programmes reposent sur la culture maorie. Beaucoup d’entre eux comportent un volet sur la drogue et l’alcool, comme le programme d’une durée de 70 à 80 heures pour les délinquants maoris intitulé «Te Wairua o nga Tangata» (L’esprit du peuple). Deux des sept modules de ce programme traitent de la toxicomanie. Il a été offert à près de 400 Maoris purgeant une peine communautaire au cours de l’année 2000-2001. Ces programmes sont habituellement composés de matériel et d’exemples qui permettent aux délinquants maoris de mieux s’identifier au contenu du cours.

On compte quatre unités carcérales destinées aux Maoris, qui logent 220 détenus maoris. Elles favorisent le recours aux valeurs culturelles pour remédier à la délinquance et favoriser la réadaptation. Pour s’inscrire à ces unités, il faut que le détenu s’engage à vivre sans drogue.

Les détenues ont accès à une unité sans drogue après qu’elles ont terminé un programme intensif de lutte contre la toxicomanie dirigé par la National Society for Alcohol and Drug Addiction.

Les sanctions communautaires sont à la fois des mesures de rechange à l’emprisonnement et des régimes de surveillance postlibératoire des détenus. Ces peines sont gérées à partir de plus d’une centaine d’emplacements partout au pays. Les programmes de traitement sont généralement dirigés par des fournisseurs locaux et ne sont pas souvent adaptés au contexte correctionnel. Nous délaissons graduellement ces programmes au profit de programmes spécialisés adaptés au processus intégré de gestion des délinquants.

L’avenir des traitements de la toxicomanie chez les délinquants en Nouvelle-Zélande n’est pas sans présenter les défis suivants :

  • Le processus intégré de gestion des délinquants est encore au stade de la mise en œuvre. On poursuit l’élaboration du processus dans les domaines de la réinsertion sociale et de la prévention des rechutes. On procédera à une évaluation formelle du succès du processus quant à la réduction de la récidive.
  • On doit accorder plus d’importance à la coopération entre les organismes qui gèrent les délinquants toxicomanes.
  • Les Maoris et les groupes communautaires pourraient participer plus activement à la prestation des services.
  • Il faut améliorer la conception des programmes afin de déterminer si les besoins des toxicomanes de groupes particuliers, notamment les Maoris, les gens du Pacifique, les femmes et les jeunes, sont assez différents pour justifier des programmes distincts ou modifiés.
  • On envisage la création d’unités pour délinquants toxicomanes, qui accueilleraient les toxicomanes persistants dans un milieu plus restrictif. Ces unités s’ajouteraient aux unités sans drogue et aux unités de traitement antidrogue existantes.

Comme nous l’avons vu, la Nouvelle-Zélande a les mêmes problèmes que d’autres pays en ce qui touche le traitement des délinquants toxicomanes. Le processus intégré de gestion des délinquants est la pierre d’assise de la stratégie adoptée par la Nouvelle-Zélande pour résoudre ces problèmes.


1.  Mayfair House, B. P. 1206, Wellington, Nouvelle-Zélande.