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Examen descriptif des unités de soutien intensif pourles détenus sous responsabilité fédérale

David D. Varis1
Centre de recherche en toxicomanie, Service correctionnel du Canada

La toxicomanie figure toujours parmi les principaux facteurs criminogènes du comportement criminel. Le Service correctionnel du Canada (SCC) a fait œuvre de pionnier en entreprenant de nombreuses stratégies, interventions et recherches novatrices dans ce domaine.

Au cours des dernières années, un certain nombre d’administrations correctionnelles, y compris Her Majesty’s Prison Service de Grande-Bretagne,2 le South Australian Department of Correctional Services,3 le Ministère hollandais de la Justice4 et plusieurs établissements correctionnels fédéraux et d’État des Etats-Unis5 ont adopté des unités spécialisées qui limitent l’accès aux drogues. On les appelle couramment des «unités sans drogue». Certaines s’occupent uniquement de réprimer la consommation et le trafic des drogues, tandis que d’autres suivent une approche multidimensionnelle qui combine des mesures de répression à des services de traitement.

En février 2000, le SCC a entrepris une initiative en vue de mettre en place cinq unités de soutien intensif (USI), soit une dans chacune des cinq régions du SCC. Ces unités présentent des caractéristiques opérationnelles et de soutien particulières qui, combinées aux services actuels de gestion de cas et de prestation de programmes, donnent aux employés et aux délinquants une occasion spéciale de travailler ensemble dans un environnement exempt de drogues, positif et sain, qui renforce les efforts déployés par le délinquant en vue de modifier son comportement de toxicomane.

L’initiative des USI comporte une importante compo-sante de recherche visant à explorer les nombreuses variables comportementales et opérationnelles. La recherche permettra tout particulièrement de tracer le profil des délinquants placés dans ces unités et de décrire divers résultats touchant ces derniers, notamment sur le plan de la récidive, la mesure dans laquelle cette approche a permis de réduire la disponibilité des drogues et l’incidence de l’unité sur le reste de l’établissement. La recherche est toujours en cours, mais nous présentons dans cet article les données recueillies jusqu’au 27 janvier 2001.

Vue d’ensemble des unités de soutien intensif

Objet et principes6

L’USI a pour principal objet d’offrir aux délinquants un environnement sûr dans lequel ils peuvent vivre sans drogue, en bénéficiant de l’appui et de l’intervention accrus du personnel. Les unités sont ouvertes tant aux délinquants toxicomanes qu’à ceux qui n’ont pas de problèmes de cette nature, mais qui veulent vivre dans un environnement où il n’y a pas de drogue ni de problèmes interpersonnels causés par la consommation de drogues.

Les délinquants doivent solliciter un placement dans cette unité et signer un contrat qui prévoit des tests de dépistage de drogues et des fouilles supplémentaires dans le but de réduire le plus possible la disponibilité de drogues. Ceux qui violent l’entente et les règlements de l’unité (p. ex., résultat positif à un test de dépistage ou possession de substances interdites) sont automatiquement renvoyés. Ils peuvent toutefois redemander à être admis dans l’unité après une absence obligatoire d’au moins 30 jours.

Les employés appliquent de nombreuses mesures de sécurité pour réprimer l’usage et la disponibilité de drogues, notamment la restriction et le contrôle de l’accès à l’unité par des détenus qui n’y résident pas, des tests de dépistage additionnels, des fouilles, une vigilance et une communication accrues pour dissuader les visiteurs d’introduire des drogues dans l’établissement et une plus grande utilisation de divers dispositifs de sécurité, comme des détecteurs ioniques. Tous les membres du personnel d’une unité suivent une formation sur le cadre juridique dans lequel l’unité fonctionne et les techniques de soutien (p. ex., les entrevues motivationnelles). Leur rôle consiste en grande partie à favoriser un environnement propice et à travailler activement avec les délinquants pour les aider à modifier leur comportement de toxicomane.

