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Rapports de recherche

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L’unité résidentielle de justice réparatrice à l’Établissement de Grande Cache : Examen de l’application de la justice réparatrice en milieu correctionnel

2008 No R-189

Tania R. Petrellis

Division de la justice réparatrice et du règlement des différends

Service correctionnel du Canada

Mai 2007

 

REMERCIEMENTS

L’auteure tient à exprimer sa profonde gratitude envers tous ceux qui l’ont appuyée et lui ont communiqué leurs connaissances spécialisées en vue de la production de ce rapport de recherche. Celui‑ci n’aurait pu être réalisé sans leurs innombrables contributions. Je tiens tout d’abord à remercier tous les délinquants qui ont participé à l’expérience de l’Unité résidentielle de justice réparatrice (UJR) et qui ont été disposés à faire part de leurs expériences personnelles et de leurs observations.

Je suis très reconnaissante envers Andrew Harris pour le temps qu’il a consacré à ce projet durant le processus de révision et la patience dont il a fait preuve. Je souligne également la contribution de Franca Cortoni, qui est intervenue à l’étape d’élaboration de ce projet. Je remercie également la Direction de la recherche du SCC, notamment Ben Vuong et Colette Cousineau, qui ont fourni les échantillons de comparaison et les données quantitatives.

Je remercie tout spécialement la direction et le personnel correctionnel de l’Établissement de Grande Cache (EGC) de leur accueil. Merci à tous, y compris à l’ancien directeur Wendell Headrick, au sous‑directeur Paul Bailey, aux agents de libération conditionnelle, aux agents de correction et aux membres du CCC. J’apprécie également l’énorme quantité d’information au sujet de l’historique et de l’évolution de l’unité que Darlene Blanchet a mise à ma disposition. Je la remercie également du soutien indispensable qu’elle a fourni à l’équipe de recherche durant notre visite à l’unité pour distribuer les questionnaires d’enquête et effectuer les entrevues.

Je suis extrêmement reconnaissante envers mes collègues de la Division de la justice réparatrice et du règlement des différends. Je remercie Scott Harris de sa vision et de ses conseils durant toute cette démarche. Je n’aurais pas pu non plus me passer de la contribution de Christopher Bryden, qui a fait un excellent travail à l’étape du codage et de l’analyse des données de ce projet. Merci enfin à Carol-Anne Grenier, Christina Guest et Edith Desnoyers pour le temps qu’elles ont consacré aux révisions de ce rapport de recherche.

RÉSUMÉ

Au cours de la dernière décennie, la justice réparatrice (JR) a retenu de plus en plus l’attention à l’échelle internationale parmi les intervenants en justice pénale, les gouvernements, les victimes, les délinquants et les médias. Les avantages de la JR ont été explorés et ses démarches ont été utilisées pour donner aux victimes, aux délinquants et aux collectivités l’occasion de se pencher sur les torts graves résultant de la criminalité, tout en leur offrant une possibilité de rétablissement et de guérison par le truchement d’un dialogue sûr et respectueux.

Depuis 1996, le Service correctionnel du Canada (SCC) explore la JR par l’entremise de la Division de la justice réparatrice et du règlement des différends (JRRD). En 2001, il a fait un pas en avant en mettant à l’essai le premier environnement de JR dans un établissement correctionnel au Canada. Il a en effet créé l’unité résidentielle de justice réparatrice (UJR) à l’Établissement de Grande Cache (EGC), intégrant ainsi les principes et valeurs de la JR aux opérations correctionnelles.

L’UJR visait à avoir une incidence favorable sur les attitudes, les comportements et les résultats correctionnels des délinquants. Le présent projet de recherche avait pour but d’évaluer l’incidence de l’UJR sur les délinquants qui y ont été placés. À l’aide de mesures qualitatives et quantitatives, 20 délinquants placés dans l’UJR et choisis au hasard ont été interviewés, tandis que les 90 autres ont été invités à répondre à un questionnaire. Les agents de libération conditionnelle des 20 délinquants interviewés ont également été interrogés. Des données ont été tirées du Système de gestion des délinquants (SGD) pour quantifier les répercussions de l’UJR sur les plans de la participation aux programmes, des infractions disciplinaires, des incidents, des griefs des délinquants et de la mise en liberté/réincarcération. Les résultats ont ensuite été comparés à ceux de deux groupes témoins.

Les résultats qualitatifs ont révélé que la JR appuyait fortement des changements dans les attitudes et comportements, mais non dans les résultats correctionnels. Les employés et tous les délinquants ont qualifié l’UJR de milieu respectueux, propre à motiver et à appuyer les délinquants, qui ont résolu de ne pas causer d’autres torts. Les délinquants et employés ont attribué ces résultats à l’influence favorable que les principes, les valeurs et les démarches appliqués dans le milieu de l’UJR ont exercée sur les délinquants. Toutefois, contrairement aux données qualitatives, les résultats quantitatifs ont révélé peu de répercussions, et ils étaient semblables dans les trois échantillons.

Cette étude semble indiquer que la JR appliquée en milieu carcéral est prometteuse et peut procurer des avantages aux délinquants, surtout en ce qui concerne l’attitude et la motivation. Le projet a permis de tirer d’importantes leçons qui pourraient être intégrées dans un modèle redéfini d’UJR pour les établissements correctionnels. Il est notamment question dans le rapport de la notion d’un continuum de soins ou d’organisation en JR, depuis l’évaluation initiale jusqu'à la réinsertion sociale. Si elle était mise en œuvre, cette approche plus globale pourrait offrir des pistes de recherche dans ce domaine.

TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES TABLEAUX

INTRODUCTION

Le Service correctionnel du Canada (SCC) définit la justice réparatrice (JR) comme une approche de la justice non accusatoire et non punitive qui mise sur la guérison chez les victimes, la responsabilité véritable chez les délinquants et la participation des citoyens en vue de créer des collectivités plus sûres et plus saines. En justice réparatrice, le crime est considéré comme un préjudice causé à des personnes, à des relations et à la collectivité (Zehr, 1990). La justice réparatrice attache moins d’importance à l’État et à la punition pour encourager à la place le dialogue et la participation de tous ceux qui sont touchés par le crime (victimes, délinquants, membres de leur famille respective, collectivité). Les besoins et intérêts des personnes touchées par un acte criminel peuvent être cernés, explorés et exprimés au moyen d’un dialogue réparateur (Johnstone et Van Ness, 2007). Les objectifs généraux du modèle et du dialogue de justice réparatrice sont d’encourager la responsabilité, la réparation et l’obtention d’un résultat satisfaisant favorisant la guérison et permettant à toutes les parties de progresser (Harris, 2001).
 
Divers modèles de justice réparatrice ont été créés pour mettre en pratique ces principes et objectifs. Ils incluent la médiation entre la victime et le délinquant, la concertation réparatrice communautaire, les cercles de conciliation et les dialogues entre victimes et délinquants non liés (Lecky, 2003). Au début, la justice réparatrice a été utilisée uniquement pour les crimes relativement moins graves, comme les crimes contre les biens. Les preuves de son efficacité ont incité à l’appliquer à des crimes plus graves, comme les crimes avec violence, y compris ceux qui causent la mort (Roberts, 1995).
 
En 1989, le SCC a financé le programme de médiation entre la victime et le délinquant (PMVD), administré par la Fraser Region Community Justice Initiatives Association (CJI) et centré uniquement sur les crimes graves. Il s’agissait de la première application des principes et démarches de JR à des infractions graves au Canada (Harris, 2001; Roberts, 1995). Vers le milieu des années 1990, les élus et les décideurs ont commencé à examiner et à envisager les possibilités de la justice réparatrice.

Le SCC a aussi exploré de plus près le potentiel de la justice réparatrice en créant en 1996 la Division de la justice réparatrice et du règlement des différends (JRRD). La Division avait pour objectif d’explorer le volume croissant de connaissances sur la justice réparatrice et de trouver des moyens d’appliquer celle-ci au système correctionnel canadien (Harris, 2001). Le SCC s’est employé à défendre trois principaux volets de la JR : 1) la réforme de la justice pénale; 2) des possibilités de réparation pour les victimes, les délinquants et les membres de la collectivité; 3) des milieux correctionnels réparateurs. De 1999 à 2001, le SCC a obtenu 300 000 $ du Fonds de règlement des différends du gouvernement fédéral pour financer 14 projets pilotes. L’unité résidentielle de justice réparatrice (UJR) constituait un prolongement du projet pilote fructueux appelé Agir de la bonne façon. Ce projet, élaboré et lancé par un ancien agent de libération conditionnelle à l’Établissement de Grande Cache (EGC), utilisait des « réunions » comme moyen d’encourager les délinquants à réfléchir à leurs infractions et aux conséquences de celles‑ci sur les victimes (Blanchet, 1999).

L’UJR a été établie à l’EGC, à Grande Cache (Alberta), en 2001. Il s’agissait d’une unité de soutien intensif, c’est‑à‑dire sans drogue, complètement séparée au sein du grand établissement. Elle visait à avoir une incidence favorable sur la réinsertion sociale en toute sécurité des délinquants dans la collectivité au moment de leur mise en liberté sous condition. L’UJR a présenté la JR aux employés et aux délinquants en intégrant les principes de la justice réparatrice à la vie quotidienne d’un milieu carcéral.

L’énoncé de mission de l’UJR prévoyait que l’unité de justice réparatrice s’emploie, au moyen d’une approche holistique, à favoriser la guérison et le rétablissement de toutes les personnes touchées par le conflit et la criminalité (Blanchet, 2001). L’objectif premier consistait à créer un environnement respectueux et encourageant, qui favorise et préconise la responsabilité, la guérison et le rétablissement.

Les délinquants devaient remplir un formulaire pour demander à être placés dans l’UJR et étaient ensuite évalués en fonction des critères d’admission. Ceux‑ci incluaient la participation volontaire, la sincérité et la motivation. Les délinquants devaient aussi être disposés à assurer la confidentialité des communications personnelles, et à être ouverts, honnêtes et comptables envers le milieu de la justice réparatrice en général, en plus d’adopter et de mettre en application un système de valeurs prosociales.

Une fois admis dans l’UJR, les délinquants devaient respecter les règles de l’unité et étaient encouragés à participer activement aux diverses activités, notamment aux réunions hebdomadaires de la coalition pour la JR de l’unité. Ils devaient aussi être activement impliqués dans leur plan correctionnel (qu’ils aient un emploi ou qu’ils participent à un programme de base) et manifester un comportement prosocial à l’égard des employés et des autres délinquants. Les délinquants placés dans l’UJR devaient travailler collectivement à la résolution de problèmes et remettre en question des systèmes de croyances négatifs. Deux délinquants, élus par leurs compagnons de cellule dans l’UJR, servaient de médiateurs pour faciliter le règlement de tout conflit ou de toute situation dans l’unité qui devenait problématique.

Les réunions hebdomadaires de deux heures de la coalition étaient considérées comme faisant partie intégrante de l’unité. Vu le succès des « réunions » tenues dans le cadre du projet pilote Agir de la bonne façon, deux délinquants de l’EGC ont lancé en 2000 les réunions hebdomadaires de la coalition de la JR. Ces réunions, organisées à l’initiative des délinquants, ont par la suite été intégrées au modèle du projet d’UJR.

