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Profil des délinquants métis, inuits et des Premières nations incarcérés dans les établissements fédéraux

John-Patrick Moore et Shelley Trevethan1
Direction de la recherche, Service correctionnel du Canada

Les recherches laissent croire que le profil des délinquants autochtones diffère passablement de celui des délinquants non autochtones2. Dans l’ensemble, les premiers sont plus jeunes, ont un niveau de scolarité inférieur, affichent un taux de chômage plus élevé et des antécédents criminels plus importants, et ont un plus grand besoin d’interven-tions. Certains faits donnent à penser qu’il existe également des différences entre certains groupes de délinquants autochtones3, mais peu d’études ont approfondi la question. Dans cet article, nous comparons les délinquants métis, inuits et des Premières nations, tout en précisant les résultats susceptibles d’éclairer les décisions relatives aux programmes et aux politiques.

Les données proviennent d’un profil instantané d’une journée établi en août 2000 pour l’ensemble des délinquants métis (N = 586), inuits (N = 100) et des Premières nations (N =1 490) ainsi que des délinquants non autochtones (N = 10 363) détenus dans un établissement correctionnel fédéral. L’infor-mation est tirée des dossiers contenus dans le Système de gestion des délinquants du Service correc-tionnel du Canada. On a comparé ces diverses populations de délinquants en fonction de leurs caractéristiques socio-démographiques, de leurs besoins, de leurs antécédents criminels ainsi que des infractions criminelles commises.

Caractéristiques socio-démographiques

On groupes de délinquants autochtones étudiés constate certaines différences entre les sur le plan socio-démographique (voir le Tableau 1). En effet, plus de la moitié (57 %) des délinquants inuits avaient moins d’une 8e année d’études au moment de leur admission à un établissement fédéral. Par comparaison, le tiers (31 %) des délinquants appartenant à une Première nation et environ un cinquième (21 %) des délinquants métis se trouvaient dans le même cas. Soulignons que ce dernier groupe affichait un niveau de scolarité assez semblable à celui des délinquants non autochtones.

L’âge moyen au moment de l’admission était sensiblement plus élevé chez les délinquants inuits (33 ans) que chez ceux membres d’une Première nation et chez les délinquants métis (à peu près 30,5 ans). En outre, les probabilités d’être marié au moment de l’admission s’avé-raient moindres chez les délinquants inuits que pour les deux autres groupes (28 % contre 40 % et 43 %, respectivement). Bien qu’on note une plus faible proportion d’Inuits chez les délinquants en chômage au moment de leur arrestation comparativement au pourcentage relevé chez les délinquants métis et membres de Premières nations, il ne s’agit pas là de différences significatives.

Tableau 1

Caractéristiques socio-démographiques

 

Premières nations
% (n)

Métis % (n)

Inuits
% (n)

 

Non Autochtones % (n)

Niveau de scolarité inférieur à la 8e année
31 (309)
21 (80)
57 (44)
***
20 (1 215)
Sans emploi au moment de l'arrestation
77 (761)
75 (275)
68 (51)
ns
68 ( 4130)
Marié
40 (586)
43 (252)
28 (28)
*
40 ( 4102)
Homme
96 (1424)
97 (570)
97 (97)
ns
98 (10 113)
 
M (n)
M (n)
M (n)
 
M (n)
Âge à l'admission
30,5 (1 490)
30,6 (586)
33,1(100)
*
33.9 (10 368)
ns = non significatif; *p < 0,05; **p < 0,01; ***p < 0,001

Caractéristiques des besoins

Il existe certaines différences entre les trois groupes de délinquants au chapitre des besoins déter-minés au moment de l’admission en vue de l’inscription aux programmes. En effet, la proportion de délinquants ayant un besoin élevé d’un éventail complet d’interventions s’avère beaucoup plus forte (89 %) au sein du groupe des Inuits que chez les membres de Premières nations et les Métis (78 % et 73 %, respective-ment). On relève également des disparités significatives entre les délinquants apparte-nant à une Première nation et les délinquants métis.

