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Détenus à sécurité maximale sous responsabilité fédérale : Comparaison entre les sexes

R - 53
Par : Kelley Blanchette et Laurence L. Motiuk
Direction de la recherche
Service correctionnel du Canada
Mars 1997

Table des matières

Résumé

Le classement selon le niveau de sécurité consiste à attribuer la cote « à sécurité minimale », « à sécurité moyenne » ou « à sécurité maximale » aux détenus à leur admission et à les placer dans un établissement de même niveau de sécurité. Le but premier de cette procédure est de faire en sorte que le milieu correctionnel soit le plus sûr et le moins restrictif possible. Les femmes purgeant une peine fédérale doivent être placées dans le milieu correctionnel qui convient à la cote de sécurité qui leur a été attribuée. D'aucuns affirment que, dans le cas des femmes, la cote « à sécurité maximale » est inéquitable à double titre : elle est injustifiée compte tenu du risque et elle impose des restrictions superflues. La présente étude examine cette question en comparant les détenues dites « à sécurité maximale » avec leurs homologues de sexe masculin. Plus précisément, la comparaison entre les deux groupes porte sur plus de 200 variables associées au risque (antécédents criminels), aux besoins criminogènes et aux tendances suicidaires.

Les résultats démontrent que les détenus dits « à sécurité maximale » sont effectivement ceux et celles dont le niveau de risque et le niveau des besoins est élevé. Les analyses effectuées révèlent peu de différences statistiquement significatives entre les sexes relativement aux variables associées au risque et aux besoins. L'évaluation générale des besoins dans six domaines cibles (emploi, interaction sociale, toxicomanie, fonctionnement dans la collectivité, orientation personnelle/affective, attitude générale) donne des résultats comparables dans les deux groupes. Par contre, sur le chapitre des relations matrimoniales/familiales, les besoins des femmes sont jugés plus élevés chez les détenues à sécurité maximale que chez leurs homologues de sexe masculin.

L'examen des indicateurs par domaine révèle que les détenues ont davantage de difficultés liées à la toxicomanie et au fonctionnement dans la collectivité. En fait, tous les indicateurs se rapportant à la toxicomanie montrent que les détenues à sécurité maximale ont plus de problèmes que leurs homologues de sexe masculin dans ce domaine. En ce qui a trait aux relations matrimoniales/familiales, les détenus à sécurité maximale ont plus de besoins sur le plan des aptitudes cognitives, tandis que leurs homologues de sexe féminin ont davantage de difficultés liées à la santé mentale.

C'est sur le chapitre des tendances suicidaires que l'on note les différences les plus significatives et les plus robustes : les femmes purgeant une peine fédérale sont nettement plus susceptibles de s'automutiler et de tenter de se suicider. Les résultats indiquent que la majorité des détenues à sécurité maximale ont fait des tentatives de suicide, qui laissent entendre qu'elles sont mal armées pour affronter les difficultés de l'existence. Ces constatations donnent une idée des caractéristiques des femmes placées en établissement à sécurité maximale et soulignent la nécessité d'adapter les stratégies d'intervention en vue de répondre à leurs besoins particuliers.

Liste des tableaux

Tableau 1 : Répartition des détenus des deux sexes selon le niveau de sécurité actuel

Tableau 2 : Antécédents criminels des détenus à sécurité maximale des deux sexes

Tableau 3 : Besoins des détenus à sécurité maximale des deux sexes à l’admission

Tableau 4 : Répartition des détenus à sécurité maximale des deux sexes selon le niveau du risque et des besoins

Introduction

Il n’y a pas si longtemps encore, il n’y avait qu’une seule prison fédérale pour femmes au Canada. Le gouvernement a toutefois décidé récemment de construire cinq nouveaux établissements pour les femmes purgeant une peine fédérale. C’est pourquoi la question du classement des détenues selon le niveau de sécurité revêt maintenant une grande importance.

Dans le système correctionnel fédéral, la cote « à sécurité maximale » est réservée aux délinquants violents ou autrement à risque élevé. Dans une précédente étude, on a noté que « (...) la violence des femmes a été largement placée dans le cadre d’une réponse à une situation de mauvais traitements ou à la suite d’expérience de mauvais traitements » (Shaw & Dubois, 1995, p. 5). D’aucuns affirment, en conséquence, que les cotes de sécurité/d’encadrement attribuées aux femmes, tant hier qu’aujourd’hui, semblent trop élevées, avec toutes les conséquences qui en résultent sur les plans du placement en établissement, de l’accès aux programmes et des privilèges.

