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Classement des délinquantes en vue d’une intervention efficace : Évaluation du risque et des besoins à partir de renseignements propres à chaque cas

Thèse de doctorat, Carleton University1
Kelley Blanchette2
Directeur de thèse : Laurence Motiuk
Membres du comité : Peter Fried, Adelle Forth, Bob Hoge et Connie Kristiansen

Les éléments produits à l’appui de l’étude sont concluants : de nombreux types d’intervention en milieu correctionnel permettent de réduire le nombre de cas de récidive criminelle. Le traitement correctionnel «moyen» entraîne une réduction de 10 % de la récidive au sein des groupes visés, mais certaines études ont révélé que les interventions axées sur les principes de l’évaluation du risque et des besoins produisent des résultats nettement meilleurs en moyenne (30 % de réduction des cas de récidive3). En bref, en vertu du principe du risque, il faut que le niveau de traitement soit équivalent au niveau de risque que présente le délinquant, et il faut offrir des services plus intensifs aux délinquants à plus haut risque, tandis que les délinquants à plus faible risque s’en sortent aussi bien, sinon mieux, avec des interventions limitées, voire sans aucune intervention. En vertu du principe des besoins, le traitement correctionnel devrait viser les éléments dynamiques de la personnalité du délinquant qui sont liés à son comportement criminel (c’est-à-dire à des facteurs criminogènes). Ces principes de classement des délinquants basés sur les cas ont été établis dans le cadre des études relatives aux délinquants de sexe masculin, qui s’appuient sur des données empiriques. Dans cet article, nous nous intéressons à l’applicabilité aux délinquantes des principes du risque et des besoins.

Classement basé sur les cas

Même si, depuis quelque temps, on accorde plus d’attention aux problèmes liés aux délinquantes, certains affirment que l’on connaît encore mal les composantes des programmes [destinés aux femmes] qui visent des résultats positifs comme l’indépendance économique et sociale, la réunion des familles et une intervention réduite du système de justice pénale4. C’est peut-être parce qu’une majorité écrasante de délinquants sont des hommes, que les services offerts aux détenues sont depuis longtemps inspirés de modèles d’intervention auprès des hommes. C’est pourquoi les précédentes études consacrées à la façon dont les programmes en place répondent aux besoins des femmes ont révélé que le traitement accordé à celles-ci était soit inapproprié, soit inexistant.

Les études relatives aux interventions correctionnelles adaptées aux femmes sont essentielles, parce que le droit canadien impose la mise en place de programmes distincts pour les délinquantes. Par exemple, l’article 77 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC, 1992) stipule que le Service correctionnel du Canada doit, en ce qui concerne les délinquantes, leur offrir des programmes adaptés à leurs besoins spécifiques et consulter régulièrement, à cet égard, les organisations féminines compétentes ainsi que toute personne ou groupe ayant la compétence et l’expérience appropriées.

Il s’agit d’une tâche difficile pour les administrateurs des services correctionnels, étant donné que les différents spécialistes ne s’entendent pas sur le type de personne que l’on peut qualifier de «personne (...) ayant la compétence et l’expérience appropriées.» Dowden et Andrews5 ont récemment présenté des données empiri-ques à l’appui des principes du risque et des besoins, dans une méta-analyse des traitements réservés aux délinquantes. Malgré cela, certaines spécialistes féministes,6 pensent que le classement basé sur le risque n’est pas adapté aux femmes et qu’il faut offrir à celles-ci un traitement différent de celui qu’on réserve aux hommes. En bref, les auteurs de cet ouvrage indiquent à quel point il est important de contextualiser la participation des femmes à des activités criminelles, en examinant leur «cheminement» criminel. À cette occasion, ils affirment qu’on peut évaluer les besoins de chaque femme et y répondre dans le cadre d’une approche holistique. À l’appui de leur théorie, ils présentent des arguments philosophiques très convaincants, ainsi que certaines données de nature anecdotique, précisant qu’ils ne disposent pas de données empiriques pertinentes.

Que les délinquantes fassent l’objet d’un classement en fonction des principes du risque et des besoins ou d’une évaluation selon leur «cheminement» criminel, tout le monde s’entend sur un point : l’évaluation est la pierre angulaire de toute intervention correctionnelle efficace. Le classement des délinquants vise plusieurs objectifs, qui vont du placement en établissement à la planification du traitement, en passant par la prise de décisions relatives à la libération ou les normes de surveillance. Il est nécessaire d’effectuer une évaluation individuelle pour établir le risque (et gérer en toute sécurité les populations de délinquants) et adapter les besoins des délinquantes aux ressources affectées au traitement.

