Rapport final du comité d'examen indépendant sur les décès en établissement survenus en 2010-2011
Rapport final
Novembre 2012
Présenté par :
Dr Michael Weinrath, Président
Dre Tristin Wayte
Dr Julio Arboleda-Flórez
Remerciements
À titre de président du Comité indépendant, j'aimerais d'abord souligner l'excellent travail de Lynn Garrow, directrice générale, Direction des enquêtes sur les incidents, et de deux membres de son personnel, Michael Olotu et Julie Staples, qui ont effectué du recrutement pour le compte de notre Comité et lui ont fourni une orientation et un soutien. Ils ont donné une vue d'ensemble rigoureuse du projet, ont fait preuve de patience et de diligence en répondant à nos questions ou en nous fournissant des renseignements additionnels au besoin. En sa qualité de principale personne-ressource, M. Olotu a démontré son excellente connaissance de chaque cas et nous a aidés à déterminer la stratégie appropriée pour l'établissement de notre rapport. Les directeurs et le personnel du Centre psychiatrique régional, de l'Établissement de Matsqui, l'Établissement Mountain et l'Établissement de Kent, dans la région du Pacifique, ont été très accueillants pendant notre orientation initiale. Howard Sapers, enquêteur correctionnel, et son personnel défendent passionnément les intérêts des délinquants sous responsabilité fédérale, et ils nous ont beaucoup aidés en nous fournissant de l'information et un sommaire des questions importantes à leurs yeux et de leurs préoccupations à l'égard du Service correctionnel du Canada (SCC).
J'aimerais également souligner la contribution exceptionnelle de ma collègue, Dre Tristin Wayte. Grâce à ses efforts, notre rapport présente à la fois un portrait général de la situation et des pratiques particulières du domaine de la santé qui, selon nous, peuvent être utiles et appliquées efficacement en milieu correctionnel. Elle expose des stratégies productives du domaine de la santé visant à prévenir les décès et à composer plus efficacement avec leurs répercussions, et propose certaines méthodes que les organismes correctionnels peuvent utiliser pour les intégrer de façon efficace. Au fil des ans, bon nombre de progrès dans le domaine correctionnel ont été réalisés en s'appuyant sur des progrès dans d'autres domaines; ce processus est parfois appelé « transfert des connaissances ». À titre d'exemple, les communautés thérapeutiques, la théorie des étapes du changement et l'utilisation de médicaments psychopharmacologiques sont toutes des innovations découlant d'autres domaines comme la santé mentale, la toxicomanie et la psychiatrie. Nous croyons que les méthodologies recommandées par Dre Wayte, tirées entre autres du domaine de la santé, peuvent constituer une forme utile de transfert des connaissances et contribuer à l'amélioration des pratiques du SCC.
Je veux également souligner la contribution du troisième membre de notre Comité, Dr Julio Arboleda-Florez, même si sa participation a malheureusement été limitée en raison des déplacements nécessaires et d'autres engagements professionnels.
Enfin, au nom du Comité, j'aimerais remercier M. Don Head, commissaire du Service correctionnel du Canada, d'avoir amorcé ce processus. En effet, les demandes d'examen indépendant proviennent rarement des hauts fonctionnaires, en particulier lorsque ces examens risquent de se prolonger sur une longue période. Cela démontre bien la volonté du SCC d'améliorer ses pratiques et de continuer d'apprendre en tant qu'organisation.
Dr Michael Weinrath
Président, Comité d'examen indépendant sur les
décès survenus en établissement en 2010-2011
Sommaire
Le présent rapport constitue le deuxième examen annuel des décès en établissement fédéral par un Comité d'examen indépendant (CEI). Les membres du CEI ont été nommés par le commissaire du Service correctionnel du Canada. Les décès examinés dans le cadre du présent rapport ont tous eu lieu au cours de l'exercice 2010-2011 (d'avril à mars) et fait l'objet d'une enquête de la part de la Direction des enquêtes sur les incidents (DEI) du SCC, par l'entremise de comités d'enquête. Les décès sont classés selon les catégories suivantes : surdoses, suicides, décès de causes inconnues, homicides et décès attribuables aux interventions du personnel. Les décès de causes naturelles ne sont pas pris en compte aux fins du rapport. On s'attend à ce que le CEI examine les rapports des comités d'enquête, et tout autre document qu'il juge pertinent, afin d'évaluer le rendement du SCC. Le mandat du Comité est établi en neuf points, soit les suivants :
Le caractère approprié et adéquat des mesures correctives et des plans d'action de la direction pour donner suite à ces enquêtes
Pour cette section, le Comité indépendant a surtout examiné la grille du Comité de direction, qui permet d'effectuer le suivi des recommandations et des constatations des comités d'enquête ainsi que de veiller à ce que des réponses satisfaisantes soient reçues à l'échelle locale (c.-à-d. établissement) et régionale. Le caractère approprié des recommandations visant à régler les questions à l'étude et le caractère adéquat des réponses reçues à l'échelle locale et régionale ont été évalués par le Comité.
De plus, l'efficacité des recommandations du SCC a été cotée au moyen de la méthodologie empruntée aux organismes de soins de santé, c'est-à-dire l'échelle de la hiérarchie d'efficacité de l'Institut canadien pour la sécurité des patients (ICSP). Les évaluations fondées sur l'échelle de l'ICSP sont résumées au chapitre 9.
Une analyse des tendances relatives aux facteurs ayant contribué aux décès ou les ayant déclenchés
Dans cette section, nous avons bénéficié d'une latitude considérable pour relever toute tendance susceptible de contribuer, de façon importante ou en partie, au décès du détenu en cause. Il peut s'agir, entre autres, d'événements déclencheurs qui ont mené, immédiatement ou de façon proximale, à un décès, comme un conflit avec un membre du personnel ou un autre détenu, une mauvaise nouvelle annoncée par la famille, ou le refus d'attribuer une cote de sécurité d'un niveau moins élevé au détenu ou de lui accorder la libération conditionnelle. Il peut également s'agir de problèmes de longue date comme des problèmes de santé, de la toxicomanie ou des antécédents familiaux négatifs.
Une analyse des tendances relatives aux soins de santé mentale fournis aux détenus ayant des besoins à cet égard avant leur décès
Ici, nous avons mis l'accent sur les antécédents du détenu au chapitre de la santé mentale (p. ex., tentatives de suicide, automutilation, dépression et autres troubles). Nous avons également examiné les traitements plus récents, dont les plans et régimes de traitement en santé mentale, les médicaments, l'efficacité des traitements et le suivi.
Une analyse des tendances relatives aux pratiques de gestion de cas avant le décès des détenue
La gestion de cas englobe l'évaluation du travail du personnel lié à la planification de programmes, aux examens de la cote de sécurité et à la préparation de la mise en liberté. Nous avons également examiné le caractère adéquat des contacts avec les détenus, la production de rapports, la pertinence du respect des délais et la rigueur de la documentation.
Une analyse des tendances Relatives aux pratiques de sécurité, telles la présence du personnel et la surveillance des activités des détenus
Les agents de correction jouent un rôle crucial dans la prévention des décès par la prise de mesures de sécurité active et passive.
Une analyse des tendances relatives à la gestion des situations d'urgence et aux interventions dans les incidents de décès de détenus
Parmi les tendances préoccupantes relevées relativement aux interventions d'urgence, il y a le délai de réponse du personnel de correction lorsqu'il découvre un détenu en détresse et le caractère adéquat de l'intervention des agents de correction ou du personnel des Services de santé dans l'administration d'aide médicale.
Une évaluation de la communication entre les principaux intervenants durant les incidents
La connaissance des risques potentiels de surdose, de suicide ou de conflit menant à des actes de violence n'est pas très utile si elle n'est pas transmise aux autres membres du personnel de correction.
Une évaluation du soutien fourni aux employés et aux détenus prrès les incidents
Nous avons examiné si une séance d'aide après un stress causé par un incident critique a été offerte au personnel ou a été menée auprès de celui-ci, et pour déterminer les types de soutien qui ont été fournis aux détenus après l'incident.
Une vérification visant à déterminer di d'autres services correctionnels ailleurs dans le monde ont des pratiques à citer en exemple concernant les décès en établissement
Le CEI a examiné ce paramètre dans une perspective assez large, afin d'englober les pratiques exemplaires adoptées par d'autres services correctionnels et les recherches empiriques connexes, notamment dans les domaines des soins de santé et de la criminologie.
Introduction
Dans plusieurs rapports produits par le Bureau de l'enquêteur correctionnel (BEC), des préoccupations ont été soulevées quant à la façon dont le SCC a composé avec les cas de suicides survenus au cours des dernières années. Le BEC était insatisfait des efforts déployés pour faire de la prévention, de la qualité des enquêtes menées et des mesures prises après l'incident afin de réduire le risque que de nouveaux cas de suicides surviennent à l'avenir. Le cas d'Ashley Smith, résumé dans le rapport du BEC intitulé Une mort évitable, a donné lieu à des allégations selon lesquelles il y a d'importants problèmes systémiques à l'échelle du Service et une culture organisationnelle qui n'accorde pas une grande priorité à la préservation de la vie. Le commissaire du SCC a donné suite au rapport du BEC en désignant plusieurs priorités : sécurité active, amélioration des opérations de dénombrement et des patrouilles, normalisation des protocoles d'évaluation des risques de suicide, amélioration des services d'intervention auprès des détenus vulnérables, correction des lacunes dans l'infrastructure physique et amélioration des responsabilités de gestion au moyen d'un résumé trimestriel des leçons retenues qui doivent être diffusées à l'échelle nationale, régionale et locale.
Malgré plusieurs plans d'action et une surveillance améliorée du rendement par le SCC, le BEC reste préoccupé par le fait que ses recommandations n'ont pas toutes été mises en œuvre et est d'avis que les services de santé mentale demeurent sous financés au SCC. Le BEC reconnaît que certaines mesures prometteuses ont été prises, notamment la volonté du SCC de produire des indicateurs de rendement clés. Il reste toutefois préoccupé à l'égard du nombre de décès potentiellement évitables en établissement et demande encore que le SCC apporte un certain nombre de changements. Voici les améliorations essentielles : nommer un coordonnateur national unique pour surveiller la sécurité en milieu carcéral, voir à ce que des membres du personnel infirmier soient présents en tout temps dans l'ensemble des établissements, et mieux renseigner le personnel sur la gestion des détenus présentant des risques d'automutilation ou de suicide.
Le SCC a également indiqué qu'il demanderait à un comité d'examen indépendant d'évaluer annuellement l'ensemble des décès survenus en établissement. Le premier CEI (2009-2010) a tenu ses activités de mai 2010 à février 2011 et a formulé 11 recommandations, dont certaines s'apparentent à celles figurant dans des rapports antérieurs du BEC. Le CEI a notamment recommandé l'amélioration de la stratégie de communication de renseignements relatifs à l'état de santé mentale, l'élaboration de pratiques en vue d'une meilleure exécution des tournées et des patrouilles et l'élaboration d'un cadre de mesure du rendement par le Secteur des opérations et des programmes correctionnels. La consignation d'exemples de réussite faisait également partie des recommandations clés. Le SCC a donné suite à ces recommandations, mais au moment de la rédaction du présent rapport, il est encore trop tôt pour que le Comité de cette année, chargé d'examiner les décès survenus en 2010-2011, puisse effectuer une évaluation.
Pratiques exemplaires
Des pratiques exemplaires découlent d'une stratégie visant à promouvoir les pratiques efficaces dans les services sociaux. Des pratiques ont été cernées dans des domaines aussi variés que la santé, la santé mentale, la toxicomanie, les services de police, les tribunaux, les services correctionnels et les services sociaux. En théorie, une pratique « exemplaire » s'appuie sur une documentation examinée par les pairs et permet clairement d'améliorer un état ou de régler un problème, ce qui est confirmé dans une étude empirique.
L'application d'une pratique exemplaire pour réduire le nombre de décès en établissement est problématique puisque ces décès sont statistiquement rares. À titre d'exemple, les pratiques exemplaires visant à réduire la violence en établissement ou à gérer les gangs sont plus susceptibles de réduire le nombre de meurtres que toute mesure s'attaquant précisément au problème des homicides. Dans un même ordre d'idées, la réduction du nombre de résultats positifs à des tests de dépistage de drogues pourrait être plus susceptible de diminuer le nombre de décès attribuables à des surdoses que toute intervention précise à cet effet.
Les pratiques exemplaires liées à la gestion des risques de suicide offrent certaines options prometteuses susceptibles de réduire les décès en établissement. En fait, le CEI a découvert deux études empiriques, dont une (Gallagher et Dobrin, 2005) faisait état d'un nombre moins élevé de suicides chez les mineurs dans les établissements où l'état suicidaire était mesuré en tout temps, et l'autre (White et Schimmel, 1995) résumait les progrès réalisés par le système correctionnel fédéral américain de 1972 à 1992 en ce qui a trait à la diminution du nombre de suicides chez les détenus. Évidemment, l'étude de White et Schimmel mesurait l'incidence du protocole de gestion des risques de suicide en comparant l'époque plus récente à une époque où un tel protocole n'existait pas. L'étude a montré qu'il valait mieux avoir un protocole quelconque que de ne pas en avoir du tout, mais elle ne fournit pas de comparaison contrôlée des différentes stratégies de gestion.
Comment le SCC se compare-t-il à d'autres services correctionnels en ce qui concerne les efforts visant à prévenir le suicide chez les détenus? Nous avons comparé les politiques et procédures en vigueur au SCC à un récent ensemble de pratiques exemplaires valides à l'échelle internationale et élaborées par neuf pays, dont le Canada (Konrad et coll., 2007), pour le compte de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Nous avons découvert que les protocoles et politiques du SCC sont conformes à l'ensemble des pratiques exemplaires de l'OMS. La qualité de ces protocoles et de ces politiques ainsi que leur mise en application peuvent seulement être démontrées au moyen d'activités de vérification et de mesures de rendement appropriées. Toutefois, il semble que le SCC, dans ses opérations actuelles, touche toutes les grandes pratiques exemplaires.
Surdose dans la collectivité
De récentes études ont montré qu'au cours des deux premières semaines suivant la mise en liberté, le risque de surdose de drogue est particulièrement élevé. Dans un récent rapport, l'OMS (2010) indique que la distribution de naloxone et la communication d'information à ce sujet constituent une nouvelle pratique prometteuse pour prévenir les décès attribuables à une surdose pendant la période où les personnes présentent le risque le plus élevé suivant leur mise en liberté. La naloxone (chlorhydrate de nalorphine) est un antagoniste des opiacés pouvant renverser les effets d'une surdose d'opioïde. Au Canada, la naloxone est un médicament figurant à « l'annexe F » de la Loi sur les aliments et drogues; elle est disponible uniquement sur ordonnance et doit être administrée sous la supervision d'un praticien. Toutefois, les travaux effectués à l'échelle provinciale et communautaire ont permis d'améliorer l'accès à la naloxone pour les personnes faisant usage d'opioïdes sur ordonnance ou obtenus de façon illicite. Compte tenu de la période de risque connue et de l'efficacité de la naloxone pour renverser les effets d'une surdose et prévenir les décès, le SCC devrait envisager l'élaboration de programmes et de protocoles d'accès à la naloxone pour les délinquants qui sont en transition entre la vie en établissement et la vie dans la collectivité.
Culture organisationnelle et enquêtes
Compte tenu du manque de documentation dans le domaine de la justice pénale pour orienter les suggestions à l'intention du SCC en matière de prévention des décès, le CEI s'est tourné vers d'autres disciplines pour obtenir des avis éclairés. Un des concepts pertinents est celui des organisations à haute fidélité (Perrow, 1999). Celles-ci s'appuient sur la théorie voulant que les organisations complexes soient, de façon inhérente, portées à commettre des erreurs, et que les accidents organisationnels (dont les décès) puissent être évités par une gestion des erreurs axée sur les systèmes, et leurs pratiques témoignent de cette orientation. Depuis les années 1980, un large éventail d'organisations et d'organismes appliquant les principes des organisations à haute fidélité ont constaté des améliorations remarquables sur les plans de la sécurité et de la réduction du nombre de décès dans les centrales nucléaires, le secteur des soins de santé, les usines de produits chimiques, les unités des services-incendie et le secteur de l'aviation (Bourrier, 2011; Perrow, 1999, Roberts et Bea, 2001; Roberts, Stout et Halpern, 1994; Weick et Sutcliffe, 2001). Les principes des organisations à haute fidélité sont particulièrement utiles pour les organisations qui sont à la fois susceptibles de commettre des erreurs et qui sont responsables de la sécurité individuelle et publique, comme les organismes de justice pénale.
Doyle (2010) soutient pertinemment que les organismes de justice pénale peuvent travailler en vue d'adopter une approche systémique de la sécurité, en améliorant continuellement la qualité de leurs opérations et en abordant les erreurs comme des accidents organisationnels. La réduction du nombre de décès dans le secteur de l'aviation, de l'énergie nucléaire et des soins de santé est attribuable à l'adoption de cette approche par ces industries ainsi qu'au fait que celles-ci abordent les accidents organisationnels comme des séries de petites erreurs qui, ensemble, causent un événement catastrophique (McElhinney et Heffernan, 2003; Henriksen et coll., 2006; Potylycki et coll., 2006; Sammer et coll., 2010; Trucco et Cavallin, 2006).
Le SCC a déjà commencé à adopter les principes d'une approche systémique en matière de sécurité en s'engageant à adopter une « perspective d'apprentissage » pour les enquêtes sur les blessures corporelles et les décès en établissement. Toutefois, à certains égards, les rapports des comités d'enquête, et le suivi de ceux-ci, pourraient être davantage axés sur les systèmes dans la gestion des problèmes cernés. Le SCC peut améliorer son dossier au chapitre de la sécurité (à l'instar des secteurs de l'aviation, des soins de santé et de l'énergie nucléaire) en délaissant son « approche individuelle » pour les enquêtes et le suivi au profit d'une approche mieux intégrée et fondée sur les systèmes.
Patrouilles d'agents correctionnels et décès en établissement
La responsabilité du SCC et, par délégation, celle des agents correctionnels, de garantir la sécurité publique et de prendre en charge les détenus, est prescrite par l'article 5 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) et est soulignée dans la Directive du commissaire 566-4. La politique exige que les agents correctionnels effectuent régulièrement des dénombrements, des tournées et des patrouilles (au moins toutes les heures), et s'assurent que les détenus sont bien vivants. Les dénombrements peuvent être particulièrement importants pendant le quart de nuit, lorsque les détenus sont confinés dans leur cellule, mais peuvent être en situation d'urgence médicale ou tenter de se suicider, ou être victimisés par l'autre occupant de leur cellule (dans les situations de double occupation des cellules). Malgré cela, dans de nombreux cas, le personnel constate le décès du détenu longtemps après sa mort, même si les registres indiquent que les patrouilles, les vérifications et les dénombrements officiels ont été effectués.
D'autres moyens de déterminer si un détenu est bien vivant sont actuellement examinés par d'autres services correctionnels. Des technologies de détection de la chaleur en voie d'être mises au point permettront d'alerter le personnel lorsque la température corporelle d'un détenu baissera sous un certain niveau. Une telle technologie permet une intervention rapide en cas d'urgence médicale. Même lorsque l'agent correctionnel fait preuve d'une grande diligence dans ses fonctions, un détenu déterminé à s'enlever la vie a le temps de passer à l'acte entre deux patrouilles prévues; celui-ci peut être décédé depuis longtemps avant d'être découvert. Le Comité signale, en tant que pratique exemplaire, que le SCC doit approfondir l'examen d'une telle technologie.
Méthodologie
En 2010-2011, 25 décès de causes non naturelles ont eu lieu en établissement. Le CEI a utilisé les rapports des comités d'enquête fournis par la Direction des enquêtes sur les incidents (DEI). Chaque cas de surdose, de suicide, de décès de causes inconnues, d'homicide et de décès attribuable à une intervention du personnel a été évalué en fonction des 9 éléments du mandat. Ils sont exposés dans le texte narratif et présentés dans un tableau.
Cas no | 1 |
---|---|
Type de décès | Surdose |
M1 Réponse du SCC | Oui |
M2 Tendances existantes avant l'incident | Oui |
M3 Santé mentale | Oui |
M4 Gestion de cas | Oui |
M5 Patrouilles de sécurité | Non |
M6 Intervention en situation d'urgence | Non |
M7 Communication de renseignements | Oui |
M8 Soutien au personnel et aux détenus | Non |
M9 Problèmes liés à une pratique exemplaire | Oui |
Oui : Problèmes cernés
Non : Aucun problème cerné
Les recommandations des comités d'enquête découlant de chaque décès ont également été évaluées par rapport à l'échelle en six points de la hiérarchie d'efficacité de l'Institut canadien pour la sécurité des patients. Ici, l'efficacité est définie comme la probabilité qu'une recommandation donne lieu à une réduction du nombre de décès en établissement. En règle générale, les recommandations visant à éliminer l'erreur humaine au moyen de « fonctions de contrainte » ou de l'automatisation sont susceptibles d'être les plus efficaces. Les recommandations fondées sur l'éducation et l'information ne reçoivent pas une cote aussi élevée, car, à moins que l'organisation ait de réelles lacunes en matière de formation du personnel, l'erreur humaine est susceptible de se produire de nouveau. Ces évaluations sont résumées au chapitre 9.
Types de recommandation | Exemples | Efficacité |
---|---|---|
Fonctions de contrainte | Élimination de la méthadone dans l'établissement, élimination des points de suspension | 1 |
Automatisation/informatisation | Technologie de détection de la chaleur; séances d'information automatisées quotidiennes et tableaux de dénombrement | 2 |
Normalisation/simplification/différenciation | Niveaux d'observation fondés sur un code de couleurs; information requise sur la santé mentale des détenus avant leur transfèrement | 3 |
Rappels/vérifications/redondances | Prise en compte des observations des agents de correction dans la gestion de cas; deux agents comptent la même rangée | 4 |
Règles/politiques/procédures | Directives du commissaire; bulletins de sécurité | 5 |
Éducation/information | Notes de service sur les conséquences du rendement faible ou non conforme; enseignement ou formation de rattrapage sur les politiques et procédures en place | 6 |
Study Sample Description
Cette année, l'échantillon de l'étude était composé exclusivement d'hommes d'un peu moins de 40 ans, dont environ le tiers (36 %) étaient des Autochtones. Environ la moitié des détenus de l'échantillon étaient dits « à sécurité moyenne », 28 % dits « à niveau de sécurité maximale », et 20 % se trouvaient dans la collectivité en semi-liberté ou en liberté d'office avec condition d'assignation à résidence. Si l'on tient compte des diverses régions et de la taille de leur population carcérale respective, la région du Québec est sous-représentée dans le nombre total de décès survenus cette année, tandis que la région des Prairies est surreprésentée. Le nombre élevé de décès en établissement dans la région des Prairies n'est pas étonnant, puisque les établissements de la région ont une grande concentration de détenus autochtones et de gangs. Cette surreprésentation en milieu carcéral est liée aux problèmes que vivent les Autochtones dans la collectivité, comme les problèmes de santé, la victimisation criminelle, la toxicomanie et les taux élevés de suicide. Un peu plus d'un quart des détenus faisant partie de l'échantillon purgeaient une peine d'emprisonnement à perpétuité (28 %).
Tendances
De 2001 à 2011, le nombre d'homicides s'élevait en moyenne à 2 ou 3 par année. La dernière année (6) et l'exercice 2003-2004 (8) doivent faire l'objet d'un examen approfondi puisqu'elles présentent un nombre d'homicides beaucoup plus élevé que la moyenne. En ce qui a trait aux suicides, on remarque une tendance importante à la baisse depuis 1992 (16). Au cours des 5 dernières années, la moyenne s'élève à 7 par année, ce qui représente une diminution importante. De 2001 à 2011, il y a eu de 1 à 6 décès attribuables à une surdose par année, mais habituellement, le nombre « officiel » s'élève à 2 ou 3. Le Comité a de la difficulté à croire ces chiffres puisque des rapports du coroner sont requis pour valider les décès attribuables à une surdose, ce qui est regrettable étant donné que ces décès constituent un résultat potentiel pour évaluer les efforts de lutte contre les drogues déployés par le SCC. Tant pour les homicides que pour les surdoses, une étude longitudinale (p. ex., rétrospective des 20 dernières années) est recommandée afin d'améliorer notre connaissance générale de ces phénomènes et, en ce qui a trait aux surdoses, de produire des renseignements précis sur les tendances.
Comparaisons
Le Comité a comparé 19 cas de décès en établissement survenus en 2010-2011 aux résultats de l'étude réalisée en 2007 par Gabor, qui portait sur 82 décès de détenus sous la garde du SCC de 2001 à 2005. Parmi les décès survenus en 2010-2011, le nombre ainsi que la proportion d'homicides étaient plus élevés qu'à l'habitude (26,3 % par rapport à 20,7 % dans l'étude sur 5 ans menée par Gabor). Les suicides représentaient une proportion beaucoup plus faible des décès qu'auparavant (21,1 % par rapport à 61 %). Les décès accidentels ont été les plus nombreux lors de l'année à l'étude (52,7 % par rapport à 18,3 % auparavant). De plus, les surdoses de drogue confirmées (ou soupçonnées) représentaient une proportion beaucoup moins élevée de la catégorie des décès accidentels, c'est-à-dire 33 % comparativement aux 80 % relevés dans l'étude de Gabor.
Examens par type de décès
Le CEI a examiné l'ensemble des rapports des comités d'enquête et a résumé les résultats de ces rapports pour chaque élément du mandat, selon cinq catégories : surdoses, suicides, meurtres, décès de causes inconnues et décès attribuables aux interventions du personnel.
Décès attribuables à une surdose
Au cours de l'exercice 2010-2011, il y a eu quatre décès par surdose confirmés en établissement. Au moment de leur décès, deux délinquants avaient été mis en liberté d'office et deux étaient incarcérés dans un établissement à sécurité moyenne. Les quatre hommes sont décédés après avoir ingéré des opiacés; l'un d'eux avait également consommé de l'héroïne et du diazépam.
La réponse du SCC a suscité des questions dans deux des quatre cas. Aucun problème important n'a toutefois été relevé en ce qui a trait aux tendances existantes avant l'incident, à la santé mentale, à la gestion de cas, à la communication de renseignements ou aux pratiques exemplaires. Dans deux des quatre cas, des problèmes ont été cernés relativement à la sécurité et aux patrouilles. Dans deux des trois cas visés, des problèmes ont été relevés en ce qui a trait à l'intervention d'urgence. Des problèmes importants ont été cernés dans ces trois cas relativement au soutien fourni au personnel et aux détenus après l'événement.
Suicide
Au cours de l'année à l'étude (2010-2011), six décès par suicide de détenus sous la responsabilité du SCC ont été confirmés.
La réponse du SCC a suscité des questions dans trois des six cas de décès par suicide, et le CEI a exprimé des préoccupations relativement aux tendances existantes avant l'incident dans quatre des six cas. Dans la moitié des cas, des problèmes liés aux soins de santé mentale, à l'intervention en situation d'urgence et à la communication de renseignements ont été notés. La gestion de cas, la sécurité et les patrouilles étaient adéquates dans quatre des décès par suicide, tandis que les deux autres cas ont suscité des préoccupations. En ce qui a trait au soutien offert au personnel et aux détenus, les activités se sont déroulées conformément à la politique et aucun cas n'a soulevé de préoccupations. Le domaine qui a soulevé le plus de préoccupations est celui des pratiques exemplaires; des problèmes ont été cernés dans quatre cas.
Décès de causes inconnues
Il n'y a pas eu de signes avant-coureurs dans aucun des cas visés, notamment parce que les problèmes de santé des détenus étaient gérés par le personnel. Des préoccupations liées à la santé mentale ont été relevées dans trois cas; des problèmes liés à la gestion de cas n'ont été cernés que dans deux cas, et dans un cas seulement des problèmes relatifs à la sécurité et aux patrouilles ainsi qu'à l'intervention d'urgence. La communication de renseignements représentait un problème dans deux cas, et dans deux cas, aucun soutien n'a été offert sous forme de séance d'aide après un stress causé par un incident critique. En règle générale, les réponses du SCC étaient convenables dans les neuf cas. À titre d'exemple, dans le cas no 2, le comité d'enquête a produit un rapport particulièrement rigoureux dans lequel il exigeait une clarification importante des responsabilités dans un établissement psychiatrique du SCC. En outre, le SCC définit désormais plus clairement les responsabilités des centres résidentiels communautaires en matière de prévention lorsqu'il conclut des marchés avec eux. Les pratiques exemplaires n'ont été appliquées dans aucun des cas examinés et dans aucune des recommandations du SCC. Les recommandations stratégiques ou fondées sur la formation ont eu une certaine utilité, mais n'ont pu être qualifiées de pratiques « exemplaires ».
Homicides
Dans deux meurtres sur cinq, on estimait qu'il y avait des signes précurseurs. L'existence de problèmes de santé mentale était évidente dans deux des cinq cas; et il est possible que des changements dans la médication aient contribué au comportement suicidaire. La gestion de cas et l'intervention en situation d'urgence ont été problématiques dans deux cas sur cinq, tandis que les patrouilles de sécurité l'ont été dans trois cas. La communication de renseignements a constitué un problème dans un cas sur cinq. Un bon soutien a été offert au personnel et aux détenus après l'incident. Aucune pratique exemplaire n'a été utilisée.
Dans certains cas, l'intervention du personnel a été très bonne, notamment dans les cas no 10 et no 19, où de grands groupes de détenus en menaçaient d'autres. Le personnel a agi courageusement et rapidement pour limiter le tort pouvant être causé aux détenus. Dans la plupart des cas, les interventions médicales ont été bien effectuées. En règle générale, les comités d'enquête ont fait preuve d'une grande rigueur; ils ont obtenu des résultats pertinents et formulé des recommandations applicables.
Décès attribuables aux interventions du personnel
En 2010-2011, il y a eu un décès attribuable à une intervention du personnel. Le détenu décédé (détenu A) a été abattu par des agents correctionnels au moment où il essayait de tuer un autre détenu (détenu B) dans l'aire de loisirs. Les membres du personnel en cause ont tiré un certain nombre de coups de semonce, mais comme le détenu ne s'arrêtait pas, ils ont dû tirer sur lui et il a succombé à ses blessures. Le comité d'enquête chargé de l'affaire a examiné attentivement la question des solutions de rechange au recours à une force mortelle dans de telles situations.
Le rendement du SCC a été satisfaisant en règle générale, et même exemplaire à certains endroits. Rien ne laissait présager l'incident, la sécurité entourant l'événement était satisfaisante, la communication de renseignements était appropriée, et l'intervention de sécurité et d'urgence en matière de santé était excellente. Aucune séance d'aide après un stress causé par un incident critique n'a été offerte au directeur ou au sous-directeur de l'établissement, et cette situation devrait être corrigée. Les recommandations formulées par le comité d'enquête, notamment celle sur la présentation d'une solution de rechange additionnelle au recours à une force mortelle, ont été efficaces.
Figure 1 : Évaluation par le CEI du rendement du SCC en fonction de son mandat

Dans cette partie, le Comité résume le rendement du SCC par rapport à son mandat (M), notamment en compilant l'information présentée aux chapitres 4, 5, 6, 7 et 8.
Le Comité a jugé que la réponse globale du SCC aux décès en établissement (M1) avait été satisfaisante dans la plupart des cas (78 %). Des signes précurseurs du décès ou des tendances existantes avant celui-ci étaient évidents dans plus de la moitié des cas (60 %). Cela englobe toutefois un nombre important de facteurs, dont la santé mentale, les antécédents de consommation excessive de substances, les changements dans la médication, les problèmes médicaux graves, l'agitation du détenu et les conflits de celui-ci avec les autres détenus. En ce qui a trait uniquement à la santé mentale (M3), dans 32 % des cas, le détenu avait un problème de cette nature.
Les comités d'enquête ont découvert qu'environ un quart des cas présentaient des problèmes au chapitre de la gestion de cas (24 %), qu'environ un tiers d'entre eux (32 %) présentaient des problèmes relatifs aux patrouilles de sécurité et à la surveillance, et que 33 % étaient problématiques sur le plan de l'intervention d'urgence. Aucune tendance claire n'a pu être cernée à partir des données de cette seule année, et nous devons faire preuve de prudence dans l'interprétation des problèmes relevés. Bon nombre des difficultés observées dans la gestion des cas, la sécurité ou l'intervention en cas d'urgence n'étaient pas graves et n'auraient eu aucune incidence sur les décès en cause. En revanche, quelques erreurs graves méritent réellement un suivi.
La communication de renseignements était une source de préoccupations dans 20 % des décès. Même si dans la plupart des cas (80 %), il était évident que les détenus et le personnel avaient reçu un soutien après l'incident, il semblait parfois régner une certaine confusion relativement au niveau de suivi dont les établissements avaient besoin pour veiller à ce que tout le monde puisse recevoir du counseling. Le Comité n'a découvert que quelques cas où le SCC aurait pu mieux utiliser les pratiques exemplaires (16 %), mais nous avons utilisé une définition étroite du terme. Nous avons trouvé une grande quantité d'information qui témoigne de l'application de pratiques correctionnelles judicieuses, d'une sécurité active, d'un excellent suivi des problèmes des détenus, et d'une intervention médicale courageuse et active.
Le Comité a déterminé que la méthode traditionnelle d'enquête après un incident était quelque peu contraignante quand il s'agissait d'aider le SCC à travailler en vue de s'améliorer en tant qu'organisation. Ainsi, nous présentons de nouveau la grille de hiérarchie d'efficacité présentée au chapitre trois en tant que stratégie au moyen de laquelle le SCC peut intégrer une approche davantage fondée sur l'apprentissage en ce qui a trait aux incidents graves.