Chaque semaine, les délinquants placés dans l’UJR se portaient volontaires pour présider à tour de rôle les réunions de la coalition, ce qui donnait à chacun l’occasion de diriger la réunion et d’acquérir un certain niveau de responsabilité et de leadership. Les résidents de l’UJR étaient encouragés à faire un examen de soi, à réfléchir aux conséquences de leurs crimes sur leurs victimes et à exprimer leurs pensées et sentiments avec franchise et honnêteté. Les sujets abordés à ces réunions incluaient entre autres les suivants : la nature de la justice réparatrice; l’incidence du crime; la confiance; le pardon; la responsabilisation; la foi, l’espoir et les croyances; la culpabilité et la honte; les techniques d’adaptation; l’importance de réparer un tort; l’identité; la colère; l’acceptation; la liberté; la volonté et les choix.

Objet

Ce projet de recherche avait pour objet d’évaluer l’incidence de l’UJR de l’EGC sur les délinquants. La recherche a gravité autour d’une question à trois volets : quelles répercussions l’intégration aux opérations correctionnelles des démarches et principes de justice réparatrice a‑t‑elle sur les attitudes des délinquants pour ce qui est de comprendre l’incidence de leurs crimes, de favoriser le remords et d’encourager le désir de réparer les torts causés à la victime ou à la collectivité en général; sur le comportement des délinquants pour ce qui est de leur participation aux programmes, leur résolution de problèmes interpersonnels, la perpétration d’infractions disciplinaires, le recours aux processus formels de plainte et le recours aux méthodes informelles de résolution des conflits; sur les résultats correctionnels en ce qui concerne les audiences de libération conditionnelle, le succès après la mise en liberté sous condition et la récidive.

On a posé comme hypothèse que l’UJR permettrait d’accroître la compréhension par le délinquant de son crime, son remords et son désir de réparer les torts ainsi causés; d’accroître la participation du délinquant aux programmes; d’améliorer sa résolution de problèmes et ses habiletés en communication, ainsi que sa manière de gérer le conflit interpersonnel; de relever les taux de réussite après la mise en liberté dans la collectivité.

MÉTHODE

Participants

Cette enquête a porté sur les 110 délinquants résidant à l’UJR de l’EGC depuis sa création en 2001 jusqu’en février 2005. Quatre‑vingt‑dix d’entre eux ont reçu un questionnaire d’enquête, tandis que 20 autres ont été choisis au hasard pour participer à des entrevues. Parmi ce dernier groupe, 12 ont été interviewés en personne en Alberta entre le 7 et le 11 mars 2005. Quant aux huit autres délinquants qui ne pouvaient pas être interviewés en personne durant la semaine prévue, des dispositions ont été prises pour mener les entrevues par téléphone. Après qu’on a communiqué avec eux, trois délinquants ont refusé de participer; ils n’ont pas été remplacés.

L’identité des délinquants choisis au hasard déterminait quels employés allaient être interviewés. Pour chaque délinquant interviewé (n = 17), on a interviewé son agent de libération conditionnelle (ALC) actuel ou le plus récent (n = 17). Une entrevue téléphonique a été menée auprès de ceux qui ne pouvaient pas rencontrer un chercheur en mars 2005.

Pour trouver d’éventuels groupes témoins, on s’est tourné vers l’Établissement William Head (EWH) et l’annexe de l’Établissement de Bowden (EB). Le premier groupe témoin consistait en 28 délinquants incarcérés à l’Établissement William Head. Les délinquants choisis avaient participé aux réunions organisées de la coalition de la JR tenues chaque semaine pendant cinq ans à l’EWH. Cet échantillon ressemblait donc à celui de l’UJR puisque les délinquants avaient participé à des réunions de justice réparatrice analogues, même s’ils n’avaient pas vécu dans un milieu ou une unité de justice réparatrice.

On a trouvé le second groupe témoin à l’annexe de l’EB. Il constituait un groupe apparié pour les besoins de la comparaison entre les délinquants de l’UJR et les délinquants faisant partie de la population carcérale générale. L’Établissement de Bowden n’avait pas de programme de justice réparatrice en place et ressemblait à l’UJR sur deux plans : la structure et le niveau de sécurité. On a en définitive fait correspondre 102 délinquants de l’annexe de l’EB à 110 délinquants de l’UJR en fonction de l’âge, du niveau de risque et de la gravité de l’infraction.

Les données démographiques suivantes ont été utilisées pour constituer, à partir du Système de gestion des délinquants (SGD),  les groupes les plus comparables de délinquants de l’UJR de l’EGC (n = 110), de délinquants ayant participé aux réunions de coalition sur la JR de l’EWH (n = 28) et de délinquants placés à l’annexe de l’EB (n = 102). Comme on peut le voir au Tableau 1, les trois quarts des délinquants, tous groupes confondus, étaient âgés de plus de 30 ans. Le Tableau 2 révèle que les échantillons étaient composés de délinquants présentant des besoins élevés, un niveau modéré à élevé de risque et, pour plus de la moitié d’entre eux, des niveaux élevés de motivation. Le Tableau 3 permet de voir la vaste gamme d’infractions graves commises par les membres des échantillons, preuve des torts sociaux graves qu’ils ont commis par le passé. Comme on peut le voir au Tableau 4, les délinquants de l’EWH étaient surtout des condamnés à perpétuité, tandis que les délinquants de l’EGC et de l’annexe de l’EB se ressemblaient sur le plan de leur répartition en fonction de la durée de la peine, la plupart d’entre eux purgeant une peine de deux à quatre ans.

Tableau 1 : Répartition selon l’âge des échantillons

Échantillons Moins de 30 ans Plus de 30 ans Total
Grande Cache - UJR28 (25)82 (75)110
Coalition William Head 6 (21)22 (79)28
Annexe de Bowden 27 (26)75 (74)102

Remarque :   Les chiffres entre parenthèses correspondent aux pourcentages. Parce que les chiffres ont été arrondis, il se peut que les pourcentages n’égalent pas 100.

Tableau 2 : Niveaux de besoins, de risque et de motivation des membres des échantillons

Évaluation Grande Cache - UJR Coalition William Head Annexe de Bowden
Besoinsa   
Faibles11 (10)0 (0)5 (5)
Moyens47 (43)4 (15)42 (41)
Élevés52 (47)22 (85)55 (54)
Risqueb   
Faible 22 (20)0 (0)10 (10)
Moyen54 (49)3 (12)41 (40)
Élevé34 (31)23 (88)51 (50)
Motivationc   
Faible7 (6)3 (11)4 (4)
Moyenne46 (42)8 (30)36 (35)
Élevée57 (52)16 (59)62 (61)

Remarque : Les chiffres entre parenthèses correspondent aux pourcentages. Parce que les chiffres ont été arrondis, il se peut que les pourcentages n’égalent pas 100.
aFréquence manquante pour la coalition William Head = 2. 
bFréquence manquante pour la coalition William Head = 2.
cFréquence manquante pour la coalition William Head = 1.

Tableau 3 : Nombre d’infractions par catégorie pour les membres des échantillons

Type d’infraction Grande Cache - UJR Coalition William Head Annexe de Bowden
Homicide4 (4)19 (68)17 (17)
Agression sexuelle17 (15)0 (0)4 (4)
Vol qualifié30 (27)4 (14)19 (19)
Voies de fait15 (14)2 (7)31 (30)
Drogue 17 (15)0 (0)16 (16)
Autre infraction27 (25)3 (11)15 (15)
Total pour les délinquants11028a102

Remarque : Les chiffres entre parenthèses correspondent aux pourcentages. Parce que les chiffres ont été arrondis, il se peut que les pourcentages n’égalent pas 100.
aFréquence manquante pour la coalition William Head = 1.

Tableau 4 : Durée de la peine en fonction des groupes des échantillons

Durée de la peine Grande Cache - UJR Coalition William Head Annexe de Bowden
Perpétuité 2 (2)16 (59)8 (8)
Moins de 2 ans2 (2)0 (0)0 (0)
2-4 ans 90 (82)3 (11)68 (67)
5-9 ans 11 (10)5 (19)17 (17)
10-14 ans 3 (3)0 (0)6 (6)
15 ans et plus2 (2)3 (11)3 (3)
Total pour les délinquants11027a 102

Remarque : Les chiffres entre parenthèses correspondent aux pourcentages. Parce que les chiffres ont été arrondis, il se peut que les pourcentages n’égalent pas 100.
aFréquence manquante pour la coalition William Head = 2.

Instruments

Cette évaluation visait à explorer les répercussions que l’UJR avait eues sur les délinquants depuis le début de leur placement dans l’unité en octobre 2001. À cette fin et pour répondre aux trois questions de recherche, des instruments qualitatifs et quantitatifs ont été employés.

L’enquête auprès des délinquants visait à déterminer les répercussions que l’UJR avait eues sur l’attitude, le comportement et la mise en liberté dans la collectivité des délinquants, de même que leurs perceptions générales de l’unité. L’enquête comportait deux parties. La première visait à réunir des renseignements administratifs sur le profil des délinquants et leur admission dans l’UJR. Dans la seconde partie, les délinquants étaient invités à faire des observations sur l’UJR et à décrire leur expérience en fonction de certains concepts clés. Ceux‑ci incluaient la compréhension par les délinquants de leurs crimes, l’incidence sur leur sentiment de remords, leur désir de réparer les torts causés par leurs crimes, leur participation aux programmes, leurs habiletés en communication et en résolution de problèmes, l’incidence (le cas échéant) sur leur audience devant la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) et les répercussions (le cas échéant) sur leur mise en liberté.

Des entrevues structurées auprès des délinquants et des employés ont permis de recueillir des données qualitatives. L’enquête auprès des délinquants a servi de guide pour poser les questions durant les entrevues avec les délinquants et les employés. Pour les entrevues, comme pour l’enquête auprès des délinquants, on a utilisé des questions ouvertes afin de cerner les répercussions sur l’attitude, le comportement et la mise en liberté sous condition dans la collectivité des délinquants que ces derniers et les employés attribuaient à l’UJR.

Après que toutes les enquêtes auprès des délinquants et les entrevues auprès des délinquants et des employés ont été achevées et transcrites, les transcriptions en texte brut ont été importées en QSR N6, le logiciel de traitement de document que la division de la JRRD est autorisée à utiliser et qui a servi d’outil de recherche qualitative. Ce logiciel sert à coder des données provenant d’enquêtes et d’entrevues et permet à l’utilisateur d’effectuer une analyse sémantique. Pour effectuer l’analyse, un système de codage a été créé et transcrit dans un cahier de codage.
 
Le SGD est une base de données automatisée que le SCC utilise pour gérer l’information sur les délinquants sous responsabilité fédérale. Les dossiers de cas des délinquants incluent des renseignements démographiques, les antécédents criminels, les résultats d’évaluation du risque statique et du risque dynamique ainsi que des indicateurs de comportement liés au rendement en établissement. Les données provenant du SGD ont été utilisées pour quantifier les variables de recherche pour les 110 délinquants de l’UJR et les membres des deux groupes témoins. Les données tirées du SGD allaient de septembre 2001 à février 2005. Elles fournissaient des variables de recherche utiles pour évaluer la participation aux programmes, les infractions disciplinaires, les incidents, les griefs des délinquants et le nombre de mises en liberté et de réincarcérations.

Démarche

Les données ont été recueillies en quatre phases : 1) enquête auprès des délinquants; 2) entrevues avec les délinquants; 3) entrevues avec les employés; 4) prélèvement de données dans le SGD. La première phase a consisté en l’analyse des questionnaires d’enquête remis aux délinquants, qui visaient à recueillir des données permettant de répondre aux trois questions de recherche du point de vue du délinquant. Les questionnaires d’enquête ont été distribués au cours d’une période de trois mois (mars à juin 2005). Ils ont été remis par le coordonnateur de l’UJR ou l’agent de libération conditionnelle en établissement ou dans la collectivité du délinquant, ou encore ont été envoyés à la dernière adresse postale connue du délinquant.