Le principe du risque

Le principe du risque comporte deux volets. Première-ment, on suppose que les comportements criminels peuvent être anticipés; deuxièmement, pour limiter les cas de récidive, il faudrait adapter le niveau du traitement au niveau de risque que présente le délinquant. Plus précisément, il faudrait offrir de nombreux services aux délinquants à risque élevé, tandis que les délinquants à plus faible risque s’en sortent mieux avec des interventions limitées ou sans aucune intervention. Comme on l’a mentionné précédemment, certaines études ont présenté de nombreuses données empiriques à l’appui du principe du risque.

Malgré les éléments que fournissent les diverses études, certaines spécialistes féministes contestent l’applicabilité aux femmes du principe du risque, et invoquent pour ce faire plusieurs raisons. La critique la plus élémentaire est la suivante : le niveau de risque est établi selon le sexe et selon la race, et il ne doit donc pas être appliqué aux groupes minoritaires. Cet argument s’appuie sur le fait que certains facteurs permettant de prévoir les risques associés aux hommes ne s’appliquent pas aux femmes. Les tenants de cette théorie ajoutent que le recours à des mesures de classement «sexuellement neutres» conduit à un surclassement des femmes. C’est pourquoi Bloom et Covington7 affirment ceci : dans les environnements où les comportements sexistes sont fréquents, lorsqu’on qualifie quelque chose de «sexuellement neutre», on fait référence au sexe masculin. Même si l’on sait que, par rapport aux hommes, les femmes présentent moins de risques sur les plans de la délinquance criminelle, de la récidive et de la récidive avec violence et pour la sécurité des établissements, aucune donnée empirique n’appuie la théorie du surclassement. En fait, diverses études portant sur de nombreuses méthodes d’évaluation du risque ont révélé que ces outils classaient régulièrement les femmes à des niveaux inférieurs à ceux auxquels on classe les hommes.

Une deuxième théorie relative à l’applicabilité du principe du risque aux femmes porte sur le concept du risque dynamique. On peut établir une équivalence entre les facteurs de risque dynamique et les besoins criminogènes. Ces facteurs constituent un sous-ensemble du niveau de risque associé aux délinquants; il s’agit des éléments dynamiques du profil du délinquant qui, lorsqu’on les modifie, sont associés aux changements touchant les probabilités de récidive. Des facteurs de risque statiques et dynamiques sont associés aux cas de récidive, mais c’est sur les facteurs dynamiques qu’il faut baser le traitement. Ainsi, l’objet premier de l’évaluation des facteurs dynamiques est la planification du traitement. Cependant, même si des facteurs statiques comme l’âge, la race et les antécédents criminels permettent très souvent d’anticiper une récidive, des facteurs dynamiques comme le comportement antisocial, la fréquentation de criminels et la toxicomanie sont encore plus révélateurs.

Ceux qui critiquent le principe du risque pensent que la documentation portant sur ce sujet et les responsables sur le terrain confondent les besoins et le risque8, mais ils ajoutent qu’en raison de cette confusion, on tend à redéfinir les besoins des délinquantes comme des facteurs de risque. Une des conséquences de cette approche est la suivante : on n’offre pas aux femmes les programmes dont elles ont besoin en raison de la (prétendue) priorité accordée à la sécurité et à l’évaluation du risque. Même s’ils critiquent le classement des femmes basé sur le risque, certains auteurs pensent qu’il faut tenir compte d’un certain nombre de facteurs de risque interdépendants lorsqu’on détermine le traitement destiné aux jeunes filles : facteurs familiaux, problèmes scolaires, fréquentation d’autres délinquants et toxicomanie9. Il est intéressant de noter que les facteurs de risque définis par Bloom et Covington comptent parmi les facteurs criminogènes le plus souvent cités, qui devraient être les premiers à faire l’objet de traitements10. Ainsi, les psychologues et les spécialistes féministes s’entendent à propos des besoins auxquels il faut répondre dans le cadre du traitement correctionnel. Même si certains critiques affirment que l’on ne répond pas aux besoins des femmes, les délinquantes du Canada ont accès à de très nombreux programmes, et le fait que des facteurs dynamiques soient liés aux cas de récidive incite encore plus les organismes correctionnels à offrir des services visant à réduire ces facteurs.

