Possibilités de justice réparatrice - Services de médiation entre la victime et le délinquant 2016-2017, Résultats correctionnels des rencontres en personnes
Contexte
L'Unité de la justice réparatrice du Service correctionnel du Canada (SCC) offre un mécanisme sûr et constructif qui permet aux victimes et aux délinquants de communiquer entre eux et de réparer les torts causés par les crimes graves. Pour cela, on utilise le programme Possibilités de justice réparatrice, déployé à l'échelle du pays.
Initialement, le personnel en établissement ciblait les délinquants pouvant participer au programme et était à l'origine de la grande majorité des demandes reçues. Toutefois, on a observé une augmentation importante du nombre de demandes provenant des victimes.
La médiation entre la victime et le délinquant (MVD) est un processus de réparation crucial qui permet de répondre aux besoins de tous les participants, tout en contribuant à la sécurité publique et à la prévention de la criminalité. Il s'agit d'une initiative financée par le SCC qui vise la réinsertion sociale en toute sécurité des délinquants, en veillant à ce qu'ils soient sensibilisés aux coûts humains infligés aux victimes de leur crime et à ce qu'ils réparent le tort qu'ils ont fait et certains des dommages causés, selon une entente entre eux et les victimes. C'est une étape essentielle de la guérison des victimes que de voir ceux qui sont directement concernés répondre à leurs questions et à leurs besoins.
Toutes les demandes sont soigneusement évaluées afin d'établir l'opportunité de l'intervention et l'état de préparation des participants à communiquer entre eux. Certaines demandes sont rejetées si l'autre partie n'est pas accessible ou ne souhaite pas participer au processus ou si la motivation de l'une ou l'autre partie est jugée inappropriée pour la participation au programme. Dans d'autres cas, on a recours aux communications indirectes : intermédiaire qui fait la navette, échange de lettres ou de bandes vidéo. Enfin, il arrive parfois que le traitement de la demande soit reporté à plus tard afin de permettre une meilleure préparation des parties.
Dans le présent rapport, on examine les demandes de médiation entre la victime et le délinquant, les services fournis par le programme Possibilités de justice réparatrice et les résultats correctionnels obtenus par 246 délinquants qui ont pris part à une rencontre de MVD en personne entre 1992 et le 31 mars 2017. On s'est appuyé sur une analyse des données fournies, en corrélation avec les données extraites du Système de gestion des délinquant(e)s (SGD), pour vérifier le statut des délinquants et leur dossier criminel après leur participation à la MVD.
Même si les effets de la participation aux rencontres en personne des victimes et des délinquants sur le plan personnel ne sont pas abordés dans ce rapport, on y trouve des citations d'anciens participants faisant état d'une grande satisfaction. Les commentaires proviennent des questionnaires de rétroaction du programme Possibilités de justice réparatrice que les victimes et délinquants ont remplis lorsque le dossier a été clos et qui ont été transmis directement à l'Unité de la justice réparatrice, à l'administration centrale du SCC.
Une évaluation qualitative effectuée en 1995 fait état d'un haut niveau de satisfaction chez les victimes et les délinquants. Les victimes signalent une meilleure maîtrise de leur sécurité et de leur vie, et affirment que le processus leur permet de tourner la page. Les délinquants parlent d'épanouissement personnel et déclarent être plus disposés à s'occuper de leurs facteurs criminogènes. Les employés interviewés ont confirmé que les délinquants sont davantage motivés à participer activement à la réalisation de leur plan correctionnel.
De plus, Rugge (2006) a examiné les effets de la participation sur la santé physique et psychologique des participants. On a remarqué que les victimes et les délinquants présentaient des résultats positifs durant leur participation au programme, par rapport à la grille d'évaluation de l'état de santé physique et à la grille d'évaluation de l'état de santé psychologique (avant et après). On a constaté une différence positive importante entre les participants qui ont assisté à une rencontre en personne entre la victime et le délinquant et ceux qui ne l'ont pas fait.
En mai 2013, une Analyse préliminaire de l'incidence du programme Possibilités de justice réparatrice a été réalisée par la Direction de la recherche du SCC. Elle révèle que le programme semble prometteur pour réduire la récidive. La tendance indique qu'un an après leur mise en liberté, les délinquants ayant participé aux rencontres en personne étaient moins souvent réincarcérés, malgré un potentiel de réinsertion sociale et des taux de motivation plus faibles.