Pour faciliter le retour des questionnaires, on a fourni aux délinquants deux enveloppes préadressées et affranchies. La première renfermait le formulaire de consentement et la seconde, le questionnaire d’enquête. Pour préserver l’anonymat, on a demandé aux délinquants de remplir les deux documents, de les insérer dans les enveloppes, de sceller celles‑ci et de les envoyer séparément. Un code identificateur, sans lien avec le nom du délinquant, a été attribué à chaque questionnaire d’enquête. Comme on peut le voir au Tableau 5, 50 % des délinquants de l’EGC et de ceux qui ont été transférés à d’autres établissements aux fins de traitement ont renvoyé les questionnaires remplis. Toutefois, les taux de réponse étaient beaucoup plus faibles parmi les libérés conditionnels et les délinquants qui avaient dépassé leur date d’expiration du mandat (DEM).

Tableau 5 : Nombre de questionnaires d’enquête selon la situation

  Remis Rempli Sans réponse Refus Non livré
EGC2111 (52)10 (48)0 (0)0
Par l’ALC(E)a136 (46)4 (31)3 (23)0
Libérés conditionnels191 (5)18 (95)0 (0)3b
DEM142c (14)12 (86)0 (0)20

Remarque: Les chiffres entre parenthèses correspondent aux pourcentages. Parce que les chiffres ont été arrondis, il se peut que les pourcentages n’égalent pas 100.
aALC(E) = agent de libération conditionnelle en établissement.
bIllégalement en liberté suivant la délivrance de mandats de suspension/révocation.
cLes deux délinquants qui avaient dépassé la date d’expiration du mandat (DEM) ont répondu au questionnaire d’enquête en septembre 2005. Comme les questionnaires ont été reçus en retard, ils ont été exclus de la collecte et de l’analyse des données ainsi que des résultats de l’enquête auprès des délinquants.

La deuxième phase du projet a consisté en l’analyse des données recueillies au moyen des entrevues auprès des délinquants. Les délinquants incarcérés à l’EGC ont été interviewés individuellement à l’UJR les 7 et 8 mars 2005. Les délinquants incarcérés aux autres établissements, en liberté conditionnelle ou ayant dépassé la DEM et qui se trouvaient en Alberta ont été interviewés du 9 au 11 mars 2005. Chaque délinquant a été interviewé par une seule personne dans une pièce permettant de protéger la confidentialité. Les délinquants qui ont choisi de participer devaient remplir un formulaire de consentement à l’entrevue. Toutes les entrevues ont été enregistrées et marquées d’un code identificateur anonyme en vue de la transcription. Comme le révèle le Tableau 6, les détenus étaient disposés à participer au projet de recherche, mais les libérés conditionnels et les délinquants ayant dépassé la DEM étaient moins portés à le faire.

Tableau 6 : Situation des délinquants au moment de l’entrevue

 Interviewés Refus
Incarcérés    
EGC - UJR 50
Autre établissement60
Libérés conditionnels 51
DEM12

La troisième phase a consisté en l’analyse des entrevues avec les employés, qui n’ont pas été menées au hasard. La participation des employés au processus des entrevues a en effet été déterminée en fonction de l’affectation comme agent de libération conditionnelle en établissement ou dans la collectivité auprès d’un des 17 délinquants interviewés. Par contre, la participation des employés était entièrement volontaire. Ces derniers devaient remplir un formulaire de consentement avant l’entrevue. Le taux de participation aux entrevues a été de 100 % (n = 17). Toutes les entrevues avec les employés ont été enregistrées et marquées d’un code identificateur anonyme en vue de la transcription. 

Les données recueillies au moyen du questionnaire d’enquête remis aux délinquants et des entrevues menées avec les délinquants et les employés ont été entrées dans une base de données QSR N6. On a eu recours à un codeur indépendant pour déterminer le coefficient de fiabilité. Le coefficient Kappa de Cohen, employé pour mesurer l’accord entre deux évaluateurs, a révélé que le coefficient de fiabilité des transcriptions d’entrevue était de K = 0,72, ce qui signifie un accord étroit entre les deux évaluateurs.

La quatrième phase a consisté en l’analyse quantitative des données tirées du SGD et une comparaison entre l’échantillon de l’UJR de l’EGC à ceux de la coalition de JR de l’EWH et de l’annexe de l’EB. L’analyse du khi-deux a été le principal test statistique utilisé.

Pour mesurer l’incidence de l’UJR sur la participation des délinquants aux programmes, on a analysé l’échantillon de délinquants placés dans cette unité par rapport aux deux groupes témoins. À l’aide des données provenant du SGD, les trois échantillons ont été répartis en fonction de la participation au(x) programme(s), soit « réussite » ou « échec », et en fonction du nombre de programmes auxquels les délinquants ont participé : aucun programme, un à trois programmes, quatre à six programmes, sept à neuf programmes ou plus de dix programmes.

Le nombre d’accusations d’infraction disciplinaire a aussi été un autre indice du comportement en établissement. Les délinquants ont été répartis en deux catégories nominales : « accusations mineures » et « accusations graves » ainsi qu’entre cinq catégories numériques : aucune accusation, une à trois accusations, quatre à six accusations, sept à neuf accusations et plus de dix accusations.

La nature et le nombre d’« incidents en établissement » auxquels les délinquants ont participé ont également été déterminés comme autre mesure du comportement. Les membres de chaque échantillon ont été répartis en fonction de la nature de l’incident, c’est‑à‑dire possession d’objets interdits, blessure, problème disciplinaire, incidents liés aux renseignements, perturbation et voies de fait, puis répartis entre cinq catégories numériques : aucun incident en établissement; un à trois incidents en établissement, quatre à six incidents en établissement, sept à neuf incidents en établissement et plus de dix incidents en établissement.
 
Comme les délinquants placés à l’UJR et les employés ont utilisé davantage de mécanismes informels pour régler les conflits et situations dans l’unité, on a recueilli des données sur le nombre et le type de griefs déposés par les délinquants afin d’examiner l’incidence de cette mesure de rechange. Des données ont été recueillies sur le nombre de griefs traités à chacun des quatre paliers (L1-4) pour les trois échantillons de délinquants, c’est‑à‑dire L1‑plainte (gestionnaire d’unité), L2‑établissement (directeur), L3‑région (administration régionale du SCC) ou L4-national (administration centrale du SCC). Ces quatre catégories nominales ont ensuite été réparties entre cinq catégories numériques : aucun grief, un à trois griefs, quatre à six griefs, sept à neuf griefs et plus de dix griefs.
 
Plusieurs facteurs ont été examinés pour déterminer l’incidence de l’UJR sur le succès des délinquants en ce qui concerne les audiences de libération conditionnelle et la mise en liberté sous condition dans la collectivité. On a tout d’abord déterminé le nombre et le type des premières décisions rendues par la CNLC après le placement des délinquants de chacun des trois échantillons dans leur unité respective. On a en deuxième lieu établi, à partir du SGD, le nombre de délinquants mis en liberté de chaque unité et la raison de la mise en liberté. Enfin, à partir des données du SGD, il s’est agi de déterminer le nombre de délinquants de chacun des trois échantillons réincarcérés dans leur établissement respectif de même que la raison de la réincarcération, c’est‑à‑dire « mandat de dépôt », « révocation avec infraction », « révocation sans infraction » ou « révocation avec accusation en suspens ».

Un plan avant‑après a été utilisé pour calculer le nombre de délinquants classés dans chaque catégorie avant et après leur placement dans leur établissement respectif. La période « avant » correspond au laps de temps entre l’admission dans un établissement fédéral pour l’infraction à l’origine de la peine actuelle jusqu’à l’arrivée du délinquant dans son milieu particulier (c.‑à‑d. UJR, groupe de la coalition de l’EWH ou annexe de l’EB). La période « après » correspond à la période entre l’arrivée du délinquant dans son milieu particulier jusqu’à son départ de celui‑ci ou le 1er août 2005, soit la fin du programme pour les besoins de cette recherche.

RÉSULTATS

Enquête auprès des délinquants

Sur les 90 questionnaires d’enquête remis aux délinquants, 18 ont été remplis et renvoyés. Les réponses aux 13 questions et les observations incluses dans la partie réservée aux commentaires étaient courtes et concises comparativement aux réponses que les délinquants ont données au cours des entrevues. Nous explorerons tout d’abord les réponses aux deux questions d’introduction (sans lien avec les questions de recherche établies) ainsi que les observations faites à la fin du questionnaire d’enquête. Nous présenterons ensuite les résultats de toutes les autres questions d’enquête en fonction des questions posées.

Question 1 : Pourquoi le délinquant voulait-il être placé dans l’UJR ?

Les délinquants ont affirmé que des buts personnels, combinés aux caractéristiques de l’UJR, les ont attirés à l’unité. Cinquante‑six pour cent (n = 10) des répondants ont dit s’être intéressés à l’UJR par l’entremise de délinquants qui y étaient placés. Ils ont signalé comme principal facteur de motivation le fait que les délinquants placés dans cette unité semblaient déterminés à changer et à s’améliorer. Cinquante pour cent (n = 9) des répondants cherchaient un moyen de s’améliorer et de comprendre leurs activités criminelles et l’incidence de leurs crimes sur leurs victimes et la société. Tous les répondants (n = 18) estimaient que les caractéristiques du milieu de l’UJR de même que l’influence favorable des délinquants placés dans l’unité les aideraient à atteindre ces buts. Pour 28 % des délinquants (n = 5), les caractéristiques d’acceptation et d’encouragement de l’UJR constituaient un facteur de motivation.

Question 2 : Comment applique-t-on les principes de justice réparatrice dans l’UJR ?

Les répondants avaient différentes opinions quant à la manière dont la justice réparatrice était appliquée et vécue dans l’UJR. Soixante et un pour cent (n = 11) des répondants ont dit appliquer ou vivre les principes de la justice réparatrice par leurs interactions interpersonnelles, qu’ils disaient caractérisées par le respect mutuel et la responsabilité. Cinquante‑six pour cent (n = 10) ont parlé du processus de règlement des conflits entre délinquants de l’UJR, des réunions hebdomadaires de la coalition et de forums où l’on a activement vécu la justice réparatrice et où l’on s’est penché sur la dynamique interpersonnelle et des conflits, qui ont été efficacement réglés. Cinquante‑quatre pour cent (n = 8) des répondants estimaient que les principes de la justice réparatrice étaient appliqués par le truchement d’un environnement d’acceptation qui favorise la franche expression des idées et sentiments d’un délinquant au cours d’un dialogue sûr.

Observations générales

Les délinquants ont utilisé l’espace prévu à la fin du questionnaire d’enquête pour noter des observations générales. Nombre d’entre eux en ont profité pour exprimer leur reconnaissance d’avoir pu séjourner à l’UJR, signaler des problèmes qui s’étaient présentés dans l’unité ou faire des recommandations pour venir à bout de certaines difficultés. Contrairement à ce qu’on a constaté durant les entrevues avec les délinquants, 56 % (n = 10) des répondants étaient reconnaissants d’avoir pu résider à l’UJR, et très peu l’ont critiqué.