Autre argument contre le principe du risque : les études dont les résultats appuient ce principe utilisent presque toutes des échantillons de délinquants de sexe masculin. Les examens circonstanciés et les méta-analyses appuyant le principe du risque ont soit exclu les échantillons de délinquantes, soit omis de distinguer les données par sexe. On observe néanmoins une exception : la récente méta-analyse de Dowden et Andrews11. Pour examiner la validité des principes du risque et des besoins appliqués aux délinquantes, les auteurs se sont appuyés sur des études relatives aux traitements qui satisfaisaient aux critères suivants :

  • les échantillons étaient principalement (au moins à 51 %) ou entièrement composés de délinquantes;
  • l’étude prévoyait une période de suivi;
  • l’étude comparait les délinquantes ayant bénéficié d’une forme quelconque d’intervention à un groupe de référence n’ayant pas bénéficié d’une intervention primaire;
  • l’étude comportait une mesure de la récidive (nouvelle condamnation, nouvelle arrestation, inobservation des conditions de la libération conditionnelle)
Dowden et Andrews font un examen préliminaire du principe du risque en classant les études selon qu’elles portent sur le traitement des femmes «à risque élevé» ou «à faible risque». Plus précisément, on juge dans ces études que les groupes faisant l’objet d’un traitement sont à risque élevé si la majorité des participants à l’étude avaient déjà eu affaire à la justice au moment de l’étude ou avaient déjà commis une infraction criminelle12. Les groupes composés de personnes qui n’avaient pas d’antécédents criminels et/ou avaient échappé à la justice sont jugés «à faible risque».

Les résultats de ces études ont révélé que les programmes de traitement visant des échantillons de délinquantes à risque plus élevé étaient plus efficaces. Plus précisément, les données (45 ampleurs de l’effet) ont généré une réduction de 19 % des cas de récidive au sein des groupes à risque élevé, et les traitements n’ont eu aucun effet sur les groupes à faible risque. En outre, lorsque les auteurs ont limité la portée de leur étude pour y inclure exclusivement les études sur le traitement réservé aux femmes (24 ampleurs de l’effet), cet effet était encore plus prononcé, et l’on observait une réduction de 24 % des cas de récidive pour le groupe à risque élevé. Les auteurs ont conclu que ces données étayaient l’application du principe du risque pour assurer l’efficacité de l’intervention auprès des délinquantes.

L’étude de Dowden et Andrews fournit des éléments préliminaires à propos de l’applicabilité du principe du risque aux femmes, mais il faut noter qu’elle se heurte à certaines limites importantes. Premièrement, par rapport aux études sur les délinquants, le nombre d’études sur les délinquantes est relativement peu élevé. Les analyses effectuées par Dowden et Andrews portent sur seize études visant exclusivement des femmes. À mesure que les études de base continueront à s’accumuler, les méta-analyses prospectives permettront de constituer des échantillons plus nombreux, ce qui fera augmenter la fiabilité des résultats.

La deuxième limite porte sur une affirmation de base liée au principe du risque, selon laquelle il faut adapter le niveau de service offert au niveau de risque que présente le(la) délinquant(e). La méta-analyse de Dowden et Andrews n’étudie pas cette question en profondeur, puisqu’elle ne fait pas référence au «dosage», ou à l’intensité du traitement. En fait, les auteurs décrivent la réduction du taux de récidive au sein des groupes bénéficiant d’un traitement (par rapport à ceux qui n’en bénéficient pas). En outre, il est fort possible que les groupes «non traités» soient des groupes qui présentaient moins de risques au départ.

Enfin, on peut douter de la méthode des auteurs consistant à séparer les études entre groupes à risque élevé et groupes à faible risque. Plus précisément, on peut affirmer que les personnes qui ont actuellement ou ont déjà eu affaire à la justice pénale (groupes à risque élevé) sont nettement plus susceptibles que les personnes à faible risque d’afficher une réduction de la récidive, parce qu’ils présentent des taux d’infraction plus élevés au départ. La différence entre les taux de base observée lors des études préliminaires est symptomatique de toutes les méta-analyses; elle est toutefois particulièrement flagrante dans l’étude de Dowden et Andrews, parce qu’il semble que les groupes à faible risque qu’ils ont examinés étaient en fait composés de non-délinquants.