Les délinquants qui résident dans les unités ont accès au programme de base pour toxicomanes offert par le SCC (PPT). Lorsqu’il sera mis en œuvre à l’échelle nationale, le Programme d’intensité élevée pour toxicomanes (PIET) devrait aussi être une ressource précieuse pour les résidents des USI. Les délinquants suivent les programmes à l’extérieur de l’unité, mais les employés les appuient dans leurs efforts afin de mettre en pratique, dans leur vie quotidienne, les principes et habiletés qu’ils y apprennent. L’entraide au sein de l’unité pourra aussi contribuer à créer un environnement favorable.

Les cinq établissements fédéraux qui ont été choisis pour participer au projet pilote sont les établissements Westmorland et Leclerc, ainsi que ceux de Joyceville, Drumheller et Mission. L’établissement Leclerc a remplacé officiellement son unité ECHO (basée sur un modèle de communauté thérapeutique) par une USI le 1er avril 2001. Les données sur cette unité seront présentées dans des rapports futurs.

Description des établissements pilotes7

L’établissement Westmorland à sécurité minimale compte 10 unités de logement accueillant chacune 6 délinquants (pour un total de 60), qui sont considérées comme des USI. À l’établissement de Joyceville, à sécurité moyenne, une rangée d’une unité ordinaire a été désignée USI (total de 40 délinquants). Plusieurs années avant l’initiative des USI, cette rangée avait été un secteur «sans drogue». À l’établissement de Drumheller, qui est à sécurité minimale/moyenne, l’USI correspond à une grande partie de l’unité à sécurité minimale (USM), qui se trouve à l’extérieur du périmètre de l’établissement ordinaire. Sept unités de logement comptant chacune 8 détenus sont considérées comme des USI (pour un total de 56 détenus). À l’établissement de Mission, à sécurité moyenne, l’USI constitue une unité distincte qui accueille une cinquantaine de délinquants. Elle avait déjà été désignée une unité «sans drogue» et fonctionnait depuis plusieurs années à ce titre.

Méthodologie

Mesures d’évaluation

Les résultats présentés sont basés sur des questionnaires portant sur les attentes des délinquants et des employés, ainsi que sur des données descriptives sur les délinquants. Les questionnaires ont été conçus pour étudier les facteurs à l’origine d’une demande de placement dans les unités, les résultats escomptés et les attentes à propos du succès éventuel des unités.

Collecte de données et échantillon

Les données ont été recueillies par des adjoints de recherche sur place auprès de délinquants résidant dans les USI entre le 1er février 2000 et le 27 janvier 2001 et ayant consenti à participer au projet de recherche. Les résultats préliminaires sont basés sur 274 délinquants. On peut voir au Tableau 1 le nombre de délinquants par établissement. De plus, 72 employés ont répondu au questionnaire.

Tableau 1

Participation des établissements en fonction du nombre de délinquants et du pourcentage global
établissement
Nombre de délinquants
Pourcentage global
Westmorland
78
28%
Joyceville
60
22%
Drumheller
68
25%
Mission
68
25%
Total
274
100%

Résultats de recherche préliminaires

Comparaison des profils de délinquants

L’âge moyen des délinquants résidant dans les USI, soit 36 ans, était identique à celui de la population carcérale masculine actuelle des pénitenciers canadiens. En ce qui concerne la situation conjugale, près de la moitié des membres de l’échantillon (45 %) étaient mariés ou vivaient en union de fait (40 % à l’échelle nationale), 44 % étaient célibataires (49 % à l’échelle nationale), tandis que les 11 % restants avaient déjà été mariés (11 % à l’échelle nationale). Plus de 78 % étaient de race blanche (71 % à l’échelle nationale), 13 % étaient des Autochtones (17 % à l’échelle nationale) et 9 % ont indiqué une autre origine raciale (12 % à l’échelle nationale). Dans l’ensemble, les délinquants hébergés dans les unités ressemblaient à ceux de la population carcérale générale, sauf que les Autochtones étaient quelque peu sous-représentés.