La reconnaissance exprimée par les répondants était centrée sur leur conviction du fait que la justice réparatrice les avait aidés, eux et leurs compagnons de cellule, et leur avait offert une occasion à laquelle ils n’auraient peut‑être pas eu accès au sein de la population générale. Les délinquants ont également fait l’éloge des employés de l’UJR pour l’aide et l’appui qu’ils leur avaient donnés.
 
Vingt-deux pour cent (n = 4) des délinquants ont suggéré des améliorations à l’UJR. Trois de ces quatre répondants espéraient que la justice réparatrice soit appliquée à l’ensemble du système correctionnel, tant dans les établissements que dans la collectivité.

Répercussions sur l’attitude
 
Les questions 3, 4, 5 et 6 du questionnaire d’enquête auprès des délinquants exploraient les répercussions sur l’attitude en rapport avec la première question. On a signalé le plus souvent les répercussions suivantes :

  • 89 % (n = 16) des délinquants ont dit mieux comprendre leurs activités criminelles grâce à l’aide offerte par les employés et les délinquants dans l’UJR;
  • 50 % (n = 9) ont signalé un accroissement de leur sentiment de remords;
  • 44 % (n = 8) ont signalé un accroissement de leur empathie à l’égard de la victime.

Les délinquants ont attribué ces résultats aux caractéristiques structurelles ou du milieu de l’UJR, à l’ambiance d’acceptation et de soutien qui y existe ainsi qu’aux réunions hebdomadaires de la coalition.

Pour ce qui est du désir des délinquants de réparer les torts causés par leurs crimes :

  • 39 % (n = 7) ont dit vouloir aider les autres dans l’avenir;
  • 33 % (n = 6) ont dit plus précisément vouloir aider les jeunes à éviter la criminalité, c’est‑à‑dire la même infraction qu’ils ont eux‑mêmes commise.

Répercussions sur le comportement
 
Les questions 7, 8, 12 et 13 du questionnaire exploraient les répercussions sur le comportement en rapport avec la deuxième question de recherche. La plupart des délinquants estimaient que leur expérience à l’UJR avait amélioré leur habileté en communications interpersonnelles :

  • 44 % (n = 8) ont signalé une amélioration de leur capacité à éprouver de l’empathie;
  • 39 % (n = 7) estimaient que l’UJR les avait aidés à exprimer des pensées et sentiments d’une manière saine;
  • 28 % (n = 5) ont dit que l’UJR les avait aidés à acquérir et à mettre en pratique d’autres méthodes de résolution des conflits.

Les délinquants ont souvent indiqué que le principal facteur ayant contribué à ces résultats était l’influence favorable des autres délinquants dans l’UJR, qui les avait encouragés sur les plans de la participation aux programmes et du recours à des méthodes non violentes pour régler des problèmes et résoudre des conflits.

En ce qui concerne l’existence et la résolution de conflits à l’UJR, 67 % (n = 12) des délinquants ont dit avoir connu des conflits à l’unité, tandis que 33 % (n = 6) n’en ont pas signalé. Presque tous les répondants ont souligné que les conflits avaient largement été réglés par les délinquants eux‑mêmes, par les délinquants avec l’aide de médiateurs désignés ou en groupe, lors des réunions hebdomadaires de la coalition.

Répercussion sur l’audience de libération conditionnelle et la mise en liberté dans la collectivité

Les questions 9 et 10 du questionnaire d’enquête auprès des délinquants exploraient les répercussions liées à la troisième question de recherche, soit l’incidence éventuelle d’un placement dans l’UJR sur l’audience de libération conditionnelle d’un délinquant :

  • 61 % (n = 11) des délinquants estimaient que le placement dans l’UJR n’avait eu aucune incidence sur leur audience devant la CNLC;
  • 39 % (n = 7) croyaient que l’UJR aurait ou avait une influence constructive sur leur audience devant la CNLC.

Parmi ce dernier groupe, cinq délinquants estimaient que l’UJR les avait aidés à mieux comprendre les problèmes personnels qui les avaient poussés à commettre des infractions, tandis que les deux autres ont signalé que l’UJR les avait aidés à améliorer leur habileté en communications interpersonnelles.

En ce qui concerne les répercussions de l’UJR sur la mise en liberté sous condition du délinquant dans la collectivité :

  • 50 % (n = 9) des délinquants n’ont signalé aucune incidence étant donné qu’ils n’avaient pas encore été mis en liberté;
  • 44 % (n = 8) s’attendaient à une incidence favorable;
  • 6 % (n = 1) s’attendaient à une incidence négative.

Entrevues auprès des délinquants et des employés

Les entrevues ont été menées auprès de 17 délinquants puis auprès des 17 agents de libération conditionnelle auxquels ils étaient assignés. Durant les entrevues, on a posé aux délinquants et aux employés les mêmes questions.

Question 1 : Pourquoi le délinquant voulait-il être placé dans l’UJR ?

Comme on peut le voir au Tableau 7, les délinquants et les employés ne voyaient pas de la même façon la motivation des délinquants. Dans les deux groupes, les réunions hebdomadaires de la coalition étaient jugées importantes; elles l’étaient de manière universelle parmi les délinquants et un peu moins pour les employés. Parmi les délinquants, 29 % ont mentionné que le milieu structuré et exigeant de l’UJR les avait aidés à s’occuper de leurs besoins criminogènes et à s’employer à atteindre leurs objectifs. Autant de délinquants ont signalé le milieu prosocial existant dans l’UJR qui les avait éloignés de l’ambiance négative existant parmi les délinquants dans la population générale.

Les employés ne voyaient pas de la même façon le désir des délinquants d’être placés dans l’UJR. Seulement 24 % (n = 4) des employés, contre 100 % des délinquants, estimaient que les réunions hebdomadaires de la coalition constituaient un facteur de motivation. Quarante‑sept pour cent des employés estimaient que l’importance attachée dans l’unité aux valeurs et aux principes de la JR ainsi qu’aux processus de résolution des conflits motivait les délinquants et les aidait à atteindre leurs objectifs et à s’occuper de leurs besoins criminogènes. Selon 29 % des employés, les délinquants étaient attirés à l’UJR parce qu’ils considéraient ce secteur comme « plus tranquille » que le reste de l’établissement. Durant les entrevues, les employés ont souvent employé le mot « tranquille » pour décrire la nature relativement calme et ordonnée de l’unité. Mais ce mot avait une connotation péjorative pour les employés. Ils estimaient souvent que les délinquants plus âgés et les délinquants sexuels préféraient le calme et la tranquillité de l’unité, tandis que les auteurs d’infractions relatives à des substances illégales étaient attirés par le fait qu’il s’agissait d’un environnement sans drogue. Néanmoins, plusieurs ALC croyaient que l’unité et les principes qui y étaient appliqués avaient une incidence généralement favorable sur les délinquants dont ils étaient chargés.

Parmi les ALC, 53 % croyaient que le délinquant dont ils étaient responsables cherchait véritablement à s’améliorer, mais ils étaient moins portés à attribuer une motivation constructive aux autres délinquants placés dans l’UJR. Dans d’autres cas, les ALC estimaient que les principes de justice réparatrice rejoignaient la façon dont leur délinquant pensait et les sentiments qu’il éprouvait avant de demander à être placé dans l’UJR ou d’exprimer un intérêt à l’égard de celle‑ci. 

Tableau 7 : Comparaison des réponses données à l’entrevue par les délinquants et les employés à la question 1 : Pourquoi le délinquant voulait-il être placé dans l’UJR ?

Réponses des délinquants n Réponses des employés n
1. Encouragement et ouverture des réunions hebdomadaires de la coalition 17 (100) 1. Désir du délinquant de s’améliorer 9 (53)
2. Milieu structuré et exigeant de l’UJR 5 (29) 2. Le milieu de l’UJR aide les délinquants à atteindre leurs objectifs et à répondre à leurs besoins criminogènes 8 (47)
3. L’UJR - une meilleure solution que le placement dans la population générale5 (29) 3. Nature de l’infraction : infraction sexuelle ou relative aux substances illégales 6 (35)
    4. Milieu « tranquille » 5 (29)
    5. Réunions hebdomadaires de la coalition 4 (24)

Remarque : Les chiffres entre parenthèses correspondent aux pourcentages.

Question 2  Comment les principes de justice réparatrice sont-ils appliqués dans l’UJR ?

Les employés et les délinquants ont signalé plusieurs facteurs qui se chevauchaient au sujet de l’application dans l’unité des principes de justice réparatrice. Ces facteurs incluaient l’autonomie du délinquant, un environnement constructif composé de pairs respectueux et encourageants et les réunions hebdomadaires de la coalition.

Selon un délinquant :

« Nous n’avions aucune difficulté à discuter. Si j’avais un problème, j’avais quelques amis et nous pouvions parler franchement... »

On peut voir au Tableau 8 que la réponse la plus fréquente à cette question gravitait autour de l’autonomie dont les délinquants jouissaient dans l’UJR pour régler des conflits et créer et appliquer les règles régissant l’unité. Les délinquants s’occupaient activement de se tenir mutuellement responsables du respect des règles. Les participants estimaient que les réunions hebdomadaires de la coalition se prêtaient à des processus facilitant la résolution pacifique des conflits et des problèmes dans l’UJR.

Selon un délinquant :

« Parce qu’elles avaient lieu à des intervalles réguliers, les réunions nous permettaient de trouver des solutions à nos problèmes. »

Les délinquants ont souvent mentionné le soutien de la communauté, le respect mutuel et  la transparence caractéristique de l’UJR. Ils ont parlé de la communauté, dans un sens positif, même si cette communauté existait en milieu correctionnel. Leurs définitions de communauté englobaient les employés de l’UJR, avec lesquels ils avaient des rapports respectueux et auxquels ils demandaient de l’aide pour régler des conflits interpersonnels qu’ils n’avaient pu résoudre autrement.

Les employés ont fait allusion à nombre de ces processus, comme le climat de sollicitude existant dans l’UJR. Ils ont aussi souligné l’autonomie dont jouissaient les délinquants dans l’unité pour créer et appliquer les règles de manière pacifique. Trente pour cent des ALC estimaient que cela aidait à rendre les délinquants responsables de leurs actes et à leur inculquer un sens de responsabilité.

Trois des ALC interviewés ont dit n’avoir aucune idée de la manière dont l’UJR était administrée ni de la façon dont les principes de justice réparatrice étaient appliqués dans l’unité. Même les ALC qui ont donné des réponses complètes à cette question ont souvent commencé par signaler leur ignorance du fonctionnement et de la routine courante de l’UJR.

Tableau 8 : Comparaison des réponses données à l’entrevue par les délinquants et les employés à la question 2 : Comment applique-t-on les principes de justice réparatrice dans l’UJR ?

Réponses des délinquants n Réponses des employés n
1. Autonomie pour la résolution des conflits et la création et l’application des règles dans l’UJR 17 (100) 1. Ambiance de sollicitude existant dans l’UJR 8 (47)
2. Tenue de réunions hebdomadaires de la coalition facilitant la résolution des conflits17 (100) 2. Processus qui inculquent un sens de responsabilité 5 (30)
3. Influences favorables des pairs 6 (35) 3. Ignorance du fonctionnement de l’UJR et des principes de la JR 3 (18)

Remarque: Les chiffres entre parenthèses correspondent aux pourcentages.

Observations générales

Invités à faire, à la fin de l’entrevue, des observations supplémentaires, les délinquants ont répété leurs sentiments et exprimé leur gratitude pour avoir pu vivre à l’UJR (voir le Tableau 9). En outre, ils ont discuté de certaines difficultés à l’UJR et recommandé des améliorations.