Il est néanmoins important de noter que le classement des délinquantes dans des groupes à risque «élevé» et «faible» va demeurer plus problématique que dans le cas des délinquants. Ce problème tient essentiellement au premier postulat sur lequel s’appuie le principe du risque, suivant lequel le risque peut être anticipé. Même si l’on sait que les variables relatives aux antécédents criminels permettent de prévoir une récidive chez les femmes, l’intégration de tels éléments statiques aux paradigmes de prévisions mathématiques s’est révélée moins fiable. En particulier, la plupart des modèles de risque associés aux délinquants, établis à partir d’échantillons composés d’hommes, offrent des prévisions de moins bonne qualité lorsqu’on les applique aux femmes.

Le principe des besoins

Le principe des besoins fait la distinction entre les facteurs criminogènes et les facteurs non criminogènes. Les facteurs criminogènes constituent un sous-ensemble du niveau de risque associé à un délinquant; il s’agit d’éléments dynamiques de la personnalité du délinquant qui, lorsqu’on les modifie, modifient à leur tour les probabilités de récidive. Les facteurs non criminogènes peuvent eux aussi être modifiés, mais ces changements ne se traduisent généralement pas par des probabilités de récidive différentes. Sur le fond, en vertu du principe du risque, pour limiter les cas de récidive, il faudrait que les services de traitement tiennent compte des facteurs criminogènes.

On a défini des domaines d’intervention prometteurs : comportement et sentiments antisociaux, fréquentation d’autres personnes antisociales, lacunes sur les plans de la maîtrise de soi, de l’auto-contrôle et/ou des compétences en matière de résolution de problèmes, problèmes de toxicomanie, niveau d’études et/ou de formation professionnelle insuffisant, absence de liens familiaux ou relations familiales dysfonctionnelles, et mauvaise utilisation des temps libres. Un grand nombre d’études ont fait de ces éléments dynamiques des facteurs criminogènes. Cependant, certains documents relatifs aux services correctionnels contestent l’applica-bilité aux femmes du principe des besoins. Là encore, le scepticisme des analystes vient du fait que les études appuyant ce principe utilisent des échantillons composés de délinquants de sexe masculin.

En ce qui concerne les délinquantes, ce n’est pas le principe des besoins en tant que tel qui a fait l’objet de critiques. En fait, le débat porte sur la définition des facteurs qualifiés de criminogènes pour ce groupe particulier. Certaines données empiriques permettent de croire que les facteurs criminogènes associés aux délinquants sont également adaptés aux délinquantes, mais que leur degré d’importance et la nature de l’association peuvent différer. Selon plusieurs auteurs, des facteurs criminogènes additionnels s’appliquent aux délinquantes, même si, en réalité, il faudrait effectuer davantage d’études pour confirmer le lien entre ces variables et la récidive. Les facteurs dynamiques le plus souvent cités comme des facteurs criminogènes propres aux femmes relèvent du domaine «personnel/affectif» : faible estime de soi, victimisation durant l’enfance et à l’âge adulte et automutilation/tentatives de suicide.

Emploi/éducation

Il est désormais établi qu’en moyenne, les délinquants ont un niveau de scolarité inférieur et moins de compétences monnayables que le reste de la population. Près de la moitié des détenus sous responsabilité fédérale (46 % des hommes et 48 % des femmes) n’ont pas terminé leur 10e année; ce n’est le cas que de 19 % de l’ensemble de la population canadienne. Les problèmes d’emploi sont également fréquents parmi les populations de détenus, et plus prononcés chez les femmes que chez les hommes; environ 80 % des femmes purgeant une peine dans un établissement fédéral étaient sans emploi au moment de leur admission. En comparaison, seulement 10 % des adultes (hommes et femmes) de l’ensemble de la population canadienne sont sans emploi. Les programmes de traitement axés sur l’éducation, le perfectionnement et l’emploi sont donc jugés essentiels à la réinsertion sociale.

Seules quelques études ont examiné le lien entre les besoins en matière d’emploi et d’éducation et le taux de récidive chez les délinquantes. Les résultats de ces études ne sont pas uniformes, puisqu’ils établissent une corrélation entre les variables d’emploi/d’éducation et la récidive de l’ordre de -0,22 à +0,43. Ils ne permettent donc pas de déterminer si ce domaine constitue vraiment un facteur criminogène pour les femmes; de toute évidence, il faut effectuer davantage d’études.