Évaluer l'efficacité des recommandations des comités d'enquête au SCC au moyen de l'échelle de la hiérarchie d'efficacité de l'ICSP
Au lieu d'utiliser l'approche organisationnelle habituelle en matière de politiques, de formation, ainsi que de counseling et de mesures disciplinaires pour le personnel afin de gérer les décès en établissement, le CEI encourage le SCC à envisager des méthodes de remplacement utilisées dans d'autres domaines en vue d'améliorer son rendement organisationnel. À cette fin, nous utilisons l'échelle de la hiérarchie d'efficacité et évaluons la force des recommandations des comités d'enquête dans les 25 cas. Rappel : plus le pointage est bas, plus la recommandation est susceptible d'être efficace.
Figure 2 : Pourcentage des recommandations et des conclusions à chaque niveau d'efficacité

Tel qu'il est illustré ci-dessus, à la figure 2, plus de la moitié des recommandations et des conclusions ont la note de 6. Même si certaines recommandations et conclusions ont reçu une note supérieure sur le plan de l'efficacité, nous suggérons aux comités d'enquête d'explorer des façons d'élaborer des recommandations afin que les solutions restreignent l'erreur humaine au moyen de fonctions de contrainte, de l'automatisation et de la normalisation.
La principale raison qui explique le grand nombre de notes de 5 et de 6 est que de nombreuses conclusions et recommandations sont liées à l'élaboration de politiques (cotées « 5 »), et à la formulation de rappels au personnel sur les politiques en vigueur ou d'autres exigences relatives à l'emploi (cotées « 6 »). Les politiques et l'éducation sont des composantes essentielles de toute organisation efficace, et permettent de veiller à ce que des procédures normalisées soient appliquées dans les différents établissements à l'échelle du pays. Même si le respect des politiques en vigueur, la correction des lacunes dans celles-ci et l'éducation sont des premières étapes importantes lors d'une enquête, la deuxième étape consiste à explorer les raisons pour lesquelles des problèmes de conformité surviennent ou des erreurs humaines se sont produites, ce qui peut permettre de cerner la lacune organisationnelle et le risque qui ont mené à l'erreur.
Le CEI suggère au SCC de continuer d'explorer des solutions de rechange à la prise de mesures correctives lorsqu'il y a des problèmes de conformité. Il a été encourageant de voir que l'encadrement a été proposé comme mesure de remplacement aux mesures disciplinaires en cas de non-respect des politiques (recommandation no 5 dans les Mesures correctives et le Plan d'action de la gestion du SCC aux fins du rapport du CEI sur les décès en établissement survenus en 2010-2011).
Chapitre 1 : Introduction
Le présent rapport porte sur les activités et les constatations du CEI de 2010-2011 formé par le SCC afin de connaître les facteurs associés aux décès de détenus en établissement.
La question des décès en établissement, la position du Bureau de l'enquêteur correctionnel et la réponse du Service correctionnel du Canada
Comme il est mentionné dans son énoncé de mission, le SCC contribue à la sécurité publique en incitant activement et en aidant les délinquants à devenir des citoyens respectueux des lois, tout en exerçant sur eux un contrôle raisonnable, sûr, sécuritaire et humain. L'exercice d'un contrôle raisonnable, sûr, sécuritaire et humain sur les délinquants nécessite l'élaboration et la mise en œuvre de politiques et de procédures s'appuyant sur des données probantes et leur respect de manière uniforme dans l'ensemble du Service afin de réduire les risques de préjudice.
En juin 2007, le BEC a publié un rapport sur 82 décès en établissement survenus entre 2001 et 2005. L'étude a été réalisée en raison de la crainte que des conclusions et des recommandations similaires reviennent constamment dans les rapports des comités d'enquête et du coroner. Le BEC a examiné d'un œil critique toute la correspondance ainsi que tous les rapports et les plans d'action pertinents. Il a étudié les réponses du SCC aux recommandations, incluant sa capacité de prévenir le décès de délinquants, et ses interventions dans les situations de blessures imminentes. Les constatations de ce rapport sont accablantes. À maintes reprises, des préoccupations ont été exprimées et des recommandations ont été formulées dans différentes enquêtes puisque le SCC n'a pas amélioré sa capacité à prévenir les décès et était en désaccord avec les recommandations du coroner ou n'y a pas donné suite. Le rapport révèle aussi d'importants délais entre un incident et l'adoption de stratégies d'atténuation visant à prévenir des situations similaires. Le plus inquiétant est que certains décès auraient pu être évités si le SCC avait mis en place des mesures de prévention et d'évaluation des risques appropriées et si le personnel était intervenu plus rapidement et efficacement.
En réponse au rapport du BEC, le SCC a élaboré un plan d'action dans trois principaux domaines, soit l'amélioration de la rapidité et de l'efficacité du processus d'enquête, l'amélioration de sa capacité à offrir des services de santé mentale et l'amélioration de l'intervention opérationnelle en cas d'incident.
Quatre mois plus tard, le 19 octobre 2007, un décès tragique par suicide est survenu à l'Établissement pour femmes Grand Valley à Kitchener, en Ontario. Les circonstances du décès d'Ashley Smith sont bien documentées dans le rapport du 20 juin 2008 du BEC intitulé Une mort évitable. La conclusion de ce rapport est que des problèmes systémiques ont contribué au décès de Mme Smith et que des mesures immédiates étaient nécessaires afin d'assurer une meilleure coordination entre les systèmes correctionnels et les systèmes de santé mentale partout au pays.
Dans une lettre adressée à l'enquêteur correctionnel, le commissaire du SCC, Don Head, a énoncé la réponse du Service au rapport du BEC sur Ashley Smith. M. Head a indiqué plusieurs mesures prioritaires. La sécurité active devait être améliorée au moyen de modules de formation, d'une formation de mise à niveau et de l'amélioration de la reddition de comptes à cet égard. Une approche plus rigoureuse des patrouilles et des dénombrements devait être mise en œuvre à l'aide d'aide-mémoires, des obligations de rendre compte et de l'examen de moyens technologiques de surveillance des signes vitaux. La normalisation des protocoles d'évaluation des risques de suicide, comprenant des outils efficaces et la communication d'information entre les employés, visait une sécurité accrue. Les services d'intervention devaient être améliorés par la réaffectation des ressources et l'élaboration de divers modèles de prestation de services pour les détenus vulnérables. Les faiblesses de l'infrastructure physique pouvant contribuer au décès de membres du personnel devaient être réglées par l'élaboration de critères appropriés pour de futures installations et d'un plan d'intervention visant à atténuer les faiblesses des installations existantes. Enfin, on devait renforcer à l'échelle locale, régionale et nationale la responsabilisation des gestionnaires à l'égard des décès en établissement par la production d'un résumé trimestriel des leçons retenues et la mise en œuvre d'un mécanisme d'examen destiné à assurer la surveillance.
En plus de ces mesures importantes, le SCC a instauré des mesures supplémentaires afin d'améliorer l'intervention à la suite de décès en établissement. L'une de ces mesures était de mettre en œuvre un comité d'examen indépendant chargé d'effectuer un examen annuel des mesures et des interventions du SCC à la suite de rapports sur les décès en établissement.
Dans son évaluation initiale du 10 février 2010 de la réponse du SCC à l'Étude sur les décès en établissement et au rapport Une mort évitable, le BEC a constaté que le Service avait entrepris un nombre important d'initiatives et que, de toute évidence, il était déterminé à prévenir les décès en établissement. Toutefois, le BEC a signalé trois principaux points où il était en désaccord. Premièrement, il demeure préoccupé par le manque d'intégration, de communication et de mise en œuvre des mesures du SCC dans l'ensemble de son service. Deuxièmement,
« Nous sommes d'avis que les pratiques inutilement punitives et potentiellement dangereuses, telles que l'isolement, l'utilisation de contentions et la non-administration ou l'annulation d'un traitement à la suite d'un comportement négatif, continuent d'être trop souvent appliquées lors d'une intervention auprès de délinquants souffrant de troubles mentaux »
(BEC, 10 Février 2010, P. 1)
Troisièmement, le BEC s'est dit préoccupé du fait qu'un certain nombre de recommandations essentielles à l'amélioration de la responsabilisation et de la gouvernance ont été soit rejetées ou appuyées en partie par le Service, dont celles contenues dans le rapport du comité d'enquête du SCC sur le décès d'Ashley Smith.
Le BEC a publié deux rapports trimestriels (le 18 décembre 2010 et le 25 mars 2010) sur les progrès réalisés décrivant l'engagement pris par le SCC et les progrès qu'il a réalisés relativement à la prévention des décès en établissement. Le SCC avait alors mis en œuvre des examens externes des cas de placement en isolement à long terme, une procédure de règlement des plaintes et des griefs des délinquants, une équipe nationale de vérification chargée de veiller à ce que les ressources soient déployées de façon appropriée pour les initiatives ciblées et un comité annuel d'examen indépendant sur les décès en établissement. Ces rapports trimestriels faisaient état d'étapes encourageantes visant la transparence et la responsabilisation, notamment l'engagement du SCC de produire des rapports sur les principaux indicateurs de rendement et points de référence. Parmi les indicateurs figurent un certain nombre de cas de suicide, de cas graves d'automutilation, de surdoses, de jours passés en isolement et le recours à la force à l'endroit de délinquants présentant de graves problèmes de santé mentale.
Le BEC est demeuré préoccupé du fait que les soins de santé mentale intermédiaires n'étaient toujours pas financés, ce qui influe sur la capacité, les ressources et les options de gestion des détenus vulnérables. Comme il est mentionné dans la troisième évaluation trimestrielle (25 mars 2010, p. 1), « les ressources demeurent limitées, mais ce n'est pas une raison pour qu'aucune mesure ne soit prise ». Le BEC est aussi demeuré préoccupé au sujet du processus d'examen des cas de décès, particulièrement en ce qui concerne la réponse du Service en cas de détérioration rapide et inattendue de la santé physique, et des problèmes persistants relativement à la transmission de l'information entre les professionnels de la santé mentale et le personnel de première ligne.
En mai 2010, le SCC a publié un rapport intitulé Vérification de l'état d'avancement des principaux engagements pris par le Service correctionnel du Canada relativement aux décès en établissement, préparé par l'équipe nationale de vérification. L'équipe a visité 11 établissements à sécurité maximale et moyenne afin de déterminer si les engagements et les directives en matière de politique sont mis en œuvre dans les établissements sélectionnés. Plus particulièrement, l'équipe de vérification a fait état de l'efficacité avec laquelle les ressources ont été déployées afin de soutenir les initiatives visant à prévenir les décès en établissement, l'adoption de principes de sécurité active et le respect des politiques de sécurité pertinentes. L'équipe de vérification a aussi formulé des commentaires sur le respect de la politique sur l'isolement préventif et l'efficacité et l'intégration des services de santé mentale.
Le rapport intitulé Vérification de l'état d'avancement du SCC présente de nombreux exemples de pratiques exemplaires nouvelles et continues, dont des séances d'information officielles entre les quarts de travail au cours desquelles les employés font part de leurs préoccupations au sujet des délinquants (dans tous les établissements, sauf un). Dans le rapport, on relève qu'un excellent système de mentorat est en place et offert aux nouveaux agents correctionnels dans la plupart des établissements. Il reconnaît des pratiques importantes comme le processus de réexamen des cas d'isolement préventif et le dénombrement debout des détenus (conformément aux politiques) ainsi que la priorité accordée au processus d'examen des recours à la force. Les pratiques importantes en situation d'urgence médicale consistent, entre autres, à fournir aux agents de première ligne les outils leur permettant d'intervenir rapidement auprès des détenus suicidaires ou de ceux qui s'adonnent à des actes d'automutilation et à intégrer les soins de santé au début et pendant les placements en isolement (conformément aux politiques). Les communications peuvent être améliorées au moyen d'un système d'avis doté d'un code de couleurs utilisé dans plusieurs établissements pour communiquer les mesures de surveillance dont fait l'objet un détenu à tous les services.
Le rapport intitulé Vérification de l'état d'avancement a souligné un certain nombre d'améliorations à apporter. Il faut affecter des ressources pour le recrutement et le maintien en poste du personnel de correction et des professionnels en psychologie et accorder davantage d'importance au travail d'équipe interdisciplinaire entre le personnel d'intervention et les employés de sécurité. Le recours à la sécurité active pourrait être amélioré en intégrant des agents correctionnels II à la gestion des cas et aux communications. Les pratiques d'isolement devaient suivre un modèle national normalisé de prise de décision, un examen des normes de déploiement et un examen de l'espace disponible visant à vérifier s'il convenait aux interventions. Les services de santé mentale pourraient être bonifiés en améliorant l'utilisation de protocoles de réceptivité, en précisant davantage les rôles et les responsabilités dans le cadre de l'initiative en santé mentale, en veillant à une meilleure participation de l'ensemble du personnel clé et en effectuant une surveillance accrue, particulièrement lorsque les détenus ont passé du temps dans la rangée à l'extérieur de leur cellule.
Dans sa dernière évaluation trimestrielle (septembre 2010), le BEC a examiné neuf études de cas de détenus décédés entre 2008 et 2010. Ces cas ont été sélectionnés en raison de leurs caractéristiques récurrentes et de leurs similitudes. Le BEC a déclaré que, malgré les améliorations démontrées dans des domaines clés, il demeure préoccupé en ce qui concerne les points suivants :
- interventions inappropriées ou inadéquates en cas d'urgence médicale;
- communication d'information déficiente entre le personnel clinique et le personnel de première ligne;
- problèmes récurrents et lacunes en ce qui a trait à la surveillance des signes précurseurs de suicide;
- problèmes de conformité liés aux patrouilles de sécurité, aux tournées et aux dénombrements;
- recours abusif à des mesures de sécurité pour intervenir auprès des délinquants atteints de troubles mentaux, au lieu de leur fournir traitements et soins de santé;
- nécessité d'améliorer et d'assurer la cohérence des rapports et des méthodes d'enquête du SCC.
Étant donné ces préoccupations, le BEC a formulé les recommandations suivantes :
- Le SCC doit élaborer un cadre de responsabilisation et de rendement exhaustif qui permet d'assurer le suivi des indicateurs de rendement liés aux décès en établissement.
- Le SCC doit renforcer son cadre d'enquête interne. Des professionnels de la santé indépendants doivent être nommés pour présider les enquêtes sur les cas de suicide et d'automutilation graves, dont les rapports doivent être rendus publics.
- Un poste de cadre supérieur doit être créé dont le titulaire serait responsable de la promotion et de la mise en œuvre de pratiques sécuritaires en matière de garde.
- La pratique consistant à placer en isolement prolongé les délinquants atteints de troubles mentaux, ou ceux qui présentent un risque particulier de se suicider ou de s'automutiler gravement, doit cesser.
- La qualité des patrouilles de sécurité doit être améliorée de sorte que les patrouilles et les dénombrements soient effectués conformément aux principes de préservation de la vie.
- Des services de santé doivent être offerts en tout temps dans tous les établissements à sécurité maximale, à sécurité moyenne et à niveaux de sécurité multiples afin de faciliter les interventions en cas d'urgences médicales.
- Les renseignements et les instructions de base liés à la gestion des délinquants présentant des risques d'automutilation ou de suicide doivent être communiqués au personnel de première ligne de façon à pouvoir être facilement et rapidement consultés.
Comité indépendant de 2009-2010
Le premier Comité d'examen indépendant (CEI) sur les décès en établissement a été convoqué par le sous-commissaire principal du Service correctionnel du Canada en juin 2010. Le premier Comité a été créé dans le cadre d'un ensemble d'initiatives en réponse aux préoccupations soulevées par le Bureau de l'enquêteur correctionnel au sujet des décès en établissement. À titre d'entité indépendante, le CEI était chargé de présenter la perspective impartiale d'experts de l'extérieur sur les décès en établissement, lesquels pourraient donner des conseils et des suggestions appropriés pour prévenir et réduire ces décès. Le premier CEI était formé d'un criminologue de l'Université d'Ottawa, d'un haut fonctionnaire responsable d'un service correctionnel provincial et d'un coroner en chef provincial. Le Comité a examiné 18 décès de causes non naturelles survenus au cours de l'exercice allant du 1er avril 2009 au 31 mars 2010 à l'aide de documents officiels tirés des rapports, de grilles de mesures correctives et de notes de fermeture de comités d'enquête du SCC. Le SCC a fourni au Comité un résumé de 51 enquêtes effectuées entre 2005-2006 et 2009-2010 ainsi que des données statistiques pour la même période. Le Comité avait de mai 2010 à décembre 2010 pour rédiger son rapport puis le délai a été prolongé jusqu'en février 2011. Ce processus comprenait un compte rendu à la haute direction, et une copie du rapport a été remise au BEC.
Le Comité a présenté 11 recommandations. Ces recommandations mettaient l'accent sur l'amélioration de la communication entre les employés et entre les établissements, l'amélioration de la qualité des patrouilles, des tournées et des dénombrements ainsi que de la formation sur ces opérations, et la communication des conséquences de la non-conformité. Certaines de ces recommandations étaient relativement semblables à celles qu'avait formulées le BEC dans des rapports précédents sur des cas de suicide et dans son rapport annuel.
Le Comité a aussi recommandé de communiquer des exemples d'interventions du personnel et de sécurité active qui sont des « réussites ». Il a indiqué qu'il fallait obtenir de meilleures données sur les incidents aux fins d'analyse des tendances à long terme, fait part de divers problèmes dans la collecte de données et suggéré que des études spéciales soient faites. De plus, le Comité a approuvé le recensement et la collecte de pratiques exemplaires d'autres administrations. Plus important encore, il a recommandé l'établissement d'un meilleur lien entre les comités d'enquête et l'élaboration de politiques. Essentiellement, le rapport a entraîné un changement d'attitude qui nous a permis de passer d'une intervention se limitant à un seul incident à des méthodes globales, ce qui est à l'image d'une organisation apprenante.
Le SCC a répondu au premier CEI. Voici en quoi consistaient les recommandations du Comité :
- Améliorer la communication entre les employés en élaborant des lignes directrices sur la diffusion de renseignements relatifs à la santé mentale, en révisant les directives du commissaire (DC), en normalisant les rapports de fin de traitement et en exigeant l'utilisation de renseignements sur la santé lors de la prise de décisions relativement à l'isolement préventif.
- Fournir au personnel des lignes directrices opérationnelles plus précises sur les processus de triage au moyen d'un examen des comités régionaux de gestion de la prévention du suicide et de l'automutilation et de la révision des DC pertinentes.
- Développer la notion de qualité des patrouilles, des tournées et des dénombrements en publiant un bulletin de sécurité visant à apporter des précisions à ce sujet.
- Améliorer la capacité de surveiller la qualité et la fréquence des patrouilles de sécurité, des tournées et des dénombrements au moyen d'un examen trimestriel d'un échantillon de patrouilles sélectionnées au hasard. Un avis juridique et l'accord du personnel ont été demandés en vue de l'utilisation de caméras aux fins d'assurance de la qualité.
- Élaborer un cadre de mesure du rendement par l'entremise de la Direction des opérations et des programmes correctionnels, en collaboration avec la DEI, comportant des mesures et une méthode de collecte de données. Grâce à ce cadre, on peut surveiller la réussite des interventions en vue de prévenir les décès.
- Mettre en œuvre un système de mesure du rendement afin de surveiller de façon proactive les progrès, une initiative dont serait également responsable la Direction des opérations et des programmes correctionnels, en collaboration avec la DEI.
- Dans d'autres cas, des commentaires généraux sur les recommandations ont été fournis, dont les suivants :
- Consigner des exemples de réussite relatifs à la sécurité active en consultant les agents du renseignement de sécurité (ARS), en élaborant un outil de recensement et en travaillant avec la Division des affaires publiques à l'élaboration d'un plan de communication.
- Renforcer la sécurité active en assurant la liaison avec la Direction de l'engagement des citoyens et la Direction des initiatives pour les Autochtones afin d'établir des relations de collaboration et d'améliorer les communications.
- Établir des liens entre les enquêtes axées sur les incidents, menées par la DEI, et les politiques et les procédures; tirer davantage profit des pratiques prometteuses d'autres administrations et renforcer la collaboration entre la DEI, la Direction de l'évaluation et la Direction des vérifications.
Pour donner suite à la recommandation globale no 11 du CEI, le SCC a mentionné que la DEI était en train d'élaborer un système de gestion des cas pour les enquêtes sur les incidents qui permettra d'effectuer des analyses complexes. Le SCC a aussi cité plusieurs rapports sur des études menées par sa propre Direction de la recherche au sujet du suicide et de l'automutilation, ainsi que d'autres initiatives de recherche sur l'automutilation. Cette réponse du SCC était plutôt limitée puisque la plupart des initiatives de la Direction de la recherche sont axées sur l'automutilation plutôt que sur les décès en établissement.
Dans la recommandation no 5, le CEI demandait au SCC d'envisager des possibilités d'utiliser son processus disciplinaire pour récompenser le bon rendement et sensibiliser le personnel, ainsi que des approches novatrices afin d'établir un équilibre entre la formation et l'encadrement, et les interventions disciplinaires. Le SCC a répondu qu'il avait déjà communiqué aux employés les résultats des comités d'enquête et les pratiques exemplaires dans le cadre de leurs évaluations semestrielles. Le SCC n'a pris aucune autre mesure puisque, à son avis, le processus d'évaluation semestriel lui donne suffisamment de latitude en ce qui a trait à l'encadrement, à la formation et aux solutions de rechange aux mesures disciplinaires. Selon le CEI de 2010-2011, le SCC a répondu sur la défensive puisqu'il ne souhaite pas sortir de son système actuel de gestion des employés et examiner des approches novatrices, comme le suggérait le premier CEI. Pour le moment, il est encore trop tôt pour déterminer si les efforts du SCC sont suffisants pour donner suite aux recommandations du premier CEI. De toute évidence, ses efforts ont probablement eu peu ou pas d'effet sur les décès en établissement survenus en 2010-2011. Nous reviendrons aux recommandations du premier CEI et aux réponses du SCC lorsque nous formulerons nos propres recommandations à la conclusion du présent rapport.
Le premier CEI a beaucoup appris au sujet du SCC, notamment sur ses processus d'enquête et sur les renseignements dont il dispose pour accomplir sa tâche. C'est sur ces données que le Comité de 2010-2011 compte s'appuyer. Notre Comité a trouvé les renseignements clés assez faciles d'accès et était ravi que la DEI ait offert de l'information détaillée aux membres du Comité. De plus, les grandes lignes du premier rapport constituent un modèle raisonnable sur lequel fonder notre travail. Toutefois, la tâche du présent Comité était plus ardue dans la mesure où le nombre de cas de décès à examiner était plus élevé, disposait de moins de temps pour rédiger son rapport et a assumé la tâche supplémentaire de recenser les écrits sur les pratiques exemplaires. Nous disposions notamment de peu de temps pour examiner les réponses globales et les initiatives du SCC visant à réduire les décès en établissement. Nous nous pencherons davantage sur ces questions ainsi que sur les moyens possibles de structurer le Comité au chapitre 10, dans notre résumé ainsi que notre conclusion.
Structure du présent rapport
Le présent rapport a commencé avec un examen de l'histoire récente concernant les décès de détenus sous responsabilité fédérale en établissement, y compris les préoccupations du BEC et les réponses du SCC. Nous avons résumé la première itération du CEI, ses recommandations et les réponses du SCC. Dans le reste du rapport, nous nous efforcerons de remplir le mandat établi et nous examinerons d'abord la littérature sur les décès en établissement, puis nous établirons la méthodologie de l'étude, nous fournirons une description de l'échantillon et une brève comparaison et une analyse des tendances du groupe à l'étude. Dans le rapport, nous examinerons les facteurs liés aux décès en établissement survenus en 2010-2011, les recommandations des comités d'enquête et les réponses du SCC à ces recommandations. En conclusion, nous étudierons minutieusement les résultats de l'examen indépendant de cette année, mais nous tenterons aussi d'intégrer les recommandations et les suggestions de ce rapport à la recherche empirique et aux enquêtes précédentes sur les décès en établissement. Le CEI de 2010-2011 tentera de déterminer les problèmes systémiques, de tirer parti des leçons retenues ici et ailleurs, ainsi que d'établir des approches progressives d'élaboration de politiques et d'aider le SCC en tant qu'organisation apprenante.
Chapitre 2 : Examen de la littérature sur les pratiques exemplaires
L'établissement de pratiques exemplaires est devenu une stratégie visant à promouvoir des pratiques efficaces dans le domaine des services sociaux. Essentiellement, cela consiste à cerner des pratiques dans des domaines aussi variés que la santé, la santé mentale, la toxicomanie, l'application de la loi, les tribunaux, les services correctionnels et les services sociaux. En théorie, une pratique « exemplaire » s'appuie sur la documentation examinée par les pairs et permet d'améliorer concrètement un trouble ou un problème validé dans une étude empirique. À titre d'exemple, si une nouvelle méthode d'enquête policière a permis d'accroître le taux d'arrestation dans les cas d'introduction par effraction (de 19 % en moyenne à 30 %) et que cela est démontré dans une étude réalisée par un chercheur externe, une telle méthode serait clairement considérée comme une pratique exemplaire. De tels exemples sont toutefois difficiles à trouver dans la documentation sur les services correctionnels, et certaines pratiques soi-disant « exemplaires » s'appuient sur l'opinion d'experts ou sont indirectement liées à d'autres recherches. Souvent, les articles qui résument des pratiques de prévention efficaces décrivent simplement des pratiques existantes qui sont utilisées par bon nombre de services correctionnels et qui semblent progressistes, mais dont l'efficacité n'a pas nécessairement été prouvée au moyen de méthodes de recherche en sciences humaines (p. ex., Camilleri et McArthur, 2008; Daniel, 2006; Konrad et coll., 2007).
Un thème récurrent de notre rapport est la difficulté à établir des liens de causalité définitifs entre une intervention et un décès en établissement, en raison de la rareté statistique de ces décès. De plus (comme nous en discuterons plus en détail au chapitre 3), les décès attribuables à une surdose ne sont pas compilés avec précision, ce qui rend l'efficacité des efforts de lutte contre les drogues difficile à évaluer (Powell et Zevitz, 2011). En ce qui a trait aux surdoses de drogue, si l'on fait fi du caractère adéquat de l'intervention médicale, le nombre de tests de dépistage des drogues positifs à l'échelle nationale peut donner une meilleure indication de l'efficacité des efforts du SCC pour lutter contre la consommation de drogues illicites en établissement. En ce qui concerne les homicides, ces actes sont liés aux questions plus vastes du contrôle de la violence dans les prisons, de la sécurité active et de la gestion des détenus. Encore une fois, les réductions des taux de violence en prison peuvent constituer un meilleur indicateur de l'efficacité relative des stratégies de gestion des risques que présentent les détenus.
Le suicide offre une meilleure possibilité d'appliquer les pratiques adoptées par d'autres services correctionnels qui ont donné lieu à une importante réduction des décès en établissement. Toutefois, il est difficile d'évaluer l'efficacité des interventions sur une courte période, étant donné que les cas de suicide sont rares, ce qui s'est révélé particulièrement vrai ces dernières années (environ six par année). En théorie, pour confirmer l'incidence d'une politique, la récente moyenne de six suicides devrait être réduite au moins de moitié, et il serait préférable de voir la tendance se maintenir pendant quelques années. Comme le SCC a des protocoles relatifs à la formation, aux politiques, à l'équipement, aux zones d'isolement et à la surveillance, le fait d'apporter une ou deux modifications aux pratiques existantes n'est pas susceptible d'avoir une grande incidence, à moins que le rendement soit très faible dans certains domaines.
Par conséquent, dans ce chapitre, nous accordons une importance considérable à l'examen des pratiques organisationnelles, notamment dans le domaine de la santé, puisque, selon nous, cela offre la meilleure possibilité au SCC de mettre en place des changements qui auront une incidence importante sur les décès en établissement. Avant cela, nous passons en revue une partie de la documentation sur la prévention du suicide, nous nous penchons sur la technologie permettant de mieux cerner les détenus dont l'état est critique, et nous désignons certains progrès de la médecine dans le domaine du traitement des surdoses qui, selon nous, pourraient nous permettre d'aider certains détenus récemment mis en liberté.
Certaines suggestions pourraient être difficiles à « digérer » puisqu'elles vont à l'encontre d'autres priorités organisationnelles ou principes en matière de traitement. À titre d'exemple, une conclusion qui revient constamment dans les documents sur le suicide est que les détenus qui partagent une cellule sont moins susceptibles de se suicider, puisque les suicides se produisent généralement uniquement dans les situations où les détenus se trouvent dans une cellule individuelle (Daniel, 2006; Camilleri et McArthur, 2008). Évidemment, le SCC déploie actuellement des efforts en vue de limiter le recours à la double occupation des cellules face aux pressions exercées par la population carcérale, et il fait l'objet de critiques peu importe les mesures qu'il prend. En tant qu'organisation, le SCC est déterminé à fournir le plus grand nombre de cellules individuelles possible afin que chaque détenu puisse jouir d'une certaine intimité et conserver sa dignité. Ainsi, la promotion de la double occupation des cellules en vue de réduire le risque de suicide va à l'encontre de ce principe. En outre, dans sa comparaison qualitative de cinq établissements correctionnels fédéraux et provinciaux, Weinrath (2009) soutenait que seules les visites sans contact (où le visiteur et le détenu sont séparés par une vitre) permettraient de diminuer la quantité de drogue introduite dans les établissements fédéraux, puisque l'efficacité de cette pratique a été démontrée dans les établissements provinciaux. Encore une fois, le SCC est déterminé à permettre aux détenus de voir leur famille, et les visites personnelles avec contact constituent un aspect important de cette priorité, même si elles offrent davantage d'occasions d'introduire des drogues dans les établissements. Donc, les pratiques exemplaires d'une organisation doivent également être conformes à sa mission et à ses principes.
Suicide en établissement
Les programmes de prévention peuvent-ils réduire le nombre de suicides en établissement? Une récente étude sur les jeunes (Gallagher et Dobrin, 2005) et une étude réalisée il y a plus de 15 ans dans les prisons fédérales américaines (White et Schimmel, 1995) montrent que la mise en œuvre de programmes de prévention peut réduire l'automutilation et le suicide. Toutefois, les conclusions de ces études s'appuient également sur le faible rendement de certains organismes et les lacunes antérieures de systèmes existants. À titre d'exemple, Gallagher et Dobrin ont comparé les établissements pour jeunes qui effectuaient le dépistage du risque de suicide chez les nouveaux détenus, et ce, dans les 24 heures suivant leur admission et ceux qui ne le faisaient pas, et ont découvert que les taux de suicide étaient inférieurs dans les établissements qui effectuaient du dépistage de ce risque. Pour les organisations qui effectuent un dépistage approprié, ces renseignements ne sont pas aussi utiles, même s'ils témoignent d'une bonne pratique et appuient le dépistage de comportement suicidaire dans les 24 heures suivant l'admission, et même dans les cas de transfèrement où la personne est déjà « dans le système ». Quant à White et Schimmel, ils ont décrit une réduction marquée des taux de suicide dans le système carcéral fédéral américain attribuable à ce qui pourrait aujourd'hui être perçu comme un mécanisme de prévention du suicide assez élémentaire : 1) dépistage initial de tous les détenus; 2) application des critères liés au traitement et au logement pour les détenus présentant un comportement suicidaire; 3) élaboration de procédures normalisées pour la tenue de dossiers, le suivi et la collecte systématique de données; 4) formation du personnel; et 5) examens et vérifications périodiques. Selon leur rapport, le taux de suicide (sur 100 000 détenus) a diminué, passant de 35 (pour la période allant de 1970 à 1982) à 24 (de 1983 à 1987) puis à 16 (de 1988 à 1992), ce qui constitue une excellente amélioration. Évidemment, ces changements étaient plus inattendus dans les cas où aucun effort de prévention n'avait été déployé avant l'intervention. Néanmoins, cette étude appuie réellement les efforts visant à mettre en place un plan de gestion détaillé des risques de suicide, puisque les décès sont susceptibles de survenir lorsqu'il n'y en pas.
Le suicide est un domaine qui suscite l'intérêt des services correctionnels partout dans le monde, et il existe une importante documentation à ce sujet aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Australie (Daniel, 2006; Camilleri et Arthur, 2008; Hayes et coll., 2011). Daniel (aux États-Unis) ainsi que Camilleri et Arthur (Australie) ont récemment essayé de résumer les « pratiques exemplaires » pour la prévention du suicide en établissement, notamment en résumant un grand nombre d'initiatives mises en place récemment dans divers services correctionnels. La plus vaste étude de ce type est une étude internationale à laquelle a participé le Canada.Note de bas de page 1 Dans le cadre d'un consortium de neuf membres, Konrad et coll. (2007) ont effectué un examen des pratiques exemplaires ou privilégiées dans les établissements correctionnels. Les pays participants étaient le Canada, les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie, l'Autriche, l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Italie. Leurs conclusions ont été présentées dans un rapport sommaire produit par l'OMS, et nous en donnons un aperçu ci-dessous.
Prévention du suicide dans les prisons : Sommaire des pratiques exemplaires
Premièrement, la culture organisationnelle et la coopération entre le personnel semblent essentielles à la réussite de la mise en place de programmes de prévention du suicide en milieu correctionnel. Les pratiques exemplaires de prévention du suicide dans ces établissements sont fondées sur l'élaboration et la documentation d'un plan exhaustif de prévention du suicide comprenant les éléments suivants :
- Un programme de formation (avec séances de formation de recyclage) pour le personnel correctionnel et les fournisseurs de soins vise à les aider à repérer les détenus suicidaires et à intervenir de façon appropriée auprès des détenus en crise suicidaire.
- Une attention particulière est accordée au milieu correctionnel dans son ensemble (niveaux d'activité, sécurité, culture et relations entre le personnel et les détenus).