Les délinquants ont fait l’éloge de l’UJR et de ses employés et se sont dits reconnaissants d’avoir pu y purger une partie de leur peine. Trente‑cinq pour cent ont mentionné la présence encourageante et constructive de pairs à l’UJR. Ils incluaient dans le mot « pairs » le coordonnateur de l’UJR et les agents de correction affectés à l’unité. Vingt‑neuf pour cent d’entre eux estimaient que le milieu de l’UJR était très constructif. Par ailleurs, 71 % des délinquants ont signalé les difficultés existant à l’UJR et dans l’ensemble du système correctionnel. Nous reviendrons sur leurs suggestions dans la partie Analyse.
 
Les ALC ont exprimé moins de préoccupations au sujet de l’UJR; seulement trois d’entre eux (18 %) ont abordé, durant la partie de l’entrevue réservée aux observations générales, les difficultés auxquelles l’unité fait face. Deux des trois ALC estimaient qu’on avait besoin à l’UJR de plus de médiation entre la victime et le délinquant, tandis que l’autre estimait qu’on était trop indulgent, dans l’unité, à l’égard des délinquants, mais il a refusé d’expliciter cette observation.

Nombre d’ALC en ont profité pour exprimer leur mécontentement à l’égard des difficultés que l’unité créait pour eux dans l’exercice de leurs fonctions. Ces difficultés incluaient l’envergure des renseignements que l’UJR fournissait au reste de l’établissement et un manque d’échange de renseignements, de communications et d’information consignée dans le SGD.

Tableau 9 : Comparaison des réponses données à l’entrevue par les délinquants et les employés à la partie des observations générales

Réponses des délinquants n Réponses des employés n
1. Difficultés en ce qui concerne la prestation de services continus de JR dans l’ensemble du système du SCC et dans la collectivité 12 (71) 1. L’UJR crée des difficultés pour l’exercice des fonctions de l’ALC en ce qui concerne l’échange de renseignements 6 (35)
2. Gratitude pour avoir pu participer à l’UJR 11 (65) 2. Difficultés à l’UJR - besoin de plus de médiation entre la victime et le délinquant 3 (18)
3. Expression de remerciements à l’égard des employés 6 (35)    
4. Sentiments de reconnaissance à l’égard des pairs (délinquants et employés) pour leur encouragement 6 (35)    
5. Existence à l’UJR d’un milieu très constructif constituant un bon modèle de comportement prosocial 5 (29)    

Remarque: Les chiffres entre parenthèses correspondent aux pourcentages.

Répercussions sur l’attitude

Selon un délinquant :

« Personne n’allait me juger, me rabaisser ou me harceler. Je m’y sentais très à l’aise, très à l’aise pour parler. »

La plupart des délinquants ont dit qu’avant leur participation à l’UJR, ils avaient eu tendance à minimiser ou à rejeter des aspects comme l’examen de soi, l’ouverture, les habiletés en communications interpersonnelles, l’empathie à l’égard de la victime et les conséquences de leurs actes criminels. Une fois placés dans l’UJR, les délinquants, de même que les employés, ont signalé des améliorations à tous ces égards, ainsi que sur le plan de la compréhension par les délinquants de leur criminalité.

Selon un ALC :

« L’UJR est un endroit où l’on peut s’ouvrir aux autres et où l’on se sent en relative sécurité pour le faire. »

Les délinquants ont attribué à l’ambiance régnant à l’UJR et aux réunions hebdomadaires de la coalition leur volonté de remettre en question d’une manière productive leurs perceptions et leurs attitudes sur le plan individuel. D’après les employés, ce niveau d’ouverture et cette capacité accrue à communiquer se sont répercutés sur leurs interventions à l’extérieur de l’UJR et  ont eu des répercussions favorables sur leurs interventions auprès du délinquant.

Tout en reconnaissant que l’UJR offrait un milieu particulier dans lequel les délinquants pouvaient explorer plus ouvertement des problèmes, les employés n’étaient pas tous du même avis quant aux raisons pour lesquelles les délinquants voulaient le faire. Les employés ont en effet signalé que près de la moitié des délinquants voulaient régler leurs problèmes affectifs et personnels en vue d’obtenir la mise en liberté plutôt que pour réparer les torts causés aux victimes. Comme le révèle le tableau 10, malgré un certain chevauchement, les réponses peuvent être réparties en trois catégories.

Compréhension de l’incidence du crime

La moitié des délinquants ont dit que les réunions hebdomadaires de la coalition avaient une incidence directe sur leur compréhension de leur comportement criminel et leur empathie avec la victime. Dans des proportions analogues, les employés et les délinquants estimaient que l’UJR avait une incidence sur la compréhension par les délinquants de leurs activités criminelles, en leur permettant de discuter de crimes particuliers et de questions criminogènes connexes et d’explorer l’éventail des répercussions. Les employés ont constaté que les délinquants sont devenus plus aptes à prévoir les conséquences de leurs actes, les répercussions sur la victime et les conséquences subséquentes sur d’autres victimes.

Encouragement du remords

Selon un délinquant :

« Participer à des réunions et voir des membres de la collectivité touchés par la criminalité, cela m’a vraiment aidé à voir l’autre côté de la médaille. »

Tous les délinquants ont dit regretter leur crime; toutefois, 59 % ont exprimé des niveaux plus élevés de remords, ce qui a accru leur compréhension de leur comportement criminel et leur empathie à l’égard de la victime. D’après eux, la participation de victimes de la collectivité avait eu de fortes répercussions sur leur sentiment de remords. Les délinquants estimaient également que ces interactions avec les victimes étaient utiles, mais qu’elles étaient en réalité trop peu nombreuses. Il est intéressant de noter que les employés ont affirmé que 82 % de ces délinquants éprouvaient du remords avant d’être placés dans l’unité, ce qui laisse penser qu’ils avaient déjà une attitude prosociale.

Désir de réparer les torts

Selon un ALC :

« Je ne pense pas qu’il soit arrivé au point d’envisager des manières de réparer les torts causés. Il est à peine parvenu à accepter la pleine responsabilité de ses actes. »

Même si les 17 délinquants voulaient réparer les torts causés par leurs crimes, une incertitude persistait quant à la manière de le faire. Tant les délinquants que les employés ont dit que ce désir de réparer les torts causés se manifesterait par l’absence de récidive après l’incarcération. Mais ils avaient de la difficulté à donner d’autres exemples concrets de la manière dont les délinquants pourraient réparer les torts résultant de leurs crimes. Les employés ont clairement dit que, durant leur placement dans l’UJR, les délinquants n’avaient pas accès à des mécanismes comme la médiation entre la victime et le délinquant; de plus, le quart des employés croyaient que le délinquant dont ils étaient responsables n’était pas prêt à participer à un échange de ce genre avec la victime.

Tableau 10 : Comparaison des réponses données à l’entrevue par les délinquants et les employés au sujet des répercussions sur l’attitude

Réponses des délinquants n Réponses des employés n
1. Meilleure compréhension des problèmes affectifs/personnels résultant d’un examen de soi 11 (65) 1. Accroissement de l’empathie à l’égard des victimes et de la compréhension des conséquences de leurs actes 10 (59)
2. Amélioration de la capacité à communiquer et à s’exprimer 11 (65) 2. Meilleure compréhension des problèmes affectifs/personnels résultant d’un examen de soi 8 (47)
3. L’UJR est un endroit où l’on peut explorer en toute sécurité des pensées, sentiments et expressions de remords 10 (59) 3. Focalisation par les détenus sur les questions d’amélioration de soi et de mise en liberté 8 (47)
4. Accroissement de l’empathie à l’égard des victimes et de la compréhension des conséquences de leurs actes 9 (53) 4. L’agent ne croit pas que le délinquant dont il est responsable est prêt sur le plan émotif ou cognitif à participer à une médiation avec la victime 4 (24)

Remarque : Les chiffres entre parenthèses correspondent aux pourcentages.

Répercussions sur le comportement

Participation aux programmes

On a constaté une différence de point de vue entre les délinquants de l’UJR et les employés pour ce qui est de la fonction de l’unité (voir le Tableau 11). Alors que 53 % des délinquants considéraient les réunions hebdomadaires de la coalition comme un programme correctionnel en lui‑même, les employés n’étaient généralement pas de cet avis. Interrogés sur leur participation continue aux programmes, les délinquants ont dit que les habiletés qu’ils avaient acquises et mises en pratique dans l’UJR renforçaient leur capacité à participer davantage à leurs programmes correctionnels prescrits et à en retirer plus de bienfaits. Les délinquants ont aussi signalé qu’il s’agit d’un processus à deux sens. Ils ramenaient souvent à l’UJR les habiletés acquises dans d’autres programmes correctionnels, pour en discuter et en traiter en toute sécurité avec des pairs prêts à les accepter dans l’UJR. D’après les délinquants, cela n’aurait absolument pas pu se faire au sein de la population générale. De leur côté, les employés estimaient que les délinquants étaient déterminés à participer aux programmes avant leur arrivée à l’UJR, tandis que quelques‑uns ont fait observer que leurs délinquants avaient déjà achevé tous les programmes correctionnels.

Résolution des conflits

Soixante‑dix‑sept pour cent (n = 13) des délinquants ont dit avoir connu des conflits interpersonnels dans l’unité, qu’ils ont subséquemment réglés eux‑mêmes par le dialogue. Six des 13 délinquants ont abordé les conflits aux réunions hebdomadaires de la coalition, tandis que sept autres ont dit avoir obtenu les services d’un des médiateurs de l’unité pour les régler. Selon les délinquants, le recours à des employés pour régler des conflits constituait une solution rare et de dernier recours. De leur côté, les employés ne savaient pas que les délinquants avaient connu et réglé eux‑mêmes autant de conflits. Seulement 18 % (n = 3) des employés ont dit savoir que leur délinquant avait connu des conflits dans l’UJR. Les ALC ont également signalé que les membres du personnel de l’UJR intervenaient rarement pour régler des conflits à moins que tous les autres moyens mis en œuvre par les délinquants aient été infructueux.

Tableau 11 : Comparaison des réponses données à l’entrevue par les délinquants et les employés au sujet des répercussions sur le comportement

Réponses des délinquants n Réponses des employés n
1. Recours à des habiletés acquises en résolution de problèmes et en introspection pour se pencher sur les obstacles émotifs, le comportement antisocial et des problèmes entre délinquants et employés 11 (65) 1. Les délinquants de l’UJR ont eu une influence favorable sur les autres délinquants de l’unité 6 (35)
2. Les réunions de la coalition ont contribué à la participation aux programmes correctionnels et à la compréhension et l’application des habiletés acquises dans les programmes 9 (53) 2. Les techniques de communication et de résolution des conflits appliquées dans l’unité ont aidé les délinquants à s’ouvrir et à exprimer leurs sentiments 5 (29)
3. Imitation du comportement prosocial des délinquants et des employés de l’UJR 8 (47) 3. Les réunions de la coalition ont contribué à la participation aux programmes du SCC 2 (12)

Remarque : Les chiffres entre parenthèses correspondent aux pourcentages.

Répercussions sur l’audience de libération conditionnelle
 
Même si tous les délinquants s’attendaient à ce que la participation à l’UJR ait une incidence favorable sur leurs chances de libération, certains d’entre eux n’avaient jamais comparu devant la CNLC. Plusieurs savaient que la participation à l’UJR n’était généralement pas signalée à celle‑ci.