À la suite de l'analyse préliminaire, la Direction de la recherche a mené une Analyse préliminaire de l'incidence du programme Possibilités de justice réparatrice sur les taux de révocation. Les résultats de l'étude confirment les avantages de la participation au programme Possibilités de justice réparatrice (PJR), particulièrement lorsque les rencontres sont tenues dans la collectivité. Selon les résultats, la participation au programme PJR pendant l'incarcération peut également donner lieu à une réduction des taux de révocation au fil du temps.
Statistiques relatives aux demandes
Demandes annuelles, 1998-2017
Les personnes qui ont subi des torts et qui désirent communiquer avec le délinquant responsable des torts qu'elles ont subis peuvent participer au programme PJR. Depuis 1992, le programme reçoit les demandes des victimes directement ou par l'intermédiaire de représentants agissant au nom des victimes inscrites. Les délinquants sous responsabilité fédérale qui purgent leur peine au Service correctionnel du Canada et qui assument la responsabilité de leurs actes peuvent informer un membre du personnel de leur désir de participer au programme. Dans le présent rapport, ces demandes sont appelées « demandes provenant de l'établissement ».
Même si le service de médiation entre la victime et le délinquant (MVD) est disponible depuis 1992, le graphique ci-dessous montre les demandes reçues depuis 1998. Entre 1992 et 1997, la collecte de données sur les demandes reçues n'était pas uniformisée et les demandes de MVD n'étaient pas enregistrées.
Demandes annuelles, 1997-2017
Ce diagramme à colonnes montre une augmentation continue du nombre d'aiguillages entre 1998 et 2017. La première colonne représente l'exercice 1997-1998, au cours duquel on a enregistré 7 aiguillages, et la dernière, l'exercice 2016-2017, au cours duquel on a enregistré 149 aiguillages. Le diagramme montre également que 2010-2011 a été l'année où le nombre d'aiguillages a été le plus élevé (201 aiguillages).
Le nombre de demandes reçues durant l'exercice 2010-2011 demeure le plus élevé depuis la création du programme PJR. Des présentations et les séances d'information sur le programme organisées de 2007-2008 à 2010-2011 ont donné lieu à une augmentation du nombre de demandes, tandis que les années où l'Unité de justice réparatrice n'a pas pu organiser ces présentations indiquent le contraire. La légère hausse en 2015-2016 est peut-être attribuable à l'entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits des victimes, qui donne aux victimes le droit d'obtenir des renseignements sur les programmes de justice réparatrice.
Provenance des demandes, 1992-2017
Demandes provenant des victimes | 707 |
---|---|
Demandes provenant de l'établissement | 1 251 |
Autre/inconnuNote de bas de page 1 | 221 |
Total | 2 179 |
Le nombre de demandes provenant des établissements continue de dépasser le nombre des demandes provenant des victimes. La région du Québec est la seule région où les demandes des victimes dépassent celles des établissements. C'est dans la région du Pacifique que le nombre de demandes provenant des établissements est le plus élevé.
Aperçu régional, 1992-2017
La région du Pacifique offre les services de MVD depuis plus longtemps que les quatre autres régions, ce qui explique pourquoi elle compte le nombre de cas le plus élevé.
Aperçu régional, 1992-2017
Ce diagramme circulaire comporte cinq sections qui représentent les cinq régions (Atlantique, Québec, Ontario, Prairies et Pacifique) et montre le nombre d'aiguillages à ce jour pour chacune de ces régions. La région du Pacifique a enregistré le plus grand nombre d'aiguillages, soit 787. La plus petite section du diagramme représente la région de l'Atlantique, avec 157 aiguillages. La région du Québec a enregistré 275 aiguillages, la région de l'Ontario, 576, et la région des Prairies, 376.
Services de médiation entre les victimes et les délinquants, exercice 2016-2017
Types de dialogues organisés en 2016-2017
Le programme de justice réparatrice (JR) offre des services de médiation entre les victimes et les délinquants faisant intervenir différents processus de JR ou types de dialogues. Ceux-ci varient selon les besoins des participants. Il peut s'agir de rencontres en personne, de correspondance, de cercles de discussion ou d'échanges de messages vidéo. Le médiateur peut également relayer des messages entre les deux participants (médiation « navette »). Pendant l'exercice 2016-2017, les médiateurs du programme de justice réparatrice ont organisé principalement des échanges de lettres et des rencontres en personne.
Types de dialogues organisés en 2016-2017
Ce diagramme compte quatre colonnes qui représentent chacune un type de dialogue entre les victimes et les délinquants, et au centre, on peut voir le nombre de séances animées en 2016-2017. Voici les résultats : rencontres en personne (19), correspondances (45), médiation navette (8) et message vidéo (2).
Rencontres en personne, 1992-2017
Rencontres en personne, par année
Entre 1992 et le 31 mars 2017, 246 délinquants ont participé à 397 rencontres en personne.