- La qualité du climat social est particulièrement importante dans la réduction des comportements suicidaires. Bien que les établissements correctionnels ne puissent jamais être des milieux exempts de stress, les administrateurs de ces établissements doivent mettre en œuvre des stratégies efficaces pour y réduire au minimum l'intimidation et toute autre forme de violence et pour maximiser les relations de soutien entre les détenus et le personnel.
- La qualité des relations entre le personnel et les détenus est cruciale pour réduire les niveaux de stress des détenus et pour maximiser la probabilité que les détenus aient suffisamment confiance envers le personnel pour lui révéler toute pensée suicidaire lorsqu'ils se sentent dépassés ou désespérés.
- Des procédures pour assurer le dépistage systématique des risques de suicide lorsque les détenus sont admis en établissement et durant toute leur période de détention, afin de repérer les personnes à risque élevé.
- Un mécanisme est en place pour maintenir la communication entre les membres du personnel à l'égard des détenus à risque élevé.
- Des procédures écrites qui énoncent les exigences minimales relatives au logement des détenus à risque élevé, à la fourniture de soutien social, aux vérifications visuelles régulières et à l'observation constante des détenus hautement suicidaires et à l'utilisation appropriée de moyens de contention en dernier recours pour contrôler les détenus autodestructeurs.
- Les détenus atteints de troubles mentaux doivent recevoir des traitements s'ils en ont besoin (interventions pharmacologiques ou psychosociales) et faire l'objet d'une observation rigoureuse.
- L'établissement de ressources internes suffisantes ou de liens avec des services publics externes de santé mentale pour assurer l'accès à des intervenants de la santé mentale, au besoin, pour évaluation et traitement plus poussés.
- Une stratégie pour offrir des séances d'aide de réévaluation et d'objectivation après un suicide, afin de définir des moyens d'améliorer la détection, la surveillance et la gestion des risques de suicide en milieu correctionnel.
(Organisation mondialede la santé, 2007, la prévention du suicide dans les établissements correctionnels, P. 23-24)
Où le Canada se classe-t-il en ce qui a trait à la mise en œuvre de ces pratiques, et pourrait-il prendre certaines mesures particulières? Le comité international s'est penché sur les pratiques fédérales canadiennes dans son deuxième rapport (Daigle et coll., 2007), mais sans fournir beaucoup de détails. La documentation offerte actuellement sur les pratiques exemplaires en matière de suicide réitère simplement la plupart des choses que le SCC fait à l'heure actuelle. Les stratégies exposant des façons de procéder plus efficaces sont plus difficiles à trouver, mais pourraient s'inscrire dans un examen indépendant continu.
Prévention des décès attribuables à une surdose
La recherche liée à la prévention des décès attribuables à une surdose non intentionnelleNote de bas de page 2 en milieu correctionnel (ainsi que des surdoses n'ayant pas entraîné la mort) est axée en grande partie sur les facteurs de risque et de protection, et sur les stratégies de prévention ciblant les personnes récemment mises en liberté. Les hommes qui ont récemment été mis en liberté présentent un risque de mourir qui est 29 fois plus élevé, et les femmes 69 fois plus élevé, que les membres de la population générale, et la surdose est la cause de décès la plus fréquente (Farrell et Marsden, 2007). Une récente méta-analyse des études sur les décès liés à la consommation de drogues a permis de révéler que la période de 2 semaines suivant immédiatement la mise en liberté s'accompagne d'un risque de 3 à 8 fois plus élevé de décès attribuable à une surdose (Merrall et coll., 2010). Tant des études rétrospectives que des études prospectives ont confirmé que, pendant la période de 2 à 4 ans suivant leur mise en liberté, les détenus sont particulièrement vulnérables (Binswanger et coll., 2011; Binswanger et coll., 2007; Farrell et Marsden, 2007; Hobbs et coll., 2006; Kinner et coll., 2012; Kinner et coll., 2011; Ødega, Amundsen, Mundsen, Kielland et Kristoffersen, 2010). Ce risque diminue ensuite au cours des 10 semaines suivantes. À titre d'exemple, sur un échantillon national de 442 décès de délinquants mis en liberté au Royaume-Uni au cours de la période d'étude de 5 ans, 59 % des décès étaient liés à la consommation de drogues (Farrell et Marsden, 2007), et parmi ceux survenus dans les 2 semaines suivant la mise en liberté, 95 % des cas étaient attribuables à une surdose. Les raisons qui expliquent cette période de risque accru demeurent nébuleuses, mais certains observateurs ont avancé que le phénomène pourrait être dû à une tolérance moins grande aux drogues en raison d'une consommation moins fréquente en établissement (Enteen et coll., 2010).
En réponse à ce risque de décès bien documenté, des efforts de prévention ont ciblé cette période suivant immédiatement la mise en liberté. L'OMS a publié en 2010 un rapport comprenant des stratégies pour réduire la mortalité liée à la consommation de drogues pendant la période immédiatement postérieure à la mise en liberté des délinquants. Les principales recommandations du rapport portent notamment sur les éléments suivants :
- Veiller à ce que les principes de la prestation de services et de programmes incluent l'égalité d'accès équitable aux soins en prison et dans la collectivité, l'offre d'un traitement de substitution aux opioïdes et d'autres pratiques fondées sur des connaissances, ainsi que la continuité des soins et la stabilité du traitement pendant la transition de la prison à la vie dans la collectivité.
- Établir des partenariats et des réseaux entre les organismes. Pendant l'emprisonnement, établir des relations thérapeutiques saines au moyen de traitements axés sur le client, de systèmes d'aiguillage efficaces et appropriés, ainsi que de structures officielles et non officielles de soutien social dans la collectivité. La formation pour l'ensemble des intervenants (notamment les délinquants, ainsi que leur famille et autres sympathisants), devrait être axée sur le risque de surdose suivant la mise en liberté, la prévention de la consommation de drogues, les comportements à risque et la prévention des surdoses, ainsi qu'englober l'enseignement des premiers soins par l'administration de naloxone. Réduire également la vulnérabilité des détenus après leur mise en liberté grâce à des programmes globaux répondant à leurs besoins physiques, pratiques, psychologiques et sociaux.
- Élaborer un cadre national complet pour le traitement de la toxicomanie à tous les niveaux du système de justice pénale. Intégrer le cadre dans les stratégies de traitement de la toxicomanie communautaires au sein du système de santé publique. Dans la mesure du possible, les toxicomanes devraient être envoyés dans un centre de traitement plutôt qu'en prison.
- Fournir des précisions sur les obligations de diligence et la responsabilisation des détenus après leur mise en liberté. Cerner les lacunes au niveau des services, analyser les cadres juridiques, et élaborer des ententes de service entre les organismes afin que ces obligations et cette responsabilisation soient claires et comprises par tous les intervenants.
- Reconnaître les besoins des sous-groupes et y répondre, et intégrer des évaluations des risques normalisées afin de désigner ces sous-groupes.
- Surveiller et évaluer les interventions, notamment en ce qui a trait aux taux de mortalité de base, aux besoins des détenus, à la mise en œuvre et à la réussite des interventions, et à la désignation des lacunes au niveau des services.
Les efforts de prévention des décès attribuables à une surdose en établissement et dans la collectivité après la mise en liberté sont surtout axés sur les traitements de substitution aux opioïdes, et sur l'élargissement de l'accès à la naloxone et de l'administration de celle-ci par les pairs pour les toxicomanes dans la collectivité (Kinner et coll., 2011; Anex, 2010; Australian National Council on Drugs, 2001; Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis, 2012; Enteen et coll., 2010; Wakeman et coll., 2009; Wermeling, 2010). Tel qu'il a été mentionné dans le rapport de 2010 de l'OMS, la distribution de naloxone et l'éducation à son sujet sont une nouvelle pratique prometteuse pour prévenir les décès attribuables à une surdose pendant la période à risque élevé suivant la mise en liberté. Voici un aperçu des données probantes à cet égard.
La naloxone (chlorhydrate de nalorphine) est un antagoniste des opiacés pouvant renverser les effets d'une surdose d'opioïde. Elle est prescrite dans de nombreuses populations de patients à risque de surdose, dont ceux qui suivent un traitement à la méthadone ou qui ont des ordonnances de doses élevées d'opiacés, ceux qui ont reçu leur congé de l'hôpital après un empoisonnement aux opioïdes, ceux soupçonnés d'avoir des antécédents de consommation illicite ou non médicale d'opioïdes, ou de consommation concomitante d'opioïdes et d'antidépresseurs, de benzodiazépines ou d'alcool, ceux qui souffrent du dysfonctionnement d'un organe et qui consomment des opioïdes, et ceux qui obtiennent leur congé des programmes de désintoxication des opioïdes (Wermeling, 2010). Même si elle peut entraîner des symptômes de sevrage chez le consommateur, elle ne cause aucun effet psychoactif ou symptôme de dépendance ou de tolérance. La naloxone est utilisée par le personnel d'urgence aux États-Unis pour renverser les effets des surdoses d'opioïdes depuis qu'elle a reçu l'approbation de l'Administration des aliments et drogues des États-Unis en 1971 (Wermeling, 2010); elle constitue un remède légal et efficace pour prévenir les décès attribuables à une surdose (Wakeman et coll., 2009; Anex, 2010). Des enquêtes réalisées auprès des toxicomanes révèlent qu'environ la moitié d'entre eux consomment (par injection ou autres moyens) des substances en compagnie d'autres personnes (Wakeman et coll., 2009). La naloxone peut être administrée après qu'une personne ait perdu conscience par hypoxie mais avant qu'elle soit décédée d'un arrêt cardiaque, ce qui permet un délai d'intervention d'une à trois heures (Enteen et coll., 2010).
Tandis que le personnel médical administre de la naloxone depuis la création de celle-ci, les stratèges de la réduction des préjudices soutiennent que la distribution à grande échelle de naloxone sur ordonnance aux consommateurs d'opioïdes permettra d'éviter de nombreux décès attribuables à une surdose. Des programmes de naloxone sur ordonnance à emporter à domicile ont commencé en 1996 aux États-Unis; ils ont été lancés dans de nombreuses grandes villes de ce pays (Enteen et coll., 2009; Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis, 2012). Le raisonnement derrière cette stratégie est que bon nombre de surdoses se produisent au moment où la personne se trouve en compagnie d'autres toxicomanes, qui peuvent être réticents à alerter les autorités ou le personnel médical (Heller et Stancliff, 2007; Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis, 2012; Wakeman et coll., 2009). Les programmes de naloxone sur ordonnance permettent de distribuer largement l'antagoniste aux personnes susceptibles d'être présentes lorsqu'une surdose se produit, notamment les consommateurs eux-mêmes ainsi que les membres de leur famille et leurs amis.
Au Canada, la naloxone est une drogue figurant à « l'annexe F » de la Loi sur les aliments et drogues; elle est disponible uniquement sur ordonnance et doit être administrée sous la supervision d'un praticien. Toutefois, les travaux effectués à l'échelle provinciale et communautaire ont permis d'améliorer l'accès à la naloxone pour les personnes qui consomment des opioïdes (de manière illicite ou sur ordonnance). En 2004, la Ville d'Edmonton a commencé à distribuer de la naloxone dans le cadre d'un programme d'échange d'aiguilles.Note de bas de page 3 À Toronto, les efforts visant à améliorer l'accès à la naloxone ont commencé en 2005, lorsque le Bureau de santé publique de Toronto a élaboré un modèle de programme et mené une vaste consultation au sujet de la distribution de naloxone à un tiers, des questions de responsabilité et de l'autorisation de distribuer l'antagoniste (Shahin et Hopkins, 2012). Le programme a reçu un grand appui de la part de l'Ordre des infirmières et infirmiers de l'Ontario ainsi que l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario (dont le Physician Advisory Service et le Physicians Methadone Committee). Même si des questions liées à la responsabilité ont été cernées, les résultats associés au programme sont plus importants que les préoccupations en matière de responsabilité, et l'injection de naloxone à un tiers ne serait pas assujettie aux dispositions de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées puisqu'elle est effectuée en situation d'urgence (Shahin et Hopkins, 2012). Dans le même ordre d'idées, le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique est en voie d'élaborer des programmes d'éducation sur l'administration de l'antagoniste par une personne se trouvant en compagnie du toxicomane victime d'une surdose, de mettre au point un outil de soutien décisionnel provincial pour les soins infirmiers et d'ajouter la naloxone au régime d'assurance-médicaments de la province (Pharmacare) afin de réduire le fardeau financier qui l'accompagne (Buxton, Pussell, Gibson et Tzemiz, 2012).
À San Francisco (États-Unis), le programme DOPE (Drug Overdose Prevention Education), qui vise à renseigner les intervenants sur la prévention des surdoses de drogue, distribue à grande échelle de la naloxone aux personnes présentant un risque élevé de surdose d'opioïdes, en plus de fournir de l'information permettant de reconnaître les symptômes de surdose et d'administrer la naloxone (Enteen et coll., 2010). Un rapport produit à la suite d'une évaluation sur 6 ans du programme DOPE traite de la prévalence de l'administration de naxolone et les raisons qui l'expliquent, présente les chiffres sur les renouvellements d'ordonnance et les raisons qui les expliquent, et donne un aperçu des résultats de l'administration. Sur près de 2 000 participants à avoir reçu une ordonnance, 11 % ont mentionné avoir utilisé la naloxone pour renverser les effets d'une surdose. Les résultats ont été surveillés chez les 399 participants qui ont renouvelé leur ordonnance. Sur ce nombre de participants, il y a eu en moyenne 80 administrations par année à San Francisco, dont 83 % ont permis de renverser les effets d'une surdose. Les événements indésirables les plus communs ont été le vomissement (13 %) ainsi que la colère et l'inconfort ressentis par la victime à son réveil (9 %). Sur les 399 personnes qui ont renouvelé leur prescription, on a constaté le décès de 4 personnes après l'administration; 3 des 4 victimes étaient toutefois restées inconscientes pendant une durée indéterminée.
Un sommaire des constatations de 48 programmes mis en place aux États-Unis pour la distribution de naloxone a été publié dans un récent rapport hebdomadaire sur la morbidité et la mortalité (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis, 2012). Ces 48 réponses représentaient des données provenant de 188 programmes locaux. De 1996 à juin 2010, 10 171 renversements d'effets de surdose ont été signalés dans le cadre de ces programmes. Même si dans certains cas la surdose n'avait pas nécessairement entraîné le décès de la personne si on n'avait administré de naloxone, ces résultats soutiennent la distribution à grande échelle de l'antagoniste. En résumé, de plus en plus de données montrent que l'accès accru à la naloxone pour les personnes présentant un risque de surdose sauve des vies et que les préoccupations liées au mauvais usage, aux événements indésirables graves et à la responsabilité se sont jusqu'ici révélées non fondées (voir également Lenton et coll., 2009; Kim, Irwin et Khoshnood, 2009; Maxwell et coll., 2006).
Dans cette section, on a commencé par une discussion au sujet d'une période pendant laquelle les personnes prises en charge par le système de justice pénale sont particulièrement vulnérables et font face à un risque élevé. Pendant les deux à quatre premières semaines suivant leur mise en liberté, les délinquants ayant des antécédents de toxicomanie courent un risque particulièrement élevé de décès attribuable à une surdose. Compte tenu de la période de risque connue et de l'efficacité de la naloxone pour renverser les effets des surdoses, et ainsi prévenir des décès, le SCC devrait envisager l'élaboration de programmes et de protocoles d'accès à la naloxone pour les délinquants en transition entre le milieu carcéral et la collectivité.
Culture organisationnelle et enquêtes
Compte tenu du manque de documentation dans le domaine de la justice pénale pour orienter les suggestions à l'intention du SCC en matière de prévention des décès, le CEI s'est tourné vers d'autres disciplines pour obtenir des avis éclairés. Un des concepts pertinents est celui des organisations à haute fidélité (Perrow, 1999). Celles-ci s'appuient sur la théorie voulant que les organisations complexes soient, de façon inhérente, portées à commettre des erreurs, et que les accidents organisationnels (dont les décès) puissent être évités par une gestion des erreurs axée sur les systèmes, et leurs pratiques témoignent de cette orientation. Depuis les années 1980, un large éventail d'organisations et d'organismes appliquant les principes des organisations à haute fidélité ont constaté des améliorations remarquables sur les plans de la sécurité et de la réduction du nombre de décès dans les centrales nucléaires, le secteur des soins de santé, les usines de produits chimiques, les unités des services-incendie et le secteur de l'aviation (Bourrier, 2011; Perrow, 1999, Roberts et Bea, 2001; Roberts, Stout et Halpern, 1994; Weick et Sutcliffe, 2001). Les principes des organisations à haute fidélité sont particulièrement utiles pour les organisations qui sont à la fois susceptibles de commettre des erreurs et responsables de la sécurité individuelle et publique, comme les organismes de justice pénale. Celles-ci fonctionnent selon des procédures et des processus complexes et interreliés, sont responsables d'une population vulnérable (et parfois litigieuse), et se fient à des humains pour gérer ce système complexe où des erreurs sont susceptibles d'être commises (Bogue, 2009).
L'application d'un point de vue fondé sur les leçons retenues des erreurs dans les organismes de justice pénale s'est améliorée depuis la publication d'un rapport par le département de la Justice des États-Unis, intitulé « Convicted by Juries, Exonerated by Science « (Conners, Lundregan, Miller et McEwen, 1996), qui examine 28 condamnations injustifiées révélées par une analyse de l'ADN. Doyle (2010) soutient que ce rapport a constitué un appel aux armes pour de nombreux praticiens de la justice pénale qui comprenaient par expérience l'incidence de l'erreur humaine à l'intérieur de grands systèmes complexes. Le rapport, qui est devenu connu sous le nom de « livre vert », a été le point de départ d'un mouvement visant à intégrer des pratiques exemplaires et des initiatives d'apprentissage des erreurs à l'échelle des États-Unis dans le domaine de la justice pénale. Un changement lent mais prometteur s'est produit aux États-Unis, à savoir que le pays est passé d'un modèle accusatoire fondé sur l'inspection pour les enquêtes sur les erreurs à un modèle axé sur l'amélioration continue de la qualité. Même si Doyle (2010) reconnaît qu'il reste du travail à faire pour créer un véritable changement de culture, certains éléments démontrent clairement qu'un changement est en voie de se produire à l'échelle locale ainsi qu'à l'échelle des états et du pays (pour exemples, voir Giacomazzi et Steiner, 2004). Dans ce document, Doyle (2010) s'inspire grandement de la documentation sur la culture de sécurité des patients, notamment les ouvrages influents de James Reason (1996, 2000). Reason (1996) prétendait que tout grand organisme complexe, comme ceux du domaine des soins de santé [et de la justice pénale, selon Doyle (2010) et Bogue (2009)] doit adopter une approche systémique afin d'apprendre de ses erreurs. Par définition, l'erreur humaine est « humaine », et tout système complexe qui s'appuie sur des personnes pour fonctionner parfaitement en tout temps connaîtra éventuellement des ratés.
Doyle (2010) soutient pertinemment que les organismes de justice pénale peuvent travailler en vue d'adopter une approche fondée sur les systèmes en matière de sécurité, en améliorant continuellement la qualité de leurs opérations et en abordant les erreurs comme des accidents organisationnels. La réduction du nombre de décès dans les secteurs de l'aviation, de l'énergie nucléaire et des soins de santé est attribuable à l'adoption de cette approche par ces industries ainsi qu'au fait que celles-ci abordent les accidents organisationnels comme des séries de petites erreurs qui, ensemble, provoquent un événement catastrophique (McElhinney et Heffernan, 2003; Henriksen et coll., 2006; Potylycki et coll., 2006; Sammer et coll., 2010; Trucco et Cavallin, 2006).
Le SCC a déjà commencé à adopter les principes d'une approche systémique en matière de sécurité en s'engageant à adopter une « perspective d'apprentissage » pour les enquêtes sur les préjudices et les décès en établissement. Toutefois, à certains égards, les rapports des comités d'enquête, et le suivi de ceux-ci, pourraient être davantage axés sur les systèmes dans la gestion des problèmes cernés. Le SCC peut améliorer son dossier de sécurité (à l'instar des secteurs de l'aviation, des soins de santé et de l'énergie nucléaire) en délaissant son « approche individuelle » pour les enquêtes et le suivi au profit d'une approche mieux intégrée et fondée sur les systèmes. Une approche personnelle en matière de sécurité organisationnelle suit des étapes prévisibles : un mauvais résultat est découvert (décès d'un détenu), la personne fautive (habituellement un membre du personnel de soins de première ligne) est désignée et blâmée, on lui donne un avertissement ou une formation d'appoint, et la formulation de la politique est renforcée (Reason, 1997).
En ce qui concerne les enquêtes sur les décès, une approche systémique exige l'examen d'un événement négatif dans le contexte de la structure organisationnelle complète dans laquelle il a eu lieu. Si une erreur humaine est découverte dans le cadre d'une enquête, les responsables de celle-ci doivent mettre l'accent sur les raisons pour lesquelles l'erreur s'est produite. Dans le même ordre d'idées, si la politique n'a pas été respectée, les responsables de l'enquête doivent chercher à en comprendre les raisons. Les réponses à ces questions aideront à cerner les erreurs systémiques qui peuvent être corrigées au moyen de recommandations qui sont plus efficaces que la simple utilisation des politiques et de l'éducation. Dans une organisation à haute fidélité, l'erreur humaine est perçue comme un symptôme d'un problème plus profond au sein de l'organisation ou du système, et doit être considérée comme un point de départ d'une enquête plus complète fondée sur les systèmes (ICSP, 2011; Dekker, 2011).
Une approche fondée sur des mesures disciplinaires en vue d'enrayer l'erreur humaine va à l'encontre d'une approche des enquêtes qui soit axée sur l'apprentissage (Reason, 1997; 2000). Ces mesures motivent davantage les membres du personnel à cacher leurs erreurs qu'à en discuter ou à les signaler, et l'organisation n'a aucun moyen de comprendre la nature et la portée des problèmes en première ligne. À moins de connaître la nature et la portée de ses erreurs humaines, l'organisation ne peut effectuer le suivi de ces erreurs et les gérer de manière systémique. En mettant l'accent sur des mesures disciplinaires, l'organisation court le risque que la même erreur humaine se reproduise et perd l'occasion d'apprendre de cette erreur (Blake et coll., 2006; Reason, 2000).
Patrouilles d'agents correctionnels et décès en établissement
La responsabilité du SCC et, par délégation, celle des agents correctionnels, de garantir la sécurité publique et de prendre en charge les détenus, est prescrite par l'article 5 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) et est soulignée dans la Directive du commissaire 566-4. La politique exige que les agents correctionnels effectuent régulièrement des dénombrements, des tournées et des patrouilles (au moins toutes les heures), et s'assurent que les détenus sont bien vivants. Les dénombrements peuvent être particulièrement importants pendant le quart de nuit, lorsque les détenus sont confinés dans leur cellule, mais peuvent être en situation d'urgence médicale ou tenter de se suicider, ou être victimisés par l'autre occupant de leur cellule (dans les situations de double occupation des cellules). Malgré cela, dans de nombreux cas, le personnel constate le décès du détenu longtemps après sa mort, même si les registres indiquent que les patrouilles, les vérifications et les dénombrements officiels ont été effectués. Cela a amené l'enquêteur correctionnel à s'interroger sur la qualité des patrouilles et sur la volonté des membres du personnel de vérifier correctement l'état des détenus. En fait, en réponse aux préoccupations soulevées par le BEC, le SCC a entrepris de favoriser de meilleures pratiques dans ce domaine. Malgré cela, il y a encore des cas de décès de détenu où le corps est découvert seulement après un certain temps, et comme nous le verrons, ce fut le cas dans deux des décès en établissement survenus en 2010-2011.
Un aspect qui n'est jamais abordé lorsque cette question est soulevée est la difficulté qui consiste à déterminer si un détenu respire pendant la nuit. Comme les agents correctionnels n'entrent pas dans les cellules pendant le quart de nuit, ils doivent déterminer si les détenus respirent en les observant d'une certaine distance. Les agents correctionnels peuvent tenter de voir si la poitrine des détenus se gonfle et se dégonfle, mais cela est difficile lorsqu'ils sont cachés sous des couvertures ou dorment sur le ventre. Dans certains cas, l'agent correctionnel peut frapper doucement à la porte de la cellule ou éclairer l'intérieur de la cellule avec une lampe de poche afin de faire bouger le détenu. Cette mesure peut entraîner des tensions entre le personnel et les détenus, qui peuvent percevoir cela comme du harcèlement. En fait, un des membres du Comité se rappelle que cette question revenait constamment dans un établissement correctionnel où il travaillait. Le comité de détenus se plaignait que les agents réveillaient intentionnellement les détenus pendant la nuit, tandis que les agents insistaient sur le fait qu'ils essayaient simplement de faire correctement leur travail.
Certains ont décrit les relations entre les agents correctionnels et les détenus comme étant ponctuées de certaines tensions, qui se manifestent habituellement lorsque le personnel doit demander aux détenus de faire des choses qu'ils n'ont pas nécessairement envie de faire, mais qui sont nécessaires au bon fonctionnement de l'établissement. Le fait de réveiller les détenus le matin est une source de tension. En fait, dans la plupart des établissements du pays, les détenus ne sont pas tenus de se lever pour le déjeuner; ils peuvent rester au lit et sauter ce repas. Les dénombrements debout (les détenus doivent se tenir debout près de la porte de leur cellule) sont une autre source de tension potentielle puisque les détenus peuvent être endormis ou malades et donc être couchés dans leur lit. Ce problème est également survenu dans quelques cas faisant l'objet de cet examen.
Le droit des agents correctionnels de prendre les mesures nécessaires pour déterminer si les détenus sont bien vivants a été en partie confirmé par le jugement rendu dans l'affaire Wild c. Canada (2004). Le juge a statué que les membres du personnel ont la responsabilité d'effectuer des patrouilles pendant le quart de nuit et est allé jusqu'à reconnaître qu'il est parfois nécessaire de réveiller les détenus. Dans ce cas en particulier, toutefois, il a déterminé que le personnel avait intentionnellement réveillé le détenu, et que la direction du SCC n'avait pas supervisé adéquatement le personnel ou demandé des comptes suffisants à ce dernier lorsque le détenu s'est plaint.
Malgré cette décision, les agents correctionnels ne reçoivent pas tout l'appui dont ils ont besoin pour effectuer des patrouilles appropriées. S'ils font preuve de diligence dans leur observation de la politique, les détenus risquent de se plaindre. Le Comité reconnaît également qu'il est difficile de déterminer si les détenus respirent. Il est important de favoriser de meilleures pratiques de contrôle, et les agents correctionnels devraient être présents dans les unités. La sécurité active, qui consiste à veiller à ce que les agents correctionnels sachent quels détenus méritent une attention particulière, constitue également un moyen important de favoriser la diligence.
D'autres moyens de déterminer si un détenu est bien vivant sont actuellement examinés par d'autres services correctionnels. Des technologies de détection de la chaleur en voie d'être mises au point permettront d'alerter le personnel lorsque la température corporelle d'un détenu baissera sous un certain niveau. Une telle technologie permet une intervention rapide en cas d'urgence médicale. Même lorsque l'agent correctionnel fait preuve d'une grande diligence dans ses fonctions, un détenu déterminé à s'enlever la vie a le temps de passer à l'acte entre deux patrouilles prévues; celui-ci peut être décédé depuis longtemps avant d'être découvert. Le Comité signale, en tant que pratique exemplaire, que le SCC devrait approfondir l'examen d'une telle technologie.
Chapitre 3 : Méthodes
Échantillon de détenus
En 2010-2011, 25 décès de causes non naturelles ont eu lieu en établissement. Chacun des 25 cas a fait l'objet d'une enquête de la part des comités d'enquête en vertu des articles 19 et 20 de la LSCMLC, dont 19 ont été examinés dans le cadre d'enquêtes nationales de niveau I, 5 dans le cadre d'enquêtes de niveau II, et 1 décès a fait l'objet d'un examen à l'échelle locale. Les 4 catégories générales de décès sont les homicides, les suicides, les surdoses et les décès de causes inconnues. Les décès non classés sont ceux dont la cause était inconnue au moment de la rédaction des rapports par les comités d'enquête, et que ces derniers n'avaient pas accès au rapport du coroner à ce moment-là. Les décès de causes inconnues ont été inclus dans la présente étude, car la DEI a décidé que les circonstances des décès, ou la réponse de l'organisation à ces décès, étaient suffisamment préoccupantes pour justifier un examen approfondi. Par exemple, le décès d'un détenu présentant des habitudes de forte consommation de drogues peut ne pas fournir assez de preuves pour justifier l'hypothèse d'une surdose, mais on ne peut en être certain tant qu'on n'aura pas reçu les rapports d'analyse toxicologique et/ou le rapport du coroner.
Les décès en établissement dont les causes sont considérées comme étant naturelles n'ont pas été pris en compte aux fins du présent examen. Le SCC examine ces derniers dans le cadre d'un examen de cas de décès.
Matériel
Les rapports des comités d'enquête (n = 25) sont les principales sources de données utilisées pour cet examen. Chaque rapport constitue une source importante de renseignements sur chacun des décès, notamment les caractéristiques du délinquant, ses antécédents criminels, les risques et les facteurs déclencheurs liés à l'incident, ainsi que les conclusions et les recommandations du comité d'enquête. Ces rapports présentent aussi des résumés du contexte démographique, des antécédents criminels et de la gestion des cas.
Procédures
Mandat
Les procédures d'évaluation sont fondées sur le mandat énoncé dans l'ordre de convocation du CEI. Le mandat comporte neuf points qui constituent le cadre régissant notre examen. Les décès en établissement sont répartis en cinq catégories : les suicides, les décès attribuables à une surdose (confirmés ou soupçonnés), les homicides, les décès de causes inconnues, et les décès inhabituels; en effet, un décès a été classé dans une catégorie distincte, soit un cas unique de décès attribuable aux interventions du personnel.
Chacun des rapports des comités d'enquête et les renseignements connexes ont été évalués, et chaque examinateur a compilé ses notes et ses observations préliminaires dans une feuille de calcul Excel. Chaque catégorie de décès en établissement est résumée dans un chapitre présentant une évaluation descriptive du rendement du SCC en fonction du mandat. Par exemple, les six suicides signalés en 2010-2011 sont présentés au chapitre 5 qui porte sur les suicides.
Les neuf points du mandat ont été évalués et interprétés comme suit :
Le caractére approprié et adéquat des mesures correctives et des plans d'action de la direction pour donner suite à ces enquêtes
Pour cette section, le Comité indépendant a surtout examiné la grille du Comité de direction, qui permet d'effectuer le suivi des recommandations et des constatations des comités d'enquête ainsi que de veiller à ce que des réponses satisfaisantes soient reçues à l'échelle locale (c.-à-d. établissement) et régionale. Le caractère approprié des recommandations visant à régler les questions à l'étude et le caractère adéquat des réponses reçues à l'échelle locale et régionale ont été évalués par le Comité.
De plus, l'efficacité des recommandations du SCC a été cotée au moyen de la méthodologie empruntée aux organismes de soins de santé, c'est-à-dire l'échelle de la hiérarchie d'efficacité de l'Institut canadien pour la sécurité des patients (ICSP). Les évaluations fondées sur l'échelle de l'ICSP sont résumées au chapitre 9.
Une analyse des tendances relatives aux facteurs ayant contribué aux décès ou les ayant déclenchés
Dans cette section, nous avons joui d'une latitude considérable pour relever toute tendance susceptible de contribuer, de façon importante ou en partie, au décès du détenu en cause. Il peut s'agir, entre autres, d'événements déclencheurs qui ont mené, immédiatement ou de près, à un décès, comme un conflit avec un membre du personnel ou un autre détenu, une mauvaise nouvelle annoncée par la famille, ou le refus d'attribuer une cote de sécurité d'un niveau moins élevé au détenu ou de lui accorder la libération conditionnelle. Il peut également s'agir de problèmes de longue date comme des problèmes de santé, de la toxicomanie ou des antécédents familiaux négatifs. Dans certains chapitres, et le cas échéant, il y a des chevauchements entre le M2 et le M3 (santé mentale) et le M4 (gestion de cas).
Une analyse des tendances relatives aux soins de santé mentale fournis aux détenus ayant des besoins à cet égard avant leur décès
Ici, nous avons mis l'accent sur les antécédents du détenu au chapitre de la santé mentale (p. ex., tentatives de suicide, automutilation, dépression et autres troubles). Nous avons également examiné les traitements plus récents, dont les plans et régimes de traitement en santé mentale, les médicaments, l'efficacité des traitements et le suivi.
Une analyse des tendances relatives aux pratiques de gestion de cas avant le décès des détenus
La gestion de cas englobe l'évaluation du travail du personnel lié à la planification de programmes, aux examens de la cote de sécurité et à la préparation de la mise en liberté. Nous avons également examiné le caractère adéquat des contacts avec les détenus, la production de rapports, la pertinence du respect des délais et la rigueur de la documentation.
Une analyse des tendances relatives aux pratiques de sécurité, telles la présence du personnel et la surveillance des activités des détenus
Les agents correctionnels jouent un rôle crucial dans la prévention des décès par la prise de mesures de sécurité active et passive. La sécurité active et la communication avec les détenus peuvent mener à la découverte de facteurs déclencheurs ou de changements d'humeur chez le détenu. Les pratiques de sécurité passive comme l'exécution méticuleuse de patrouilles et de dénombrements permettent aussi d'observer la détérioration de la santé, la présence de drogues ou des comportements inhabituels constituant des facteurs de risque. Le rendement des employés dans ces domaines et leur réaction à ces indices sont essentiels à la prévention et à la préservation de la vie. Des patrouilles bien effectuées permettent de reconnaître plus rapidement les détenus qui se trouvent dans des situations mettant leur vie en danger, ce qui améliore le délai d'intervention et la capacité de préserver la vie. Le CEI a examiné la qualité du rendement des employés dans l'ensemble de ces domaines.