À l’examen des domaines de besoins, on note que les populations autochtones étudiées ne présentent pas de différences importantes en ce qui a trait au comportement dans la collecti-vité, à l’orientation personnelle et affective, et à l’attitude générale (voir le Tableau 2). Cependant, toutes proportions gardées, les délinquants métis et des Premières nations ayant des besoins modérés ou considérables dans le domaine de l’emploi s’avé-raient plus nombreux (70 % et 71 %, respective-ment) que les délinquants inuits (57 %).

Tableau 2

Besoins

Besoin modéré ou considérable

Premières nations
% (n)

Métis % (n)

Inuits
% (n)

 

Non Autochtones % (n)

Emploi
70 (872)
71 (343)
57 (48)
*
58 (4,882)
Relations matrimoniales et familiales
60 (754)
53 (259)
73 (61)
***
51 (4 324)
Fréquentations et relations sociales
65 (817)
70 (341)
55 (46)
**
63 (5 282)
Toxicomanie
94(1 178)
91 (439)
92 (77)
*
70 (5 889)
Comportement dans la collectivité
45 (563)
47 (228)
44 (37)
ns
49 (4 100)
Orientation personnelle et affective
96(1 201)
95 (460)
99 (83)
ns
91 (7 699)
Attitude générale
53 (656)
56 (272)
52 (44)
ns
62 (5 239)
ns = non significatif; *p < 0,05; **p < 0,01; ***p < 0,001

On observe aussi des variations entre ces groupes de délinquants autochtones sur le plan du besoin d’interventions ciblant le domaine des fréquentations et des relations sociales favorisant la criminalité. Les délinquants métis étaient plus susceptibles d’avoir, selon l’évaluation initiale, un besoin modéré ou considérable à cet égard que les délinquants inuits et des Premières nations ( 70 %,contre 55 % et 65 %, respectivement). Des differences significatives se degagent egalement entre ces deux derniers groupes.

Les délinquants autochtones affichent des besoins de niveaux variés relativement aux interventions en toxicomanie. Les probabilités d’avoir un besoin modéré ou considérable à ce chapitre sont nettement plus élevées chez ceux qui appartiennent à une Première nation que parmi les délinquants métis ( 94 % contre 91 %).

Les résultats indiquent également que des différences importantes existent au sein de la population des délinquants autochtones en ce qui concerne le besoin d’interventions évalué dans le domaine des relations matrimoniales et familiales. En effet, on observe chez les Inuits une tendance plus marquée ( 73 %) à avoir un besoin modéré ou considérable en la matière que chez les membres de Premières nations ( 60 %) et les Métis ( 53 %). On note aussi des disparités significatives entre ces deux derniers groupes.

Infraction à l’origine de la peine en cours

Quant à l’infraction ayant donné lieu à la peine en cours, on enregistre une proportion beaucoup plus importante d’homicides chez les membres de Premières nations que chez les Inuits (28 % contre 16 %). La différence entre les Métis et les Inuits à ce chapitre n’est pas significative ( voir le Tableau 3).

Un pourcentage beaucoup plus élevé de délinquants inuits ( 62 %) avaient été incarcérés en raison d’une infraction sexuelle, comparativement aux délinquants métis et des Premières nations ( 16 % et 22 %, respectivement). En outre, chez les membres d’une Première nation, la proportion de délinquants condamnés pour infraction sexuelle ou voies de fait graves s’avérait nettement plus forte que chez les délinquants métis.

Une plus grande proportion de délinquants métis se trouvaient incarcérés à cause d’un vol qualifié. Cependant, les étaient plus susceptibles d’avoir été condamnés pour vol qualifié que les délinquants inuits. De plus, on remarque chez eux une proportion moindre d’introductions par effraction que chez les délinquants métis.