Rencontres en personne, par année - 1992-2017
Ce diagramme en colonnes montre le nombre de rencontres en personne entre les victimes et les délinquants pour chaque exercice entre 1991-1992 et 2016-2017. Le nombre le moins élevé (3) a été enregistré en 1991-1992, et le nombre le plus élevé (28) a été enregistré en 2012-2013 et en 2013-2014.
Nombre de rencontres en personne, par délinquant
Sur 246 délinquants :
1 rencontre | 2 rencontres | 3 rencontres | 4 rencontres | 5 rencontres | 6 rencontres et plus |
---|---|---|---|---|---|
159 ( %) | 51 ( %) | 12 ( %) | 6 ( %) | 3 (2 %) | 5 (2 %) |
Aperçu des délinquants participants
Âge
- L'âge des délinquants qui ont participé à une MVD en personne au moment de leur infraction variait de 15 à 77 ans, et la moyenne était de 30 ans.
- Au moment de leur première rencontre en personne, ils étaient âgés de 19 à 85 ans, et la moyenne était de 41 ans.
Le délai entre l'infraction et la MVD en personne variait de 10 mois à 44 ans, et le délai moyen était de 11 ans.
État matrimonial
- 44 % des délinquants participants étaient célibataires au moment de la MVD.
- 29 % étaient mariés ou conjoints de fait.
- 21 % étaient séparés ou divorcés.
- 4 % étaient veufs.
- Pour 1 %, l'état matrimonial était inconnu.
Sexe
- 94 % des délinquants participants étaient des hommes et 6 % étaient des femmes.
- Ces proportions sont semblables à celles de la population générale des délinquants purgeant une peine de ressort fédéral :
Statut des délinquants sous responsabilité fédérale | Femmes | % | Homme | % | Total |
---|---|---|---|---|---|
Incarcérés et en liberté | 1 331 | 5,78 | 21 714 | 94,2 | 23 045Note de bas de page 2 |
Représentation autochtone
Dix-sept pour cent (17 %) des participants étaient d'origine autochtone. Ce taux de représentation est inférieur à celui des Autochtones dans la population carcérale purgeant une peine de ressort fédéral, qui s'élève à 23 %Note de bas de page 3.
Confession religieuse
Les participants appartiennent à divers groupes religieux et spirituels. Par exemple, des 246 participants mentionnés dans le présent rapport, 60 sont catholiques, 49 sont protestants, 10 pratiquent la spiritualité autochtone, 5 sont musulmans et 59 n'appartiennent à aucune religion ni à aucun système de croyances.
Risque et besoins
Chez les délinquants dont le risque et les besoins ont été évalués à l'admission, la majorité présentait un risque élevé et des besoins moyens.
Risque | Besoins |
---|---|
53 % : risque élevé | 41 % : besoins élevés |
37 % : risque moyen | 48 % : besoins moyens |
10 % : risque faible | 11 % : besoins faibles |
Infractions à l'origine de la peine
Type d'infraction
Voici les types d'infractions ayant donné lieu à des rencontres de MVD :
- Meurtres, homicides involontaires coupables ou tentatives de meurtre : 50 %
- Infractions sexuelles : 27 %
- Vols qualifiés ou introductions par effraction : 8 %
- Infractions relatives à la conduite d'un véhicule ayant causé la mort : 5 %
- Voies de fait : 4 %
- Négligence criminelle ayant causé la mort : 3 %
- Enlèvement et séquestration : 1 %
- Menaces et harcèlement criminel : 1 %
Cela est comparable aux pourcentages des types d'infractions pour lesquelles les victimes s'inscrivent auprès du SCC; plus particulièrement en ce qui concerne les deux premiers types d'infractions énumérés ci-dessus.
Statistiques relatives aux mises en liberté sous condition réussies
Statut du participant au moment de la rencontre en personne
Statut du participant au moment de la rencontre en personne
Le diagramme circulaire contient trois sections qui illustrent le statut des délinquants libérés sous condition au moment de la rencontre en personne, et démontre que 175 étaient incarcérés, que 63 étaient sous surveillance et que huit avaient purgé leur peine.
Statut actuel des délinquants participants
Sur les 246 délinquants ayant participé à des rencontres, 75 sont incarcérés à l'heure actuelle, 162 ont atteint la date d'expiration de leur mandat ou ont obtenu une mise en liberté, 3 ont été expulsés du pays et 6 sont décédés.