Une analyse des tendances relatives à la gestion des situations d'urgence et aux interventions dans les incidents de décès de détenus
Parmi les tendances préoccupantes relevées relativement aux interventions d'urgence, il y a le délai de réponse du personnel de correction lorsqu'il découvre un détenu en détresse et le caractère adéquat de l'intervention des agents correctionnels ou du personnel des Services de santé dans l'administration d'aide médicale. Les interventions peuvent comprendre la prestation des premiers soins, la réanimation cardiorespiratoire (RCR) ainsi que le déploiement et l'utilisation appropriée de l'équipement médical d'urgence. On peut aussi communiquer avec les membres du personnel médical externe, assurer la liaison avec ces derniers et les aider à accéder à l'établissement. Dans certaines situations, la protection de la scène de l'incident (p. ex., un homicide) et la maîtrise des assaillants possibles ont été évaluées.
Une évaluation de la communication entre les principaux intervenants durant les incidents
La connaissance des risques potentiels de surdose, de suicide ou de conflit menant à des actes de violence n'est pas très utile si elle n'est pas transmise aux autres membres du personnel de correction. Si un détenu A est déprimé après avoir reçu une lettre de rupture de la part d'un ex-conjoint, ce renseignement est peu utile si le personnel du quart de travail suivant en n'est pas avisé. De même, le personnel des Services de santé doit communiquer aux agents correctionnels la connaissance d'une grave dépression ou de changements d'humeur s'ils doivent porter une attention particulière à un détenu. Enfin, les renseignements de sécurité au sujet d'un conflit entre deux détenus violents doivent être communiqués de façon efficace entre les employés afin d'assurer une surveillance adéquate, de procéder au déplacement des détenus ou de mettre en place des mesures préventives immédiates.
Une évaluation du soutien fourni aux employés et aux détenus après les incidents
Nous avons examiné si une séance d'aide après un stress causé par un incident critique a été offerte au personnel ou a été menée auprès de celui-ci, et pour déterminer les types de soutien qui ont été fournis aux détenus après l'incident.
Une vérification visant à déterminer si d'autres services correctionnels ailleurs dans le monde ont des pratiques à citer en exemple concernant les décès en établissement
Le CEI a examiné ce paramètre dans une perspective assez large, afin d'englober les pratiques exemplaires adoptées par d'autres services correctionnels et les recherches empiriques connexes, notamment dans les domaines des soins de santé et de la criminologie.
Utilisation de l'évaluation descriptive et du tableau sommaire du mandat
Aux chapitres 4, 5, 6, 7 et 8, nous présentons une évaluation descriptive de chaque point du mandat à l'aide de sous-titres. Après avoir examiné les rapports du comité d'enquête, nous examinons chaque point du mandat et nous mettons en évidence ce que nous estimons être les principaux points tirés des comités d'enquête. À la fin de chaque chapitre, nous présentons un tableau résumant le rendement du SCC. Cette stratégie est illustrée ci-dessous à l'aide d'un exemple fictif de trois détenus décédés après avoir ingéré une trop grande quantité de produits à base de pommes de terre.
Résumé de l'exemple
Le tableau identifie chaque détenu par numéro de cas aux fins de confidentialité et énumère les types de décès (p. ex., homicide, suicide, dans ce cas, dû à la consommation de frites). Il y a trois réponses « non » pour le M1, ce qui indique que les interventions du SCC dans le cas de ces incidents liés aux frites étaient appropriées dans l'ensemble. Cela peut signifier, entre autres, que les comités d'enquête ont recommandé de diminuer la quantité de pommes de terre dans les repas des délinquants et que les établissements et les régions ont accepté cette recommandation. On a indiqué pour le M2 que les tendances ne sont présentes que chez le détenu no 1 et non chez les trois (dans le cas présent, des problèmes d'obésité). Pour le M3, on a soulevé un problème de santé mentale chez le détenu no 1, soit une dépendance aux frites, mais non chez les deux autres détenus. Pour le M4, on a répondu « oui » pour le détenu no 1, car son plan de programme comprend le travail en cuisine, ce qui lui facilite l'accès aux frites et à d'autres aliments, malgré sa dépendance et son problème de poids. Pour le M5, on a relevé des problèmes liés à la sécurité pour les détenus no 2 et 3, car, dans les deux cas, le personnel a observé des problèmes médicaux dans la soirée, mais n'a pas envoyé immédiatement les détenus consulter le personnel des Services de santé. De même, les détenus n'ont pas été découverts en détresse avant le quart de nuit. Aucun problème lié à l'intervention en situation d'urgence n'est indiqué pour le M6. Pour ce qui est du M7, le détenu no 2 a confié à son psychologue qu'il faisait des provisions de frites dans sa cellule, mais ce renseignement n'a pas été communiqué à d'autres membres du personnel. Pour le M8, on a indiqué qu'une séance d'aide après un stress causé par un incident critique a été offerte à tous les membres du personnel en cause et aux détenus impliqués dans ces décès. Enfin, en ce qui concerne les pratiques exemplaires, un établissement s'est démarqué en refusant d'adopter la pratique exemplaire consistant à diminuer les frites offertes dans son menu mensuel ainsi que l'utilisation de graisse dans la cuisson des frites.
Dans chaque tableau, on tente aussi de résumer l'ampleur des tendances ou de déterminer si le rendement est satisfaisant ou non. Par exemple, le M1 et le M8 ne montrent aucun problème avec les interventions du SCC dans les trois cas. En revanche, le M5 permet de révéler des problèmes de sécurité dans deux des trois cas. La détermination de tendances globales a des répercussions sur les recommandations du CEI et l'ordre de priorité que le SCC doit accorder aux mesures à prendre pour donner suite aux décès en établissement.
Bien qu'un tableau sommaire figure à la fin de chaque chapitre portant sur un type de décès, le tableau porte sur les 25 cas aux fins d'évaluation globale du rendement du SCC en fonction du mandat.
Cas no | 1 | 2 | 3 | Total |
---|---|---|---|---|
Type de décès | Surdose | Surdose | Surdose | |
M1 Réponse du SCC | Non | Non | Non | 0-Oui 3-Non |
M2 Tendances existantes avant l'incident | Oui | Non | Non | 1-Oui 2-Non |
M3 Santé mentale | Oui | Non | Non | 1-Oui 2-Non |
M4 Gestion de cas | Oui | Non | Non | 1-Oui 2-Non |
M5 Patrouilles de sécurité | Non | Oui | Oui | 2-Oui 1-Non |
M6 Intervention en situation d'urgence | Non | Non | Non | 0-Oui 3-Non |
M7 Communication de renseignements | Non | Oui | Non | 1-Oui 2-Non |
M8 Soutien au personnel et aux détenus | Non | Non | Non | 0-Oui 3-Non |
M9 Problèmes liés à une pratique exemplaire | Oui | Non | Non | 1-Oui 2-Non |
Oui : Problèmes cernés
Non : Aucun problème cerné
Échelle de la hiérarchie d'efficacité de l'ICSP
Dans notre examen de la documentation au chapitre 2, nous avons décrit les avantages des pratiques de gestion des risques organisationnels dans le domaine des soins de santé. Nous nous fondons sur cette analyse pour décrire notre utilisation de l'échelle de la hiérarchie d'efficacité pour évaluer les réponses organisationnelles du SCC à ces décès en établissement.
À la lumière des préoccupations soulevées par le BEC concernant la récurrence d'incidents semblables et de lacunes similaires dans les services, le CEI souhaitait évaluer le niveau d'efficacité des recommandations formulées par le comité d'enquête. Ici, l'efficacité est définie comme la probabilité qu'une recommandation donne lieu à une réduction du nombre de décès en établissement.
À notre connaissance, la documentation dans le domaine de la justice pénale ne fait état d'aucune méthode d'évaluation de recommandations de cette façon; par conséquent, nous nous tournons vers d'autres domaines pour obtenir des avis éclairés. Afin de prévenir les décès imprévus (c.-à-d. qui ne sont pas liés à la maladie) de nombreux organismes de soins de santé ont adopté des principes d'organisations à haute fidélité (Perrow, 1999). Celles-ci s'appuient sur la théorie voulant que les organisations complexes soient, de façon inhérente, portées à commettre des erreurs, et que les accidents organisationnels (dont les décès) puissent être évités par une gestion des erreurs axée sur les systèmes, et leurs pratiques témoignent de cette orientation. Depuis les années 1980, un large éventail d'organisations et d'organismes appliquant les principes des organisations à haute fidélité ont constaté des améliorations remarquables sur les plans de la sécurité et de la prévention des décès dans les centrales nucléaires, le secteur des soins de santé, les usines de produits chimiques, les unités de lutte contre l'incendie et le secteur de l'aviation (Bourrier, 2011; Perrow, 1999, Roberts et Bea, 2001; Roberts, Stout et Halpern, 1994; Weick et Sutcliffe, 2001). Les principes des organisations à haute fidélité sont particulièrement utiles pour les organisations qui sont à la fois susceptibles de commettre des erreurs et qui sont responsables de la sécurité individuelle et publique, comme les organismes de justice pénale. Ceux-ci comportent des processus et des procédures complexes et interdépendants, ils ont la responsabilité de populations vulnérables (et parfois litigieuses) et ils comptent sur des humains pour gérer ce système complexe et enclin à l'erreur (Bogue, 2009).
L'ICSP offre aux organismes de soins de santé des outils et des méthodes (comme l'échelle de la hiérarchie d'efficacité) les aidant à adopter les principes d'organisations à haute fidélité. L'échelle de la hiérarchie de l'efficacité a donc été adaptée au présent examen. L'un des moyens importants par lequel le SCC peut commencer à adopter les principes d'organisations à haute fidélité est l'évaluation et le suivi de l'efficacité des recommandations des comités d'enquête.
Une fois qu'une enquête a permis de déterminer la source d'un incident, des recommandations devraient être formulées afin d'atténuer le risque que ces problèmes surviennent de nouveau. Des recommandations concernant la formation et les politiques devraient être élaborées lorsque des lacunes sont décelées, mais ces recommandations ne suffiront pas à elles seules à résoudre les problèmes sous-jacents qui entraînent un incident grave.
Les caractéristiques clés des recommandations efficaces sont les suivantes :
- Elles constituent un signal ou une barrière solide et durable interceptant les risques associés aux facteurs contributifs relevés passibles de sanctions (voir le tableau 2 présentant la hiérarchie de l'efficacité).
- Elles comportent des critères « SMART » (spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et limité dans le temps).
- Elles ciblent le niveau approprié de l'organisme.
- Elles attribuent les responsabilités aux bonnes personnes.
- Elles sont fondées sur des éléments probants (le cas échéant).
- Elles présentent un contexte suffisant (explication, faits) [ICSP, 2011, p. 24].
Types de recommandation | Exemples | Efficacité |
---|---|---|
Fonctions de contrainte | Élimination de la méthadone dans l'établissement, élimination des points de suspension | 1 |
Automatisation/informatisation | Technologie de détection de la chaleur; séances d'information automatisées quotidiennes et tableaux de dénombrement | 2 |
Normalisation/simplification/différenciation | Niveaux d'observation fondés sur un code de couleurs; information requise sur la santé mentale des détenus avant leur transfèrement | 3 |
Rappels/vérifications/redondances | Prise en compte des observations des agents correctionnels dans la gestion de cas; deux agents comptent la même rangée | 4 |
Règles/politiques/procédures | Directives du commissaire; bulletins de sécurité | 5 |
Éducation/information | Notes de service sur les conséquences du rendement faible ou non conforme; enseignement ou formation de rattrapage sur les politiques et procédures en place | 6 |
Les organisations peuvent adopter ce système de codage comme élément courant des enquêtes et des rapports. Elles peuvent assurer le suivi de l'efficacité des recommandations au fil du temps et fixer des objectifs en vue d'améliorer les cotes. Comme il a été mentionné précédemment, lorsqu'on découvre des lacunes en matière de formation et de politiques, on devrait y remédier en réalisant des activités de perfectionnement et d'élaboration de politiques. Des recommandations sur les politiques et la formation sont donc toujours attendues; toutefois, les enquêtes doivent toujours viser à élaborer des recommandations qui tiennent compte le plus possible des six caractéristiques clés (ICSP, 2011). Plus une recommandation comporte de caractéristiques clés, plus efficace elle sera pour prévenir les décès.
Description de l'échantillon à l'étude
La petite taille de l'échantillon de l'examen de cette année ne permet pas d'effectuer des analyses statistiques inférentielles, nous présenterons donc des statistiques descriptives.
L'échantillon examiné compte 25 décès de délinquants sous responsabilité fédérale survenus au cours de l'exercice 2010-2011, soit des homicides, des suicides, un décès attribuable aux interventions du personnel et des décès non classés, que l'on appelle décès de causes inconnues selon la pratique établie. Les causes du décès demeurent « inconnues » lorsque, médicalement, elles n'ont pas été déterminées de manière définitive; il pourrait falloir 2 ans, voire plus, pour que l'on procède à l'autopsie ou que l'on reçoive les rapports définitifs du coroner. Un détenu présentant des antécédents de toxicomanie peut mourir de causes qui semblent naturelles, mais on ne peut pas en être certain tant qu'une autopsie n'aura pas été effectuée pour s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une surdose. Parmi l'ensemble des 25 détenus décédés, 7 avaient une cote de sécurité maximale, 13 avaient une cote de sécurité moyenne, 2 détenus étaient en semi-liberté et 3 en liberté d'office assortie d'une assignation à résidence. La plus importante catégorie de décès était les « décès de causes inconnues » (9), suivie des suicides (6), des homicides (5), des surdoses (confirmées ou soupçonnées) [4] et d'un cas de décès attribuable aux interventions du personnel (tableau 3).
Cette année, l'échantillon de l'étude était composé exclusivement d'hommes dont la moyenne d'âge était d'un peu moins de 40 ans et dont environ un tiers (36 %) étaient des Autochtones. Environ la moitié des détenus de l'échantillon étaient des délinquants dits « à sécurité moyenne », 28 % dits à « sécurité maximale », et 20 % étaient dans la collectivité en semi-liberté ou en liberté d'office assortie d'une assignation à résidence.
Un récent profil instantané d'une journée des délinquants sous la responsabilité du SCC présenté au comité des délinquants autochtones sous responsabilité fédérale indique que les délinquants autochtones représentent 19,2 % de l'ensemble de la population; par conséquent, cette année, ils sont deux fois plus susceptibles de mourir sous la surveillance du SCC. Cette surreprésentation en milieu carcéral reflète les expériences que vivent les Autochtones dans la collectivité, comme les problèmes de santé, la victimisation criminelle, la toxicomanie et les taux élevés de suicide (Allard, Wilkins et Berthelot, 2004; Brzozowski, Taylor-Butts et Johnson, 2006).
Si on tient compte des diverses régions et de la taille de leur population carcérale respective, la région du Québec est sous-représentée dans le nombre total de décès survenus cette année, tandis que la région des Prairies est surreprésentée. Le nombre élevé de décès en établissement dans la région des Prairies n'est pas étonnant, puisque les établissements de la région ont une grande concentration de détenus autochtones et de gangs.
Un peu plus d'un quart des détenus faisant partie de l'échantillon purgeaient une peine d'emprisonnement à perpétuité (28 %).
Victime/caractéristique de l'incident | N (25) | % |
---|---|---|
Homicides | 5 | 20 % |
Suicides | 6 | 24 % |
Surdoses (confirmées ou soupçonnées) | 4 | 12 % |
Décès de causes inconnues (y compris les blessures) | 9 | 36 % |
Décès attribuable aux interventions du personnel | 1 | 4 % |
Sexe
|
25 | 100 % |
Âge | Moyen : 39,6 | Écart type : 10,8 |
Descendance autochtone | 9 | 36 % |
Cote de sécurité
|
7 13 5 |
28 % 52 % 20 % |
Région
|
4 1 7 9 4 |
16 % 4 % 28 % 36 % 16 % |
Condamnés à perpétuité | 7 | 28 % |
Tendances
Le nombre d'homicides par année a varié considérablement au cours de la dernière décennie, rendant ainsi les tendances difficiles à dégager (Figure 4). C'est pendant l'exercice 2003-2004 que le nombre d'homicides a été le plus élevé (n = 8), alors qu'en général, le nombre total varie entre 1 et 3 par année. Comme il y a eu 5 homicides l'an dernier, l'exercice 2010-2011 se trouve au 2e rang au chapitre du nombre d'homicides survenus au cours des dix dernières années. Les facteurs associés au nombre élevé de décès pendant certaines années méritent d'être étudiés davantage. Les auteurs et les victimes de ces homicides sont des sujets de choix pour des études approfondies. L'année dernière, 2 des auteurs des 5 homicides avaient déjà tué un autre détenu pendant leur incarcération. De même, l'une des victimes avait elle-même déjà tué un autre détenu.
Figure 3 : Meurtres de détenus survenus entre 2000-2001 et 2010-2011 (Source : rapports annuels sur le rendement du SCC)

Les meilleures données de tendances présentées au Comité sont celles sur les suicides en établissement, qui remontent à 1991-1992. Le nombre total de suicides en établissement (n = 5) survenus cette année est beaucoup moins élevé que celui de l'année dernière (n = 9) et il s'inscrit dans une tendance générale à la baisse au fil du temps (Figure 2). Il faut prendre cette tendance en considération pour les périodes de 5 ans suivantes :
- la moyenne du nombre de suicides pour la période de 1991-1992 à 1993-1995 est d'un peu plus de 16 suicides par année (16,25);
- la moyenne du nombre de suicides pour la période de 1995-1996 à 1999-2000 est de 13 suicides par année;
- la moyenne du nombre de suicides pour la période de 2000-2001 à 2005-2006 est de 11 suicides par année;
- la moyenne du nombre de suicides pour la période de 2006-2007 à 2010-2011 est de 8 suicides par année.
Le SCC a donc réussi à faire diminuer le nombre de suicides de moitié depuis le début des années 1990. Nous n'insinuons pas qu'il n'y a plus de travail à faire pour réduire ce nombre, mais qu'il se dégage une nette tendance.
Figure 4 : Suicides de détenus sous responsabilité fédérale survenus entre 1991-1992 et 2010-2011 (Source : rapports annuels sur le rendement du SCC)

Les données les plus problématiques que le SCC a fournies au Comité sont celles concernant les surdoses ou les décès en établissement soupçonnés d'être liés aux drogues. Les chiffres pour ce type de décès varient d'une source à l'autre, comme les rapports annuels sur le rendement et les études de recherche, comme le récent projet de Gabor. Ces variations reflètent la nature complexe de la définition et de la validation des surdoses. Il faut attendre deux ans, voire plus longtemps après l'incident, avant d'obtenir le rapport du coroner; par conséquent, le comité d'enquête ne peut confirmer ni rejeter de façon définitive l'hypothèse d'une surdose avant un certain temps. Les chiffres peuvent changer, et les années récentes peuvent être sousreprésentées ou surreprésentées. Pour l'exercice 2010-2011, nous avons simplement suivi l'exposé des faits des comités d'enquête et lorsque la cause du décès semblait être une surdose, nous l'avons notée comme telle. Avec le recul, si l'on observe la dernière décennie (voir la figure 3), le nombre de surdoses semble fluctuer énormément, variant d'une à six surdoses pour une année donnée. Le problème de la validité des données rend les généralisations difficiles, mais il semble s'être produit un petit changement dans le nombre de décès attribuables à une surdose en établissement au cours des dix dernières années. Les problèmes liés aux données compliquent l'évaluation des efforts du SCC pour réduire les décès en établissement; il est essentiel d'avoir des données exactes. À titre d'exemple, les efforts déployés par l'organisme pour la répression des drogues afin d'en réduire la consommation dans les pénitenciers peuvent être liés à une diminution des décès attribuables à une surdose, mais seulement si l'on peut étudier les chiffres à ce sujet en toute confiance.
Figure 5 : Décès de détenus par surdose (confirmée ou soupçonnée) survenus entre 2000-2001 et 2010-2011 (Source : rapports annuels sur le rendement du SCC)

Comparaison du groupe à l'étude avec la population globale des décès en établissement
Victime/caractéristique de l'incident | De 2002 à 2007 (n = 82) % de tous les cas |
2010-2011 (n = 19)) % de tous les cas en établissement |
---|---|---|
Homicides | 20,7 | 26,3 % (5) |
Suicides | 61,0 | 21,1 % (4) |
Décès accidentels (incluant les décès de causes inconnues et les surdoses confirmées ou soupçonnées) | 18,3 % | 52,7 % (10) |
Pourcentage des décès accidentels attribuables à des surdoses confirmées ou soupçonnées | 80 % | 10,6 % (2) |
Hommes | 98,8 % | 100,0 % |
Moins de 30 ans | 29,3 % | 15,8 % |
Descendance autochtone | 22,0 % | 31,6 % |
L'incident s'est produit dans les 30 jours suivant l'admission en établissement | 20,7 % | 5,3 % |
Avait un casier judiciaire avant l'infraction la plus récente | 93,9 % | 100,0 % |
Infraction la plus récente : infraction avec violence | 92,7 % | 94,7 % |
Purgeait une peine d'emprisonnement à perpétuité | 32,9 % | 31,6 % |
Enfin, le Comité aimerait mettre en contexte l'évaluation du groupe visé par l'étude de 2010-2011 en la comparant avec le sommaire de la recherche de Gabor sur les cas survenus entre 2002 et 2007 (Tableau 6). Cette comparaison nous permet de mesurer si les chiffres de cette année sont typiques ou non. Cette méthode est loin d'être parfaite et ne nous permet pas de prendre en considération les anomalies (p. ex., le nombre d'homicides de cette année est élevé, mais il est peu probable qu'il soit aussi élevé l'année prochaine), mais nous sommes d'avis qu'il offre au lecteur une base de comparaison. Afin de comparer les pommes avec des pommes, nous nous servirons que des 19 décès survenus en établissement; la comparaison ne comprend ni le cas de décès attribuable aux interventions du personnel ni les 5 cas de décès survenus lors de la période de mise en liberté sous condition. Nous avons également regroupé les catégories des surdoses confirmées ou soupçonnées et des décès de causes inconnues sous la catégorie des décès accidentels utilisée par Gabor.Note de bas de page 4
Parmi les décès survenus en 2010-2011, le nombre ainsi que la proportion d'homicides étaient plus élevés qu'à l'habitude (26,3 % par rapport à 20,7 % dans l'étude sur 5 ans menée par Gabor). Les suicides représentaient une proportion beaucoup plus faible des décès qu'auparavant (21,1 % par rapport à 61 %). Les décès accidentels ont été les plus nombreux lors de l'année à l'étude (52,7 % par rapport à 18,3 % auparavant). De plus, les surdoses confirmées (ou soupçonnées) représentaient une proportion beaucoup moins élevée de la catégorie des décès accidentels, c'est-à-dire 33 % comparativement à 80 % dans l'étude de Gabor.
Le nombre d'hommes prédominait cette année, tout comme les années précédentes (100 % comparativement à une moyenne de 99 % pour l'étude de Gabor). Les membres du groupe de 20102011 étaient plus âgés; seulement 15,8 % des détenus avaient moins de 30 ans, comparativement à 29,3 % pour la période couverte par l'étude de Gabor. La proportion de décès d'Autochtones en établissement semble avoir augmenté : 22 % dans l'étude de Gabor à 31,6 % dans la nôtre.
L'étude de Gabor révèle qu'un peu moins du tiers des décès (29,3 %) sont survenus dans un délai de 30 jours suivant l'admission en établissement, mais nous n'avons observé cette caractéristique que pour un seul des cas de notre échantillon (5,9 %). Les détenus du groupe de l'étude de 20102011 présentaient tous des antécédents criminels et ils avaient presque tous commis des infractions avec violence, ce qui concorde parfaitement avec les résultats de l'étude de Gabor. Ce dernier a constaté que les détenus purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité représentaient le tiers des détenus qui meurent chaque année en établissement, ce qui se compare avec les résultats de cette année (31,6 %).
Pour résumer cette comparaison, le nombre d'homicides de cette année est plus élevé que celui des autres années. Le nombre de suicides est moins élevé et cette diminution semble s'inscrire dans une tendance à la baisse. Les décès accidentels représentent une proportion plus élevée du nombre de décès en établissement de cette année. Les surdoses semblent être le type de décès le plus difficile à déterminer avec exactitude, et nous accordons peu de foi aux données sur les tendances qui ont été mises à notre disposition. Une étude distincte est probablement nécessaire, étant donné les délais des rapports du coroner, afin d'améliorer la qualité des données relatives aux décès attribuables à une surdose. Le CEI est aussi d'avis que les homicides des détenus méritent aussi une analyse longitudinale distincte.
Limites de l'examen indépendant et de ce type de recherche
Limites de l'examen indépendant et de ce type de recherche Le type d'examen que nous effectuons comporte un problème méthodologique fondamental. Il s'agit essentiellement d'un problème causal de généralisation abusive, soit l'attribution de caractéristiques à l'ensemble d'un groupe en se fondant sur quelques exemples. Cet examen utilise un petit groupe d'incidents statistiquement rares, tente de relever les problèmes récurrents dans quelques cas puis applique ces problèmes au fonctionnement de l'ensemble de l'organisme. Ce problème s'aggrave lorsqu'on examine ces cas sur un exercice. Par exemple, si quelques cas de décès en établissement montrent une mauvaise intervention médicale d'urgence du personnel du SCC, on en déduit que l'intervention en situation d'urgence est un problème important qui est peutêtre attribuable à une formation insuffisante du personnel, à de l'équipement inadéquat ou au fait que le personnel ne prend pas son travail au sérieux ou que les procédures devraient être normalisées. Toutefois, au cours de l'année, il s'est peutêtre produit un grand nombre de situations d'urgence médicale pendant lesquelles le personnel du SCC a agi de façon exemplaire et a possiblement sauvé la vie de détenus.
Cependant, les décès en établissement induisent une structure de rapports négatifs dans laquelle seuls les décès sont étudiés et non les cas où le détenu a frôlé la mort ou les tentatives de suicide qui ont été évitées grâce à l'intervention du personnel. Il est possible que le personnel intervienne rapidement ou de façon héroïque la plupart du temps, mais les données à ce sujet ne sont pas recueillies et analysées systématiquement afin d'évaluer la prédominance de l'efficacité des interventions du personnel. Le Comité considère l'initiative de collecte de données du Secteur des opérations et des programmes correctionnels comme étant essentielle à une bonne évaluation du rendement du SCC dans ce domaine. Les données sur les interventions efficaces ou sur celles qui ont causé des blessures plutôt que la mort devraient constituer une base de données probantes à partir de laquelle le SCC pourrait établir un niveau relatif de rendement du personnel, calculer les taux d'erreur ou produire des estimations des points forts et des points faibles relatifs.
Nous n'insinuons pas que l'examen des préoccupations au sujet du rendement du personnel dans des situations ayant causé la mort d'un détenu n'est pas valide ou que l'amélioration ou l'apprentissage ne devraient pas constituer un objectif. L'autocritique est un élément important pour tout organisme qui cherche à obtenir un niveau élevé de rendement. De toute évidence, il est important de remédier aux problèmes récurrents. Toutefois, le fait d'appliquer ce type d'approche à une seule année peut entraîner une généralisation abusive. Nous y reviendrons à la conclusion du chapitre 9.
Chapitre 4 : Décès attribuables à une surdose
Au cours de l'exercice 2010-2011, il y a eu 4 décès attribuables à une surdose confirmée. Au moment de leur décès, 2 délinquants étaient en liberté d'office et 2 étaient incarcérés dans un établissement à sécurité moyenne. Les 4 hommes sont décédés après avoir ingéré des opiacés; l'un d'eux avait également consommé de l'héroïne et du diazépam. Il convient de souligner qu'au moment du décès dans le cas no 24, de l'héroïne de mauvaise qualité se vendait en Colombie Britannique (là où était logé le détenu), ce qui a été signalé par la Gendarmerie royale du Canada aux médias en janvier 2011.Note de bas de page 5 En mai 2011, le service du coroner de la Colombie Britannique a publié un bulletin d'information indiquant qu'il y avait eu 20 décès attribuables à une surdose au cours des 4 premiers mois de cette annéelà, soit deux fois plus que l'année précédente.Note de bas de page 6 Le rapport du comité d'enquête faisait également état de la coïncidence entre le moment du décès survenu dans le cas no 24 et les avertissements diffusés par les services de police et le service du coroner aux consommateurs de drogue.
Le caractère approprié et adéquat des mesures correctives et des plans d'action de la direction en réponse aux enquêtes relatives aux surdoses
Il est impossible d'analyser le caractère approprié et adéquat de la réponse relative au cas no 25, car il s'agissait d'une enquête locale qui n'a donc pas été soumise au Comité de direction. Pour ce qui est des trois autres rapports des comités d'enquête liés aux décès attribuables à une surdose, ils renfermaient six recommandations, dont l'une était appuyée par l'organisation. Cinq recommandations n'ont reçu aucun appui pour diverses raisons, notamment parce que l'on redoutait le chevauchement avec d'autres initiatives déjà en place, l'incompatibilité des systèmes d'horloge et le désaccord suscité par les constatations. La recommandation visant à installer des caméras à l'entrée des rangées et des unités munies d'horodateurs, afin d'évaluer la qualité des tournées, a été appuyée. Il y avait quinze constatations dans l'ensemble des rapports des comités d'enquêtes relativement aux décès attribuables à une surdose, dont bon nombre touchaient des questions de conformité. Une analyse détaillée de la réponse formulée par le SCC à ces recommandations et à ces constatations figure au chapitre 9.
Une analyse des tendances relatives aux facteurs ayant contribué aux décès ou les ayant déclenchés
Il n'est pas étonnant que les quatre délinquants qui sont décédés par surdose avaient d'importants antécédents de problèmes de toxicomanie, ce qui a contribué aux activités criminelles de chacun de ces délinquants. Trois délinquants sur quatre dans cette section avaient suivi un programme de traitement de la toxicomanie ou y participaient activement pendant leur incarcération. Lorsque le délinquant no 25 a avoué qu'il avait consommé de la morphine trois jours avant sa mise en liberté, l'agent de libération conditionnelle a fourni, de façon appropriée, un soutien supplémentaire pour gérer la rechute. Dans l'ensemble, aucun des comités d'enquête n'a décelé de lacune dans la réponse aux problèmes de consommation d'alcool et de drogues des détenus.
Dans deux cas, les comités d'enquête n'ont cerné aucun facteur ayant déclenché les incidents, et une demande en vue de fournir un échantillon d'urine pour les besoins d'un test d'urine a été considérée comme un facteur proximal dans le cas no 25. La gestion de la douleur (attribuable à des maux de dos chroniques et à de récents soins dentaires) a été considérée comme un signe précurseur dans le cas no 8, et l'athérosclérose cardiovasculaire est un facteur ayant contribué à son décès.
Une analyse des tendances relatives aux soins de santé mentale fournis aux détenus ayant des besoins à cet égard avant leur décès
Trois délinquants sur quatre qui sont décédés par surdose avaient des problèmes de santé mentale documentés. Dans le cas no 25, le délinquant avait déjà fait des tentatives de suicide, et dans le cas no 24, on avait diagnostiqué chez le délinquant un trouble de la personnalité limite et un trouble schizoaffectif pour lesquels il était soigné. Le délinquant du cas no 8 avait des antécédents de dépression. Dans tous ces cas, les besoins en santé mentale des délinquants étaient bien gérés. Les problèmes relatifs aux médicaments ont été gérés et surveillés de façon appropriée dans les cas nos 8 et 24. Dans le cas no 25, les tentatives de suicide du délinquant ont été consignées, et le risque qu'il présentait n'a posé aucun problème pendant sa dernière incarcération.
Une analyse des tendances relatives aux pratiques de gestion de cas avant le décès des détenus
À l'exception de certains problèmes liés à la période de planification dans les cas nos 24 et 25, aucune préoccupation importante n'a été soulevée relativement à la gestion des cas chez ceux qui sont décédés par surdose au cours de l'exercice 2010-2011. La préparation des cas a été jugée exhaustive et appropriée, et certains retards cernés n'ont eu aucune incidence sur la gestion globale des délinquants. Dans trois cas, la cote de sécurité et le placement de chacun des délinquants étaient conformes aux politiques. Un problème de conformité a été relevé dans le cas no 8, car l'évaluation du délinquant en vue du placement dans une cellule à double occupation n'a pas été effectuée conformément aux politiques. Dans les quatre cas, chaque délinquant s'est vu fournir un plan solide afin de répondre à ses besoins.
Une analyse des tendances relatives aux pratiques de sécurité, telles que la présence du personnel et la surveillance des activités des détenus
On a relevé des problèmes relatifs à la surveillance des activités des détenus dans deux cas. Dans le cas no 24, le délinquant a été trouvé mort dans sa chambre dans le centre communautaire en état de rigidité. Il avait été vu pour la dernière fois ce matinlà au déjeuner, et avait fait l'objet d'une nouvelle vérification lorsqu'on a constaté qu'il ne s'était pas présenté à la séance du Programme communautaire de maintien des acquis. Tout au long de l'enquête, le comité d'enquête a soulevé des questions relatives aux prises et aux analyses d'échantillons d'urine ainsi qu'à la régularité des tournées et des dénombrements au centre. Au moment du décès du détenu, le centre procédait à des analyses d'urine que lorsqu'on avait des motifs raisonnables de le faire, plutôt que selon la fréquence établie. De même, cet établissement ne se conformait pas invariablement aux ordres de poste. Le comité d'enquête a judicieusement formulé des recommandations visant à améliorer la surveillance des détenus au moyen de tournées et de dénombrements réguliers, ainsi que de la réalisation d'analyses d'urine à une fréquence établie.