Par ailleurs, les délinquants métis affichent un pourcentage plus élevé de condamnations pour une infraction liée aux drogues que les délinquants inuits et des Premières nations. Alors que chez ces derniers, la proportion de peines d’incarcération dues à une telle infraction est plus importante que chez les délinquants inuits, on ne peut qualifier cette différence de significative.

Tableau 3

Infraction à l'origine de la peine en cours

Some or considerable need

Premières nations
% (n)

Métis % (n)

Inuits
% (n)

 

Non Autochtones % (n)

Infraction à l'origine de la peine en cours (1)
Homicide
28 (414)
24 (139)
16 (16)
**
24 (2 447)
Voies de fait graves
39 (578)
33 (191)
40 (40)
*
26 (2 709)
Infraction sexuelle
22 (333)
16 (93)
62 (62)
***
17 (1 736)
Vol qualifié
29 (426)
40 (237)
8 (8)
***
35 (3 610)
Infraction liée aux drogues
11 (165)
17 (98)
6 (6)
***
21 (2 193)
Introduction par effraction
32 (477)
38 (222)
35 (35)
*
31 (3 157)
Autres infractions au Code criminel
61 (914)
64 (373)
53 (53)
ns
62 (6 473)
Cote de sécurité maximale attribuée à l'admission
21 (275)
17 (85)
17 (15)
ns
16 (1 311)
Risque élevé de récidive
73(1,077)
68 (392)
85 (85)
***
57 (5 727)
 
M
M
M
 
M

Durée de la peine totale

1 959,1
2 168,3
1 819,6
*
2 427,2

(1) Les délinquants pouvant avoir été condamnés pour plusieurs infractions, les totaux n'équivalent pas à 100 %. ns = non significatif; *p < 0,05; **p < 0,01; ***p < 0,001

Quant à l’attribution d’une cote de sécurité maximale au moment de l’admission, les trois groupes de délinquants présentent des proportions semblables. Toutefois, les délinquants inuits ont davantage tendance à avoir été décla-rés «à risque élevé» de récidive que les délin-quants métis et des Premières nations (85 %, comparativement à 68 % et 73 %, respective-ment). On note également des écarts significatifs entre ces deux derniers groupes.

Antécédents criminels

Certaines différences ressortent entre les délin-quants métis, inuits et des Premières nations sur le plan des antécédents criminels. On note en effet une plus forte proportion de Métis et de membres d’une Première nation ayant été placés sous garde en milieu fermé en tant que jeunes contrevenants (46 % et 40 %, respectivement), comparativement aux Inuits (18 %). Qui plus est, bien que les résultats soient semblables pour ces deux groupes en ce qui concerne la proportion de délinquants à avoir été détenus dans un établissement provincial, un pourcentage plus élevé de Métis (39 %) avaient purgé une peine de ressort fédéral antérieure, par comparaison avec les membres de Premières nations (32 %). On n’a pas relevé de différence significative entre les délinquants métis et inuits (33 %).

Profils

Délinquants des Premières nations

Il ressort que l’âge des délinquants appartenant à une Première nation au moment de l’admis-sion à un établissement fédéral se situe au début de la trentaine. De façon typique, les membres de cette population sont admis à un plus jeune âge que les autres groupes de délinquants autochtones. En outre, c’est chez eux qu’on trouve la plus grande proportion de délinquants à avoir eu des démêlés avec le système de justice pour les jeunes, ce qui indique une criminalité précoce. De plus, ce groupe affiche un plus fort pourcentage de délinquants ayant un faible niveau de scolarité à l’admission, fait qui témoigne d’un milieu socio-économique défavorisé.