Les délinquants croyaient que les compétences acquises grâce à leur participation à l’UJR allaient avoir une incidence favorable sur leur présentation devant la Commission. Premièrement, ils pensaient que leur compréhension et expression de responsabilité sincère seraient évidentes pour la Commission. Deuxièmement, ils étaient convaincus que leur capacité améliorée à s’exprimer avec plus de facilité et de confiance atténuerait quelque peu le caractère intimidant des audiences de libération conditionnelle de la CNLC. Enfin, les quelques délinquants qui ont comparu devant la Commission et auxquels on a subséquemment refusé la libération conditionnelle estimaient que les compétences acquises dans l’UJR les avaient aidés à assimiler d’une manière prosociale les raisons du refus et leur frustration personnelle résultant de la décision.

Selon un ALC :

« Nous avons discuté en détail de l’empathie avec la victime et de la rechute dans le cycle de criminalité... Il comprenait très bien tout cela... Je n’ai aucun doute qu’il s’est très bien présenté devant la Commission. »

Les employés ont signalé que le fait d’avoir vécu dans l’UJR n’avait guère ou pas eu de conséquences  à l’audience devant la CNLC. Dans le cas des délinquants qui ont comparu devant la Commission, la question de l’UJR n’a pas été soulevée. Comme on peut le voir au Tableau 12, peu d’employés étaient d’accord avec les délinquants qui estimaient que l’UJR avait contribué à améliorer leurs habiletés à communiquer et leur niveau de confiance devant la Commission.

Tableau 12 : Comparaison des réponses données à l’entrevue par les délinquants et les employés au sujet des répercussions sur l’audience de libération conditionnelle

Réponses des délinquants n Réponses des employés n
1. « Peu ou pas d’incidence » sur les décisions de la CNLC 7 (41) 1. Aucune incidence sur la décision de la CNLC 17 (100)
2. La compréhension des facteurs criminogènes a contribué à la présentation devant la Commission 4 (24) 2. Les habiletés en communication ont contribué à la présentation devant la Commission 2 (12)
3. Les habiletés en communication ont contribué à la présentation devant la Commission 3 (18)   

Remarque : Les chiffres entre parenthèses correspondent aux pourcentages.

Répercussions sur la mise en liberté dans la collectivité
 
Les délinquants étaient unanimes à croire que leur expérience et les habiletés acquises dans l’unité favoriseraient leur mise en liberté dans la collectivité. Moins de la moitié des employés étaient de cet avis. Le thème le plus commun qui est ressorti des observations des délinquants était que l’UJR les avait aidés à acquérir des compétences prosociales et à s’engager à faire des choix prosociaux, qui allaient continuer après leur mise en liberté (voir le Tableau 13). Quatre des 17 délinquants ont dit que les réunions hebdomadaires de la coalition et le soutien général de l’UJR étaient des facteurs qui avaient contribué à l’acquisition d’habiletés prosociales. Quelques délinquants ont dit éprouver toujours de l’angoisse au sujet de leur retour dans la collectivité, craignant un rejet par cette dernière et l’absence de systèmes de soutien en JR pour les aider.

Moins de la moitié des ALC croyaient que l’UJR avait eu une incidence favorable sur la mise en liberté du délinquant dans la collectivité ou en aurait une. Quatre des sept agents n’ont donné aucune raison pour justifier cette affirmation. Les trois autres ont dit que l’UJR avait aidé leur délinquant à s’ouvrir et à s’exprimer, ainsi qu’à acquérir une empathie à l’égard des autres, ce qui, en retour, l’aiderait à découvrir d’autres moyens de s’exprimer et de soulager l’angoisse créée par des situations stressantes. Ces employés croyaient que cela aiderait les délinquants à éviter la récidive.

Tableau 13 : Comparaison des réponses données à l’entrevue par les délinquants et les employés au sujet des répercussions sur la mise en liberté dans la collectivité

Réponses des délinquants n Réponses des employés n
1. L’UJR a aidé à acquérir des compétences prosociales et à faire des bons choix de vie 17 (100) 1. Croyance dans les conséquences favorables de la participation à l’UJR 7 (41)
2. Désir de ressources communautaires en JR après la mise en liberté 3 (18) 2. L’UJR n’aura guère ou pas de conséquences sur le retour dans la collectivité 5 (29)

Remarque : Les chiffres entre parenthèses correspondent aux pourcentages.

Comparaisons quantitatives entre échantillons

Des données quantitatives ont été recueillies pour répondre plus particulièrement aux deuxième et troisième questions de recherche sur les répercussions que pourrait avoir l’intégration des processus et principes de justice réparatrice aux opérations correctionnelles. Aucune donnée quantitative n’a été recueillie en rapport avec la première question de recherche au sujet des répercussions éventuelles de l’UJR sur l’attitude des délinquants pour ce qui est de comprendre les répercussions de leurs crimes, favoriser le remords et encourager un désir de réparer les torts causés aux victimes et à la collectivité. Les données quantitatives tirées du SGD ont plutôt été employées pour analyser les conséquences comportementales en ce qui concerne la participation des délinquants aux programmes, la résolution des problèmes interpersonnels, la perpétration d’infractions disciplinaires, le recours aux processus formels de règlement des plaintes et l’utilisation du système informel de résolution des conflits. Enfin, des données quantitatives ont été utilisées pour explorer les résultats correctionnels, soit le succès des audiences de libération conditionnelle, la réussite de la mise en liberté sous condition et la récidive. Le groupe de l’UJR a été comparé aux deux groupes témoins (coalition de JR à l’EWH et annexe de l’EB).

Répercussions sur le comportement

Participation aux programmes

Dans l’ensemble, les délinquants qui ont vécu dans l’UJR ont achevé plus de programmes correctionnels que les autres délinquants. Pour déterminer l’achèvement de programmes, on a calculé le nombre de programmes que les délinquants ont achevés avant et après leur placement dans l’UJR. Ces données révèlent une différence marquée entre les échantillons. Avant leur placement dans l’UJR, 103 des 110 délinquants n’avaient achevé ou réussi aucun programme. Durant leur placement dans l’UJR, tous sauf 23 ont achevé ou réussi leurs programmes. Cela signifie qu’avant leur placement dans l’UJR, seulement 6 % (n = 7) des délinquants avaient achevé un ou plusieurs programmes tandis qu’après leur placement dans l’UJR, 79 % (n = 87) avaient achevé un ou plusieurs programmes.

Les délinquants participant aux réunions de la coalition de JR de l’EWH n’ont présenté aucun changement quant à leur achèvement de programmes entre les périodes préalable et postérieure à leur participation à ces réunions. Quant aux délinquants placés dans l’annexe de l’EB, ils ont affiché une baisse marquée de l’achèvement réussi de programmes après leur placement dans cette unité. En effet, avant le placement dans l’annexe, 80 % (n = 82) des délinquants avaient achevé avec succès des programmes, alors que le taux d’achèvement avec réussite après le placement dans cette unité était de seulement 29 % (n = 30).

Le taux d’abandon des programmes a augmenté parmi 20 % des délinquants après le placement dans l’UJR, ce qui signifie que 22 délinquants ont abandonné des programmes à cause d’une suspension ou d’une participation incomplète, contre seulement un délinquant avant le placement dans l’UJR. Aux fins de comparaison, signalons que le taux d’abandon a augmenté parmi 18 % des délinquants après leur participation aux réunions de la coalition de JR de l’EWH. Pour ce qui est des délinquants placés dans l’annexe de l’EB, on n’a pas constaté de différence marquée sur ce plan.

Accusations d’infraction disciplinaire

Dans l’ensemble, les délinquants placés dans l’UJR ont enregistré moins d’accusations d’infraction disciplinaire mineures que les autres délinquants. La participation à l’UJR a fait augmenter de 5 % (n = 5) le nombre de délinquants sans accusations mineures, si on le compare au nombre de délinquants ayant des accusations mineures avant la participation à l’UJR. Aucun des délinquants placés dans l’UJR n’a été accusé d’infractions disciplinaires mineures durant son séjour dans l’unité. Signalons par contre que les délinquants de l’EWH ont affiché une augmentation de 8 % (n = 1) dans le nombre d’accusations mineures après la participation aux réunions de la coalition de JR. Quant aux délinquants de l’annexe de l’Établissement de Bowden, ils ont affiché une augmentation remarquable de 69 % (n = 35) quant au nombre de délinquants sans accusations mineures après un placement dans l’annexe.

Les accusations d’infraction grave ont augmenté pour neuf délinquants durant leur placement dans l’UJR, ce qui correspond à une hausse de 8 %, comparativement au nombre de délinquants ayant des accusations d’infraction grave avant le placement dans l’UJR. Signalons aux fins de comparaison que les accusations d’infraction grave ont diminué de un après la participation aux réunions de la coalition de JR de l’EWH, tandis que pour l’annexe de l’Établissement de Bowden, on a enregistré une baisse de 18 % (n = 14) du nombre de délinquants accusés d’infractions graves.

Incidents

Le nombre d’incidents signalés a augmenté pour 51 (46 %) des 110 délinquants de l’UJR, alors qu’on avait signalé des incidents pour deux délinquants avant le placement dans cette unité. Voici les genres d’incidents signalés pour les délinquants de l’UJR : 17 % (n = 16), incidents de perturbation; 13 % (n = 12), incidents liés aux objets interdits; 21 % (n = 20), incidents liés au renseignement; 19 % (n = 18), autres incidents; 17 % (n = 16), incidents disciplinaires; 13 % (n = 12), incidents de voies de fait.

Pour le groupe des réunions de la coalition de JR de l’EWH, le nombre de délinquants sans incidents signalés est passé de 18 avant le placement dans cette unité à 21 après le placement. Pour l’annexe de l’Établissement de Bowden, qui n’a pas de programme de JR, on a enregistré une hausse du nombre de délinquants sans incidents signalés, soit de 65 délinquants avant le placement dans l’annexe à 86 délinquants après le placement.

Griefs

On a enregistré des hausses significatives du nombre de griefs présentés par les délinquants aux quatre paliers de la procédure de règlement des griefs. L’augmentation la plus marquée a été celle constatée dans la catégorie des délinquants de l’UJR qui ont présenté une plainte. Le nombre de délinquants qui ont déposé une plainte est passé de 6 avant le placement dans l’UJR à 25 après le placement. Cela correspond à un accroissement dans la catégorie des plaintes pour 23 % des 110 délinquants placés dans l’UJR. Le nombre de délinquants qui ont présenté des griefs formels, aux quatre paliers, a diminué pour les délinquants après leur participation aux réunions de la coalition de JR de l’EWH et après le placement dans l’annexe de l’Établissement de Bowden.

Répercussions sur l’audience de libération conditionnelle/la mise en liberté dans la collectivité

Mise en liberté

Le fait d’avoir été placé dans l’UJR n’a pas amélioré les chances d’obtenir la libération conditionnelle comparativement à celles des délinquants incarcérés dans un milieu n’offrant pas une intervention axée sur la JR, comme l’annexe de l’Établissement de Bowden.

Quatre‑vingt‑huit délinquants, soit 80 % de l’échantillon de délinquants de l’UJR de l’EGC, ont été libérés après avoir purgé une partie de leur peine dans l’UJR. Ce groupe venait donc en deuxième place, après les 88 délinquants, correspondant à 86 % de l’échantillon de l’annexe de l’Établissement de Bowden, qui ont obtenu leur libération de cet établissement.