Dans le cas no 13, le comité d'enquête a fait état des préoccupations relativement aux couvre fenêtres en bois sur les portes des cellules, lesquels gênaient l'observation officieuse des détenus dans leurs cellules. Aussi, en raison de l'absence d'enregistrements vidéo dans l'établissement, il était impossible d'évaluer la qualité des patrouilles. Ces cas illustrent que la régularité et la qualité des patrouilles et des dénombrements sont des éléments à améliorer dans tous les établissements.
Une analyse des tendances relatives à la gestion des urgences et aux interventions dans ces situations en réponse au décès des détenus
Trois cas de surdose se sont produits pendant que les délinquants se trouvaient dans leur établissement respectif, et une surdose est survenue lorsque le délinquant était illégalement en liberté de son établissement résidentiel. Pour ceux qui étaient sous garde, le personnel est intervenu immédiatement et a fait appel au soutien d'autres membres du personnel dans la situation d'urgence. Dans le cas no 8, un autre détenu a trouvé le détenu inconscient dans sa cellule et a demandé l'aide d'un autre détenu avant d'aviser le personnel. Malheureusement, dans deux cas (nos 13 et 24), la réanimation cardio respiratoire (RCR) n'a pas été administrée conformément à la DC 800 - Services de santé. Dans le cas no 13, le détenu a été transporté à l'unité de soins de santé avant d'administrer la RCR. Dans le cas no 24, la RCR n'a pas été administrée du tout, car le personnel a trouvé le détenu mort en état de rigidité. Bien qu'il soit compréhensible que dans le second cas, le personnel estimait que l'état du détenu ne se prêtait plus à une intervention thérapeutique, la DC précise clairement qu'il faut administrer la RCR indépendamment des circonstances. Cette directive prévoit des circonstances où le personnel croit à tort que l'état de la personne ne se prête plus à une intervention thérapeutique, et en administrant la RCR, le personnel peut s'assurer qu'il fait tout ce qui est en son pouvoir pour préserver la vie.
Dans le cas no 25, le délinquant est mort par surdose lorsqu'il était illégalement en liberté de son établissement résidentiel, et son décès a été constaté à l'hôpital. Par conséquent, le SCC n'a pas participé à l'intervention d'urgence dans ce cas.
Une évaluation de la communication de renseignements entre les principaux intervenants durant les incidents
La tendance la plus constante en matière de communication entre les principaux intervenants durant les incidents était la communication régulière de renseignements entre les personnes et les organismes en cause dans les cas des délinquants. Les communications se sont toutes déroulées conformément aux politiques énoncées dans deux cas (nos 13 et 24) et les rapports ont tous été rédigés conformément à ces politiques également. L'une des questions relatives au moment de la communication n'a eu aucune incidence sur le cas (no 25) ni sur l'incident. L'un des volontaires, qui était proche du détenu no 24, n'a pas été informé de son décès avant trois jours, et dans le cas no 8, l'un des formulaires de rapport a été rempli à deux reprises, et il y avait des incohérences dans la catégorisation du décès après l'incident.
Une évaluation du soutien fourni aux employés et aux détenus après les incidents
Dans trois cas, des services de Gestion du stress lié aux incidents critiques (GSIC) ont été offerts à tous les employés et ont été fournis au besoin. Dans le cas no 8, il est consigné que l'équipe responsable de la GSIC a été avisée de l'incident et priée de se présenter sur les lieux, mais le rapport du comité d'enquête ne faisait pas état du recours à ce soutien. Il se peut qu'un soutien de suivi ait été fourni par l'Aîné de l'établissement, mais le rapport du comité d'enquête n'en faisait pas mention. Un soutien a été offert à d'autres détenus dans le cas no 25, mais le soutien fourni aux détenus dans les cas nos 8, 13 et 24 n'a pas été signalé. Dans l'ensemble, il semble que les comités d'enquête ont raté l'occasion de se renseigner sur la raison pour laquelle le soutien visé n'a pas été offert ni fourni, ainsi que d'élaborer des solutions et des recommandations pour veiller à ce que les détenus et les employés reçoivent le soutien qui s'impose après un événement traumatisant.
Résumé des décès attribuables à une surdose
Cas no | 8 | 13 | 24 | 25 | Total |
---|---|---|---|---|---|
Type de décès | Surdose | Surdose | Surdose | Surdose | |
M1 Réponse du SCC | Non | Oui | Oui | S.O. | 2-Oui 1-Non 1-S.O. |
M2 Tendances existantes avant l'incident | Non | Non | Non | Non | 0-Oui 4-Non |
M3 Santé mentale | Non | Non | Non | Non | 0-Oui 4-Non |
M4 Gestion de cas | Non | Non | Non | Non | 0-Oui 4-Non |
M5 Patrouilles de sécurité | Non | Oui | Oui | Non | 2-Oui 2-Non |
M6 Intervention en situation d'urgence | Non | Oui | Oui | S.O. | 2-Oui 1-Non 1-S.O. |
M7 Communication de renseignements | Non | Non | Non | Non | 0-Oui 4-Non |
M8 Soutien au personnel et aux détenus | Non | Non | Non | Non | 0-Oui 4-Non |
M9 Problèmes liés à une pratique exemplaire | Non | Non | Non | Non | 0-Oui 4-Non |
Oui – Problèmes cernés
Non – Aucun problème important cerné
S.O. – Sans objet
La réponse du SCC a suscité des questions dans deux des quatre cas de décès attribuables à une surdose. Aucun problème important n'a toutefois été relevé en ce qui a trait aux tendances existantes avant l'incident, à la santé mentale, à la gestion de cas, à la communication de renseignements ou aux pratiques exemplaires. Dans deux des quatre cas, des problèmes ont été cernés relativement à la sécurité et aux patrouilles ainsi qu'à l'intervention d'urgence lors des décès. Des problèmes importants ont été cernés dans trois de ces cas relativement au soutien fourni au personnel et aux détenus après l'incident.
Chapitre 5 : Suicide en milieu carcéral
Dans le document Practice Guidelines for the Assissent and Trématent of Patients witz Suicida Behaviorisme de l'American Psychiatrique Association (2003), les auteurs soulignent que la rareté des suicides, sur le plan statistique, rend ces derniers difficiles à prédire en se fondant sur les facteurs de risque. Dans les environnements complexes, tels que les milieux correctionnels, même les stratégies de gestion du risque de suicide fondées sur les pratiques exemplaires sont peu susceptibles d'aider à prédire et à prévenir tous les cas de suicide. Les facteurs de risque sont souvent cumulatifs, mais peuvent également être interactifs et produire des niveaux de risque uniques selon les personnes. Tel qu'il est indiqué dans le Harvard Médical Schéol Guide to Suicide Assissent and Intervention (Jacobs, Breker et Klein Benheim, 1999, p. 4), [traduction] « l'objectif d'une évaluation du risque de suicide ne consiste pas à prédire le suicide, mais plutôt à surveiller une personne en fonction d'un continuum des risques putatifs, afin de comprendre le fondement du risque de suicide, et ainsi de permettre une intervention plus éclairée ».
La gestion du risque de suicide en milieu correctionnel peut s'avérer particulièrement difficile pour un certain nombre de raisons. D'abord, dans une étude américaine, Jenkins et ses collègues (2005) ont montré que les personnes en détention avant jugement sont 7,5 fois plus susceptibles de faire une tentative de suicide comparativement à la population générale, et les personnes incarcérées sont 6 fois plus susceptibles de se suicider; ce qui s'explique vraisemblablement par les nombreux facteurs de risque que les personnes incarcérées amènent avec elles en milieu carcéral et qui les expose davantage au risque de suicide comparativement à la population générale (Jenkins et coll., 2005; Konrad et coll., 2007). Les facteurs de risque peuvent être statiques, notamment les questions touchant les antécédents comme les agressions sexuelles durant l'enfance, ou dynamiques, notamment un problème constant de toxicomanie. Ces risques « importés » sont ensuite exacerbés par le stress causé par l'incarcération elle même et la privation de liberté et, pour certains, la perte de facteurs de protection comme un emploi et un logement stable. Les stratégies de gestion du risque de suicide au sein des organisations de justice pénale doivent viser à atténuer le risque de suicide autant que possible en ayant recours à l'évaluation des pratiques exemplaires et à des interventions, en mettant en œuvre des mesures de protection environnementales qui limitent l'accès à des moyens d'y parvenir pour ceux présentant un risque immanent de suicide et d'autres stratégies de sécurité reconnues pour réduire le risque de suicide en milieu carcéral.
Au cours de l'année à l'étude (2010-2011), six décès par suicide de détenus sous la responsabilité du SCC ont été confirmés. Dans cette section, on examinera les circonstances relatives aux décès par suicide, dans le but de cerner les tendances relatives aux échecs possibles du système, les lacunes relevées, ainsi que l'efficacité des solutions proposées dans les rapports des comités d'enquête.
Le caractère approprié et adéquat des mesures correctives et des plans d'action de la direction pour donner suite aux enquêtes relatives aux suicides
Les comités d'enquête mènent une enquête approfondie sur les circonstances et les résultats entourant chacun des décès. Les résultats des enquêtes sont divisés en conclusions (conformité et non conformité) et en recommandations. Les conclusions et les recommandations sont ensuite appuyées, appuyées en partie ou non appuyées par les établissements en cause dans l'incident, de même que les titulaires de police ou la direction des services, des secteurs et des programmes connexes. Ensuite, des plans d'action visant à donner suite aux conclusions et aux recommandations appuyées sont élaborés et coordonnés par le Comité de direction.
Parmi les six décès par suicide, l'un des rapports contenait deux recommandations et deux autres rapports en renfermaient chacun une, pour un total de quatre recommandations. L'une de ces recommandations n'a pas été appuyée : que la DC 800 - Services de santé soit modifiée de sorte que le défibrillateur externe automatisé (DEA) soit déployé même lorsqu'il indique de ne pas administrer de choc. Le commissaire adjoint, Services de santé, soutenait que, selon cette directive, il aurait effectivement fallu utiliser le DEA pendant l'incident. D'après les documents fournis au CEI, il semble qu'un enseignement correctif aurait été donné au personnel infirmier relativement à l'utilisation appropriée du DEA. Une réponse organisationnelle plus efficace à cet incident consisterait à déterminer la façon de simplifier les instructions touchant l'utilisation du DEA en situation de crise. Il est clair pour le CEI que le personnel en cause croyait suivre les procédures correctement; un enseignement correctif au sujet de la politique contribue peu à combler les lacunes dans les connaissances (en effet, les rappels et les notes de service sont les moins susceptibles d'amener des changements efficaces). La simplification des procédures et des instructions, si possible dans ce cas, se serait révélée une réponse organisationnelle beaucoup plus efficace.
Une analyse des tendances relatives aux facteurs ayant contribué aux décès ou les ayant déclenchés
Tous les détenus qui sont décédés par suicide avaient des antécédents d'idéation suicidaire, et tous sauf un éprouvaient de graves problèmes de santé mentale, essentiellement la dépression, et un détenu était atteint de schizophrénie paranoïde. Quatre des six détenus qui se sont suicidés avaient déjà fait des tentatives de suicide, et tous ces détenus sont décédés après avoir utilisé la même méthode à laquelle ils avaient eu recours lors de leurs tentatives. Aucune tendance claire ne s'est dégagée relativement aux facteurs de longue date chez ceux qui se sont suicidés : dans les rapports, on relevait des problèmes psychiatriques et psychologiques comme une piètre capacité d'adaptation, la détresse causée par la maladie, une accumulation de pertes personnelles, un deuil prolongé et la douleur chronique. Aucune des enquêtes n'a permis de mettre au jour des facteurs déclencheurs immédiats (dans les 24 heures précédant le décès).
Des facteurs proximaux ont été cernés dans trois décès, dont le changement de médicaments pour soigner le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention, le décès de membres de la famille et le rejet de la demande de permission de sortie pour assister aux funérailles, de multiples transfèrements d'un établissement à un autre et la détresse causée par la schizophrénie (hallucinations auditives).
Une tendance notable s'étant dégagée chez les détenus qui se sont suicidés était qu'on avait changé ou arrêté leurs médicaments psychotropes ou qu'on avait commencé à les leur administrer de deux à six semaines avant leur décès. Ce changement a été observé dans cinq des six décès par suicide; toutefois, les rapports des comités d'enquête respectifs faisaient état du changement de médicaments comme facteur de risque ayant contribué aux décès, et les effets secondaires attribuables au changement de médicaments psychotropes peuvent durer un ou deux mois. Ainsi, il se peut que le changement de médicaments soit un facteur déclencheur des décès. Il est raisonnable qu'un comité d'enquête cherche à savoir si un changement dans les médicaments psychotropes administrés à un détenu a été surveillé de manière appropriée conformément aux pratiques exemplaires. Une analyse approfondie de la réponse organisationnelle à la gestion des médicaments figure à la section suivante du mandat, concernant les soins de santé mentale fournis aux délinquants.
Le cas no 21 était atteint de diabète de type 1; on devait ainsi surveiller sa glycémie et lui administrer des injections d'insuline. Ce détenu était sous surveillance dans la collectivité au moment de son décès, et les dossiers médicaux liés à sa période d'incarcération n'ont pas été examinés en détail par le comité d'enquête. La mesure dans laquelle le personnel responsable des soins de santé a aidé ce détenu à surveiller sa glycémie, y compris la gestion des crises d'hypoglycémie et d'hyperglycémie, n'est pas claire. Ce délinquant s'est suicidé par surdose d'insuline. De même, ce délinquant souffrait de douleur chronique. Par le passé, son omnipraticien dans la collectivité lui avait prescrit de l'OxyContin, ce qui lui permettait de gérer sa douleur efficacement. Son omnipraticien a cessé de lui prescrire ce médicament avant son incarcération, et le délinquant n'était pas en mesure d'avoir accès à cet opioïde strictement réglementé lorsqu'il était sous garde. On a déployé des efforts pour lui offrir des solutions de rechange afin de gérer la douleur (dans la collectivité et en établissement), mais sa douleur demeurait vive, ce qui a aggravé sa dépression. Dans ce cas, sa douleur chronique et l'absence de mesures efficaces de gestion de la douleur se sont révélées des causes proximales de son décès par suicide.
Une analyse des tendances relatives aux soins de santé mentale fournis aux détenus ayant des besoins à cet égard avant leur décès
Tendance en matière de gestion des médicaments
Tel qu'il est mentionné précédemment, une tendance notable s'étant dégagée chez les détenus qui se sont suicidés était qu'on avait changé ou arrêté leurs médicaments psychotropes ou qu'on avait commencé à les leur administrer de deux à six semaines avant leur décès. Ce changement a été observé dans cinq des six décès par suicide, et le cas le plus inquiétant parmi ceux ci est le cas no 16.
Six semaines avant le suicide du détenu no 16, on avait décidé qu'il ne prendrait plus son médicament, à savoir Celexa (un antidépresseur puissant), car « il refusait d'assister aux séances cliniques » conformément au Programme de sensibilisation à la réception (un programme d'éducation en matière de santé). Le psychiatre qui a été interrogé après l'événement a affirmé que cette pratique était « conforme aux [normes établies dans] la collectivité ». Ces circonstances amènent le CEI à se poser des questions. Il s'agissait d'un détenu ayant des antécédents de dépression chronique et ayant déjà tenté de se suicider qui n'avait pas recours aux soins de santé mentale. Il semble irresponsable d'arrêter les médicaments psychiatriques comme conséquence de ce non recours. En outre, l'arrêt soudain d'antidépresseurs puissants peut entraîner un syndrome de sevrage, ce qui constitue en soi une urgence médicale. Cette pratique est tout particulièrement problématique étant donné que cet homme recevait un traitement pour une maladie dont le désengagement et l'isolement sont des symptômes de l'aggravation de la maladie. S'il s'agit d'une pratique courante dans les établissements du SCC d'arrêter l'administration de médicaments comme conséquence du fait de ne pas assister aux séances cliniques, il faudrait réexaminer cette pratique relativement aux médicaments psychotropes. Plus particulièrement, le Programme de sensibilisation à la réception doit tenir compte des pratiques exemplaires ou prometteuses liées au traitement et à la surveillance des symptômes de dépression en milieu correctionnel, et non dans le contexte des normes établies dans la collectivité. Le CEI est persuadé que l'organisation aurait pu poursuivre l'administration des médicaments psychiatriques et surveiller les symptômes et les effets secondaires sans obliger le détenu à recourir activement aux services de santé.
À l'exception du cas no 9 (le délinquant atteint de schizophrénie paranoïde), le rapport des comités d'enquête ne permettent pas d'établir clairement la mesure dans laquelle les détenus font l'objet d'une surveillance sur le plan du sevrage ou des effets secondaires. Étant donné qu'on avait changé ou arrêté les médicaments psychiatriques de cinq des six détenus qui se sont suicidés ou qu'on avait commencé à les leur administrer de deux à six semaines avant leur décès, il s'agit d'un domaine de pratique auquel le CSC doit accorder une attention particulière.
Les cas no 4 et 16 ont une similitude notable : dans les deux cas, le personnel d'intervention a eu beaucoup de difficulté à intervenir auprès des délinquants, qui se trouvaient tous deux en isolement. Dans les rapports sur ces cas, les comités d'enquête et le SCC se sont donné beaucoup de mal pour expliquer comment le personnel a réussi à convaincre, ou tenté de convaincre, chacun des délinquants à participer aux interventions. Une des observations notables formulées par un psychologue a été citée dans la grille : [traduction] « La disponibilité (des soins de santé mentale) ne veut rien dire si la personne n'en veut pas ». Les lacunes de l'organisation dans ces cas ne sont pas liées aux efforts du personnel d'intervention. Il faut déterminer si les pratiques et les interventions existantes s'appuient sur des pratiques exemplaires et si le personnel d'intervention a besoin d'autres mécanismes pour répondre aux besoins des délinquants qui n'ont pas recours aux services. À l'avenir, le SCC logera de nouveau dans ses établissements des délinquants suicidaires n'ayant pas recours aux services, et demeure responsable de l'atténuation du risque de décès. Bien qu'il soit important de veiller à ce que le personnel se soit conformé aux politiques et aux procédures établies, la prochaine étape consiste à déterminer la façon dont l'organisation peut améliorer son intervention dans le cas des délinquants qui sont déprimés et qui ne participent pas. Un exemple de ce type d'amélioration figure dans le plan d'action du cas no 4; il précisait que le psychologue tenterait de convaincre le délinquant d'avoir recours aux services tous les deux jours. Les lacunes dans l'intervention de l'organisation relativement au cas no 16 sont mentionnées précédemment.
Tendance en matière de soins par type d'établissement
Parmi les six décès par suicide, quatre sont survenus dans des établissements à sécurité maximale ou moyenne. Parmi ceux là, dans deux rapports des comités d'enquête, on a relevé des lacunes relativement aux comités de santé mentale. Dans le cas no 3, on a indiqué que le comité n'avait toujours pas été mis sur pied au moment du décès du détenu. Dans le cas no 4, on a souligné qu'aucun processus de renvoi n'avait été établi afin de permettre au comité d'examiner un cas particulier. La mise sur pied de comités de santé mentale à l'échelle du Service est une pratique prometteuse qui favorise la communication entre les multiples intervenants, la communication de renseignements et de connaissances spécialisées, ainsi que la discussion sur des cas complexes. La mise sur pied de ces comités était en cours pendant la période visée par le présent examen, mais les incidents permettent de déterminer la façon dont ces comités peuvent être utiles pour répondre aux besoins en santé mentale des détenus. Des procédures et des plans d'action de la direction ont été élaborés en vue de corriger les lacunes décelées dans les cas no 3 et 4; un comité a été mis sur pied dans un établissement, et un processus de renvoi a été élaboré et mis en œuvre dans l'autre.
Le cas no 3 fait référence au détenu qui a « promis » au personnel de correction de ne pas se suicider. Cela prouve que les contrats de non suicide font partie des interventions du personnel relatives à la santé mentale. Le CEI n'a pas eu l'occasion d'examiner les programmes d'éducation et de sensibilisation en matière de suicide offerts au personnel. Toutefois, si ces programmes admettent l'utilisation de contrats de non suicide, il faudrait les retirer et les réviser de manière à ce qu'ils tiennent compte des pratiques exemplaires dans le domaine. Les contrats de non suicide sont, de manière générale, déconseillés par les associations professionnelles et universitaires, dont l'American Psychiatric Association (2003), pour de nombreuses raisons. D'abord et avant tout, rien ne permet d'affirmer qu'ils préviennent le suicide ou qu'ils protègent les cliniciens contre une poursuite pour faute professionnelle (McConnell et Lewis, 2007; Steele et Doey, 2007). Ces contrats sont tout particulièrement déconseillés avec les personnes qui sont agitées, psychotiques, impulsives ou sous l'influence de substances intoxicante (American Psychiatric Association, 2003). Plutôt, la mise en œuvre d'un plan de sécurité pragmatique axé sur la collaboration constitue une pratique émergente et importante chez les fournisseurs de services de santé mentale et de lutte contre la toxicomanie. Le détenu et un professionnel collaborent à l'élaboration du plan de sécurité, en faisant appel aux stratégies d'adaptation et aux mécanismes de soutien à la disposition du détenu. Le plan de sécurité porte sur l'accès aux moyens permettant de faire une tentative de suicide, ainsi que sur les façons d'accéder aux mécanismes de soutien en situation de crise. Le professionnel et le détenu peuvent également s'employer à résoudre les problèmes ou les obstacles potentiels à l'utilisation du plan.
Les soins de santé mentale fournis aux détenus en semi liberté (n = 2) étaient complets et favorisaient le rétablissement. À titre d'exemple, le cas no 21 a reçu un éventail de services de soutien visant à traiter les problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Ses antécédents de dépression et de tentatives de suicide ont été déterminés de manière appropriée et les renseignements à cet égard ont été consignés et communiqués à tous les membres de l'équipe. La surveillance dans la collectivité offre un éventail d'options de traitement beaucoup plus vaste, dont bon nombre ne sont pas réalisables ou financées dans les établissements à sécurité maximale ou moyenne. Ce délinquant (cas no 21) était un délinquant sous responsabilité provinciale qui s'est suicidé dans un centre résidentiel communautaire fédéral, et n'était donc pas assujetti au même processus ou protocole en matière de santé mentale que les délinquants sous responsabilité fédérale. Même si les soins de santé mentale fournis à ce détenu étaient complets et répondaient à ses besoins, le comité d'enquête a judicieusement reconnu cette lacune organisationnelle relativement aux délinquants sous responsabilité provinciale. Le comité d'enquête a recommandé de préciser les rôles et les responsabilités pendant l'élaboration du plan de libération ainsi que l'évaluation et l'enregistrement appropriés du comportement suicidaire et du comportement d'automutilation du délinquant sous responsabilité provinciale. Le soutien et le plan d'action détaillé du SCC touchant cette recommandation constituent une méthode prometteuse et efficace pour corriger une lacune organisationnelle.
Une analyse des tendances relatives aux pratiques de gestion de cas avant le décès des détenus
La tendance la plus notable relative à la gestion de cas est que celle ci était bien coordonnée et exécutée dans quatre des six cas examinés dans la présente section. Dans ces quatre cas, on a fait l'éloge des équipes de gestion des cas du détenu pour leurs communications continues et leur coordination des soins.
Les cas no 3 et 4 étaient exceptionnels, on y a observé des lacunes sur le plan de la gestion de cas, comme une mauvaise communication entre les membres de l'équipe et l'absence de clarté quant aux rôles et aux responsabilités. Le comité d'enquête du cas no 4 a formulé des recommandations pour corriger cette lacune : élaborer des politiques en vue de permettre aux psychologues en chef des différents établissements de communiquer des renseignements au sujet des besoins en santé mentale des détenus qui présentent un comportement suicidaire ou un comportement d'automutilation avant leur transfèrement. Le SCC a appuyé cette recommandation de manière appropriée au moyen de modifications à la DC 710 2 – Transfèrement de délinquants. Au nombre de ces modifications figure la nécessité de tenir une conférence de cas entre les équipes de santé mentale des établissements d'origine et d'accueil avant le transfèrement d'un délinquant présentant un tel risque. De plus, dans les sept jours suivant la conférence de cas, l'établissement d'accueil sera tenu de préparer un plan provisoire pour la gestion du délinquant. Ces changements touchant les politiques constituent une première étape importante de la correction de la lacune décelée; la mise en œuvre de procédures automatisées pour veiller à la tenue des conférences et à la préparation des plans provisoires permettrait d'améliorer l'efficacité de l'intervention. À titre d'exemple, un mécanisme informatisé pourrait être élaboré en vue d'obliger le psychologue en chef à entrer la date et l'heure de la conférence de cas, sans quoi le transfèrement ne pourrait pas avoir lieu.
Une analyse des tendances relatives aux pratiques de sécurité, telles la présence du personnel et la surveillance des activités des détenus
Pour ceux qui étaient sous surveillance dans la collectivité (n = 2), toutes les évaluations de la fréquence de la surveillance ont été réalisées conformément aux politiques, et ont satisfait ou dépassé les exigences minimales relatives à la fréquence des contacts. Dans ces cas, les manquements ont été corrigés de manière appropriée en temps opportun, et la fréquence des contacts a été modifiée en conséquence. Parmi ceux dans des établissements à sécurité moyenne ou maximale (n = 4), tous les dénombrements ont été effectués conformément aux politiques dans deux de ces cas. Dans les deux autres cas, quelques dénombrements ont été sautés dans d'autres unités, mais cela n'a eu aucune incidence sur la surveillance des détenus qui se sont suicidés. La qualité de la surveillance a été jugée adéquate et efficace dans ces cas.
Tendance relative à la surveillance des activités des détenus
Parmi les décès examinés dans la présente section, trois sont survenus dans une unité d'isolement dans un établissement à sécurité maximale, un a eu lieu dans une unité de la population carcérale générale dans une unité à sécurité moyenne, un s'est produit dans un centre résidentiel communautaire, et le corps d'un homme a été découvert dans les montagnes des mois après avoir quitté sans permission (illégalement en liberté) alors qu'il était sous surveillance dans la collectivité.
Il est déconcertant de constater que trois délinquants étaient en isolement lorsqu'ils se sont suicidés. Ces cas, pris distinctement ou ensemble, font état de graves lacunes organisationnelles sur le plan de la gestion du risque de suicide. Dans deux de ces cas, les comités d'enquête ont souligné que les examens de la sécurité et des cas d'isolement avaient été effectués conformément aux politiques, mais l'un de ces examens a permis de relever des lacunes importantes dans le processus de placement des détenus selon leur niveau de sécurité :
[Traduction]
« (Le comité d'enquête) était en désaccord avec la cote de sécurité maximale attribuée au détenu et a constaté que le détenu n'aurait pas dû être transféré à l'Établissement [XXXXX]. Les tentatives d'évaluation de la détérioration de son état et d'intervention en vue de répondre à ses besoins en santé mentale auraient pu être entreprises à l'Établissement [XXXXX]. »
« Il aurait fallu envisager une évaluation psychologique (conformément à la Directive du commissaire 710 6 – Réévaluation de la cote de sécurité des délinquants, paragraphe 29) au moment de la réévaluation de la cote de sécurité du détenu. Il a été décidé de déroger aux résultats de l'Échelle de réévaluation de la cote de sécurité pour établir une cote de sécurité maximale, étant donné les grands besoins du détenu en santé mentale et le fait qu'une évaluation psychologique n'avait pas été effectuée depuis mars 2008. »
Malheureusement, la réponse du SCC à ces conclusions allait à l'encontre d'une approche en matière d'apprentissage organisationnel touchant la sécurité. Dans la grille de réponses organisationnelles du Comité de direction pour les besoins du présent examen, le directeur de l'établissement a indiqué que la politique citée ne précise pas qu'une évaluation psychologique à jour est nécessaire pour déterminer le niveau de sécurité du détenu. Le directeur du Secteur des opérations et des programmes correctionnels (OPC) a reconnu qu'il aurait pu être profitable de demander une nouvelle évaluation psychologique, toutefois, il a souligné que plusieurs conférences de cas avaient eu lieu avec le personnel du Service de psychologie de l'établissement, et que les besoins psychologiques du délinquant avaient été pris en considération au moment de déterminer sa cote de sécurité. Le SCC aurait dû se rendre compte que les conclusions citées ici constituent une lacune organisationnelle. Le processus en place pour assurer la sécurité et préserver la vie des détenus a échoué dans ce cas. Le fait que des conférences de cas avec le personnel du Service de psychologie ont eu lieu pour ce délinquant est discutable; la lacune organisationnelle demeure et le SCC risque de voir la situation se produire de nouveau.
Tendances relatives aux dangers dans l'environnement et aux mesures de protection connexes
Il est entendu que l'examen des dangers présents dans l'environnement et la mise en œuvre de mesures de protection font partie intégrante des pratiques opérationnelles du SCC. Le CEI est donc étonné que cet examen n'ait pas été intégré au processus d'enquête. Les dangers présents dans l'environnement où sont décédés les délinquants n'ont été examinés dans aucun des rapports des comités d'enquête, ce qui est tout particulièrement important dans le cas des unités d'isolement. Dans ce contexte, les dangers présents dans l'environnement sont les éléments d'un établissement dont les délinquants peuvent se servir pour se faire du mal. Les mesures de protection environnementales sont les éléments dans une unité qui limitent l'accès d'une personne aux moyens lui permettant de s'automutiler et de se suicider (Cardell, Bratcher et Quinnett, 2009). Dans une série d'examens, on a indiqué que la pendaison était une méthode de suicide commune en établissement, et l'élimination des points de suspension et aux moyens connexes doit constituer une priorité organisationnelle en matière de sécurité (Daigle, 2005; Hawton, 2007; Lieberman, Resnik et Holder Perkins, 2004; Mills, DeRosier, Ballot, Shepherd et Bagian, 2008; Yeager et coll., 2005). Ces types de mesures de protection environnementale conviennent le mieux aux unités où on gère des détenus présentant un risque élevé ou immanent de suicide, tels que ceux qu'on trouve dans les unités d'évaluation et de stabilisation, ou les unités de soins intensifs. Dans le contexte actuel, ces mesures de protection conviennent le mieux aux unités d'isolement, et non aux unités destinées à la population carcérale générale ni aux établissements communautaires. Bien que ces mesures de protection rendent les unités davantage « à l'épreuve du suicide » (Cardell, Bratcher et Quinnett, 2009), elles les rendent également très stériles et austères, et ne favorisent pas le rétablissement à long terme d'une personne ayant des problèmes de santé mentale.
Que l'on examine les situations en cause distinctement ou ensemble, il n'en demeure pas moins que trois détenus avaient accès aux moyens leur permettant de se suicider (deux par pendaison et un par asphyxie) pendant qu'ils étaient en isolement, ce qui témoigne d'une lacune dans la pratique organisationnelle courante employée pour examiner et éliminer les dangers dans l'environnement. Comme il est mentionné précédemment, l'un des détenus était atteint de diabète de type 1 et est décédé par surdose d'insuline. Ce décès est survenu dans la collectivité, un milieu où il est beaucoup plus difficile d'assurer la sécurité. Dans le même ordre d'idées, l'un des détenus s'est pendu dans sa cellule, destinée à la population carcérale générale, où les mesures de protection du milieu ne sont peut être pas appropriées. Toutefois, quatre détenus se sont suicidés dans des établissements à sécurité moyenne et maximale, dont trois se sont pendus et un s'est asphyxié avec un sac de plastique et un lien. Trois détenus ont été en mesure d'avoir accès aux moyens nécessaires pour se suicider pendant qu'ils étaient en isolement, ce qui représente une grave lacune organisationnelle sur le plan de la gestion du risque de suicide. Bien que l'on ignore la raison pour laquelle les comités d'enquête respectifs ou le SCC n'ont pas examiné ces questions, on recommande vivement de faire de l'accès aux moyens une composante obligatoire de toutes les enquêtes sur les décès par suicide, surtout ceux qui surviennent chez les délinquants placés en isolement préventif.
Une méthode proactive et préventive permettant de veiller à ce que les établissements cernent et éliminent invariablement les dangers consiste à rendre obligatoire l'utilisation d'une liste de vérification des dangers dans l'environnement, ainsi que la production de rapports à cet égard. Mills et ses collègues (2010) ont établi un rapport sur l'élaboration d'une liste de vérification des mesures de protection environnementale, en s'appuyant sur un examen global de 42 décès par suicide en établissement, ainsi que 143 tentatives de suicide graves. Parmi les 2 192 dangers graves et critiques cernés dans ces établissements au cours de la période de 2 ans, les dangers les plus communs étaient les points de suspension (lesquels ont aussi été jugés les dangers les plus importants), suivis des sacs de plastique insérés dans les poubelles, lesquels peuvent être utilisés pour s'asphyxier. Ces dangers ont été classés par ordre de priorité en vue de leur élimination conformément au risque qu'ils présentent, et les unités opérationnelles ont dû rendre compte de leur élimination. L'article donne un excellent exemple de la façon d'élaborer et de mettre en œuvre une stratégie de gestion du risque de suicide fondée sur des données probantes dans différents établissements à l'échelle du pays, ainsi que de la façon d'assurer la conformité à cet égard.
Une analyse des tendances relatives à la gestion des situations d'urgence et aux interventions dans les incidents de décès de détenus
Dans l'ensemble, l'intervention médicale d'urgence lors du décès de détenus par suicide a été rapide et efficace, et aucun des comités d'enquête n'a soulevé de préoccupation à savoir si les décès auraient pu être évités par le personnel traitant. Aucun soin médical n'a été nécessaire dans l'un des décès examinés dans la présente section, car l'homme a été retrouvé dans les montagnes des mois après son décès. Dans quatre des cinq autres cas, aucun grave problème n'a été cerné relativement aux soins médicaux prodigués. L'intervention des agents correctionnels a été rapide, efficace et conforme aux politiques. La RCR a été administrée au besoin, et les agents correctionnels, le personnel des soins de santé et le personnel ambulancier ont bien coordonné la prestation des soins.