Famille

Pour toute personne, la base de la vie sociale, c’est la famille. Il n’est donc pas surprenant que plusieurs documents aient établi que les délinquants sont beaucoup plus nombreux à avoir un passé marqué par des problèmes familiaux. On évalue qu’environ le tiers des détenues ont de très graves problèmes dans ce domaine. Certains analystes pensent que les traitements destinés aux délinquantes devraient en priorité s’orienter vers les problèmes familiaux. Certaines études empiriques ont commencé à appuyer cette théorie, même si d’autres la contestent. Les études établissant un lien entre les problèmes conjugaux/familiaux et la récidive chez les délinquantes ont établi des corrélations allant de -0,10 à +0,51.

Fréquentations

Les spécialistes associent fréquemment le facteur dynamique qu’est la fréquentation de personnes anti-sociales aux probabilités de récidive; ils recommandent donc qu’on en fasse une priorité des programmes de traitement. On estime qu’environ 20 % des détenues ont d’importants besoins de traitement dans ce domaine.

Même si la majeure partie des résultats obtenus sont basés sur des échantillons composés de délinquants, les études relatives aux délinquantes ont produit des résultats uniformes : la fréquentation de personnes au comportement antisocial/favorable à la criminalité constitue un facteur criminogène important pour les femmes. Les études portant sur le lien entre la fréquentation de personnes antisociales et la récidive criminelle chez les femmes indiquent une corrélation comprise entre +0,11 et +0,45.

Attitude

On considère également que les traitements visant les comportements antisociaux comptent parmi les plus efficaces pour faire baisser le taux de récidive au sein des populations de délinquants. Heureusement, le nombre de délinquantes considérées comme ayant des besoins élevés sur le plan comportemental est relativement peu élevé. À l’échelle fédérale, on observe une différence importante dans les comportements antisociaux entre les hommes et les femmes (39 % contre 7 %).

Même si l’on reconnaît que le problème du comportement antisocial est l’un des domaines de traitement les plus prometteurs au sein des populations carcérales, un nombre relativement limité d’études ont examiné le lien entre ce type de comportement et la récidive chez les délinquantes. Les études prévisionnelles indiquent une corrélation comprise entre +0,10 et +0,45.

Toxicomanie

Le lien entre la toxicomanie et les activités criminelles a été analysé dans de nombreux documents : près des deux tiers des délinquants connaissent des problèmes de toxicomanie à un niveau ou à un autre, et on considère qu’environ 40 % des délinquantes ont de graves problèmes de toxicomanie. En outre, certaines études ont révélé un lien très fréquent entre la toxicomanie et diverses formes d’activités criminelles, parfois violentes. Cependant, là encore, la plupart de ces études portaient sur des échantillons composés de délinquants. La plupart des études prédictives examinant le lien entre la toxicomanie et la récidive chez les délinquantes ont démontré l’existence d’un lien non négligeable entre diverses mesures de la toxicomanie et la récidive. Les corrélations sont comprises entre +0,07 et +0,44, la majorité des études indiquant un lien important entre la toxicomanie chez les femmes et la récidive.

Comportement dans la collectivité

L’évaluation du comportement dans la collectivité d’un(e) délinquant(e) est faite d’un ensemble d’éléments qui donnent une idée de sa vie à l’extérieur de la prison. Parmi les outils de mesure de l’adaptation à la collec-tivité, on compte les loisirs (passe-temps, activités communautaires), l’hébergement, les finances, le soutien (p. ex., le recours aux services sociaux), le maintien (p. ex., l’hygiène et la présentation) et la santé. On estime que moins de 15 % des détenues ont de graves problèmes dans ce domaine.

Aucune étude publiée n’a examiné le lien entre la catégorie globale «adaptation à la collectivité» et le taux de récidive chez les délinquantes. Par contre, certaines ont examiné des éléments particuliers relatifs à la récidive des délinquantes. Les études consacrées au lien entre l’adaptation des femmes à la collectivité et la récidive révèlent que la valeur prédictive des sous-éléments varie considérablement; les corrélations avec de nouvelles infractions sont comprises entre -0,03 (problèmes de santé) et +0,41 (problèmes financiers).