Le placement dans un milieu axé sur la justice réparatrice n’a eu que des répercussions minimes sur les premières décisions de mise en liberté de la CNLC. Quarante‑cinq des 98 délinquants dont le cas a été examiné en vue d’une première décision de mise en liberté ont obtenu la libération conditionnelle. Les nombres étaient beaucoup plus élevés pour les groupes témoins. En effet, 75 % des délinquants incarcérés dans l’annexe de l’Établissement de Bowden ont obtenu la mise en liberté à la première décision, alors que 65 % des délinquants ayant participé aux réunions de la coalition de l’EWH ont obtenu la libération conditionnelle dès la première décision. Il est intéressant de noter, comme on le voit au Tableau 14, qu’un pourcentage important de délinquants de l’EGC ont décidé de reporter leur comparution devant la CNLC, préférant rester dans l’UJR.

Tableau 14 : Première décision de mise en liberté

Groupes échantillons Autorisée Rejetée Reportée
EGC(n = 98)45 (46)13 (13)40 (41)
EWH(n = 20)13 (65)6 (30)1 (5)
Annexe(n = 69)52 (75)7 (10)10 (15)

Remarque : Les chiffres entre parenthèses correspondent aux pourcentages.

Réincarcération

Comme on peut le voir au Tableau 15, sur les 88 délinquants libérés de l’UJR, 30 ont été réincarcérés, ce qui correspond à 34 %. Ce taux de réincarcération était semblable à celui du groupe échantillon de l’annexe de l’Établissement Bowden, qui était également de 34 %. Le groupe échantillon de l’EWH a affiché le taux de réincarcération le plus élevé, soit 47 %.

Sur les 30 délinquants réincarcérés à l’EGC, 16 (53 %) l’ont été par suite de la révocation de leur mise en liberté sans infraction, tandis que 11 (37 %) ont été réincarcérés par suite de la révocation avec infraction.

Tableau 15 : Types de réincarcération

Groupes échantillons Mandat de dépôt Révocation sans infraction Révocation avec infraction Révocation avec accusation en suspens
EGC (n = 30)  0 16 (53) 11 (37) 3 (10)
EWH (n = 9) 1 (11) 6 (67) 1 (11) 1 (11)
Annexe (n = 30) 0 22 (73) 5 (17) 3 (10)

ANALYSE

L’UJR de l’Établissement de Grande Cache a été établie dans le cadre d’un projet pilote visant à explorer ce qui se produirait si le personnel correctionnel et les délinquants étaient autorisés à concevoir un cadre opérationnel courant ancré dans les principes et pratiques de la justice réparatrice.

Avant le début de la recherche, les preuves empiriques en faveur de l’UJR étaient très fortes. La plupart des personnes qui ont eu des rapports avec cette initiative ont reconnu son importance pour ce qui est d’encourager un milieu dans lequel les délinquants peuvent se concentrer sur les torts causés par leurs crimes et acquérir des habiletés dans un milieu propice avant leur mise en liberté (Butler, 2004). Toutefois, si l’on examine les résultats de l’étude et surtout les données quantitatives, les conclusions sont moins claires.

Les données qualitatives appuient une bonne part des constatations empiriques au sujet de l’initiative et les hypothèses présentées en réponse aux trois questions de recherche. Toutefois, un examen des données quantitatives révèle qu’il n’y avait essentiellement pas de différences entre les délinquants de l’Établissement de Grande Cache et les groupes échantillons de l’Établissement William Head et de l’Établissement de Bowden.

Répercussions sur l’attitude

On avait posé comme hypothèse que l’UJR augmenterait la compréhension qu’avait le délinquant de son crime, son sentiment de remords et son désir de réparer les torts causés. L’UJR favorisait un milieu, dans l’établissement, qui était différent de celui des unités de la population générale. Les délinquants se sont volontairement ralliés autour des valeurs et des principes de la JR, qui étaient ancrés dans le fonctionnement quotidien de l’unité, et ils ont choisi de réorienter leur vie et de se pencher activement sur leur comportement criminel durant leur peine. À cette fin, l’UJR et ses résidants ont favorisé des processus dynamiques permettant aux délinquants de se pencher en toute sécurité sur leurs attitudes antisociales, d’affronter leurs stéréotypes et de changer d’attitude à l’égard de leurs activités criminelles, de ses répercussions résiduelles et de leurs besoins criminogènes.

Le caractère confidentiel des réunions hebdomadaires de la coalition de JR, qui avaient lieu dans un milieu sûr, a aidé les délinquants à changer d’attitude et à explorer les notions de responsabilité et de tort ainsi que les questions liées aux victimes. À l’issue de ces réunions, 90 % des délinquants ont dit mieux comprendre leurs actes criminels, tandis que la moitié ont signalé un accroissement de leur empathie à l’égard des victimes. Selon les délinquants, ce changement s’est produit parce qu’ils ont travaillé activement à des problèmes avec d’autres délinquants d’optique commune qui ont choisi d’examiner de front les torts qu’ils ont commis. Même si elle se trouvait dans un établissement, l’UJR a réussi à créer un réseau de pairs et d’employés encourageant, centré sur l’obligation pour les délinquants de rendre compte de leurs actions. Les délinquants ont souligné l’importance du soutien et de l’encouragement qu’ils ont reçus des employés affectés à l’unité. Ce soutien a grandement contribué à l’amélioration de l’attitude des délinquants, comme ces derniers et les employés l’ont signalé. Dans la plupart des entrevues, les employés ont signalé que ce changement d’attitude, cette compréhension accrue et des communications ouvertes ont facilité leur intervention auprès du délinquant.

L’expérience de l’UJR a aussi favorisé un changement d’attitude en ce que les délinquants ont manifesté un désir de réparer les torts causés aux victimes. Ils ont dit vouloir le faire en recourant aux approches de la justice réparatrice et en mettant en pratique les habiletés acquises dans l’unité pour ne pas récidiver ni causer d’autres torts. Il est également intéressant de noter que, bien que le tiers des délinquants aient dit vouloir aider les autres dans l’avenir, soit plus précisément d’empêcher les jeunes de commettre les mêmes erreurs, ces efforts de réparation visaient la collectivité plutôt que les victimes comme telles.

Les preuves empiriques semblent indiquer que les délinquants de l’UJR pouvaient difficilement réparer les torts causés à la collectivité des victimes et plus particulièrement à la victime de leurs infractions. Durant la période visée par l’étude, peu de victimes allaient à l’unité pour décrire leur expérience aux détenus. En outre, ces derniers n’avaient guère accès à des possibilités de médiation entre la victime et le délinquant. Ils ont signalé qu’il faudrait explorer ces éléments plus en profondeur pour renforcer les futurs projets de JR. Ils estimaient que la description du vécu d’une victime, faite par celle‑ci à un délinquant, aidait à renforcer et concrétiser les enseignements reçus dans l’unité. Les délinquants ont également fait observer qu’il fallait explorer plus attentivement cet aspect.

Répercussions sur le comportement

La deuxième question de recherche portait sur les conséquences de l’intégration des processus et principes de justice réparatrice à un milieu carcéral sur le comportement des délinquants, soit la participation aux programmes, la résolution de problèmes interpersonnels et le recours au mode informel de résolution des conflits. Cela devrait avoir pour résultat une diminution des incidents et accusations d’infraction disciplinaire mineurs et graves ainsi que du nombre de griefs déposés par les délinquants.

Les données révèlent que les délinquants placés dans l’UJR ont achevé plus de programmes que les membres des groupes témoins. On a par contre constaté une augmentation relative du nombre d’abandons de programmes parmi le groupe de l’UJR. Les délinquants ont signalé que l’UJR les incitait à participer à leur plan correctionnel. Ils s’encourageaient mutuellement dans ces démarches, en plus de recevoir le soutien du personnel de l’UJR. Ces résultats peuvent toutefois être attribuables en partie à un biais de sélection en ce qui concerne les délinquants choisis pour résider dans l’unité. Nombre de ces derniers ont en effet été placés dans l’unité peu après leur évaluation initiale, de sorte qu’ils n’avaient pas achevé de programmes avant leur placement dans l’UJR.

La moitié des délinquants considéraient les réunions hebdomadaires de la coalition comme un programme correctionnel, même si ce n’est pas officiellement le cas. La plupart d’entre eux ont affirmé que la matière enseignée dans les programmes prescrits du SCC n’était intériorisée que lorsqu’ils pouvaient l’assimiler et la mettre en pratique durant les réunions de la coalition et dans leurs interactions avec les délinquants et les employés de l’UJR. Cela a incité nombre d’entre eux à participer à des programmes de base puisqu’ils y voyaient des avantages. Toutefois, pour certains, cela a créé des frustrations qui ont fait augmenter le taux d’abandon. Signalons notamment que les programmes correctionnels de base, que les délinquants doivent achever dans le cadre de leur plan correctionnel, étaient offerts à l’extérieur de l’UJR. Or, les délinquants de l’unité estimaient ne pas pouvoir y participer dans la mesure où ils s’étaient faits à l’UJR. Durant les programmes de base, ils ne se sentaient pas en sécurité pour appliquer les leçons tirées de ceux-ci à leurs crimes et accepter la divulgation complète de ceux‑ci et le niveau de responsabilité requis. Ainsi, les délinquants sexuels ne pouvaient pas divulguer la nature de leurs infractions, et les autres délinquants ne se sentaient pas non plus à l’aise pour communiquer des renseignements personnels et décrire des incidents de mauvais traitements parce que les programmes de base n’offraient pas aux délinquants de l’UJR un espace sûr pour le faire au sein de la population générale de délinquants.

Les délinquants se sont exercés à appliquer leurs habiletés en résolution de problèmes interpersonnels et en résolution informelle de conflits durant leurs interactions avec les autres délinquants et avec les employés de l’UJR. Ils se sont ainsi trouvés à négocier de manière proactive leurs problèmes et désaccords afin de régler leurs conflits dans l’unité. La tenue de rencontres hebdomadaires, comme les réunions de la coalition, leur a permis d’utiliser des conflits réels et courants dans l’unité pour s’exercer à appliquer les habiletés acquises. Il est apparu plus pratique et réaliste d’utiliser des conflits réels dans l’UJR que de recourir à des jeux de rôles ou aux exercices faisant partie des programmes correctionnels de base. Selon les délinquants, ils n’auraient pu le faire en l’absence d’un milieu propice et encourageant.

Durant les entrevues, les ALC ont signalé qu’aucun mécanisme ne leur permettait de déterminer la mesure dans laquelle les délinquants pratiquaient la résolution informelle des conflits sans l’intervention du personnel dans l’UJR. Les différends interpersonnels mineurs semblaient être réglés au niveau informel, de sorte que ce processus se passait de commentaire. Toutefois, plusieurs agents de correction de l’EGC ont signalé, durant les entrevues préliminaires, qu’ils préféraient ne pas être affectés à l’UJR parce que les délinquants avaient une conduite « trop exemplaire » et que c’était « trop tranquille ».

Des mesures quantitatives ont également été utilisées pour explorer la question du comportement, soit plus précisément les incidents et les accusations en établissement. Les délinquants ayant résidé dans l’UJR avaient moins d’accusations mineures après leur placement dans l’unité. Ceci peut être attribué aux processus de résolution des conflits employés à l’UJR pour régler les problèmes et conflits mineurs. Cette constatation ne s’applique toutefois pas aux accusations graves et au nombre total d’incidents signalés, qui étaient plus élevés après un séjour dans l’UJR, et est contraire à l’hypothèse de recherche. Il se peut que la participation du personnel de l’UJR à des conflits plus épineux ait fait augmenter le nombre d’incidents et d’accusations signalés par le personnel de l’UJR étant donné que certains comportements ne sont pas tolérés dans l’unité en raison des règles en place et du fait que l’UJR est un milieu de soutien intensif, c’est‑à‑dire sans drogue. Les preuves empiriques semblent indiquer que les délinquants placés dans l’UJR étaient surveillés de manière plus intensive. Cette augmentation du nombre total d’incidents signalés et d’accusations graves peut aussi être attribuée au fait que les délinquants eux‑mêmes se surveillent mutuellement pour ce qui est du respect des règles de l’unité et sont plus disposés à signaler les transgresseurs au personnel de l’UJR. La nature même de l’unité en fait un milieu basé sur des règles strictes que n’applique pas seulement le personnel correctionnel; en effet, les délinquants jouent également un rôle pour ce qui est d’appliquer les règles de la communauté de l’UJR et de s’encourager les uns les autres à faire preuve de transparence et de responsabilité.