L'intervention d'urgence dans le cas no 21 était source de préoccupations pour le CEI. Ce détenu a été trouvé inconscient dans son centre résidentiel communautaire, mais respirait toujours après une surdose massive d'insuline. Le personnel traitant a immédiatement composé le 911, puis a retourné l'homme sur le côté (il était couché sur le dos et avait vomi sur sa poitrine). Son flacon d'insuline et ses seringues reposaient sur sa poitrine. Les ambulanciers paramédicaux sont arrivés dans les 10 minutes et ont pris la relève. Une heure plus tard, il a été transporté à l'hôpital et respirait toujours. Toutefois, l'équipement qui le maintenait en vie a été débranché le lendemain.
Bien que les soins médicaux prodigués par le personnel paramédical ne relèvent pas de la portée du présent examen, on ne sait pas bien si le personnel du centre résidentiel communautaire lui avait injecté d'urgence du glucagonNote de bas de page 7. Cela soulève des questions concernant la capacité des établissements d'intervenir en situation d'urgence et d'économiser en vue d'offrir une formation de base en premiers soins. Une trousse médicale contenant le matériel essentiel à la survie (comme le glucagon ou des EpiPen) constitue un petit investissement qui pourrait sauver des vies. Ces simples outils médicaux d'urgence peuvent être utilisés par n'importe qui, et ne présentent aucun risque sur le plan de la surdose ou de la toxicomanie. Le délinquant respirait et ses signes vitaux étaient stables lorsque les ambulanciers paramédicaux sont arrivés. Ainsi, il aurait vraisemblablement pu être sauvé si le personnel avait eu à sa disposition ces options permettant d'assurer la survie. Dans bien des contextes, les personnes aux prises avec de graves allergies et les personnes atteintes de diabète de type 1 peuvent et doivent disposer de leur propre trousse d'urgence, et voir à ce que cette dernière soit complète, en plus de renseigner ceux qui les entourent sur l'utilisation de celle ci. Toutefois, ces établissements continueront de loger des délinquants atteints de dépression et présentant un risque de suicide qui manquent de motivation pour vivre, et qui ne sont pas en mesure de gérer des problèmes de santé chroniques. Le renforcement de la capacité des établissements d'intervenir en situation d'urgence grâce à ces types d'outils pourrait prévenir des décès semblables à l'avenir.
Tendance relative aux délais d'intervention
Dans 2 cas (no 9 et 16), on a découvert les détenus pendant des contrôles de routine, et les agents correctionnels n'avaient aucun moyen de communication sur eux à ce moment là. Dans ces 2 cas, les agents correctionnels qui ont fait la découverte ont hurlé pour qu'on leur vienne en aide et pour qu'on ouvre la porte. Dans le cas no 9, le deuxième agent est arrivé, mais avait sur lui un aérosol capsique, plutôt que l'outil tranchant de type 911 (couteau). Le deuxième agent a dû retourner au poste de contrôle en courant pour récupérer l'outil, ce qui a entraîné un délai de 30 secondes. L'équipe du comité d'enquête était d'avis que le retard ainsi provoqué n'a eu aucune incidence sur les chances de survie du délinquant. Le directeur de l'établissement était également d'avis que le temps consacré à l'ouverture de la porte s'était révélé minimal. Toutefois, il est impossible d'établir avec certitude que les périodes supplémentaires en cause n'ont eu aucun effet sur le dénouement de cet incident. Le fait d'être suspendu par le cou pendant 30 secondes peut faire toute la différence entre la vie, l'atteinte de graves dommages au cerveau ou la mort. Heureusement, le nombre de radios a été augmenté dans les unités en cause dans les cas nos 9 et 16, ce qui réduit la probabilité que le même problème de communication se produise de nouveau. Toutefois, cette mesure ne remédie pas aux éventuelles pénuries de radios dans d'autres établissements. Une vérification du nombre de dispositifs de communication dans tous les établissements et une vérification de ce nombre en fonction des besoins en matière de sécurité des unités permettraient de nous assurer que ces 2 cas sont des incidents isolés.
Une évaluation de la communication de renseignements entre les principaux intervenants durant les incidents
Tendance relative à la communication du risque de suicide
Les antécédents de tentatives de suicide de trois délinquants qui se sont suicidés n'ont pas été indiqués dans le Système de gestion des délinquant(e)s (SGD), lequel vise à communiquer le risque présenté par le détenu à toutes les personnes responsables de sa sécurité. Dans deux de ces cas, le comité d'enquête a déterminé que l'erreur n'avait pas contribué au décès des détenus, car les antécédents de ces derniers étaient connus des personnes prenant part à la gestion de leurs cas. La justification des comités d'enquête relative à cette question constitue une source de préoccupation. Cette conclusion devrait servir d'occasion pour examiner les circonstances ayant donné lieu à la lacune. Bien qu'il soit rassurant de savoir que cette erreur n'a pas contribué au décès du détenu, il est tout de même important de comprendre la raison pour laquelle on ne remarque pas l'absence d'indicateurs lorsqu'ils devraient être présents. Comme on n'a pas examiné cette question, la lacune demeure. Si on n'a pas remarqué l'indicateur en raison d'une erreur humaine, un examen aurait dû être réalisé en vue de déterminer la façon dont l'erreur a été commise, ainsi que les mécanismes qui pourraient être mis en œuvre afin de réduire la probabilité que la même erreur se produise de nouveau à l'avenir.
Dans le troisième cas, on n'a pas remarqué la présence de l'indicateur dans le SGD; cela est considéré comme une cause proximale de ce décès par suicide. Dans ce cas, l'attribution des responsabilités relatives à l'activation et à la désactivation des alertes, des indicateurs et des besoins a été déterminée par un groupe de travail et mise en œuvre dans le SGD en juin 2011. De même, des tableaux sur les alertes, les indicateurs et les besoins ont été élaborés, lesquels décrivent l'utilisation appropriée de ceux ci, indiquent les responsables de l'activation et de la désactivation et établissent la période d'examen exacte de chaque alerte, indicateur et besoin. Ce changement constitue un excellent exemple d'une amélioration apportée à un système qui pourrait réduire la probabilité qu'une situation semblable se produise de nouveau.
Les exigences en matière d'établissement de rapports après un incident ont été respectées dans la majorité des cas de décès par suicide. Certains problèmes de conformité ont été relevés dans les centres résidentiels communautaires; dans deux de ces cas, les rapports d'incident n'ont pas été présentés dans les délais prescrits. Dans un cas, le gestionnaire n'a pas rédigé son rapport d'observation avant de quitter l'établissement. Dans un autre cas, l'enregistreur vidéo numérique n'a pas été obtenu conformément aux politiques. Malheureusement, aucune de ces constatations n'a été examinée plus en détail, ce qui permettrait de mieux comprendre la raison pour laquelle ces formulaires n'ont pas été remplis. Si elle comprenait ces raisons, l'organisation pourrait disposer de renseignements de meilleure qualité dont elle pourrait se servir pour élaborer des stratégies d'intervention. Tel qu'il est indiqué dans la grille du Comité de direction, le personnel a été informé au sujet des politiques. Ce type d'enseignement correctif pourrait empêcher ces personnes de commettre la même erreur dans le même type de situation à l'avenir, mais est peu susceptible d'améliorer la conformité à l'échelle de l'organisation.
Une évaluation du soutien fourni aux employés et aux détenus après les incidents
Des services de Gestion du stress lié aux incidents critiques ont été offerts à tous les employés en cause dans tous les cas de décès en établissement examinés dans la présente section. Dans les établissements à sécurité moyenne et maximale, les aumôniers ont visité tous les détenus dans la rangée ou tous ceux qui ont entretenu des liens avec le défunt. Après le décès par suicide d'un détenu autochtone, un Aîné a offert du soutien aux détenus tout comme l'agent de liaison autochtone et l'aumônier, en plus d'observer des rituels avec ceux ci. Aucun problème n'a été relevé dans les cas de décès par suicide relativement à la qualité ou à la quantité du soutien offert après l'incident.
Résumé des décès par suicide
Le CEI fait état de préoccupations relativement aux tendances existantes avant l'incident dans quatre des six cas, car chacun de ces détenus avait déjà fait de nombreuses tentatives de suicide. Dans la moitié des cas, des problèmes liés aux soins de santé mentale, à la réponse du SCC, à l'intervention en situation d'urgence et à la communication de renseignements liés aux soins ont été observés. La gestion de cas, la sécurité et les patrouilles étaient adéquates dans quatre des décès par suicide, tandis que les deux autres cas ont suscité des préoccupations. À titre d'exemple, dans les cas no 3 et 4, la communication de renseignements entre les employés a été jugée inadéquate. En ce qui a trait au soutien offert au personnel et aux détenus, les activités se sont déroulées conformément à la politique, et aucun cas n'a causé de préoccupations. Le domaine qui a soulevé le plus de préoccupations est celui des pratiques exemplaires; des problèmes ont été cernés dans quatre cas.
Cas no | 3 | 4 | 9 | 16 | 21 | 23 | Total |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Type de décès | Suicide | Suicide | Suicide | Suicide | Suicide | Suicide | |
M1 Réponse du SCC | Non | Oui | Oui | Oui | Non | Non | Oui - 3 Non - 3 |
M2 Tendances existantes avant l'incident | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Non | Oui - 5 Non - 1 |
M3 Santé mentale | Oui | Oui | Non | Oui | Non | Non | Oui - 3 Non - 3 |
M4 Gestion de cas | Oui | Oui | Non | Non | Non | Non | Oui - 2 Non - 4 |
M5 Patrouilles de sécurité | Oui | Oui | Non | Non | Non | Non | Oui - 2 Non - 4 |
M6 Intervention en situation d'urgence | Oui | Oui | Non | Oui | Non | Non | Oui - 3 Non - 3 |
M7 Communication de renseignements | Oui | Oui | Non | Oui | Non | Non | Oui - 3 Non - 3 |
M8 Soutien au personnel et aux détenus | Oui | Oui | Non | Oui | Oui | Non | Oui - 4 Non - 2 |
M9 Problèmes liés à une pratique exemplaire | Oui | Oui | Non | Oui | Oui | Non | Oui - 4 Non - 2 |
Oui – Problèmes cernés.
Non – Aucun problème important cerné.
Chapitre 6 : Décès de causes inconnues
Chaque année, dans le milieu carcéral canadien, de nombreux décès en établissement, qui semblent résulter de causes naturelles, soulèvent suffisamment de doutes pour ne pas exclure entièrement les causes problématiques, du moins pas avant la publication d'un rapport détaillé du coroner. Lorsque, par exemple, on trouve de la drogue dans la cellule d'une détenue décédée, et que cette dernière avait des antécédents de consommation excessive de drogues, il est normal de présumer qu'il s'agit d'un décès attribuable à une surdose. Or, il se pourrait que la détenue soit tout de même morte de causes naturelles : il convient donc, dans ce cas, d'attendre l'évaluation médicale, laquelle confirmera ou non le décès attribuable à une surdose. Dans d'autres cas, il arrive que des détenus ayant des problèmes de santé meurent, et l'on constate par la suite que leur décès résulte – partiellement ou non – d'un traumatisme physique (une agression, par exemple). Ces cas requièrent donc eux aussi une enquête du coroner, étant donné qu'une responsabilité pénale ou civile pourrait être établie. Tel qu'il a été mentionné précédemment, cette procédure complique le suivi des tendances en matière de décès attribuables à une surdose de drogue.
Contrairement aux détenus toxicomanes présentant des symptômes de surdose, il se pourrait que les détenus vraisemblablement morts de causes naturelles soient tout de même décédés des suites de la consommation de drogues ou de l'abus de médicaments. Là encore, le rapport final du coroner s'avère essentiel. L'analyse des décès de causes inconnues pose problème, car de nombreux détenus ne mènent pas un mode de vie sain. En effet, les délinquants impliqués dans le crime ou dans le milieu de la drogue alors qu'ils vivaient en collectivité ont de sérieux problèmes au moment de leur incarcération, et leurs problèmes s'aggravent au fil de l'âge. Selon une étude parue en Grande Bretagne, les détenus mis en liberté dans la collectivité présentent un taux de mortalité sensiblement plus élevé que le reste de la population (Farrell et Marsden, 2007). Du reste, au moment de leur incarcération, beaucoup de détenus sont atteints de maladies chroniques – le VIH, l'hépatite B ou l'hépatite C, par exemple – contractées lors de l'injection de drogues intraveineuses, ou encore d'affections au foie causées par l'abus d'alcool. Le vieillissement de la population carcérale, qui mène un mode de vie malsain, sera une source accrue de difficultés pour le SCC dans les années à venir.
Le caractère approprié et adéquat des mesures correctives et des plans d'action de la direction en réponse à ces enquêtes
Les rapports des comités d'enquête et les réponses ultérieures des directions régionales et locales étaient dans l'ensemble pertinentes pour chacun des huit cas pour lesquels le CEI disposait des renseignements.
Dans le cas no 2, le comité d'enquête a formulé un grand nombre de recommandations. Ces recommandations portaient sur l'administration et la gestion des cas au sein d'un établissement psychiatrique du SCC, où sont admis des cas difficiles, tels que des délinquants qui s'automutilent de manière chronique. Les réponses aux recommandations ont été généralement favorables à l'apport de changements dans l'orientation, dans la gestion du stress lié aux incidents critiques (y compris les épisodes d'automutilation), dans la formation ainsi que dans les stratégies de traitement. Une recommandation visant la rotation prolongée des agents correctionnels au sein de l'établissement afin de veiller à la continuité de la gestion des détenus a, elle aussi, reçu un accueil favorable.
Le CEI n'a aucune recommandation ni réponse à présenter pour les autres cas.
Une analyse des tendances relatives aux facteurs ayant contribué aux décès ou les ayant déclenchés
En raison des problèmes de santé liés à la plupart des décès, il n'a été guère surprenant de constater des signes précurseurs de toxicomanie chez huit détenus sur neuf. En effet, les détenus no 1, 5, 6, 14 et 20 souffraient de nombreux problèmes médicaux tels que l'hypertension artérielle, un taux de cholestérol élévé, l'asthme, l'arthrite, des maladies pulmonaires, l'hépatite C et la cirrhose du foie. Dans l'ensemble, le SCC a bien réalisé le suivi médical.
Une analyse des tendances relatives aux soins de santé mentale fournis aux détenus ayant des besoins à cet égard avant leur décès
Dans quatre des neuf cas, le détenu était aux prises avec des problèmes de santé mentale. Dans le cas no 1, le détenu présentait des antécédents de maladies psychiatriques et de troubles mentaux, y compris des hallucinations auditives. Le détenu no 2 présentait des comportements d'automutilation, et il recevait d'ailleurs des soins à cet égard à l'établissement spécial du SCC, où il avait été placé. Le détenu no 6 avait déjà souffert de troubles de santé émotionnelle; il avait des comportements d'automutilation et des troubles de la personnalité, en plus d'avoir fait des tentatives de suicide. Dans le cas no 11, le détenu avait déjà tenté de se suicider alors qu'il se trouvait dans la collectivité. Hormis en ce qui concerne le détenu no 2, la santé mentale n'a contribué de manière significative à aucun des décès répertoriés dans la catégorie des « causes inconnues ».
Une analyse des tendances relatives aux pratiques de gestion de cas avant le décès des détenus
Dans l'ensemble, la gestion des cas s'est avérée efficace : on a soulevé des préoccupations dans seulement deux des neuf cas. Dans le cas no 2, il semblerait que la cote de sécurité du détenu ait été auparavant surclassée au niveau maximal pendant deux ou trois ans, et ce, sans motif suffisant. Le comité d'enquête a ici estimé que les moyens de contrainte avaient été utilisés de manière excessive. Dans le cas no 22, on a constaté que des rapports avaient été versés en retard au dossier. Concernant le cas no 2, une meilleure gestion des cas aurait sans doute réduit le nombre d'incidents d'automutilation, qui ont finalement causé la mort du détenu.
Une analyse des tendances relatives aux pratiques de sécurité, telles la présence du personnel et la surveillance des activités des détenus
En général, les patrouilles ont été dûment effectuées, à l'exception du cas no 14. Dans ce cas, les patrouilles se sont en effet déroulées trop rapidement pour être efficaces (c.-à-d. qu'il aurait fallu passer suffisamment de temps devant la cellule pour observer des signes de vie chez le détenu). Il convient ici néanmoins de souligner que c'est grâce à la sécurité active que les agents ont remarqué les signes de détresse et qu'ils ont ainsi pu amorcer l'intervention médicale. Dans le cas no 2, les agents ont certes effectué des patrouilles de façon régulière, mais la rotation fréquente des agents correctionnels à l'établissement psychiatrique du SCC a, selon le comité d'enquête, appauvri les observations et les rapports de l'unité. En ce qui concerne le détenu no 22, décédé dans un centre résidentiel communautaire, des contrôles de routine étaient effectués correctement pendant la journée, mais aucune surveillance n'avait lieu la nuit. Ce constat a d'ailleurs donné lieu à une modification des ententes contractuelles entre le SCC et les centres résidentiels communautaires dans l'ensemble du pays.
Une analyse des tendances relatives à la gestion des situations d'urgence et aux interventions dans les incidents de décès de détenus
L'intervention d'urgence dans les huit incidents en établissement était appropriée; or, le décès survenu dans la collectivité n'a pas été tout aussi bien géré. En effet, dans le cas no 22, le personnel du centre résidentiel communautaire n'a pas pratiqué la réanimation cardiorespiratoire (RCR) lorsqu'il a trouvé le détenu qui ne respirait plus sur les lieux. Du reste, plusieurs problèmes mineurs, c. à d. qu'ils n'ont pas favorisé le décès des détenus, ont été observés dans deux cas. Dans le cas no 5, par exemple, un nouveau membre du personnel infirmier, qui n'avait pas reçu les consignes appropriées, a pris la mauvaise trousse médicale; et il lui a fallu revenir sur ses pas pour aller chercher la bonne trousse. Quant au cas no 11, le personnel de correction n'avait pas avisé les ambulanciers qui se sont présentés sur les lieux qu'ils ne sentaient plus le pouls du détenu battre : cette omission a retardé l'initiation des manœuvres de RCR.
Une évaluation de la communication de renseignements entre les principaux intervenants durant les incidents
On a constaté une communication déficiente dans deux cas sur neuf. En effet, le cas no 2 fait état d'un manque flagrant de renseignements, qui auraient dû être à la portée du personnel de la gestion des cas et du personnel des Services de santé, de même que d'une communication déficiente entre ces derniers et les agents correctionnels. Ce type de renseignements s'avère particulièrement important pour le suivi des détenus ayant des antécédents d'automutilation. Concernant le cas no 14, il y avait un manque de communication entre le personnel de correction et le personnel des Services de santé; qui plus est, le personnel avait omis d'inscrire des informations au sujet des blessures au visage du détenu, informations qu'on aurait pourtant dû remettre à l'agent du renseignement de sécurité.
Une évaluation du soutien fourni aux employés et aux détenus après les incidents
Dans sept cas sur neuf, des séances d'aide après un stress causé par un incident critique ont été organisées à l'intention du personnel, et un soutien a été offert aux détenus. Pour deux incidents (soit les cas no 2 et no 14), les séances n'ont pas été organisées ou n'ont pas été offertes à tous les employés.Note de bas de page 8
Résumé : Décès de causes inconnues
Ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous, le rendement du SCC s'est dans l'ensemble avéré satisfaisant en ce qui a trait à la gestion des décès de causes inconnues. Dans les rapports des comités d'enquête, on relève peu de préoccupations, les recommandations figurent en petit nombre, et le personnel s'est montré généralement serviable et coopératif lors du suivi sur le terrain. Les membres des comités d'enquête ont noté avec empressement les erreurs et les problèmes de conformité, mais les défauts graves – tels que les besoins non comblés en santé mentale, les médications inadéquates, les erreurs de classification par niveau de sécurité, le mauvais traitement des cas, ou les patrouilles de sécurité inadéquates – n'ont en général présenté aucun problème dans les cas étudiés. Ce constat reflète certainement la nature de la majorité de ces décès : il y avait peu de signes précurseurs, à court ou à long terme, hormis des antécédents d'alcoolisme, de toxicomanie ou de problèmes médicaux. Dans ces cas, la prévention s'avère donc ardue, et même la meilleure intervention médicale peut ne pas suffire.
On constate la présence de signes précurseurs dans huit cas sur neuf, essentiellement des troubles de santé faisant l'objet d'un traitement. On remarque des troubles de santé mentale dans trois incidents, des problèmes liés à la gestion des cas dans deux incidents, et des problèmes liés à la sécurité et aux patrouilles dans un incident. La communication des renseignements s'est avérée épineuse dans deux incidents, et des séances d'aide après un stress causé par un incident critique n'ont pas été offertes dans deux incidents. Dans l'ensemble, le SCC a mené des interventions appropriées dans tous les cas, et plus particulièrement en ce qui a trait au rapport approfondi du comité d'enquête sur le cas no 2, où nombre d'éclaircissements étaient requis au sujet des responsabilités dans les établissements psychiatriques du SCC. De plus, les explications du SCC concernant les responsabilités dans le cadre d'ententes contractuelles avec les centres résidentiels communautaires mettent en lumière les devoirs de ces derniers dans les efforts de prévention. Aucune pratique exemplaire n'a été observée dans les cas à l'étude ni dans les recommandations du SCC (plus précisément, les recommandations fondées sur les politiques ou la formation se montrent certes utiles, sans toutefois être des pratiques « exemplaires »).
Cas no | 1 | 2 | 5 | 6 | 11 | 14 | 15 | 20 | 22 | Total |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Le type de décès | Causes incon-nues |
Causes incon-nues |
Causes incon-nues |
Causes incon-nues |
Causes incon-nues |
Causes incon-nues |
Causes incon-nues |
Causes incon-nues |
Causes incon-nues |
|
M1 Réponse du SCC | Non | Non | Non | Non | Non | S.O. | Non | Non | Non | 0-Oui 8-Non 1-S.O. |
M2 Tendances existantes avant l'incident | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Non | Oui | Oui | 8-Oui 1-Non |
M3 Santé mentale | Oui | Oui | Non | Oui | Non | Non | Non | Non | Non | 3-Oui 6-Non |
M4 Gestion de cas | Oui | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Oui | 2-Oui 7-Non |
M5 Patrouilles de sécurité | Non | Non | Non | Non | Non | Oui | Non | Non | Non | 1-Oui 8-Non |
M6 Intervention en situation d'urgence | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Oui | 1-Oui 8-Non |
M7 Communication de renseignements | Non | Oui | Non | Non | Non | Oui | Non | Non | Non | 2-Oui 7-Non |
M8 Soutien au personnel et aux détenus | Non* | Oui | Non | Non | Non | Oui | Non | Non | Non | 2-Oui 7-Non |
M9 Problèmes liés à une pratique exemplaire | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | 0-Oui 9-Non |
Oui – Problèmes cernés.
Non – Aucun problème important cerné.
S.O. - sans objet.
*Le personnel du comité d'enquête et le personnel de l'établissement ne s'entendent pas sur cette question.
Chapitre 7 : Homicides
En 2010-2011, cinq détenus sous responsabilité fédérale sont morts assassinés en établissement. Pour le SCC, il s'agit d'un nombre élevé d'homicides à survenir en l'espace d'un an, puisque le nombre de meurtres commis annuellement dans les pénitenciers fédéraux a varié entre un et trois au cours de la dernière décennie (voir les exemples présentés au chapitre 3). À l'instar de tous les autres types de décès en établissement, les homicides demeurent néanmoins des événements rares sur le plan statistique, et leur nombre peut varier d'une année à l'autre. Le présent chapitre présente un aperçu des cinq décès, conformément au mandat.
Le caractère approprié et adéquat des mesures correctives et des plans d'action de la direction en réponse aux enquêtes sur les suicides
Les membres des comités d'enquête ont présenté un grand nombre de conclusions et de recommandations en vue d'améliorer le fonctionnement des activités. En général, la direction du SCC a appuyé les conclusions des comités d'enquête, en dépit de désaccords sur les politiques dans certains cas. Le chapitre 8 présente un examen plus détaillé de la réponse du SCC à cet égard.
Une analyse des tendances relatives aux facteurs ayant contribué aux décès ou les ayant déclenchés
Nous n'avons pu dégager aucune tendance générale relative aux facteurs ayant contribué aux décès ou les ayant déclenchés. Qui plus est, nous n'avons identifié aucun problème de santé physique dans cette catégorie de décès. Les détenus no 10 et no 17 étaient impliqués dans des gangs – ce phénomène est un problème particulièrement préoccupant dans la région des Prairies. Les détenus no 7 et no 12 présentaient quant à eux des troubles de santé mentale, comme nous le verrons en détail ci-après.
Une analyse des tendances relatives aux soins de santé mentale fournis aux détenus ayant des besoins à cet égard avant leur décès
Malgré les préoccupations évidentes qu'ont soulevées certains cas à cet égard, les troubles de santé mentale dont souffraient les détenus ne sont vraisemblablement pas liés aux homicides. Par exemple, deux victimes et un agresseur possédaient des antécédents d'automutilation, et des tentatives de suicide avaient été recensées dans les dossiers de deux agresseurs et d'une victime. Pourtant, il ne semble pas y avoir un rapport entre ces troubles de santé mentale et les meurtres perpétrés. Qui plus est, ces détenus auraient reçu des soins adéquats de la part du personnel des Services de santé.
Deux cas ont toutefois donné lieu à l'activation d'indicateurs au chapitre de la santé mentale des détenus. En effet, dans le cas no 7, l'agresseur avait des antécédents de problèmes de santé mentale : dans l'attente de sa comparution devant le tribunal, il avait fait l'objet d'un transfèrement de son institut psychiatrique en raison de son comportement violent à l'endroit d'autres patients. On l'a placé dans un établissement psychiatrique du SCC (où il avait d'ailleurs été détenu par le passé), et il y a vraisemblablement été pris en charge comme il se doit. Or, peu après le transfèrement, le psychiatre traitant a diagnostiqué une surmédication chez le détenu et a interrompu l'administration de six médicaments prescrits à l'institut psychiatrique, plus précisément la gabapentin, le clonazépam, le lithium, le Seroquel, le Celexa et le Pantoloc. Après avoir consulté les lignes directrices nationales à ce chapitre, les membres du comité d'enquête ont conclu que, dans le cas no 7, la médication de l'agresseur avait été diminuée puis interrompue trop rapidement. Les membres du comité d'enquête ont certes reconnu l'autorité discrétionnaire du médecin traitant, mais ils estiment néanmoins que ce dernier n'a pas respecté les pratiques exemplaires recommandées dans les lignes directrices nationales. Dans le cas no 12, c'est le médecin de l'établissement, et non un psychiatre, qui avait ordonné la prescription de l'agresseur. Bien qu'il soit difficile d'y dégager un lien direct, la médication et l'humeur des agresseurs pourraient être des facteurs aggravants dans le cas de ces deux homicides.
Une analyse des tendances relatives aux pratiques de gestion de cas avant le décès des détenus
La gestion des cas présentait d'importantes lacunes dans l'un des cinq homicides. Plus précisément, le niveau de sécurité de l'agresseur du cas no 12 avait été abaissé, si bien que ce détenu est passé d'une cote de sécurité maximale à une cote de sécurité moyenne. Le comité d'enquête était d'avis qu'il n'était pas approprié d'abaisser la cote de sécurité du détenu, d'autant plus que ce dernier était incarcéré pour de multiples homicides. Qui plus est, le détenu n'a pas été surveillé correctement une fois sa cote de sécurité abaissée. Bien qu'il ne s'agisse pas là d'une tendance, ce cas démontre tout de même l'importance de réaliser un examen approfondi avant d'abaisser la cote de sécurité d'un détenu à risque élevé. Concernant le cas no 18, le comité d'enquête a estimé que l'équipe de gestion des cas aurait dû accorder plus de temps à l'agresseur, étant donné le risque élevé que ce dernier représentait. Quant aux trois autres homicides, les détenus possédaient une cote de sécurité appropriée, et la gestion des cas était dans l'ensemble satisfaisante, hormis pour quelques préoccupations mineures.
Une analyse des tendances relatives aux pratiques de sécurité, telles la présence du personnel et la surveillance des activités des détenus
Dans trois des cinq homicides, les pratiques de sécurité étaient déficientes; parmi ces trois cas, deux avaient révélé de graves lacunes. Dans le cas no 7, un agent correctionnel avait eu vent de l'éventualité d'un affrontement entre la victime et l'agresseur juste avant l'incident. L'agent n'a toutefois pas transmis l'information et n'a pas effectué de suivi ni de surveillance. Dans le cas no 12, on n'a pas effectué de vérification appropriée avant de procéder au placement de la victime et de l'agresseur dans une cellule en double occupation. Dans ce cas, l'agresseur était l'auteur de plusieurs homicides.
Par suite de leur examen du cas no 18, les membres du comité d'enquête ont conclu que l'établissement ne possédait qu'une faible capacité de collecte de renseignements de sécurité. Or, il n'est pas certain qu'une capacité supérieure à ce chapitre aurait pu empêcher le meurtre. Dans les deux autres cas, il y avait peu de signes précurseurs. Les deux homicides liés à des gangs semblent résulter de tensions dans l'établissement, mais ces hostilités n'étaient pas particulièrement alarmantes. Au final, ces deux décès confirment les efforts du SCC pour élaborer et mettre en œuvre une stratégie nationale de lutte contre les gangs.
Dans quatre cas, les registres détaillés démontrent que les tournées, les dénombrements de détenus et les patrouilles ont été effectués correctement. Dans le cas no 7, les rapports de sécurité n'ont pas été dûment consignés.
Les patrouilles de sécurité se sont révélées inefficaces dans deux cas. Dans le cas no 18, le personnel de l'établissement n'a pas effectué de fouilles des unités de façon efficace et régulière. De plus, les employés ne disposaient pas de procédures de contrôle de la qualité adéquates pour évaluer correctement les patrouilles et les dénombrements.
Dans le cas no 12, la victime a été retrouvée morte dans sa cellule vers 10 h, après que l'agresseur ait alerté le personnel. La victime avait probablement été tuée vers 22 h la veille, ce qui signifie que le personnel n'avait pas remarqué que le détenu avait cessé de respirer. La victime était allongée sur son lit, le visage tourné vers le bas. Puisqu'une couverture recouvrait sa tête, il était difficile de voir la victime pendant les patrouilles de nuit. Or, il n'en reste pas moins que les agents correctionnels sont tenus de s'assurer que les détenus sont bien vivants lorsqu'ils effectuent des patrouilles et des dénombrements.
En général, on a découvert les homicides soit parce que les victimes ont été vues alors qu'elles étaient agressées et qu'elles ont elles-mêmes alerté les agents correctionnels, soit parce que l'agresseur a signalé le décès au personnel. À quelques exceptions près, les agresseurs ont commis les meurtres dans les cellules en l'absence du personnel, ou encore lorsque le nombre de détenus qui aidaient les agresseurs était suffisamment élevé pour empêcher le personnel d'agir rapidement, comme dans le cas no 10 (meurtre perpétré dans l'aire de loisirs).
Une analyse des tendances relatives à la gestion des situations d'urgence et aux interventions dans les incidents de décès de détenus
Intervention d'urgence, premiers soins
Dans quatre des cinq décès à l'étude, les premiers soins ont été dispensés assez rapidement. Dans le cas no 7, le personnel infirmer a rapporté avoir été à ce point bouleversé par les blessures infligées à la victime (une tige faisait saillie par une blessure dans le cou) qu'il leur a fallu six minutes avant d'administrer les premiers soins. Bien que le choc psychologique du personnel à la vue d'une telle blessure soit compréhensible, il n'en demeure pas moins que leur travail a été on ne peut plus décevant. Il conviendrait d'offrir des modules de formation sur les interventions en situation d'urgence au personnel : au moyen de simulations, on évaluerait l'efficacité des employés devant des scènes horribles auxquelles ils pourraient réellement faire face. Dans le cas no 18, les agents n'ont pas dispensé les premiers soins conformément à la politique, car ils ont décidé d'abord de déplacer le détenu.
Intervention d'urgence, réanimation cardiorespiratoire, défigrillateurs
Dans le cas no 7, les agents correctionnels n'ont pas aidé le personnel infirmier à transporter le détenu dans l'aire commune pour pratiquer les manœuvres de RCR, ce qui a retardé l'administration des premiers soins. Dans le cas no 18, l'arrivée du personnel sur les lieux et les manœuvres de premiers soins a été retardée parce que le personnel attendait que les détenus soient confinés dans leur cellule. Autrement, le personnel, dûment certifié, a correctement pratiqué la RCR; les agents ont en outre utilisé les défibrillateurs de manière appropriée.
Autres interventions
Dans certains cas, les tâches de suivi à réaliser après les incidents aux fins de sécurité (p. ex., les rapports d'observation de l'agent correctionnel, la consignation de l'utilisation du matériel de contrainte et la lecture des droits garantis par la Charte) et les rapports sur les soins de santé faisaient défaut. Un petit nombre de rapports manquants ont par la suite été remis en retard. Dans le cas no 7, on a omis de lire les droits garantis par la Charte à l'agresseur lors de son interrogatoire au sujet du meurtre - cet oubli n'a toutefois pas contrecarré l'enquête de la police.