Luciani, Motiuk et Nafekh (1996) notent, pour leur part : « Il est indispensable de bien classer les détenus pour gérer efficacement les pénitenciers et les populations carcérales, ainsi que pour remplir les mandats législatifs et en matière d’orientation du Service correctionnel du Canada. » C’est pourquoi il est primordial de faire en sorte que les cotes de sécurité soient attribuées de manière équitable, et en fonction du profil du risque et des besoins des détenus.

Méthode et échantillon

La présente étude visait à comparer les détenues placées dans un établissement à sécurité maximale à leurs homologues de sexe masculin, sur les plans du risque (sécurité et évasion), des besoins criminogènes et des tendances suicidaires. À cette fin, on a utilisé la base de données informatisée du Service correctionnel du Canada (le Système de gestion des détenus; SGD), dont on a extrait tous les éléments d’information disponibles sur les délinquantes purgeant une peine fédérale.

Les données disponibles ont été extraites le 14 janvier 1997 et portaient sur 315 femmes. On a donc extrait les mêmes données pour un échantillon d’hommes purgeant une peine fédérale choisis au hasard (n = 315). Les données extraites du SGD aux fins de la comparaison provenaient principalement du système d’évaluation initiale des détenus (EID), qui comprend deux composantes de base : évaluation du risque criminel (ERC), et identification et analyse des besoins des détenus (IABD). En outre, le système EID comporte neuf indicateurs de tendances suicidaires. Ces composantes sont décrites en détail plus loin.

Le niveau de sécurité à l’admission était disponible pour 292 hommes et 212 femmes. Étaient désignés « à sécurité maximale » 37 (17 %) des femmes et 54 (19 %) des hommes. Comme on pouvait s’y attendre, les analyses statistiques ont révélé des différences significatives sur ce point, les femmes étant classées à un niveau de sécurité inférieur comparativement aux hommes. La répartition des deux populations selon le niveau de sécurité est présentée au tableau 1.

Tableau 1 Répartition des détenus des deux sexes selon le niveau de sécurité actuel

Niveau de sécurité Détenus Détenues
nbre % nbre %
Minimal 42 14 % 72 34 %
Moyen 196 67 % 103 49 %
Maximal 54 19 % 37 17 %
TOTAL 292
212

Nota : p< .001

Résultats

On a effectué une série d’analyses statistiques en vue de comparer les détenues à sécurité maximale avec leurs homologues de sexe masculin. Plus précisément, la comparaison a porté sur l’âge et la race, les antécédents criminels et le risque de récidive, les catégories et indicateurs de besoins, et les tendances suicidaires. Les données démographiques requises étaient disponibles pour tous les sujets de l’échantillon, mais les résultats de l’évaluation initiale n’étaient disponibles que pour 24 femmes et 23 hommes à sécurité maximale. Ces résultats sont présentés dans les sections suivantes.

Données démographiques

Les détenues à sécurité maximale de l’échantillon étaient nettement plus jeunes que leurs homologues de sexe masculin : elles étaient âgées de 21 ans à 45 ans, soit une moyenne d’âge de 28,7 ans. Les détenus à sécurité maximale de l’échantillon étaient âgés de 18 ans à 55 ans, soit une moyenne d’âge de 32,1 ans. La proportion d’Autochtones était plus élevée chez les détenues à sécurité maximale que chez leurs homologues de sexe masculin : elle était de 15 (40,5 %) chez les premières, contre seulement 8 (14,8 %) chez les seconds. Les analyses statistiques ont confirmé que l’écart constaté sur ce point était très significatif (p<.01).

Évaluation du risque criminel

L’évaluation du risque criminel qui s’inscrit dans le processus EID est fondée principalement sur les antécédents criminels et fournit des indications précises sur les infractions à l’origine des peines antérieures et actuelles. En outre, le rapport sur le profil criminel contient d’autres précisions pertinentes au sujet des facteurs de risque particuliers. L’EID fournit donc, à la lumière de ces données, une évaluation générale du risque que présente chaque détenu.