La structure de l’UJR favorisait davantage l’interaction entre les employés et les délinquants de sorte que les premiers ont pu prodiguer davantage de conseils personnels et avoir une incidence plus personnelle sur les délinquants, ce qui a représenté une meilleure utilisation des ressources humaines.

On a enfin constaté une augmentation significative des griefs au premier palier (plainte) parmi les délinquants après leur séjour dans l’UJR. Cela peut être attribuable au fait que les délinquants ont acquis une capacité à exprimer des problèmes et conflits, grâce à une amélioration de leurs aptitudes en communication, et à accéder au processus approprié de résolution des conflits par le dépôt d’un grief au premier palier. Si une plainte ne pouvait pas être réglée durant les réunions ou portait sur une question qui dépassait l’envergure de l’unité, les délinquants étaient peut‑être plus portés à vouloir obtenir une résolution par le dépôt d’un grief au premier palier (plainte).

Répercussions sur les audiences de libération conditionnelle et la mise en liberté dans la collectivité

On a posé comme hypothèse qu’un placement dans l’UJR améliorerait la présentation des délinquants devant la CNLC et leurs taux de réussite après la mise en liberté dans la collectivité. Mais contrairement à cette hypothèse, les délinquants et les employés ont signalé que l’UJR n’avait guère eu d’incidence sur la présentation des délinquants devant la CNLC étant donné que celle‑ci n’a pas tenu compte à l’audience de l’expérience dans l’unité. Celle‑ci aurait toutefois eu une incidence pour un petit nombre de délinquants qui ont comparu devant la Commission, puisqu’ils ont pu s’exprimer avec plus de facilité et de confiance. Le pourcentage de délinquants mis en liberté après un séjour dans l’UJR de l’EGC n’était pas plus élevé que celui des groupes témoins. Il est même intéressant de noter que ces délinquants ont affiché le plus faible pourcentage d’octrois de la mise en liberté à la première décision. Tant les délinquants que les employés ont signalé que même si la présentation des premiers s’était éventuellement améliorée, le degré de responsabilité et de remords exprimé par le délinquant avait abouti à l’évaluation selon laquelle ce dernier devait continuer à déployer des efforts pour devenir un membre productif de la société.

Le nombre élevé de délinquants de l’UJR qui ont reporté leur première audience de mise en liberté devant la CNLC appuie cette constatation. À l’entrevue, nombre de délinquants ont dit avoir reporté leur audience parce qu’ils devaient séjourner plus longtemps dans l’UJR afin de mieux comprendre leurs problèmes, de pratiquer les valeurs et principes de la JR et de mettre en application les compétences requises pour atteindre leurs objectifs. Quelques participants ont dit avoir reporté l’audience parce qu’ils comprenaient mieux l’incidence de leurs crimes et qu’ils n’estimaient donc pas approprié de comparaître devant la Commission à cause de leur sentiment de culpabilité et de remords.

Le degré de réussite des délinquants de l’UJR après la mise en liberté était aussi analogue à celui des délinquants de l’annexe de l’EB. La participation à l’UJR n’a pas augmenté le taux de réussite après la mise en liberté. Les conséquences favorables signalées par les délinquants et les employés dans l’unité n’ont peut‑être pas augmenté le taux de réussite après la mise en liberté parce que, comme la plupart des délinquants l’ont clairement dit, ils ont alors perdu leur groupe de soutien et le milieu dans lequel les principes et valeurs de la JR étaient appliqués quotidiennement. Les délinquants ont dit ressentir, après leur mise en liberté, un sentiment de perte, de désorientation, de peur, de solitude et de manque de soutien, qu’on aurait pu pallier au moyen d’une maison de transition fondée sur la JR et (ou) de réunions de la coalition de JR dans la collectivité pour offrir un cercle de soutien ou un continuum de soins en JR.

Réserves

Ce projet de recherche constitue le premier examen d’une unité résidentielle fondée sur la justice réparatrice du ressort du Service correctionnel du Canada. Comme l’échantillon était d’une taille raisonnable (110 délinquants), le niveau de réponse au questionnaire d’enquête à l’intention des délinquants et aux entrevues avec les délinquants et les employés a été jugé satisfaisant. Il faut toutefois faire trois réserves importantes.

Premièrement, il semblait y avoir un biais de sélection très marqué en ce qui concerne les délinquants abordés à l’évaluation initiale et ceux qu’on a envisagé de recruter pour l’UJR au sein de la population générale. Ils manifestaient en effet du remords pour leurs infractions, soit au moment de l’évaluation initiale, soit pendant qu’ils purgeaient leur peine. Les données préalables semblent en effet indiquer que, dans certains cas, il n’y avait guère de place à amélioration.

Deuxièmement, on a constaté certaines lacunes indéniables dans l’application du modèle. Comme l’ont signalé plusieurs employés et délinquants, il y avait un manque de liens durables avec la collectivité extérieure. Même si l’on semble avoir créé dans l’unité de l’établissement une communauté encourageante, il n’en existait pas une dans la collectivité vers laquelle les délinquants pouvaient se tourner après leur mise en liberté sous condition. En effet, le facteur auquel on a le plus souvent attribué l’échec après la mise en liberté a été le manque de soutien communautaire, soit l’absence de services centrés sur la JR. Les délinquants ont essentiellement dit avoir besoin d’une continuité dans leur soutien communautaire, soit un continuum de soins en JR. Une autre faiblesse du modèle de l’UJR était son incapacité à créer des occasions légitimes pour les délinquants de réparer les torts causés par leurs infractions. La plupart des délinquants placés dans l’UJR voulaient faire quelque chose, mais ne pouvaient pas trouver d’activités spécifiques en ce sens.

Finalement, on n’a pas conçu de mesures quantitatives pour rendre compte des répercussions des processus de JR. Même si les participants avaient des observations très favorables à faire au sujet de l’UJR et de ses retombées sur les délinquants, les mesures types ne traduisaient pas ces résultats. Celles‑ci sont employées pour déterminer l’incidence d’un programme correctionnel et évaluer d’autres indicateurs correctionnels. Le problème peut donc être attribuable en partie au fait que ces mesures ne traduisent pas convenablement les répercussions d’un processus de justice réparatrice parce que celui-ci ne constitue pas un « programme correctionnel » propre à influencer les mesures examinées dans la partie quantitative de cette recherche. Plus précisément, les mesures employées pour quantifier les répercussions de la JR devraient cibler le processus et son incidence sur la réduction des méfaits du fait qu’il aide les délinquants à acquérir et à appliquer activement des compétences prosociales, à acquérir de l’empathie pour les autres et à découvrir leur pouvoir de ne pas faire d’autres victimes.

Conclusions et recommandations

L’unité résidentielle de justice réparatrice (UJR) a été le premier pilote de ce genre offert dans un établissement correctionnel canadien. Elle a fonctionné pendant près de cinq ans. Dans cette unité sans drogue, les délinquants ont appris et appliqué les principes et valeurs de la JR. Ils ont été tenus responsables de leur comportement et de leurs crimes tout en acquérant une meilleure compréhension de la victimisation et des torts causés à leurs victimes, aux familles et à la collectivité. L’UJR visait à favoriser le retour des délinquants dans la société à la libération conditionnelle ainsi qu’à contribuer à la sécurité publique. Les processus de la JR ont permis aux délinquants de mieux s’exprimer, tout en leur fournissant les outils nécessaires pour régler leurs conflits.

L’évaluation de l’UJR appuie certaines dimensions du modèle, mais révèle que le SCC doit peaufiner et modifier la mise en place d’une unité de justice réparatrice pour permettre de tirer des conclusions plus définitives.

L’UJR a eu une incidence sur plusieurs délinquants en les encourageant pleinement et activement à devenir des citoyens respectueux des lois. L’unité est un exemple de milieu sûr, raisonnable et humanitaire qui favorise le respect et la compréhension des auteurs d’infractions et de leurs victimes. La JR oblige les délinquants à rendre des comptes en les forçant à assumer leurs responsabilités. La recherche sur l’UJR appuie donc l’énoncé de mission du SCC et aide les délinquants, les victimes et les collectivités afin de promouvoir la sécurité publique.

Un plan redéfini et modifié de mise en œuvre d’une unité de justice réparatrice dans un établissement correctionnel qui appuie les processus de JR doit traduire les plans et priorités du SCC. Un milieu de justice réparatrice dans un environnement correctionnel, ouvert à tous les délinquants intéressés y participant de plein gré, entraînerait une baisse du comportement de violence dans les établissements en mettant à la disposition des délinquants des outils et un système de soutien permettant de régler les conflits d’une manière non violente et de mieux comprendre la victimisation. Les initiatives de justice réparatrice mises en œuvre à l’échelle du système correctionnel pour répondre aux besoins des délinquants intéressés aideraient les délinquants qui doivent quitter l’UJR et être transférés à un autre établissement pour répondre aux exigences de leurs programmes correctionnels. Il en va de même pour la transition du délinquant dans la collectivité. Il faut s’employer davantage à offrir des initiatives de JR lorsque les délinquants se préparent à vivre comme citoyens respectueux des lois à leur mise en liberté sous condition et à la fin de leur peine.

Il faudrait bien sûr apporter certaines modifications pour remédier aux contraintes et aux lacunes si le SCC envisage de réaliser un second projet pilote d’UJR en milieu correctionnel. Tout d’abord,  l’établissement devrait mettre en œuvre un programme permanent d’éducation et de formation pour faire face à des modes concurrents d’interventions correctionnelles dans un même établissement. Il faudrait en deuxième lieu réexaminer le protocole d’entente entre le personnel de l’UJR et les autres employés de l’établissement pour se pencher sur des questions comme l’échange de renseignements et la sécurité, tout en préservant le caractère confidentiel de l’unité en ce qui concerne les réunions de la coalition. Enfin, il faudrait veiller à ce que les délinquants aient des occasions de réparer les torts qu’ils ont causés. Pour atteindre cet objectif, l’agent de liaison de l’UJR pourrait créer ces occasions durant l’incarcération et assurer la liaison avec les collectivités où les délinquants sont appelés à retourner à leur mise en liberté sous condition. On pourrait également créer un cercle de soutien, composé entre autres de représentants de la collectivité, à l’intention de chaque délinquant qui se porte volontaire pour résider dans l’UJR. Ce soutien faciliterait sa transition dans la collectivité à la mise en liberté, en plus de lui offrir une communauté de soutien continue comme celle à laquelle il s’est fait dans l’UJR. Le maintien d’un soutien et d’une relation avec des intervenants en JR dans la collectivité aiderait éventuellement les délinquants à ne pas perdre de vue les valeurs et principes de la JR et à ne pas perdre contact avec ce qui leur semble le plus utile pour préserver un mode de vie respectueux des lois.

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