COMITÉ D’ENQUÊTE SUR L’ÉMEUTE AU PÉNITENCIER DE LA SASKATCHEWAN
Résumé de la situation
L’émeute au Pénitencier de la Saskatchewan a commencé le mercredi 14 décembre 2016, à 13 h.
Des détenus de l’unité à sécurité moyenne ont refusé de se rendre au travail et, par la suite, de réintégrer leurs cellules. Dans un secteur de l’établissement, des détenus ont détruit des biens du gouvernement, barricadé les barrières de rangée, se sont munis d’armes et de boucliers et ont couvert leur visage. D’autres détenus ont mentionné qu’ils ont eu peur que les détenus qui avaient commencé à causer des dommages s’en prennent à eux s’ils ne participaient pas, ce qui a amplifié l’émeute.
En accord avec les dispositions du Code criminel du Canada, le sous-directeur a lu la proclamation en cas d’émeute à l’interphone qui diffuse dans l’ensemble de l’établissement : « Sa Majesté la Reine enjoint et commande à tous ceux qui sont ici réunis de se disperser immédiatement et de retourner paisiblement à leurs demeures ou à leurs occupations légitimes, sous peine d’être coupable d’une infraction pour laquelle, sur déclaration de culpabilité, ils peuvent être condamnés à l’emprisonnement à perpétuité. QUE DIEU PROTÈGE LA REINE. »
La proclamation n’a eu aucun effet dans cinq rangées, mais les détenus d’une autre rangée ont réintégré leurs cellules et n’ont pas participé à l’émeute parce qu’un des détenus connaissait la proclamation et les conséquences que prévoit le Code criminel, notamment l’imposition de peines supplémentaires variant entre deux ans et la prison à perpétuité. À 19 h 25, l’équipe d’intervention d’urgence avait sécurisé l’établissement.
Pendant l’émeute, trois détenus ont été agressés par d’autres détenus. L’un d’entre eux, dont les blessures étaient importantes, est par la suite décédé, et les deux autres ont subi des lésions corporelles graves. Au total, 131 des 475 détenus ayant la cote de sécurité moyenne (27,5 %) de cinq rangées ont participé à l’émeute et les dommages ont été estimés à 3,5 millions de dollars. Sur les 21 détenus identifiés comme étant les délinquants principaux, 16 ont fait l’objet d’un transfèrement non sollicité vers un établissement à sécurité maximale. Des accusations d’infractions disciplinaires et criminelles ont été portées contre plusieurs des détenus principaux.
À l’époque de l’émeute, il y avait 475 délinquants sous garde au Pénitencier de la Saskatchewan, un établissement à sécurité moyenne. L’âge moyen de la population était de 35 ans. Environ 30 % des détenus étaient identifiés comme étant affiliés à un groupe menaçant la sécurité, 72 % purgeaient une peine pour un crime violent, 60 % avaient une cote de risque élevé et 66 % étaient identifiés comme ayant des besoins élevés. À ce moment, 77 % des détenus étaient inscrits à des programmes pour combler des besoins liés à des facteurs criminogènes, comme un comportement violent, des attitudes antisociales, la toxicomanie, l’éducation et l’emploi.
Il existe diverses théories sur les émeutes en milieu carcéral et sur leurs causes. Le Comité d’enquête a constaté que l’émeute concordait avec les résultats de travaux de recherche laissant croire qu’elle était le produit de la conjonction de plusieurs facteurs. Même si ces conditions préalables n’ont pas causé l’émeute, l’apparition d’un événement catalyseur peut l’avoir déclenchée. Le Comité a répertorié les facteurs situationnels ci-dessous qui peuvent avoir créé un environnement propice à une émeute :
- problèmes liés au travail et à l’alimentation;
- négociations et consultations en cours entre des représentants des détenus, le personnel de la cuisine et la direction de l’établissement;
- le caractère récent des modifications au sein de l’équipe de direction de l’établissement; et
- la présence parmi les détenus, d’une personnalité influente qui avait des antécédents d’encourager d’autres détenus à agir violement.
Malgré les mesures prises afin de régler une partie de ces problèmes, la conjonction de ces nombreux facteurs peut avoir créé les conditions propices à l’émeute.
Les arrêts de travail à la cuisine sont peut-être l’événement catalyseur qui pourrait avoir déclenché l’émeute. Peu après une série d’arrêts de travail, des détenus dans l’ensemble de l’établissement ont refusé d’aller travailler dans ce qui a été décrit comme une manifestation pacifique à l’appui des travailleurs de la cuisine. Toutefois, durant le refus de travailler, des détenus de certaines rangées ont aussi refusé de réintégrer leur cellule. Ce comportement s’est aggravé au point où une émeute a commencé dans ces rangées, puis s’est répandue à d’autres rangées où les détenus refusaient aussi de réintégrer leur cellule.
Le décès qui en a résulté et les blessures graves subies par des détenus ont été un dénouement tragique de l’émeute. Malgré les efforts déployés pour régler individuellement les problèmes avant l’émeute, il y a des leçons à en tirer. En particulier, au moment d’évaluer le climat d’un établissement afin de déterminer les vulnérabilités et les risques potentiels, il faudrait prendre en compte la façon dont plusieurs facteurs peuvent se recouper et être exploités par des instigateurs comme un déclencheur de violence collective.
L’enquête a aussi montré que des détenus qui connaissaient les conséquences de la participation à une émeute ont réintégré leur cellule et n’ont pas participé. Par conséquent, le Comité d’enquête a recommandé que tous les détenus connaissent et comprennent parfaitement la signification de la proclamation en cas d’émeute et qu’ils soient conscients des conséquences de ne pas obtempérer à la proclamation après sa lecture, d’avoir fait obstacle à sa lecture ou d’avoir participé à une émeute.
Enfin, l’enquête a révélé qu’une fois l’émeute lancée, le personnel a fait preuve d’une approche bien coordonnée et concertée durant l’émeute et pendant les jours qui ont suivi. Comme le processus d’enquête sur l’incident joue un rôle essentiel pour garantir que le SCC respecte les principes de la responsabilité, de la reddition de comptes et de la transparence, cette enquête offre aussi au SCC l’occasion de réagir en prenant des mesures adaptées et efficaces pour aider à prévenir des incidents similaires.
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