Cette évaluation générale du risque était disponible pour tous les hommes à sécurité maximale de l’échantillon, et pour 35 des 37 femmes à sécurité maximale. Comme on pouvait s’y attendre, aucun des détenus des deux sexes classés au niveau de sécurité maximal n’avait été jugé « à faible risque » au stade de l’évaluation initiale. Parmi les femmes, 27 (77 %) étaient désignées « à risque élevé », tandis que les autres (23 %) étaient désignées « à risque moyen ». Du côté des hommes, 81 % et 19 % étaient désignés « à risque élevé » et « à risque moyen », respectivement.

Les analyses n’ont révélé aucun différence significative sur le plan des variables associées aux antécédents criminels, sauf en ce qui a trait aux infractions sexuelles. En effet, 22 % des hommes à sécurité maximale avaient commis des infractions sexuelles, contre 0 % des femmes. En général, les détenus à sécurité maximale des deux sexes ont commencé tôt leur carrière criminelle : 50 % des hommes et 54 % des femmes avaient comparu devant un tribunal pour adolescents. En outre, plus de 75 % des hommes et des femmes à sécurité maximale avaient comparu antérieurement devant un tribunal pour adultes. Les résultats de ces analyses sont présentés au tableau 2.

Tableau 2 Antécédents criminels des détenus à sécurité maximale des deux sexes

  Hommes (n=23) Femmes (n=24)
Comparution antérieure devant un tribunal pour adolescents 50 % 54 %
Surveillance dans la collectivité 32 % 41 %
Garde en milieu ouvert 32 % 39 %
Garde en milieu contrôlé 32 % 39 %
Comparution antérieure devant un tribunal pour adultes 78 % 79 %
Surveillance dans la collectivité 70 % 71 %
Peine de moins de deux ans 65 % 67 %
Peine de plus de deux ans 43 % 29 %
Total (tribunal pour adolescents et/ou tribunal pour adultes) 91 % 87 %
Autres antécédents : Isolement (disciplinaire) Évasion/Illégalement en liberté 45 % 48 %
Autres antécédents : Évasion/Illégalement en liberté 39 % 29 %
Autres antécédents : Manquement aux conditions de la libération conditionnelle 39 % 38 %
Autres antécédents : < 6 mois depuis dernière incarcération 46% 17%
Autres antécédents : Infractions sexuelles (toutes) * 22 % 0 %

Nota : *p< .05

Parmi les détenus à sécurité maximale, près du quart (24 %) des femmes et 17 % des hommes étaient incarcérés pour homicide, tandis que 9 % des hommes purgeaient une peine pour voies de fait (aucune chez les femmes). Ces différences entre les deux groupes n’étaient pas statistiquement significatives. Par contre, il est surprenant de constater que 19 (51 %) des femmes et seulement 12 (22 %) des hommes avaient été condamnés pour vol qualifié : ce écart-là est statistiquement significatif, et d’autant plus remarquable qu’il concerne une infraction avec violence et motivée par l’appât du gain.

Tendances suicidaires

La comparaison des détenus à sécurité maximale des deux sexes a porté sur neuf indicateurs de tendances suicidaires. Les analyses ont révélé des différences significatives relativement à six de ces indicateurs, le risque étant jugé, dans chaque cas, plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Constatation la plus frappante : 71 % des détenues à sécurité maximale avaient déjà tenté de se suicider, contre seulement 21 % de leurs homologues de sexe masculin. En outre, le quart des détenues à sécurité maximale ont exprimé, à l’admission, l’intention de se suicider, ce qui n’était le cas d’aucun des hommes. De même, 35  % des femmes, contre seulement 4 % des hommes, présentaient des signes de dépression. On a également noté des différences significatives entre les sexes relativement à trois autres indicateurs, qui portaient respectivement sur les interventions psychologiques ou psychiatriques récentes, sur la séparation ou la perte d’un proche subie récemment et sur les problèmes d’ordre juridique causant de graves soucis.

Identification et analyse des besoins des détenus (IABD)

Ce second volet de l’évaluation initiale vise à définir les besoins criminogènes. Plus précisément, cela consiste à examiner une grande variété de caractéristiques liées à la personnalité et aux conditions de vie; les données sont groupées en sept catégories de besoins, comportant chacune de multiple indicateurs : emploi (35 indicateurs), relations matrimoniales/familiales (31 indicateurs), interaction sociale (11 indicateurs), toxicomanie (29 indicateurs), fonctionnement dans la collectivité (21 indicateurs), orientation personnelle/affective (46 indicateurs) et attitude générale (24 indicateurs). Les délinquants sont évalués dans chaque domaine suivant une échelle à quatre points qui correspondent au niveau des besoins : « élément de succès en vue de la réinsertion sociale » (ne s’applique pas à la toxicomanie, ni à l’orientation personnelle/affective), « aucun besoin d’amélioration », « besoin modéré d’amélioration », « besoin manifeste d’amélioration »).