Les caractéristiques des délinquants des Premiè-res nations en matière d’antécédents criminels mettent au jour un comportement criminel violent. Une grande proportion d’entre eux avaient été incarcérés pour meurtre ou voies de fait graves, infractions qui expliquent la multitude de besoins constatés à l’admission chez ce groupe. On remarque aussi chez ces délinquants un besoin élevé d’interventions dans les domaines de la toxicomanie, de l’orientation personnelle et affective, et de l’emploi. La multiplicité de leurs besoins semble indiquer qu’ils nécessi-tent une gamme complète de programmes correctionnels.

Délinquants métis

À l’instar des délinquants des Premières nations, les délinquants métis sont admis à un établissement fédéral dans la jeune trentaine et ont déjà un lourd passé criminel. Comparative-ment aux autres groupes d’Autochtones exami-nés, ils doivent leur incarcération à des infractions plus variées. Une grande proportion d’entre eux avaient été condamnés pour vol qualifié, introduction par effraction ou infraction liée aux drogues. Cette diversité pourrait avoir un rapport avec le fort pourcentage de Métis vivant en milieu urbain4.

Au chapitre des besoins, les délinquants métis affichent des résultats semblables à ceux des délinquants issus de Premières nations. Ceux qui nécessitent des interventions visant des problèmes liés à l’orientation personnelle, à la toxicomanie et à l’emploi représentent une proportion impor-tante. Contrairement à ce qu’on observe chez les autres groupes, le besoin des délinquants métis en matière de programmes abordant les relations sociales favorisant la criminalité est élevé. Ce résultat met en lumière les rapports qu’ils entre-tiennent avec des pairs criminels ainsi que leur taux disproportionné d’appartenance à des milieux sociaux propices à la criminalité.

Délinquants inuits

Par contraste avec les autres populations autochtones examinées, les délinquants inuits ne semblent pas compter parmi leurs principales caractéristiques les démêlés antérieurs avec le système de justice pénale. En revanche, leurs tendances sur le plan des infractions accusent des différences marquées par rapport aux autres groupes. Proportionnellement, ils sont beaucoup plus nombreux à avoir été condamnés pour une infraction sexuelle. De plus, une plus grande proportion d’entre eux sont considérés comme présentant un risque élevé de récidive, phéno-mène fort probablement attribuable au type d’infractions qu’ils commettent.

Les délinquants inuits présentent une foule de problèmes sociaux et psychologiques lorsqu’ils arrivent dans les établissements fédéraux. On trouve parmi eux un fort pourcentage de per-sonnes sous-scolarisées, éprouvant des difficul-tés énormes sur le plan de l’orientation personnelle et affective, et ayant des problèmes de toxicomanie et des problèmes matrimoniaux ou familiaux. Entre outre, on considère plus sou-vent qu’ils ont besoin d’interventions multidisciplinaires que ce n’est le cas pour les autres groupes de délinquants autochtones. Ces résultats indiquent qu’il est nécessaire d’offrir aux délinquants inuits un éventail varié de programmes.

Analyse

Le profil des délinquants autochtones varie passablement. Les aspects qui présentent des différences indiquent qu’il faut des interventions adaptées à chacun des groupes qui les composent pour répondre aux besoins de chacun d’eux et s’attaquer à ses problèmes particuliers. Les programmes devraient donc prendre en compte le profil de chaque groupe sur le plan des caractéristiques socio-démogra-phiques, des infractions, des besoins et des antécédents.


1.   340, rue Laurier Ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.

2.  Voir par exemple TREVETHAN, S., TREMBLAY, S. et CARTER, J. La surreprésentation des autochtones dans le système de justice, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada, 2000. Voir également LaPRAIRIE, C., Les services correctionnels pour Autochtones au Canada, Ottawa, ON, Solliciteur général du Canada, 1996.

3.  MOTIUK, L. et NAFEKH, M. «Profil des délinquants autochto-nes dans les services correctionnels fédéraux», Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 12, no 1, 2000, p. 10-15.

4.  LECLAIR, M., Profil des délinquants sexuels autochtones, Ottawa, ON, Service correctionnel du Canada, 1996.