Le Tableau 2 consiste en une ventilation des délinquants placés dans les USI en fonction de la durée de leur peine. Plus de la moitié de l’échantillon, soit 56 %, purgeaient une peine pour une infraction avec violence, comme l’homicide, une infraction liée à l’homicide, le vol qualifié, des infractions de nature sexuelle ou des voies de fait. Pour 64 % des délinquants résidant dans une USI, il s’agissait de leur première infraction de ressort fédéral.

Tableau 2

Durée de la peine des délinquants placés dans les USI en fonction du nombre et du pourcentage global
Durée de la peine
Nombre de délinquants
Pourcentage global
Moins de 4 ans
135
49%
4 à 10 ans
68
25%
10 ans ou plus
22
8%
Peine à perpétuité
49
18%
Total
274
100%

L’examen des facteurs statiques (antécédents criminels) et dynamiques (niveau de besoins) des délinquants a été basé sur les données provenant de l’Évaluation initiale des délinquants (EID), qui est effectuée après la détermination de la peine. Les données présentées au Tableau 3 constituent une ventilation des niveaux de risque et de besoins pour 253 des 274 délinquants placés dans les USI. Dans l’ensemble, 50 % des délinquants ont été jugés à risque criminel élevé et 60 %, à besoins élevés. Les données ont également révélé que 77 % des délinquants ont besoin d’une forme quelconque d’intervention en toxicomanie. Les autres domaines de besoins importants nécessitant une intervention incluaient l’orientation personnelle et affective (92 %), les fréquentations et interactions sociales (62 %) et l’attitude (55 %).

Tableau 3

Cotation des facteurs statiques et dynamiques des délinquants placés dans les USI d’après l’EID
Niveau
Risque criminel
Besoins criminogènes
Èlevé
50%
60%
Moyen
44%
36%
Faible
6%
4%
Total
100%
100%

Sorties de l’USI

Un examen des données préliminaires révèle qu’au cours des six premiers mois de fonctionnement, 42 % des délinquants sont restés dans l’USI. De plus, 24 % ont obtenu la semi-liberté, la libération conditionnelle totale ou la libération d’office, tandis que 17 % ont été transférés à un niveau de sécurité identique ou inférieur, sont volontairement retournés à leur unité résidentielle habituelle ou sont partis pour d’autres raisons. Toutefois, 10 % des délinquants ont été renvoyés pour possession de substances ou d’autres objets interdits liés aux drogues et 7 %, parce qu’ils avaient commis des infractions aux règlements ou qu’ils posaient de graves problèmes sur le plan de la sécurité.

Tableau 4

Réponses aux énoncés sur les attentes des délinquants en pourcentage
Attentes des délinquants
D’accord /Fortement d’accord
D’accord/ Fortement en désaccord
Je pense que les unités de soutien intensif sont une bonne idée.
88%
-
Je ne pense pas que les USI seront efficaces parce qu’il est trop difficile de ne pas consommer en établissement, où que l’on soit.
81%
Je ne pense pas que les autres délinquants vont me faire la vie dure si je suis hébergé dans l’USI.
7 2 %
-
Je pense que l’USI sera un milieu plus propice à la participation aux programmes.
7 1 %
-
Je pense que j’aurai davantage de problèmes d’alcool ou de drogues après ma mise en liberté p a rce que je réside dans une USI.
-
71%
Je crois que l’USI causera des problèmes pour le reste de l’établissement.
-
69%
Je suis allé dans l’USI pour m’éloigner du milieu de la drogue et de sa culture.
69%
-
Je crois que l’USI me préparera à ma mise en liberté.
66%
-
Je ne pense pas que les USI seront efficaces parce qu’il est trop difficile d’empécher l’entrée de drogues et d’alcool dans un établissement, où que l’on soit.
-
65%
Je suis allé dans l’USI parce que j’aurai droit à plus de privilèges que si j’étais dans d’autres secteurs de l’établissement.
-
63%
Je crois que l’USI exercera une bonne influence sur le reste de l’établissement.
60%
-

Attentes des délinquants

Les employés normalement affectés à l’USI ont été invités à répondre à des questions au sujet de leurs attentes à l’égard de celle-ci. Leurs réponses sont présentées au Tableau 5.