Une évaluation de la communication entre les principaux intervenants durant les incidents
Dans l'un des cinq cas (no 7), des lacunes dans la communication de renseignements ont été décelées. L'incident s'est produit dans un établissement spécialisé en soins de santé mentale. On a relevé de nombreux problèmes à l'égard de la communication de renseignement et du travail d'équipe entre les agents correctionnels et le personnel chargé du traitement et des soins de santé. Comme nous l'avons évoqué précédemment, cela concerne plus précisément un agent correctionnel qui avait négligé d'informer ses collègues sur l'affrontement éventuel entre la victime et l'agresseur. Le détenu avait fait l'objet d'un transfèrement d'un institut psychiatrique où il était en détention provisoire pour se trouver sous la garde du SCC; il ne purgeait pas une peine de ressort fédéral. Or, au moment du transfèrement, personne n'avait avisé la direction de l'établissement que le détenu avait déjà tenté d'assassiner deux autres patients à l'institut psychiatrique. En fait, ce détenu avait été placé sous la garde du SCC, car ce dernier était en mesure d'assurer une meilleure sécurité. Du reste, l'agent du renseignement de sécurité n'était pas non plus au courant de la situation du détenu au moment de l'admission de ce dernier.
Autrement, la majorité des cas ont révélé une communication efficace des renseignements avant les incidents, et nous estimons mineures les préoccupations soulevées à ce chapitre.
Une évaluation du soutien fourni aux employés et aux détenus après les incidents
Dans tous les cas, des séances d'aide après un stress causé par un incident critique ont été offertes au personnel et aux détenus. Dans un des cas, on est néanmoins préoccupé par le fait que certains employés n'auraient pas assisté aux séances. Dans l'ensemble, une attention adéquate a été prêtée à cet égard.
Résumé : Homicides
Cas no | 7 | 10 | 12 | 17 | 18 | Total |
---|---|---|---|---|---|---|
Le type de décès | Meurtre |
Meurtre |
Meurtre |
Meurtre |
Meurtre |
|
M1 Réponse du SCC | Non | Non | Non | Non | Non | 0-Oui 5-Non |
M2 Tendances existantes avant l'incident | Oui | Non | Oui | Non | Non | 2-Oui 3-Non |
M3 Santé mentale | Oui | Non | Oui | Non | Non | 2-Oui 3-Non |
M4 Gestion des cas | Non | Non | Oui | Non | Oui | 2-Oui 3-Non |
M5 Patrouilles de sécurité | Oui | Non | Oui | Non | Oui | 3-Oui 2-Non |
M6 Intervention en situation d'urgence | Oui | Non | Non | Non | Oui | 2-Oui 3-Non |
M7 Communication de renseignements | Oui | Non | Non | Non | Non | 1-Oui 4-Non |
M8 Soutien au personnel et aux détenus | Non | Non | Non | Non | Non | 0-Oui 5-Non |
M9 Problèmes liés à une pratique exemplaire | Non | Non | Non | Non | Non | 0-Oui 5-Non |
Oui – Problèmes cernés.
Non – Aucun problème important cerné.
Le tableau 10 illustre que le SCC est intervenu correctement à la suite des cinq meurtres. Il y aurait eu des signes précurseurs pour deux des cinq incidents. Nous avons observé des problèmes manifestes de santé mentale dans deux des cinq cas, et des changements apportés à la médication de détenus pourraient avoir contribué à des comportements meurtriers. Nous avons en outre constaté une gestion des cas et des interventions d'urgence inadéquates dans deux cas, et les patrouilles de sécurité se sont révélées inefficaces dans trois cas. De plus, un grave problème résidait dans la communication de l'information dans l'un des cinq cas. Le SCC a apporté un bon soutien aux employés et aux détenus après les incidents. Nous n'avons constaté aucun problème lié aux pratiques exemplaires.
Dans certains cas, le personnel a pratiqué une excellente intervention, et plus particulièrement lors des incidents no 10 et no 19, alors que de grands groupes de détenus se menaçaient l'un l'autre. Avec bravoure et rapidité, le personnel a réussi à neutraliser le danger pour les détenus sous la menace. Les interventions médicales ont elles aussi été efficaces dans la plupart des cas. Dans l'ensemble, les membres des comités d'enquête se sont penchés très sérieusement sur cette question : ils ont présenté des constatations éclairantes et des recommandations applicables.
Lors de trois incidents, le rendement du personnel a laissé à désirer, et les choses ont vraisemblablement mal tourné. Non seulement de nombreuses erreurs humaines ont été commises mais, en plus, l'établissement était mal géré dans son ensemble. Dans le cas no 12, par exemple, le personnel n'avait pas effectué de vérifications appropriées sur l'agresseur avant de ramener la cote de sécurité de ce dernier au niveau moyen, l'évaluation en vue du placement dans une cellule à double occupation n'avait pas été dûment réalisée, et la victime n'a été retrouvée que plusieurs heures après le meurtre. Dans le cas no 7, la communication de l'information et la consignation générale des renseignements s'écartaient des normes. Qui plus est, l'intervention médicale s'est avérée décevante, quoiqu'une action plus rapide n'eût sans doute guère modifié l'issue de l'incident.
Dans l'ensemble, nous estimons appropriées les recommandations, les analyses et les constatations des comités d'enquête. De nombreuses recommandations visant à garantir la conformité obligeront l'administration à collaborer avec le personnel afin de préciser les rôles; en outre, les directions des établissements correctionnels devront améliorer leur préparation aux situations d'urgence.
Chapitre 8 : Décès attribuable aux interventions du personnel
Au Canada, seuls la milice et les agents de la force publique – tels que les policiers et les agents correctionnels – disposent de l'autorité légitime de recourir à la force sur autrui, y compris à la force mortelle au moyen d'armes à feu. L'emploi de la force mortelle par les agents de la paix fait toutefois l'objet d'une attention scrupuleuse, en plus d'être une expérience éprouvante pour ces derniers. Les agents correctionnels font l'objet d'une surveillance plus étroite que les policiers en raison du nombre fréquent de contrôles effectués auprès des détenus en milieu carcéral. Il existe, en théorie, de nombreuses façons de prévenir des incidents nécessitant le recours à une force mortelle en établissement. C'est pourquoi les situations qui conduisent à menacer ou à abattre un détenu à l'aide d'une arme à feu soulèvent beaucoup de questions à savoir comment l'incident aurait pu être mieux géré, voire évité. Par conséquent, les agents correctionnels qui font face à des incidents où ils pourraient avoir recours à la force au moyen d'une arme à feu doivent suivre prudemment le Modèle de gestion de situations avant de faire feu. En utilisant le Modèle, les agents s'assurent que toutes les autres options ont été envisagées avant d'avoir recours à la force mortelle, à moins qu'un tiers risque d'être grièvement blessé ou de mourir. Ainsi, il est préférable que les agents recourent plutôt aux avertissements, aux agents chimiques (les gaz lacrymogènes et les aérosols capsiques, par exemple) et à la menace de mort, tant et aussi longtemps que ces solutions s'avèrent efficaces pour freiner le comportement dangereux des détenus. C'est donc dans des conditions hautement éprouvantes et stressantes que les agents doivent calculer le risque de mort ou de blessure que court un tiers avant d'avoir recours à une force mortelle.
Il y a eu un décès attribuable à une intervention du personnel en 2010-2011. Des agents correctionnels ont tiré sur le détenu décédé (détenu A) au moment où ce dernier essayait de tuer un autre détenu (détenu B) dans l'aire de loisirs. Un grand groupe de détenus avaient encerclé le détenu A, et deux autres encourageaient ce dernier. Les agents sur place ont tiré un certain nombre de coups de semonce, mais comme le détenu ne s'arrêtait pas, ils ont dû tirer sur ce dernier. Un autre détenu du groupe a quant à lui été blessé par balle. Dans ce cas, les membres du comité d'enquête devaient tenir compte du dilemme auquel les agents faisaient face - comme nous l'avons décrit précédemment. En effet, les manœuvres pour sauver la vie du détenu A auraient exposé un risque pour celle du détenu B, apparemment innocent, qui se faisait poignarder. Les membres du comité ont ici soupesé la question des solutions de rechange à la force mortelle lors de tels incidents.
Le caractère approprié et adéquat des mesures correctives et des plans d'action de la direction en réponse aux enquêtes sur les suicides
Les membres du CEI ont procédé à un examen des interventions du SCC et ils ont été impressionnés par la justesse et par la pertinence de l'intervention menée lors de cet incident. Les membres du CEI ont relevé un certain nombre de changements susceptibles d'améliorer la capacité de l'organisation de réagir lors de situations à ce point dangereuses. Les propositions d'ordre général, comme accroître le nombre de radios disponibles, l'utilisation des porte-voix pour communiquer plus efficacement les consignes aux détenus indisciplinés dans les aires de loisirs et utiliser des armes plus bruyantes pour les coups de semonce sont toutes appropriées sur le plan stratégique et représentatives de l'application de pratiques exemplaires. Nous avons attaché une importance particulière à la recommandation du comité d'enquête visant à réviser le Barème de distribution afin de permettre le recours à des armes non mortelles dans de telles situations. En effet, l'utilisation d'une arme non mortelle permettant d'infliger des blessures graves servirait à neutraliser des détenus désobéissants et menaçants. Le recours possible à des armes non mortelles pourrait freiner la réaction des agents dans de telles situations, les obligeant ainsi à employer une autre solution avant de recourir à la force mortelle. Les agents recourraient à une solution non mortelle avant de tirer (voire à outrance) des coups de semonce lors d'incidents violents. Cette solution cadre dans notre définition de « pratique exemplaire », étant donné qu'elle modifierait le comportement du personnel.
Une analyse des tendances relatives aux soins de santé mentale fournis aux détenus ayant des besoins à cet égard avant leur décès
Lorsque nous avons évalué les M2 et M3, nous n'avons pu dégager aucun signe précurseur de cet incident. En effet, les quatre détenus au cœur de la mêlée précédant ayant donné lieu aux tirs n'étaient atteints d'aucun problème de santé physique ou mentale. D'après le personnel de l'établissement, il ne régnait aucune hostilité connue avant l'incident.
Une analyse des tendances relatives aux pratiques de gestion de cas avant le décès des détenus
Les membres du comité d'enquête ont remarqué l'absence d'un registre d'intervention dans le dossier du détenu A. Autrement, ils n'ont constaté aucun problème lié aux quatre détenus en cause. Les cotes de sécurité avaient été attribuées avec justesse, et la gestion des cas était appropriée.
Une analyse des tendances relatives aux pratiques de sécurité, telles la présence du personnel et la surveillance des activités des détenus
Les pratiques de sécurité, telles la présence du personnel, la surveillance des détenus et les patrouilles, ont toutes été réalisées conformément aux politiques. Les agents correctionnels sur place ont réagi correctement en la présence d'activités suspectes. L'un des agents avait certes quitté son poste sans en avoir obtenu l'autorisation au préalable, mais sa présence n'était pas essentielle à la gestion ni à la prévention de l'incident; cet agent a d'ailleurs rapidement regagné son poste lorsqu'on lui a demandé de le faire.
Une analyse des tendances relatives à la gestion des urgences et aux interventions dans ces situations en réponse au décès des détenus
Recours à la force
Les membres du comité d'enquête estiment que les agents ont respecté le Modèle de gestion de situations, du fait qu'ils ont émis des avertissements verbaux, employé des agents chimiques et tiré des coups de semonce avant de recourir à la force mortelle. Les agents ont en effet tiré cinq coups de semonce, alors qu'un seul était requis. Ils ont sorti le détenu décédé et les détenus blessés en temps opportun, et ils ont négocié le retrait du détenu B de l'aire de loisirs. Étant donné qu'une centaine de détenus se trouvaient encore dans le gymnase, les membres du comité d'enquête ont jugé pertinent l'appel lancé à l'équipe d'intervention en cas d'urgence. Après l'incident, les responsables de l'établissement ont en outre rencontré le comité de détenus pour veiller à ce que la population carcérale et le personnel puissent aller de l'avant après l'incident (soit la décharge de coups sur deux détenus par des agents correctionnels).
Le comité d'enquête a soulevé plusieurs défauts de conformité après l'incident relativement à la bonne réalisation des procédures ou aux documents attestant le respect de celles-ci. Nous estimons que ces lacunes ne sont pas significatives.
Les membres du comité d'enquête ont fait état de préoccupations quant à la capacité des agents qui surveillent l'aire de loisirs de communiquer efficacement avec les détenus ou avec leurs collègues dans l'établissement au moment où la situation s'est aggravée. Ils sont en outre préoccupés par le recours aux coups de semonce pour intimider les détenus et du manque de solution de rechange à la force mortelle. Aucune de ces préoccupations n'était en lien avec le travail du personnel. Les membres du comité d'enquête ont formulé des recommandations prometteuses pour améliorer les pratiques. Nous présentons ces recommandations plus en détail dans notre analyse sur l'intervention du SCC lors de cet incident.
Intervention d'urgence, premiers soins
Le personnel a réalisé une intervention appropriée lors de l'incident, et le personnel infirmier a fait tout en son pouvoir pour sauver la vie du détenu A. Le personnel infirmier a en outre offert une évaluation de l'état physique suivant un recours à la force à tous les détenus qui se trouvaient dans l'aire de loisirs au moment de l'incident.
Une évaluation de la communication de renseignements entre les principaux intervenants durant les incidents
La communication de renseignements entre les membres du personnel en cause lors de l'incident n'a soulevé aucune préoccupation pour ce cas.
Une évaluation du soutien fourni aux employés et aux détenus après les incidents
Des séances d'aide après un stress causé par un incident critique ont été dûment offertes aux employés et aux détenus, à l'exception du directeur et du directeur adjoint de l'établissement. Les membres du comité d'enquête ont souligné qu'un soutien approprié avait été offert aux deux agents qui ont dû décharger leur arme à feu.
Résumé : Décès attribuable aux interventions du personnel
Cas no | 19 |
---|---|
Le type de décès | Intervention du personnel |
M1 Réponse du SCC | Non |
M2 Tendances existantes avant l'incident | Non |
M3 Santé mentale | Non |
M4 Gestion des cas | Non |
M5 Patrouilles de sécurité | Non |
M6 Intervention en situation d'urgence | Non |
M7 Communication de renseignements | Non |
M8 Soutien au personnel et aux détenus | Oui |
M9 Problèmes liés à une pratique exemplaire | Non |
Oui – Problèmes cernés.
Non – Aucun problème important cerné.
Comme le résume le tableau ci-dessus, le SCC a offert un rendement satisfaisant dans l'ensemble. Il n'y avait aucun signe précurseur de l'incident, la sécurité lors de l'incident était satisfaisante, le personnel a communiqué l'information de façon appropriée, et les interventions d'urgence en santé et en sécurité ont été menées avec brio. Néanmoins, aucune séance d'aide après un stress causé par un incident critique n'a été offerte au directeur et au directeur adjoint de l'établissement : il s'agit là d'un défaut de procédure à corriger. Le comité d'enquête a présenté des recommandations judicieuses, dont la recommandation très utile (« pratique exemplaire ») visant l'ajout d'une nouvelle solution de rechange à la force mortelle.
Chapitre 9 : Évaluation de l'efficacité de la réponse du SCC aux décès en établissement
Dans ce chapitre, nous résumerons le rendement du SCC en fonction de notre mandat en compilant essentiellement les données présentées aux chapitres 4, 5, 6, 7 et 8. Bien que cet examen nous donne un aperçu général de la façon d'évaluer la réponse du SCC et un moyen de suggérer des améliorations possibles, le Comité a déterminé que cette méthode traditionnelle était quelque peu contraignante quand il s'agissait d'aider le SCC à travailler en vue de s'améliorer en tant qu'organisation. Ainsi, nous présentons de nouveau la grille de hiérarchie d'efficacité présentée au chapitre 3 en tant que stratégie au moyen de laquelle le SCC peut intégrer une approche davantage fondée sur l'apprentissage en ce qui a trait aux incidents graves.
Chapitre 9 : Délais de réponse aux incidents
Entre l'incident et le rapport du comité d'enquête | Entre le rapport du comité d'enquête et la réponse du Comité de direction | Entre l'incident et la réponse du Comité de direction | |
---|---|---|---|
Ensemble des décès | 142,48 | 162,86 | 307,14 |
Décès de causes inconnues | 132,33 | 143,75 | 269,38 |
Surdoses | 204,50 | 152,33 | 387,67 |
Suicides | 156,17 | 157,67 | 313,83 |
Homicides | 102 | 227 | 332 |
Le tableau 12 est présenté à titre de référence de la réponse du SCC aux décès en établissement. Lorsque le décès d'un détenu est de causes naturelles ou prévisibles (p. ex., un accident vasculaire cérébral, une crise cardiaque ou un cancer), on procède à un examen complet de la mortalité et de la morbidité. Lorsque les circonstances d'un décès soulèvent des préoccupations ou que le détenu s'est suicidé, a été assassiné ou est mort d'une surdose, une enquête est lancée en vertu des articles 19 ou 20 de la LSCMLC. Bien entendu, il y a souvent des retards dans la détermination de la cause du décès et il existe des circonstances où un décès qui semblait naturel est en fait causé par d'autres facteurs. Le cas no 8 en est un exemple. Ce délinquant est décédé en septembre 2010 et le rapport préliminaire du coroner révélait une athérosclérose modérée à grave de deux artères coronaires. Neuf mois plus tard, le SCC a reçu le rapport complet du coroner qui indiquait que la cause du décès était en fait la toxicité aiguë de la morphine (autrement dit une surdose). Nous ne rencontrons pas ce type de retard inévitable dans les cas d'homicide puisque la cause du décès (et la pertinence de former un comité d'enquête) est claire depuis le début.
Gabor 2001-2005 | 2009-2010 | 2010-2011 | |
---|---|---|---|
Entre l'incident et le rapport du comité d'enquête | 165 | 015 | 143 |
Entre le rapport du comité d'enquête et la réponse du Comité de direction | 310 | 127 | 163 |
Dans le rapport de l'an dernier, on a observé d'importants progrès depuis l'étude de Gabor dans le délai de réponse du SCC à la suite d'un incident. Le délai entre l'incident et l'achèvement du rapport du comité d'enquête a connu une forte diminution, passant de 165 à 105 jours en 2009-2010.
L'an dernier, le délai de réponse a augmenté; 143 jours se sont écoulés entre l'incident et l'achèvement du rapport du comité d'enquête. De même, le délai entre le rapport du comité d'enquête et la réponse du Comité de direction a diminué entre l'étude de Gabor et 2009-2010, mais augmenté de nouveau en 2010-2011. Il convient de souligner que les délais de réponse de 2010-2011 sont tout de même meilleurs que la moyenne de l'étude de Gabor, en particulier le délai de réponse du Comité de direction (passant de 310 à 163 jours). Nous prévoyons des fluctuations d'une année à l'autre, mais il serait utile que le SCC fixe des objectifs annuels quant aux délais moyens d'achèvement.
Résumé du rendement du SCC en fonction du mandat
Le tableau 13 est un tableau sommaire qui décrit tous les types de décès et évalue le rendement du SCC par rapport à notre mandat, compilant essentiellement les données présentées aux chapitres 4 à 8. La figure 7 illustre les tendances ou les problèmes observés pour chaque point du mandat.
Le Comité a jugé que la réponse globale du SCC aux décès en établissement (M1) avait été satisfaisante dans la plupart des cas (78 %). Des signes précurseurs du décès ou des tendances existantes avant celui ci étaient évidents dans plus de la moitié des cas (60 %). Cela englobe toutefois un nombre important de facteurs, dont l'état de santé mentale, les antécédents de toxicomanie, les changements dans la médication, les problèmes médicaux graves, l'agitation du détenu et les conflits de celui ci avec les autres détenus. En ce qui a trait uniquement à la santé mentale (M3), dans près du tiers des cas (32 %), le détenu était atteint d'un problème de cette nature.
Figure 6 : Comparaison des problèmes cernés dans les cas par point du mandat

Les comités d'enquête ont découvert qu'environ un cas sur quatre comprenait des problèmes au chapitre de la gestion de cas (24 %), qu'environ un tiers d'entre eux (32 %) présentaient des problèmes relatifs aux patrouilles de sécurité et à la surveillance, et que 33 % étaient problématiques sur le plan de l'intervention d'urgence. Aucune tendance claire n'a pu être cernée à partir des données de cette seule année, et nous devons faire preuve de prudence dans l'interprétation des problèmes relevés. Bon nombre des difficultés observées dans la gestion des cas, la sécurité ou l'intervention en cas d'urgence n'étaient pas graves et n'auraient pas permis d'éviter les décès en cause. En revanche, quelques erreurs graves méritent réellement un suivi. Des exemples précis sont décrits dans notre dernier chapitre présentant nos conclusions et nos recommandations.
La communication de renseignements est une source de préoccupations dans 20 % des décès. Même si dans la plupart des cas (80 %), il était évident que les détenus et le personnel avaient reçu un soutien après l'incident, il semblait parfois régner une certaine confusion relativement au niveau de suivi dont les établissements avaient besoin pour veiller à ce que tout le monde puisse recevoir du counseling. Le Comité n'a pas découvert de nombreux problèmes liés à l'utilisation appropriée des pratiques exemplaires (16 %), mais il a utilisé une définition étroite du terme. Nous avons trouvé une grande quantité d'information qui témoigne de pratiques correctionnelles judicieuses, d'une sécurité active, d'un excellent suivi des problèmes des détenus, et d'une intervention médicale courageuse et active.
Au lieu d'utiliser l'approche organisationnelle habituelle en matière de politiques, d'éducation, ainsi que de counseling et de mesures disciplinaires pour le personnel afin de gérer les décès en établissement, le CEI encourage le SCC à envisager d'autres méthodes, qui sont utilisées dans d'autres domaines, en vue d'améliorer son rendement organisationnel. À cette fin, nous présentons les conclusions tirées de l'application de l'échelle de la hiérarchie d'efficacité.
Cas no | 8 | 13 | 24 | 25 | 3 | 4 | 9 | 16 | 21 | 23 | 1 | 2 | 5 | 6 | 11 | 14 | 15 | 20 | 22 | 7 | 10 | 12 | 17 | 18 | 19 | Total |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Type | Surdose | Suicide | Décès de causes inconnues | Homicide | Décès attribuable aux inter-ventions du personnel | |||||||||||||||||||||
M1 | Non | Oui | Oui | S.O. | Non | Oui | Oui | Oui | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | S.O. | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Oui-5 Non-18 S.O.-2 |
M2 | Non | Non | Non | Non | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Non | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Non | Oui | Oui | Oui | Non | Oui | Non | Non | Non | Oui-15 Non-10 |
M3 | Non | Non | Non | Non | Oui | Oui | Non | Oui | Non | Non | Oui | Oui | Non | Oui | Non | Non | Non | Non | Non | Oui | Non | Oui | Non | Non | Non | Oui-8 Non-17 |
M4 | Non | Non | Non | Non | Oui | Oui | Non | Non | Non | Non | Oui | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Oui | Non | Non | Oui | Non | Oui | Non | Oui-6 Non-19 |
M5 | Non | Oui | Oui | Non | Oui | Oui | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Oui | Non | Non | Non | Oui | Non | Oui | Non | Oui | Non | Oui-8 Non-17 |
M6 | Non | Oui | Oui | S.O. | Non | Non | Oui | Oui | Oui | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Oui | Oui | Non | Non | Non | Oui | Non | Oui-8 Non-16 S.O.-1 |
M7 | Non | Non | Non | Non | Oui | Oui | Non | Oui | Non | Non | Non | Oui | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Oui | Non | Non | Non | Non | Non | Oui-5 Non-20 |
M8 | Oui | Oui | Oui | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | No* | Oui | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Oui | Oui-5 Non-20 |
M9 | Non | Non | Non | Non | Oui | Oui | Non | Oui | Oui | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Non | Oui-4 Non-21 |
Oui – Problèmes cernés.
Non – Aucun problème important cerné.
S.O. – Sans objet.
*Le personnel du comité d'enquête et le personnel régional ne s'entendent pas sur cette question.
Évaluer les réponses du SCC au moyen de l'échelle de la hiérarchie d'efficacité
Le comité d'enquête du SCC effectue une enquête approfondie sur les circonstances et les résultats liés à chaque décès de détenus et produit un rapport à ce sujet. Les résultats des enquêtes sont divisés en conclusions (conformité et non conformité aux politiques) et en recommandations. Les conclusions et les recommandations sont ensuite appuyées, appuyées en partie ou non appuyées par les établissements en cause dans l'incident, de même que les titulaires de police ou la direction des services, des secteurs et des programmes connexes. Ensuite, des plans d'action visant à donner suite aux conclusions et aux recommandations appuyées sont élaborés et coordonnés par le Comité de direction. Les réponses sont résumées dans un document interne, soit le rapport du Comité de direction.
Les recommandations et les conclusions des comités d'enquêtes sur les surdoses, les suicides, les décès de causes inconnues, les homicides et le décès attribuable aux interventions du personnel sont compilées puis évaluées selon leur efficacité à empêcher que des erreurs similaires se produisent de nouveau à l'avenir (tableaux 7 à 11). Les conclusions et les recommandations ont été réparties dans les catégories « précédant l'incident », « incident » et « suivant l'incident » et résumées dans le tableau 16.
Les niveaux d'efficacité de chacune de ces catégories ont été notés selon l'échelle de la hiérarchie d'efficacité présentée au chapitre sur la méthodologie. Pour évaluer les réponses et la probabilité d'éviter la récurrence d'un incident similaire à l'avenir, le Comité a utilisé le système de codage décrit à la section sur la méthodologie. Nous présentons de nouveau le tableau cidessous à titre de référence. Il faut se rappeler que dans l'échelle de la hiérarchie de l'efficacité, plus le pointage est élevé, plus la probabilité de succès est faible. Ce sont les recommandations visant à restreindre l'erreur humaine au moyen de fonctions de forçage, suivies par l'automatisation des fonctions individuelles (c.-à-d. que ces moyens éliminent pratiquement l'erreur humaine) qui constituent l'étalon de référence en matière d'efficacité. La normalisation des pratiques et des processus locaux et la mise en œuvre de politiques et la publication de rappels ou de notes de service se classent plus bas. Comme nous l'avons mentionné au chapitre sur la méthodologie, les politiques et l'éducation occupent une place importante dans l'amélioration continue de l'organisation, mais elles ne suffisent pas à prévenir les décès en établissement.
Notre tableau présente des données brutes. Les pourcentages des recommandations et des conclusions de chaque niveau d'efficacité sont présentés au tableau 15.
Types de recommandation | Exemples | Efficacité |
---|---|---|
Fonctions de contrainte | Élimination de la méthadone dans l'établissement, élimination des points de suspension | 1 |
Automatisation/informatisation | Technologie de détection de la chaleur; séances d'information automatisées quotidiennes et tableaux de dénombrement | 2 |
Normalisation/simplification/différenciation | Niveaux d'observation fondés sur un code de couleurs; information requise sur la santé mentale des détenus avant leur transfèrement | 3 |
Rappels/vérifications/redondances | Prise en compte des observations des agents correctionnels dans la gestion de cas; deux agents comptent la même rangée | 4 |
Règles/politiques/procédures | Directives du commissaire; bulletins de sécurité | 5 |
Éducation/information | Notes de service sur les conséquences du rendement faible ou non conforme; enseignement ou formation de rattrapage sur les politiques et procédures en place | 6 |
Surdoses confirmées et soupçonnées (n=4) | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|
6 |
5 |
4 |
3 |
2 |
1 |
|
Précédant l'incident | 2 |
3 |
2 |
0 |
1 |
1 |
Incident | 1 |
0 |
1 |
0 |
0 |
0 |
Suivant l'incident | 2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Suicides (n=6) | ||||||
6 |
5 |
4 |
3 |
2 |
1 |
|
Précédant l'incident | 14 |
5 |
5 |
2 |
1 |
0 |
Incident | 3 |
0 |
0 |
1 |
0 |
0 |
Suivant l'incident | 5 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Décès de causes inconnues (n=9) | ||||||
6 |
5 |
4 |
3 |
2 |
1 |
|
Précédant l'incident | 17 |
20 |
1 |
0 |
0 |
1 |
Incident | 9 |
3 |
1 |
1 |
0 |
0 |
Suivant l'incident | 3 |
1 |
0 |
1 |
1 |
0 |
Homicides (n=6) | ||||||
6 |
5 |
4 |
3 |
2 |
1 |
|
Précédant l'incident | 13 |
5 |
8 |
13 |
0 |
0 |
Incident | 4 |
0 |
1 |
1 |
1 |
0 |
Suivant l'incident | 9 |
0 |
0 |
3 |
1 |
0 |
Décès attribualbe aux interventions du personnel (n=1) | ||||||
6 |
5 |
4 |
3 |
2 |
1 |
|
Précédant l'incident | 0 |
1 |
1 |
0 |
0 |
0 |
Incident | 7 |
0 |
0 |
1 |
1 |
1 |
Suivant l'incident | 6 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Totals | 95 |
38 |
20 |
23 |
6 |
3 |
Conclusions sur l'efficacité par type de décès
Surdoses confirmées et Suspected Soupçonnées
Il n'est pas possible d'analyser le caractère approprié et adéquat de la réponse relative au cas no 25, car il s'agissait d'une enquête locale qui n'a ainsi pas été soumise au Comité de direction. Pour ce qui est des 3 autres rapports des comités d'enquête liés aux décès attribuables à une surdose, ils renfermaient 6 recommandations, dont l'une était appuyée par l'organisation. Il y avait 15 conclusions dans l'ensemble des rapports des comités d'enquêtes relativement aux décès attribuables à une surdose, dont bon nombre touchaient des questions de conformité.
Réponses précédant l'incident : Cinq recommandations et 12 constatations sont liées à des signes précurseurs de l'incident dans les rapports sur les décès attribuables à une surdose. Les 5 recommandations provenaient toutes de l'enquête sur le cas no 13 et seulement une des 5 avait été appuyée, soit que des caméras à l'entrée des rangées et des unités (munies d'horodateurs) soient installées afin d'évaluer la qualité des tournées. Puisque cette recommandation a donné lieu à une modification des systèmes automatisés et informatiques, elle est cotée 2, ou hautement efficace. Des 4 autres recommandations, 3 n'ont pas été appuyées en raison d'un manque de faisabilité (les systèmes des postes n'étaient pas compatibles avec un système d'horloge par satellite) et de la redondance avec les politiques existantes ainsi qu'avec une autre recommandation.
Une autre recommandation liée au cas no 13 n'a pas reçu l'appui de l'organisation, soit que les panneaux de bois couvrant les fenêtres des cellules dans les rangées de l'établissement soient retirés afin de faciliter la vérification visuelle des cellules des détenus. Le comité d'enquête était d'avis que ces panneaux de bois empêchent l'observation informelle des détenus, car les agents correctionnels doivent ouvrir un panneau coulissant à la verticale pour voir à l'intérieur de la cellule, ce qui nécessite que leur visage soit à quelques centimètres de l'ouverture. Le SCC a rejeté cette recommandation alléguant que rien ne démontrait que la vue des agents correctionnels sur les détenus était entravée. Selon le CEI, le comité d'enquête n'insinuait pas que les agents correctionnels ne pouvaient pas voir les détenus; il a fait remarquer, à juste titre, que ces panneaux constituent un obstacle à l'observation fortuite, ce qui ne facilite pas les tournées et les dénombrements pour le personnel. Malheureusement, l'organisation n'a pas saisi l'occasion d'apporter son soutien aux agents correctionnels en simplifiant les tournées et les dénombrements. Comme nous l'avons mentionné précédemment, lorsqu'une organisation simplifie un processus, elle atténue les risques d'erreur humaine et améliore ainsi la sécurité.
Les 12 conclusions ont reçu l'appui du SCC, sauf une. Les réponses à ces conclusions ont principalement été cotées 5 ou 6 (pour l'éducation et l'élaboration de politiques). L'une des conclusions a été cotée 1, ou hautement efficace : la méthadone n'est plus entreposée dans l'établissement.Note de bas de page 9 La conclusion qui n'a pas été appuyée dans le cas no 24 était que le plan de fouille n'était pas utilisé de façon uniforme malgré les préoccupations du commissaire au sujet des drogues dans le centre et de la frustration des détenus envers les résidents qui font usage de drogues. L'établissement a répondu que les plans de fouille sont exécutés conformément aux pratiques exemplaires.
Une autre conclusion liée au cas no 24 a reçu l'appui du SCC; toutefois, la réponse qui a été apportée dans ce cas ne semble pas adéquate. La conclusion du comité d'enquête était que le centre correctionnel communautaire (CCC) a des ordres de poste pour les commissionnaires, mais il a été déterminé qu'ils sont rarement transmis en raison du nombre élevé de responsabilités de ces derniers. La réponse du SCC est que le sergent et le siège social ont tous les deux assuré que les commissionnaires examineraient les ordres de poste et les signeraient, et cette tâche est intégrée à l'orientation. Un examen indépendant du rendement des commissionnaires a été amorcé afin de veiller à ce que des incidents similaires ne se produisent plus. La conclusion du comité d'enquête concernait la disponibilité, et la réponse du SCC n'était axée que sur le rendement du personnel. En effet, le SCC n'a ni reconnu ni réglé le problème de la disponibilité. Le CEI reconnaît que le rendement du personnel peut avoir une incidence dans certains cas, mais le SCC n'a pas saisi l'occasion de s'assurer qu'il y a suffisamment de personnel affecté à ce CCC pour accomplir les tâches et que le nombre de tâches de chaque employé ne dépasse pas les limites raisonnables.
Réponse à l'incident : Deux recommandations et deux conclusions sont liées à l'incident. La recommandation (cas no 24) selon laquelle la RCR ne devrait pas être requise lorsque le corps est en état de rigidité cadavérique n'a pas été appuyée. Comme il a été mentionné dans le chapitre sur les surdoses, la RCR doit aussi être administrée dans ces circonstances au cas où le personnel croirait à tort que l'état de la personne ne se prête plus à une intervention thérapeutique. En administrant la RCR, le personnel peut s'assurer qu'il fait tout ce qui est en son pouvoir pour préserver la vie. Les deux conclusions liées à l'incident ont reçu l'appui du SCC et elles ont été cotées 4 et 6 sur l'échelle de la hiérarchie d'efficacité.