Pour les besoins de la présente étude, on a dichotomisé les résultats obtenus dans chacun des sept domaines selon qu’ils indiquaient la présence ou l’absence d’un besoin chez les détenus à sécurité maximale. Ces données étaient disponibles pour les 54 sujets de sexe masculin et 37 des sujets de sexe féminin. Dans l’ensemble, elles indiquent que la majorité des détenus à sécurité maximale ont des difficultés dans chaque domaine considéré. La situation de l’emploi était particulièrement problématique dans les deux groupes, soit pour 97 % des femmes et 91 % des hommes. Les relations matrimoniales/familiales est la seule catégorie de besoins où l’on a noté des différences significatives selon le sexe, les femmes ayant nettement plus de problèmes que les hommes dans ce domaine. Les résultats sont présentés au tableau 3.

Tableau 3 Besoins des détenus à sécurité maximale des deux sexes à l’admission

Catégorie de besoins Hommes (n = 54 Femmes (n = 37)
Emploi 90.7% 97.2%
Rel. matrimoniales/familiales * 79.6 % 94.4 %
Interaction sociale 87.0 % 86.1 %
Toxicomanie 87.0 % 86.1 %
Fonctionnement collectivité 81.5 % 94.4 %
Orientation personnelle/affective 96.3 % 97.2 %
Attitude générale 83.3 % 75.0 %

Nota : *p< .05

L’évaluation générale des besoins dans chaque domaine était disponible pour tous les sujets de l’échantillon, mais les données relatives aux indicateurs correspondant à chaque domaine n’étaient disponibles que pour 24 femmes et 23 hommes à sécurité maximale. L’étude comparative de ces indicateurs par catégorie de besoins a donné certains résultats intéressants.

On a noté peu de différences dans le domaine de l’emploi, peut-être à cause des difficultés communément rencontrées dans ce domaine. L’analyse des résultats individuels révèle des différences significatives pour seulement 5 des 35 indicateurs des besoins. La principale différence est liée à l’indicateur « insatisfait de la spécialité, du métier ou de la profession », qui caractérisait 83 % des femmes, contre seulement 36 % des hommes (p<.001). D’autre part, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d’être mal rémunérées (36 % contre 9 %) et d’avoir des difficultés d’apprentissage (58 % contre 24 %). Il est intéressant de constater qu’en dépit de cela, les hommes étaient nettement plus susceptibles que les femmes d’avoir de la difficulté à satisfaire aux exigences liées à la charge de travail (17 % contre 0 %) et d’être licenciés (39 % contre 13 %).

Trois des indicateurs des besoins touchant les relations matrimoniales/familiales ont révélé que les femmes avaient plus de problèmes dans ce domaine. C’est sur le chapitre de la violence conjugale que l’on note la différence la plus significative, ce qui n’a rien de surprenant : 65 % des détenues à sécurité maximale (contre seulement 13 % de leurs homologues de sexe masculin) ont signalé qu’elles avaient été victimes de violence conjugale. En outre, près de 70 % des femmes de l’échantillon avaient des problèmes de communication dans leur relation de couple, contre seulement 30 % des hommes. Enfin, les femmes étaient nettement plus nombreuses que les hommes à avoir connu des problèmes familiaux dans l’enfance (55 % et 18 %, respectivement).

Sur le chapitre de l’interaction sociale, les détenues à sécurité maximale étaient nettement plus susceptibles que leurs homologues de sexe masculin d’avoir des problèmes (48 % et 13 %, respectivement). Par contre, beaucoup plus d’hommes (41 %) que de femmes (9 %) avaient un comportement de « persécuteur » dans leurs relations interpersonnelles. Un dernier indicateur dans ce domaine, « a été affilié à une bande », révélait des différences significatives entre les sexes : 32 % des hommes avaient eu ce genre de fréquentation, contre seulement 8 % des femmes.