Tableau 5

Réponses aux énoncés sur les attentes des employés en pourcentage
Attentes des employés
D’accord /Fortement d’accord
D’accord/ Fortement en désaccord
Je pense que l’unité de soutien intensif aidera les délinquants parce qu’elle constitue un milieu plus propice á la participation aux programmes.
86%
-
Je pense que les unités de soutien intensif sont une bonne idée.
85%
-
Je pense que l’USI causera plus de perturbations dans le reste de l’établissement.
-
84%
Je crois qu’il est peu probable que l’USI aide les délinquants parce qu’on ne les encourage pas assez en établissement á devenir/ rester abstinents.
-
83%
Je crois qu’il est peu probable que l’USI aide les délinquants parce que leurs problèmes sont trop graves.
-
82%
Je crois que les fouilles additionnelles en feront un environnement plus sor.
82%
-
Je pense que l’USI aidera les délinquants parce que les autres les encourageront davantage.
80%
-
Je crois qu’il y aura moins de violence entre les délinquants dans l’USI.
75%
-
Je crois que le nombre accru de tests de dépistage diminuera la présence de drogues dans l’USI.
74%
-

Un grand nombre d’employés ont appuyé les énoncés selon lesquels les USI sont une bonne idée, contribuent à la réadaptation des délinquants et créent un milieu plus sûr, sain et encourageant.

Analyse

L’initiative des unités de soutien intensif est une des stratégies que le SCC examine afin de réduire la toxicomanie parmi les délinquants. Il y a actuellement cinq unités pilotes, et le Centre de recherche en toxicomanie évalue leurs répercussions sur le comportement des délinquants, y compris sur la récidive.

Il y a un pourcentage élevé de délinquants résidant dans une USI qui s’attendent à ce que l’unité les encourage davantage à participer aux programmes, à éviter le milieu de la drogue et à se préparer en vue de leur mise en liberté. La plupart des employés qui travaillent à l’unité croient que celle-ci est une bonne idée et que des activités de répression plus intenses entraîneront une baisse de la consommation de drogues et des problèmes connexes. Les recherches futures serviront à évaluer les répercussions opérationnelles de ces unités, notamment leur contribution éventuelle à l’accroissement de la sécurité.


1.   B. P. 1360, Montague (Île-du-Prince-Edouard) C0A 1R0.

2.  JOHNSON, G. et FARREN, E. An Evaluation of Prisoner’s Views about Substance Free Zones, document interne produit pour la British Psychological Society, 1996.

3.  INCORVAIA, D. et KIRBY, N. A. «Formative Evaluation of a Drug-Free Unit in a Correctional Services Setting», International Journal of Offender Therapy and Comparative Criminology, vol. 41, no 3, 1997, p. 231-249.

4.  SCHIPPERS, G. M., VAN DEN HURK, A. A., BRETELER, M. H. M. et MEERKEERK, G. J. «Effectiveness of a Drug-Free Detention Treatment Program in a Dutch Prison», Substance Use and Misuse, vol. 33, no 4, 1998, p. 1027-1046. Voir aussi DOORNICK, M. et DE JONG, W. «Development of HIV/AIDS Policy in the Dutch Prison System» dans Drug Use and Prisons An International Perspective, D. SHEWAN et J. B. DAVIES, (édit.), Amsterdam, Pays-Bas, Hardwood Academic Publishers, 2000.

5.  PETERS, R. H. et STEINBURG, M. L. «Substance Abuse Treatment in US Prisons» dans Drug Use and Prisons An International Perspective, D. SHEWAN et J. B. DAVIES, (édit.), Amsterdam, Pays-Bas, Hardwood Academic Publishers, 2000.

6.  Préparé par la Division des programmes de réinsertion sociale, Service correctionnel du Canada, Ottawa (Ontario); dans le cadre de ses notes d’information en vue de la mise en œuvre des USI.

7.  Préparé par Stafford Murphy, agent de recherche, Service correctionnel du Canada, Division de la recherche en toxicomanie, Ottawa (Ontario), à l’issue d’une visite dans les établissements en juin 2000.