Parmi les 246 délinquants :
Peine purgée | Incarcérés | Surveillés | Décédés | Expulsés |
---|---|---|---|---|
108 (44 %) | 75 (31 %) | 54 (22 %) | 6 (2 %) | 3 (1 %) |
Délai de mise en liberté après la rencontre de MVD
Sur les 176 délinquants qui étaient incarcérés et admissibles à une mise en liberté au moment de la médiation entre la victime et le délinquant, 109 ont éventuellement été mis en liberté.
- 21 % (n = 28) ont été mis en liberté un an ou moins avant leur prochaine date d'admissibilité;
- 42 % (n = 51) ont été mis en liberté 2 ans ou moins avant leur prochaine date d'admissibilité;
- 67 % (n = 74) ont été mis en liberté 3 ans ou moins avant leur prochaine date d'admissibilité;
- 78 % (n = 85) ont été mis en liberté 4 ans ou moins avant leur prochaine date d'admissibilité;
- 80 % (n = 88) ont été mis en liberté 5 ans ou moins avant leur prochaine date d'admissibilité.
La majorité de ces délinquants ont obtenu une semi-liberté (n = 59) et une libération d'office (n = 41).
Récidive après une MVD en personne
Récidive
Parmi les 180 délinquants qui étaient en liberté lorsqu'ils ont participé à une MVD en personne ou qui ont été mis en liberté par la suite :
- 97 % n'avaient pas récidivé un an après la rencontre en personne;
- 87 % n'avaient pas récidivé 5 ans après la rencontre en personne;
- après 10 ans, 86 % n'avaient pas récidivé.
Infractions commises après la MVD
Sur les 246 délinquants qui ont participé à des rencontres en personne (cela inclut tous les délinquants depuis 1992 qui étaient en liberté au moment de ces rencontres, ceux qui ont été mis en liberté par la suite et ceux qui étaient incarcérés à la date de publication du présent rapport) :
- 220 délinquants (89 %) n'avaient pas commis de nouvelle infraction;
- 26 délinquants (11 %) avaient commis une nouvelle infraction.
Type d'infractions commises après la MVD
Parmi les 26 délinquants qui ont commis une nouvelle infraction après la MVD :
- 7 ont été accusés de vol qualifié comme infraction principale;
- 2 ont été accusés d'agression sexuelle comme infraction principale;
- 6 ont été accusés de voies de fait;
- 2 ont été accusés de harcèlement criminel;
- 2 ont été accusés d'introductions par effraction;
- 1 ont été accusés de possession d'une substance en vue d'en faire le trafic;
- 1 ont été accusés en vertu d'une loi provinciale;
- 1 ont été accusés de possession d'une arme à feu à autorisation restreinte;
- 1 ont été accusés d'enlèvement;
- 1 ont été accusés d'action indécente avec l'intention d'insulter quelqu'un.
Soulignons que parmi les nouvelles accusations, 18 (69 %) visaient des infractions moins graves que les infractions ayant donné lieu aux demandes de médiation.
Commentaires des participants
Les victimes et les délinquants fournissent des commentaires sur l'expérience qu'ils ont vécue dans le cadre du programme Possibilités de justice réparatrice. Dans l'ensemble, les participants se disent très satisfaits. Ils ont reçu un grand soutien des médiateurs, dont ils soulignent le professionnalisme, l'honnêteté et le dévouement. Les victimes ont indiqué que le processus a répondu à leurs attentes (voire les avait dépassées), qu'il a favorisé leur guérison et qu'il leur a permis de tourner la page. Un grand nombre de délinquants ont dit qu'ils ressentaient plus d'empathie pour leur victime et qu'ils appréciaient la compassion dont les médiateurs avaient fait preuve à leur égard.
[Traduction]
« Mes attentes ont été entièrement comblées. Je suis maintenant pleinement en mesure de comprendre ce que la fille cadette de ma victime a vécu après le meurtre de sa mère… Je crois avoir pu en apprendre davantage sur ma victime. Elle était un être humain et non pas seulement une victime. » [délinquant]
« Cette expérience a transformé ma vie. Impossible pour moi d'envisager un processus plus difficile et plus enrichissant dans le passé ou le futur. » [victime]
« Je remercie sincèrement Dieu pour [les médiateurs] et pour avoir amené toute cette expérience à un niveau humain très fragile. [Ça a] dépassé le niveau des 'personnes s'acquittant de leurs tâches'. » [victime]
« Cela m'a beaucoup aidé à évoluer dans la bonne direction et a renforcé chez moi la détermination de m'amender et de devenir une meilleure personne. J'ai fini par regarder la mère de ma victime comme l'une des personnes que je ne dois pas décevoir en ce qui concerne mes mœurs et mon comportement pendant ... mon incarcération." [délinquant]
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