Facteurs personnels/affectifs

Dans le cadre de l’évaluation des délinquants, les facteurs personnels/affectifs représentent un ensemble de besoins qui couvrent toute une gamme de traits caractéristiques personnels susceptibles de justifier une intervention correctionnelle. Voici les facteurs le plus couramment évalués : concept de soi, problèmes cognitifs (impulsivité, difficulté à résoudre les problèmes, empathie), problèmes de comportement (hostilité, affirmation de soi, tendance névrotique), facultés mentales et santé mentale. Environ 38 % des délinquantes sous responsabilité fédérale affichent des besoins considérables dans ces domaines.

Tout comme cela est le cas pour les nombreuses variables comprises dans le cadre du «comportement dans la collectivité», les études révèlent que les facteurs «personnels/affectifs» peuvent eux aussi, à divers niveaux, annoncer une probable récidive chez les délin-quants, selon les besoins précis qu’on évalue. Comme pour les autres facteurs criminogènes, peu d’études ont examiné le degré d’exactitude des prévisions associées aux variables «personnelles/affectives» en utilisant des échantillons composés de délinquantes. Les études pertinentes examinant les répercurssions des change-ments consécutifs à un traitement sont encore plus rares. Il est donc impossible, à l’heure actuelle, de dire si les facteurs «personnels/affectifs» peuvent être considérés comme des facteurs criminogènes applicables aux délinquantes.

Conclusions

Il se peut que cette étude ait plus soulevé des questions qu’elle n’a apporté de solutions. En bref, les études existantes révèlent que l’évaluation du risque et des besoins à partir de renseignements propres à chaque cas contribuent à offrir des services efficaces aux femmes. On observe malheureusement plusieurs lacunes. En ce qui concerne le classement en fonction du risque, les études ne sont pas vraiment parvenues à établir un outil de mesure de ce classement basé sur des données empiriques, susceptible de s’appliquer à la fois aux délinquantes sous responsabilité fédérale et provinciale. Mais surtout, on n’a établi aucun outil de mesure adapté aux délinquantes.

Nous avons démontré dans cette étude l’applicabilité du principe du risque aux délinquantes. Même si certains éléments préliminaires indiquent que les facteurs criminogènes sont les mêmes pour les hommes que pour les femmes (p. ex., la toxicomanie, les comportements antisociaux ou la fréquentation de personnes antisociales), il est également fort probable qu’il existe d’autres facteurs criminogènes propres aux femmes au niveau personnel/affectif (p. ex., la tendance à l’automutilation ou les problèmes d’estime de soi). Ainsi, pour évaluer efficacement la situation des délinquantes, il faut tenir compte d’éléments communs aux évaluations visant les hommes, ainsi que des différences avec ces évaluations, et des éléments qui viennent compléter le modèle masculin standard.


1.  Extrait de BLANCHETTE, K. B. Classifying female offenders for effective intervention: Application of the case-based principles of risk and need, document de travail présenté dans le cadre d’une partie des travaux du doctorat en psychologie, Carleton University, Ottawa, Ontario, 2001.

2.  340, avenue Laurier Ouest, Ottawa, Ontario, K1A 0P9.

3.  ANDREWS, D. A., ZINGER, I., HOGE, R. D., BONTA, J., GENDREAU, P. et CULLEN, F. T. «Does correctional treatment work? A clinically relevant and psychologically informed meta-analysis», Criminology, vol. 28, 1990, p. 369-404.

4.  KOONS, B. A., BURROW, J. D., MORASH, M. et BYNUM, T. «Expert and offender perceptions of program elements linked to successful outcomes for incarcerated women», Crime and Delinquency, vol. 43, no 4, 1997, p. 512-532.

5.  DOWDEN, C. et ANDREWS, D. A. «What works for female offenders: A meta-analytic review», Crime and Delinquency. Vol. 45, 1999, p. 438-452.

6.  Voir le document de travail pour une liste complète de la bibliographie.

7.  BLOOM B. et COVINGTON, S. (2000). «Gendered Justice: Programming for Women in Correctional Settings», communication présentée lors de l’assemblée annuelle de l’American Society of Criminology, à
San Francisco, CA, 2000, p. 2.

8.  BLOOM & COVINGTON, 2000, p. 5.

9.  BLOOM & COVINGTON, 2000, p. 9.

10.  ANDREWS & BONTA, 1998.

11.  DOWDEN & ANDREWS, 1999.

12.  DOWDEN & ANDREWS, 1999, p. 441.