En dépit du fait qu’aucune différence globale n’a été notée dans le domaine de la toxicomanie, l’analyse des indicateurs a révélé des écarts significatifs concernant 10 des 29 indicateurs. En outre, dans chaque cas, les détenues à sécurité maximale avaient nettement plus de difficultés que leurs homologues de sexe masculin. L’examen des principaux indicateurs a également montré que les différences entre les sexes étaient plus nombreuses sur le chapitre de l’usage de drogues que sur celui de la consommation d’alcool. Par exemple, les femmes étaient nettement plus susceptibles d’avoir commencé tôt à prendre des drogues, et à en user pour se libérer du stress. De plus, l’usage de drogues leur causait plus souvent des problèmes dans d’autres domaines tels que l’emploi, les relations matrimoniales/familiales, les relations sociales et la santé. En fait, pas moins de 61 % des détenues à sécurité maximale avaient suivi antérieurement un traitement pour toxicomanes, contre seulement 22 % des hommes.

On a noté qu’en général, les détenus à sécurité maximale avaient beaucoup de problèmes de fonctionnement dans la collectivité. Presque toutes les femmes de l’échantillon (96 %) et 68 % des hommes avaient eu recours aux services sociaux avant leur incarcération. L’indicateur des loisirs a révélé des différences significatives entre les sexes : les hommes étaient moins susceptibles que les femmes d’avoir des passe-temps ou de participer à des activités organisées. Par contre, les femmes avaient davantage de problèmes en matière de logement et de finances. Plus précisément, 71 % des femmes (contre 39 % des hommes) avaient connu des changements fréquents de logement et plus de 90 % d’entre elles ne pouvaient obtenir de crédit et ne disposaient de biens à donner en nantissement. Ces différences étaient statistiquement significatives.

L’examen des indicateurs relatifs à l’orientation personnelle/affective, dans le cas des détenus à sécurité maximale des deux sexes, a donné des résultats comparables à ceux qui ont été évoqués plus haut. Plus précisément, les hommes avaient nettement plus de problèmes liés aux aptitudes cognitives et au concept de soi, tandis que les femmes avaient plus de problèmes de santé mentale et physique nécessitant des interventions. Les hommes avaient des problèmes liés à l’apparence physique, à l’appartenance ethnique et à l’affiliation à une bande. Ils étaient également plus susceptibles d’être indifférents aux autres, d’être inconscients des autres, d’avoir l’esprit étroit, d’être impulsifs et d’être incapables de reconnaître leurs problèmes, de comprendre ce que ressentent les autres. Pour leur part, les femmes avaient plus de difficultés liées à l’affirmation de soi, et étaient plus susceptibles de prendre des médicaments sur ordonnance et d’avoir reçu des soins de santé (consultations externes). Enfin, elles étaient nettement plus nombreuses à avoir participé récemment à un programme de santé mentale (depuis leur admission).

Sur le chapitre de l’attitude générale, seulement deux des indicateurs ont révélé des différences significatives entre les sexes. Dans les deux cas, les besoins étaient plus importants chez les détenus à sécurité maximale que chez leurs homologues de sexe féminin. Dix-sept pour cent des hommes (mais aucune des femmes) jugeaient que les relations conjugales/familiales n’avaient pas de valeur. De même, 18 % des hommes (mais aucune des femmes) avaient une attitude négative à l’endroit des personnes âgées.

Niveau du risque/niveau des besoins

À l’admission, on procède à l’évaluation générale des besoins de chaque détenu (qui sont jugés « faibles », « moyens » ou « élevés »). Comme dans le cas de l’évaluation du risque criminel (niveau de risque général), les résultats indiquent que les besoins des détenus à sécurité maximale des deux sexes ont été jugés « élevés » dans la majorité des cas (soit 86 % des femmes et 83 % des hommes), ou « moyens » dans les autres cas.

L’évaluation initiale des détenus fournit un profil du risque et des besoins aux fins du placement en établissement, de la gestion des cas et de la surveillance. Le tableau 4 illustre la répartition des détenus à sécurité maximale des deux sexes selon le niveau du risque et des besoins.

Tableau 4 Répartition des détenus à sécurité maximale des deux sexes selon le niveau du risque et des besoins

  Hommes Femmes
NIVEAU DU RISQUE/ DES BESOINS (54) % (35) %
Risque moyen/besoins moyens 5 9.3 % 4 11.4 %
Risque moyen/besoins élevés 5 9.3 % 4 11.4 %
Sous-total 10 18.6% 8 22.8%
Risque élevé/besoins moyens 4 7.4 % 1 2.9 %
Risque élevé/besoins élevés 40 74.1 % 26 74.3 %
Sous-total 44 81.5 % 27 77.2 %

Conclusions

La présente étude visait à examiner les différences entre les sexes sur les plans du risque (sécurité et évasion), des besoins criminogènes et des tendances suicidaires à l’admission. On a comparé les détenus à sécurité maximale des deux sexes, à l’aide de toutes les données disponibles sur les femmes dans le système EID. Pour les besoins des analyses comparatives, on a constitué un échantillon d’hommes à sécurité maximale sélectionnés au hasard.

On s’est heurté à certains problèmes logistiques en limitant cette étude aux seuls détenus à sécurité maximale des deux sexes. Premièrement, la proportion extrêmement importante de cas aux besoins élevés (sur la foi des indicateurs) contribue à réduire la probabilité d’une différence statistiquement significative entre les sexes. Deuxièmement, les résultats tirés des indicateurs doivent nécessairement être interprétés avec circonspection, la taille des cellules étant très petites pour les deux groupes.

Malgré ces limites, les analyses ont démontré que le risque était aussi élevé, et les besoins aussi importants, sinon plus, chez les détenues à sécurité maximale que chez leurs homologues de sexe masculin. L’évaluation du risque criminel n’a révélé aucune différence entre les sexes quant aux variables liées aux antécédents criminels, si ce n’est en ce qui a trait aux infractions sexuelles. L’évaluation générale des besoins dans les sept domaines considérés n’a pas révélé non plus de différences significatives, si ce n’est que les femmes de l’échantillon étaient plus vulnérables que les hommes sur le plan des relations matrimoniales/familiales.

L’examen des divers indicateurs des besoins a révélé que les femmes avaient davantage de difficultés liées à la toxicomanie et au fonctionnement dans la collectivité. En fait, selon tous les indicateurs révélateurs de différences en matière de toxicomanie, les femmes avaient davantage de problèmes que les hommes. Pour ce qui est de l’orientation personnelle/affective, les hommes avaient davantage de besoins sur le plan des aptitudes cognitives, tandis que les femmes avaient plus de problèmes de santé mentale et physique.

Enfin, les différences constatées entre les sexes sur le plan des tendances suicidaires étaient marquées : il en ressort que les femmes sont manifestement plus susceptibles de s’automutiler ou de tenter de se suicider. Des recherches menées récemment sur les liens entre automutilation et récidive et récidive avec violence chez les femmes confirment l’importance de cette constatation (Bonta, Pang et Wallace-Capretta, 1990; Blanchette et Motiuk, 1995).

Considérés globalement, ces résultats préliminaires indiquent incontestablement que les détenues à sécurité maximale constituent un groupe à risque élevé et aux besoins élevés. Elles ont surtout des problèmes dans les domaines des relations matrimoniales/familiales et de la toxicomanie (abus de drogues, principalement). En outre, le fait que la majorité d’entre elles aient déjà tenté de se suicider indique qu’elles sont mal armées pour surmonter les difficultés de l’existence. Plus précisément, les conflits conjugaux ou familiaux contribuent peut-être à perpétuer les problèmes de toxicomanie et à accroître le risque d’automutilation chez les détenues à risque élevé.

À mesure que de nouvelles données EID seront disponibles par le canal du Système de gestion des détenus, les recherches se poursuivront, qui permettront peut-être de corroborer ces premières conclusions. La présente étude donne des éléments d’information préliminaires sur la population des détenus à sécurité maximale à risque élevé et aux besoins élevés, particulièrement sur les femmes. Si ces premiers résultats sont confirmés plus tard, on pourra s’en servir pour explorer plus avant la nature exacte des différences constatées entre les sexes, et pour mieux adapter les stratégies de traitement au profil du risque et des besoins propre aux détenues à sécurité maximale.

Bibliographie

Blanchette, K., & Motiuk, L.L. (1995). Female Offender Risk Assessment: The Case Management Strategies Approach. Paper presented at the Annual Convention of the Canadian Psychological Association, Charlottetown, P.E.I..

Bonta, J., Pang, B., & Wallace-Capretta, S. (1995). Predictors of recidivism among incarcerated female offenders. The Prison Journal, 75 (3), 227-293.

Luciani, F., Motiuk, L.L., & Nafekh, M. (1996). An Operational Review of the Custody Rating Scale: Reliability, Validity, and Practical Utility. Research Report #R-47. Ottawa: Correctional Service Canada.

Shaw, M., & Dubois, S. (1995). Understanding Violence by Women: A Review of the Literature. Ottawa: Correctional Service Canada.