Réponses suivant l'incident : Le comité d'enquête a formulé deux conclusions liées à des problèmes postérieurs à l'incident pour le cas no 8. Les deux conclusions concernent la conformité et ont été appuyées par le SCC par de l'éducation et des notes de service, ce qui a été évalué à 6. Aucun des comités d'examen n'a formulé de recommandations au sujet des problèmes postérieurs à l'incident.
Suicides
Quatre recommandations et 37 conclusions au total ont été formulées pour les 6 suicides. Des 3 recommandations qui ont été appuyées, 2 étaient axées sur les politiques et ont été cotées 5, ou de faible efficacité.
Réponses précédant l'incident : Les comités d'enquête ont formulé 27 conclusions et recommandations ciblant des signes précurseurs. Bien que dans l'ensemble elles aient été évaluées de faible efficacité, il est prometteur de constater que certaines mesures correctives ont reçu une cote d'efficacité plus élevée. Par exemple, dans le cas no 4, l'horloge de l'isolement ne devrait pas être réinitialisée automatiquement lorsqu'un transfèrement entre deux établissements prend plus de 24 heures. Ce type de changement automatisé au système démontre une approche en matière de sécurité axée sur les systèmes, ce qui augmente la probabilité qu'un incident similaire soit évité à l'avenir. Cette recommandation a été cotée 2, ou hautement efficace.
Réponse à l'incident : Quatre conclusions sont liées aux incidents en soi, dont 3 ont été cotées 6. L'une des réponses a réglé de façon appropriée le problème de communication entre les employés en augmentant le nombre de radios disponibles. L'une de ces recommandations n'a pas été appuyée : que la DC 800 - Services de santé soit modifiée de sorte que le DEA soit déployé même lorsqu'il indique de ne pas administrer de choc. La commissaire adjointe, Services de santé, soutenait que selon cette directive, il aurait effectivement fallu utiliser le DEA pendant l'incident. D'après les documents fournis au CEI, il semble qu'un enseignement correctif aurait été donné au personnel infirmier relativement à l'utilisation appropriée du DEA. Une réponse organisationnelle plus efficace à cet incident consisterait à déterminer la façon de simplifier les instructions touchant l'utilisation du DEA en situation de crise. Il est clair pour le CEI que le personnel concerné croyait suivre les procédures correctement; un enseignement correctif au sujet de la politique contribue peu à corriger les lacunes dans les communications (en effet, les rappels et les notes de service sont les moins susceptibles d'amener des changements efficaces). La simplification des procédures et des instructions, si possible dans ce cas, se serait révélée une réponse organisationnelle beaucoup plus efficace.
Réponses suivant l'incident : Les 5 conclusions concernant des facteurs postérieurs à l'incident ont été cotées 6, ou de faible efficacité. Ces réponses découlent de la non conformité aux politiques et le personnel visé a reçu de l'information sur les exigences des politiques.
Décès de causes inconnues
Réponses précédant l'incident : Des 39 réponses, la majorité était axée sur l'éducation (6) ou sur les politiques et exigeait que le personnel respecte les politiques plus attentivement. La plupart des erreurs n'ont pas été déterminantes dans les décès en question et les recommandations ont été appuyées à l'échelle régionale et locale. Il a été fortement recommandé dans le cas no 14 d'apporter une modification physique à une rangée afin d'améliorer la surveillance, ce qui a été coté « 2 » (automatisation). Au nombre des recommandations notables pour le cas no 2 figurent l'élaboration d'une formation et d'une orientation formelles et la mise sur pied d'une unité pour les détenus qui s'adonnent à l'automutilation de façon chronique; ces deux recommandations ont été cotées 3 pour la normalisation et la différenciation.
Réponse à l'incident : Les 14 recommandations et conclusions liées à l'incident étaient principalement axées sur la conformité, donc sur la responsabilisation du personnel. Bon nombre des conclusions concernaient de petites questions relatives aux politiques et aux procédures et n'avaient aucune incidence sur les décès. La réponse générale aux incidents a été l'éducation et le counseling auprès du personnel, ce qui a été coté 6. L'une des réponses a été cotée 3, car elle consistait à déplacer une caméra afin de normaliser la vision.
Réponses suivant l'incident : Trois des six recommandations et conclusions concernaient l'éducation du personnel (cote 6). Dans le cas no 2, le comité d'enquête présentait une recommandation sur les politiques (cote 5) et, dans le cas no 25, il faisait pression en faveur d'un protocole d'entente avec les CRC pour normaliser la pratique (cote 3). Enfin, dans le cas no 2, on a recommandé la tenue d'un atelier sur les traumatismes vicariants, ce qui est une excellente suggestion de soutien novateur pour le personnel du SCC qui travaille auprès de détenus qui s'automutilent (cote 2).
Homicide
Réponses précédant l'incident : Le Comité a noté 39 signes précurseurs que les comités d'enquête ont jugés assez importants pour être considérés comme des conclusions, des sujets d'analyses ou des recommandations qui méritaient une réponse du SCC. Aucun signe précurseur n'a suscité de réponses cotées 1 ou 2. Seulement environ le tiers des recommandations ou des suggestions des comités d'enquête ont été cotées 3; les autres ont été classées au bas de l'échelle de la hiérarchie de l'efficacité. En d'autres mots, la plupart des recommandations étaient peu susceptibles d'être efficaces à long terme.
Pour le cas no 7, le comité d'enquête a suggéré que l'établissement intègre mieux le personnel de correction et de traitement à cet établissement spécialisé en soins de santé mentale, améliore la documentation produite par le personnel infirmier et mette en place des systèmes favorisant de meilleures documentation et communication entre les membres du personnel. Pour ce faire, le comité d'enquête a recommandé la mise en place de systèmes de production de rapports et la réorganisation de la dotation des agents correctionnels afin d'assurer l'uniformité, ainsi que l'élaboration de meilleurs systèmes de communication par l'établissement. Le Comité était d'avis que ces améliorations étaient modérément susceptibles d'être efficaces, et il a déterminé que 5 des 12 réponses correspondent au niveau « normalisation » de l'échelle d'efficacité (3). Deux des conclusions concernaient les politiques, ont été cotées 5 et se classent au niveau « règles » de l'échelle d'efficacité. Quatre conclusions et analyses ont été classées au niveau le plus bas, soit 6 ou « éducation » et il s'agissait de rappels avisant le personnel d'accomplir leurs tâches de façon appropriée, en particulier en ce qui a trait à la documentation.
Dans le cas no 7, le comité d'enquête était d'avis que la médication de l'agresseur avait été diminuée trop tôt, tandis que l'établissement soulignait que cette diminution était conforme aux lignes directrices nationales et n'a pas appuyé cette conclusion. Le Comité fait remarquer que cette réaction défensive est fâcheuse, car cette conclusion présentait une possibilité d'apprentissage pour le SCC. Plutôt que de surveiller le dosage, il était probablement plus important de surveiller étroitement le détenu à la suite de la modification de sa médication pour voir s'il décompensait.
Dans le cas no 17, trois recommandations ont été cotées 3, notamment la désignation d'un gestionnaire responsable des unités, l'embauche d'un ARS supplémentaire et l'élaboration d'une stratégie plus globale de lutte contre les gangs; ces stratégies utiles ont toutes été appuyées par l'établissement. Des préoccupations de moindre importance (que nous avons cotées 4 ou 6) à propos des opérations quotidiennes de l'établissement ont été soulevées et le SCC y a donné suite.
Pour le cas no 18, on a recommandé de modifier le plan physique, car l'unité n'était pas assez visible, une cote 3 ayant été accordée à cet égard. Pour ce qui est du cas no 7, en fournissant localement une trousse d'intrusion, on veillera à ce que les portes de cellule coincées puissent être ouvertes rapidement en cas d'urgence médicale. Cette recommandation a été cotée 2.
Réponse à l'incident : Plus de la moitié (66,6 %) des 7 réponses aux conclusions sur l'incident ont été cotées 5 ou 6, soit de faible efficacité. Au total, 4 recommandations (17 %) ont été cotées 1 ou 2, tandis que les autres recommandations (37 %) ont été cotées 3 ou 4. Les facteurs de décès en établissement étaient souvent liés aux intervenants des services de santé et les conclusions étaient surtout axées sur la conformité, ce qui a donné lieu à des réponses constituant des mesures correctives (formation, rappels) visant à améliorer le rendement du personnel.
Réponses suivant l'incident : Les comités d'enquête ont fourni 13 recommandations et conclusions, dont la plupart concernaient la conformité et consistaient à discuter avec le personnel ou à lui offrir une formation, ce qui leur a valu la cote 6. Environ 14 % des réponses concernaient des efforts de normalisation (3) et l'une d'elles a été cotée 2 (automatisation).
Des recommandations de normalisation et de différenciation de niveau élevé (3) ont été relevées pour le cas no 10. L'intégration d'Aînés aux stratégies de lutte contre les gangs, l'isolation des membres d'un gang et l'affectation d'un gestionnaire de programme qui travaillerait avec les gestionnaires correctionnels sont toutes des mesures importantes pouvant générer un changement. De plus, dans le cas 10, une mesure technique, soit l'utilisation d'une caméra dans l'aire de loisirs, améliorera la surveillance (cotée 2).
Décès attribuable aux interventions du personnel
Pour le seul cas de décès attribuable aux interventions du personnel, la plupart des réponses concernaient la conformité et le maniement des armes. Les mesures correctives étaient de nature pédagogique et consistaient à discuter avec le personnel ou de lui offrir des services formels de counseling. Ces mesures correctives ont été cotées 6 sur l'échelle de l'efficacité puisqu'elles ne permettent pas de garantir qu'un autre employé dans un autre établissement agira différemment à l'avenir.
On a présenté pour le cas no 19 une recommandation cotée 1 (hautement efficace, car elle vise à restreindre un comportement) qui consiste à modifier le Barème de distribution en ce qui a trait aux armes. Cette recommandation force le personnel du SCC à utiliser une arme produisant un meilleur effet dissuasif avant de devoir recourir à la force mortelle. Une arme polyvalente qui peut tirer des projectiles et des munitions non mortels (p. ex., des sacs de plombs, des balles en caoutchouc) et des coups de semonce très forts offre certes davantage d'options pour préserver la vie sans avoir à recourir rapidement à la force mortelle.
Ce cas contient une conclusion cotée 2 (automatisation) qui consistait à fournir des radios et des porte voix, ce qui implique que le personnel tente de dissuader un grand groupe de détenus d'agresser d'autres détenus.
Résumé : Efficacité des conclusions et des recommandations
Figure 7 : Pourcentage des recommandations et des constatations à chaque niveau d'efficacité

Dans des rapports précédents, le BEC a exprimé des préoccupations quant à la possibilité que des incidents similaires se produisent de nouveau et que des lacunes organisationnelles semblables se manifestent de nouveau au SCC. Pour donner suite aux préoccupations du BEC, il faut une méthode systématique d'évaluation et de suivi des conclusions et des recommandations tirées des rapports des comités d'enquête ainsi que des réponses du SCC dans les grilles du Comité de direction. Le CEI a évalué la pertinence des recommandations et des conclusions en leur attribuant une cote faisant état de la mesure dans laquelle elles sont susceptibles de permettre d'éviter que des incidents similaires se produisent de nouveau. Ici, l'efficacité est définie comme la probabilité qu'une recommandation donne lieu à une réduction du nombre de décès en établissement.
Tel qu'il est illustré à la figure 8, plus de la moitié des recommandations et des conclusions ont la cote 6. Même si certaines recommandations et conclusions ont reçu une note supérieure sur le plan de l'efficacité, nous suggérons aux comités d'enquête d'explorer des façons d'élaborer des recommandations afin que les solutions restreignent l'erreur humaine au moyen de fonctions de contrainte, de l'automatisation et de la normalisation.
La principale raison qui explique le grand nombre de 5 et de 6 est que de nombreuses conclusions et recommandations sont liées à l'élaboration de politiques (cotées 5), et constituent des rappels au personnel sur la politique existante ou les autres exigences relatives à l'emploi (cotées 6). Les politiques et l'éducation sont une composante essentielle de toute organisation efficace, et permettent de veiller à ce que des procédures normalisées soient appliquées dans les différents établissements à l'échelle du pays. Même si le respect des politiques existantes, la correction des lacunes dans celles ci et l'éducation sont des premières étapes importantes lors d'une enquête, la deuxième étape consiste à explorer les raisons pour lesquelles des problèmes de conformité surviennent ou des erreurs humaines se sont produites, ce qui peut permettre de cerner la lacune organisationnelle et le risque qui ont mené à l'erreur.
Le CEI suggère au SCC de continuer d'explorer des solutions de rechange aux mesures correctives lorsqu'il y a des problèmes de conformité. Il a été encourageant de voir que l'encadrement a été proposé comme mesure de remplacement aux mesures disciplinaires en cas de non respect des politiques (recommandation no 5 dans les Mesures correctives et le Plan d'action de la gestion du SCC aux fins du rapport du CEI sur les décès en établissement survenus en 2010-2011). Une vérification de la mise en œuvre et de l'adoption de cette mesure permettraient au Service de mieux comprendre son efficacité. Les conversations d'encadrement peuvent aussi contribuer à la réalisation des enquêtes en examinant le contexte dans lequel l'omission ou l'erreur s'est produite. C'est en comprenant mieux le contexte que les lacunes organisationnelles peuvent être décelées, et ces lacunes doivent être corrigées à l'aide des recommandations les plus efficaces possible.
Chapitre 10 : Conclusions et recommandations
Résumé des principales conclusions et des problèmes majeurs
Dans cette section, le Comité tente de résumer nos principales conclusions, de cerner les problèmes systémiques et d'indiquer des moyens par lesquels le SCC peut améliorer son rendement. En examinant les problèmes et les tendances spécifiques, l'un des thèmes récurrents est de tirer profit des pratiques exemplaires dans la mesure du possible et de déterminer des stratégies qui sont le plus susceptibles d'avoir une incidence sur l'ensemble du système. Ci dessous, nous passons en revue le mandat qui guide notre Comité, nous examinons les domaines devant faire l'objet d'autres travaux de recherche et nous apportons des suggestions sur le fonctionnement futur du Comité indépendant.
Examen du mandat
1. Le caractère approprié et adéquat des mesures correctives et des plans d'action de la direction pour donner suite à ces enquêtes;
Dans 78 % des cas, les réponses du SCC étaient satisfaisantes. Les rapports des comités d'enquête étaient des résumés complets et bien rédigés des incidents et comprenaient des analyses approfondies de la conformité aux politiques. Comme nous l'avons appris dans le cadre de notre examen de l'efficacité des recommandations, celles qui sont axées sur les politiques et la formation constituent les premières étapes nécessaires à toute enquête. Les politiques et la formation sont des composantes essentielles, qui sont un gage d'efficacité dans une organisation et qui permettent de normaliser les procédures dans des établissements qui se trouvent dans différentes zones géographiques. Toutefois, les comités d'enquête devraient examiner plus en profondeur les raisons des problèmes de conformité et, dans les cas d'erreur humaine, envisager des systèmes ou des mesures correctives dans l'environnement qui permettraient d'éviter qu'une autre personne fasse la même erreur. Le fait de répondre à ces questions permet de mettre à jour les lacunes et les risques organisationnels qui ont entraîné l'erreur humaine si bien que les recommandations formulées seront plus efficaces et permettront d'éviter que des incidents semblables se produisent de nouveau à l'avenir.
Recommandation no 1
Un examen plus poussé des lacunes de l'organisation devrait être réalisé pour approfondir les raisons des problèmes de conformité ainsi que les facteurs rattachés à l'environnement et aux systèmes qui causent des erreurs humaines, s'il y a lieu.
Une fois que l'organisation a compris qu'elle devait se conformer aux politiques et aux pratiques et les mettre en application, l'enquête devrait contester le statu quo en remettant en question l'efficacité des procédures et des politiques existantes, ainsi que les directives du commissaire. Si un détenu se suicide et que l'intervention du personnel est conforme aux politiques, l'enquête devrait commencer en posant l'hypothèse que les besoins du détenu en matière de santé mentale n'ont pas été comblés. De même, si un détenu est assassiné en établissement, ses besoins en matière de sécurité n'ont pas été satisfaits. Bien qu'il soit impossible de prévoir et d'éviter tous les suicides (Jacobs, Brewer et Klein-Benheim, 1999; American Psychiatric Association, 2003), cette hypothèse définit le point de vue adopté pour explorer des moyens par lesquels l'organisation peut mieux prévenir les décès en établissement.
Nous incitons le SCC à formuler toutes ses conclusions et ses recommandations dans un langage non punitif et axé sur les systèmes si elles doivent être perçues comme des possibilités d'amélioration et d'apprentissage. Cela peut se faire en conservant une approche systémique de l'erreur humaine et en n'acceptant pas la conformité aux politiques comme résultat du processus d'enquête. Les rapports devraient aussi reconnaître le rendement efficace et les bonnes pratiques.
Recommandation no 2
Une nouvelle section obligatoire devrait être ajoutée aux rapports des comités d'enquête pour souligner ce qui s'est bien passé durant un incident (prise en charge du délinquant et interventions)
Nous remarquons que le Comité de l'année dernière a formulé des recommandations portant sur des thèmes similaires (R.5). Cependant, nous divergeons d'opinion sur la notion de mesures disciplinaires comme moyen de favoriser un rendement plus efficace. Nous sommes aussi en désaccord avec l'enquêteur correctionnel à cet égard. Comme l'ont constaté d'autres organisations, on obtient de meilleurs résultats en travaillant avec le personnel dans un esprit de résolution de problèmes et de façon à mettre l'accent sur les systèmes. Une fois de plus, nous reconnaissons que les conduites outrageantes et les méfaits devraient quand même faire l'objet de mesures disciplinaires.
2. Une analyse des tendances relatives aux facteurs ayant contribué aux décès ou les ayant déclenchés;
Nous avons constaté des facteurs déclencheurs dans 60 % des décès en établissement. En général, le Comité était d'avis que dans la plupart des cas, il était impossible de prévoir un problème médical fatal ou le comportement destructeur du détenu, tandis que dans d'autres cas, la connaissance préalable du problème a permis au personnel du SCC d'intervenir de façon raisonnable.
Nous avons observé un phénomène troublant. Quatre détenus se sont suicidés dans des établissements à sécurité moyenne et maximale, dont trois étaient en isolement au moment du décès. Le fait que ces trois détenus aient pu avoir accès à des moyens pour se suicider alors qu'ils étaient en isolement représente une lacune organisationnelle grave dans la gestion des risques de suicide. Une suite d'examens de travaux de recherche ont permis de constater que la pendaison était le principal moyen qu'utilisent les détenus pour se suicider dans ces établissements, et de recommander que la restriction de l'accès aux moyens de se suicider soit une priorité organisationnelle en matière de sécurité (Hawton, 2007; Daigle, 2005; Lieberman, Resnik et Holder-Perkins, 2004; Mills, DeRosier, Ballot, Shepherd et Bagian, 2008; Yeager et coll., 2005). Il est entendu que le SCC effectue ces types de contrôles de sécurité dans le cadre de leurs opérations courantes, mais aucun des comités d'enquête ne démontrait que l'accès à ces moyens avait été examiné. Il est très important que le SCC utilise le processus d'enquête pour déceler ces types de lacunes sur le plan de la sécurité et élabore des recommandations visant à s'assurer que l'on apporte des mesures correctives.
Recommandation no 3
Les enquêtes qui portent sur les cas de suicide dans les établissements à sécurité moyenne et maximale devraient examiner les moyens auxquels les détenus ont accès pour se suicider.
3. Une analyse des tendances relatives aux soins de santé mentale fournis aux détenus ayant des besoins à cet égard avant leur décès;
Dans 32 % des cas, ou un cas sur trois, les détenus présentaient des antécédents de problèmes de santé mentale. Pour cinq des six détenus qui se sont suicidés (dont les trois détenus en isolement) on avait prescrit, modifié ou éliminé des médicaments psychiatriques deux à six semaines avant leur décès. La médication de l'un de ceux qui ont commis des homicides de détenus avait aussi été modifiée quelques semaines avant que le meurtre soit commis. À l'exception du cas no 9, le CEI ignorait précisément dans quelle mesure l'efficacité de ces médicaments et leurs effets secondaires étaient surveillés, conformément à la pratique exemplaire. Comme nous l'avons mentionné au chapitre 5, le délinquant no 4 s'est vu retirer sa médication parce qu'il ne s'était pas présenté à la clinique. Cette pratique devrait être réexaminée en ce qui a trait aux médicaments psychotropes, particulièrement pour les détenus en isolement.
Recommandation no 4
Le Programme de sensibilisation à la réception devrait se fonder sur des pratiques exemplaires ou prometteuses pour surveiller et traiter les symptômes de dépression en milieu correctionnel, et non sur les normes en vigueur dans la société.
Le CEI est convaincu que l'organisation avait la possibilité de continuer d'administrer une médication psychiatrique et de surveiller les symptômes et les effets secondaires de ces médicaments sans que le détenu nécessite l'intervention active des Services de santé.
4. Une analyse des tendances relatives aux pratiques de gestion de cas avant le décès des détenus;
Des problèmes liés aux pratiques de gestion des cas ont été signalés dans 24 % des cas. Toutefois, aucun de ces problèmes étaient suffisamment inquiétants pour justifier une recommandation du CEI. Le SCC a de nombreuses politiques et des mesures de surveillance en place en matière de gestion des cas; comme il a été mentionné précédemment, il serait peut être plus productif de s'asseoir et d'examiner de près les situations et les circonstances que de compter sur des mesures axées sur la conformité.
5. Une analyse des tendances relatives aux pratiques de sécurité, telles la présence du personnel et la surveillance des activités des détenus;
Des problèmes liés aux pratiques de sécurité ont été observés dans 32 % des cas. Le plus flagrant de ces cas est celui d'un détenu décédé 12 heures avant que le personnel s'en aperçoive. Néanmoins, la majorité des cas que nous avons examinés avaient fait l'objet d'une surveillance satisfaisante et, dans certains cas, la sécurité active a permis de répondre rapidement aux problèmes médicaux, mais en vain. Nous avons remarqué que le Comité de l'an dernier a formulé un certain nombre de recommandations (3 et 4) visant à définir les patrouilles de sécurité et à mieux les surveiller. Nous reconnaissons que le SCC a pris des mesures en réponse au CEI de l'an dernier (voir le chapitre 1), notamment la clarification des ordres de poste et des responsabilités du personnel dans l'exécution de ces fonctions.
Nous avons constaté qu'il était difficile de détecter la nuit si un corps est en vie. Il est plutôt ironique que les efforts du personnel pour accommoder les détenus puissent se traduire par une surveillance insuffisante. Dans certains cas, le personnel ne voulait pas réveiller les détenus pour le dénombrement debout; il se peut qu'un détenu se trouve en difficulté sur le plan médical ou qu'il soit mort. Aussi, quand les détenus couvrent leur cellule pour préserver leur intimité la nuit, il est difficile pour le personnel de détecter s'ils font une surdose. Afin qu'il puisse vérifier avec exactitude si les détenus sont vivants, nous incitons le SCC à continuer d'étudier de nouvelles technologies permettant de détecter si les personnes sont bien vivantes (voir le chapitre 2). De telles initiatives doivent être évaluées en tenant compte des coûts et ne doivent jamais représenter une mesure de remplacement aux bonnes pratiques de sécurité, mais une excellente protection contre l'erreur humaine. Selon les pratiques exemplaires, les méthodes automatisées pour détecter si les détenus sont en vie peuvent sauver des vies.
Recommandation no 5
Le SCC devrait songer à utiliser des méthodes automatisées pour vérifier si les détenus sont bien vivants, notamment des détecteurs de chaleur humaine (d'autres services correctionnels y songent actuellement).
6. Une analyse des tendances relatives à la gestion des situations d'urgence et aux interventions dans les incidents de décès de détenus; parmi les tendances préoccupantes relevées relativement aux interventions d'urgence, il y a le délai de réponse du personnel de correction lorsqu'un détenu est découvert en détresse et l'intervention des agents correctionnels ou de personel des services de santé dans l'administration d'aide médicale;
Des préoccupations ont été soulevées concernant l'intervention médicale dans 33 % des décès. Ni le comité d'enquête ni le SCC n'ont examiné l'intervention d'urgence pour le cas no 21A (suicide). On ne sait pas si le personnel de l'établissement résidentiel communautaire était en mesure d'injecter au détenu une dose d'urgence de glucagonNote de bas de page 10 lorsqu'il l'a trouvé inconscient, mais respirant encore après une surdose d'insuline. De plus, deux des quatre détenus décédés d'une surdose d'opiacés ont fait l'objet d'une intervention d'urgence du personnel de l'établissement (l'un des deux autres détenus est décédé alors qu'il était illégalement en liberté et l'autre a été trouvé en état de rigidité cadavérique). Bien que des manœuvres de réanimation cardiorespiratoire (RCR) aient été appliquées dans les deux cas, il reste que leur vie aurait peutêtre pu être sauvée par l'administration de naloxone.
Ces simples outils d'urgence médicale ne présentent aucun risque de surdose ou d'abus. En outre, la recension des écrits sur la naloxone (voir le chapitre 2) montre que l'accès accru à ce médicament est une nouvelle pratique exemplaire approuvée par l'Organisation mondiale de la Santé, les facultés de médecine et les organismes de santé du Canada et les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des ÉtatsUnis. Les établissements continueront d'accueillir des délinquants dépressifs et suicidaires qui ont peu de motivation pour rester en vie, et encore moins pour gérer des problèmes de santé chroniques. De plus, malgré tous les efforts du SCC pour gérer et traiter les détenus aux prises avec des problèmes de consommation d'alcool et de drogues dans ses établissements, ces troubles peuvent être chroniques ou récurrents et bon nombre des détenus demeureront à risque de faire une surdose. Le renforcement de la capacité des établissements et du personnel non médical de répondre aux urgences médicales à l'aide de ces types d'outils médicaux peut prévenir d'autres décès semblables à l'avenir.
La recension des écrits sur la prévention des décès attribuables à une surdose a aussi mis l'accent sur une période particulièrement vulnérable et à risque élevé pour les personnes sous la responsabilité du système de justice pénale. Dans les deux à quatre premières semaines après leur mise en liberté, les délinquants ayant des antécédents de consommation d'alcool et de drogues sont particulièrement à risque élevé de surdose. Étant donné que cette période de risque est connue et que la naloxone est un composé chimique efficace qui permet d'inverser les effets d'une surdose et ce faisant, de prévenir les décès, le SCC devrait envisager d'élaborer des programmes et des protocoles d'accès à la naloxone pour les délinquants en transition entre l'établissement correctionnel et la collectivité.
Recommandation no 6
Le SCC devrait trouver des moyens d'élargir l'accès des agents correctionnels aux outils médicaux d'urgence, particulièrement dans les établissements où les soins de santé ne sont pas offerts en tout temps. Dans ces établissements, les trousses médicales devraient contenir de la naloxone et du glucagon.
7. Une évaluation de la communication entre les principaux intervenants durant les incidents;
Dans 20 % des cas, il y a des problèmes de communication de l'information, une grave omission qui a probablement entraîné la mort d'une personne. L'amélioration des mécanismes de communication de l'information était l'une des recommandations du Comité de l'an dernier (R1) et une recommandation récurrente de l'enquêteur correctionnel. Nous observons que cette mauvaise communication est exactement le type de problème pour lequel une approche d'apprentissage axée sur les systèmes en cas d'incidents critiques peut être utile; cette approche est décrite à la recommandation no 1. Selon nous, la plupart des suggestions des comités d'enquête sont utiles, mais là encore, nous conseillons vivement d'élaborer des systèmes comportant des contraintes et des éléments d'automatisation afin de limiter l'erreur humaine.
8. Une évaluation du soutien fourni aux employés et aux détenus après les incidents;
Dans 20 % des cas, les détenus (mais plus souvent le personnel) n'ont pas reçu de séance d'aide ou de soutien après un stress causé par un incident critique. Le Comité est étonné qu'il y ait des problèmes dans ce domaine puisque les problèmes associés aux troubles de stress post-traumatique sont bien connus. En général, ces cas ne concernaient que quelques employés qui avaient besoin d'un tel soutien. Le désintérêt du personnel ainsi qu'un manque de suivi formel semblent être les raisons habituelles de l'absence de séance d'aide après un stress causé par un incident critique. Nous ne croyons pas que ce cas justifie une recommandation; un suivi plus assidu est nécessaire et les comités d'enquête sont prompts à décrier ces lacunes.
9. Une vérification visant à déterminer si d'autres services correctionnels ailleurs dans le monde ont des pratiques à citer en exemple concernant les décès en établissement
Dans 16 % des cas, le SCC n'a pas utilisé les pratiques exemplaires dans le domaine, du moins comme nous les définissons. Comme il est mentionné au chapitre deux, le SCC respecte la plupart des pratiques exemplaires décrites dans la littérature. C'est la fonction de tous les niveaux de gestion et d'enquête, comme la vérification, l'évaluation et l'enquête sur les incidents, de déterminer dans quelle mesure ces pratiques sont respectées et quelles sont les améliorations qui peuvent y être apportées. La responsabilité de se tenir au courant des nouvelles pratiques exemplaires revient aux comités de recherche et aux comités spéciaux, comme le CEI de cette année.
Recommandations pour les prochains travaux recherche
Pour évaluer les progrès réalisés sur les facteurs déclencheurs pouvant entraîner la mort en établissement, le système de rendement qu'élabore actuellement le Secteur opérations et des programmes correctionnels est louable. Le suivi de la violence en milieu carcéral par les agressions de détenus, les émeutes, les perturbations et les accusations d'infractions disciplinaires, les efforts de répression des drogues par la découverte de substances illicites et le dépistage des drogues, et les risques pour les détenus que représentent l'automutilation et les tentatives de suicide sont toutes des sources importantes de gestion de l'information. Nous espérons que la Direction des enquêtes sur les incidents les intégrera. Nous remarquons que le Comité d'examen de l'an dernier a recommandé (R6) de consulter les futurs CEI lors de l'élaboration de ces éléments de données et nous appuyons cette approche.
Les suicides en établissement constituent probablement la question la mieux étudiée dans la littérature et la Direction de la recherche du SCC fait actuellement du bon travail en produisant un rapport de recherche annuel à ce sujet. Toutefois, il existe peu de données sur les décès attribuables à une surdose, un domaine dans lequel les données actuelles du SCC sont peu fiables (voir le chapitre 3). Une étude longitudinale sur les surdoses permettrait une meilleure évaluation des rapports du coroner et des comptes rendus plus précis de ces incidents. À cette étude pourraient participer des enquêteurs externes, la Direction des enquêtes sur les incidents et le Centre de recherche en toxicomanie. Les homicides sont un autre domaine dans lequel une rétrospective à long terme (p. ex., sur 20 ans) pourrait fournir un meilleur aperçu des changements au fil du temps et de l'influence des gangs en milieu carcéral. Il serait profitable au SCC de mener des études spéciales dans ces deux domaines, comme l'a suggéré le CEI de 2009-2010 de façon plus générale (R7).
Recommandation no 7b
Le SCC devrait assumer son rôle de chef de file mondial dans le domaine correctionnel en convoquant une conférence internationale sur les pratiques exemplaires permettant de réduire les décès en établissement.
Le Canada devrait participer davantage aux études internationales sur les décès en établissement. Il existe d'autres recherches sur les décès des détenus que celles du SCC et il lui serait très profitable d'apprendre davantage des autres et de se faire valoir comme chef de file mondial en élaborant les meilleures pratiques possible et en tenant une conférence ou un forum national ou international pour les chercheurs œuvrant dans ce domaine. Il s'agit d'une recommandation du CEI de l'an dernier (R11.7).
Recommandation no 7a
Le SCC devrait songer à financer des études sur les décès en établissement, particulièrement lorsque ces derniers sont attribuables à des surdoses et à des homicides.
Avenir du Comité indépendant
Les comités d'examen indépendants sont l'un des nombreux moyens par lequel les organisations cherchent à faire la lumière sur leurs opérations en dehors de leurs intérêts personnels ou organisationnels directs. Les comités devraient être composés de membres qui possèdent de vastes connaissances dans différents domaines d'expertise. Ils devraient être organisés bien avant de commencer leurs opérations officielles afin de permettre aux membres de mieux se connaître, d'établir des liens et de se partager les responsabilités. La formation d'un comité indépendant pour examiner les décès et formuler des conseils est une initiative audacieuse du SCC et témoigne d'une volonté de recourir à une expertise extérieure et d'envisager des moyens d'améliorer les services. Toutefois, la structure actuelle a ses limites et il existe sans doute d'autres moyens par lesquels le SCC peut utiliser les services et l'expertise que les examinateurs indépendants peuvent fournir.
L'examen externe des décès en établissement au Royaume Uni et en Australie présente pour l'un des exemples de système de surveillance très strict et pour l'autre, une approche plus générale de la collecte de données et de la production de rapports (Australian Institute of Criminology 2012, extrait de la page Web http://www.aic.gov.au/en/publications/current%20series/mr/1-20/10.aspx, Fulton, 2008). Au Royaume-Uni, les récentes recommandations de l'examinateur indépendant s'adressaient à un comité ministériel composé de ministres (dans le cas du Canada, il s'agirait probablement des ministres de la Justice et de la Sécurité publique). Le comité ministériel reçoit les rapports d'un comité consultatif indépendant sur les décès en établissement. Le comité consultatif serait composé d'un nombre relativement petit de membres, notamment des cadres supérieurs chargés des services correctionnels et de personnes sélectionnées pour leur expertise (c.-à-d. des intervenants indépendants). La sélection se ferait dans le cadre d'un concours. Un groupe de spécialistes et d'intervenants appuierait les activités du comité consultatif (comme la Société John Howard, la Société Elizabeth Fry, les familles des victimes). Le comité consultatif aurait un budget et un personnel auxiliaire. Ce système ne semble pas être en place actuellement au Royaume-Uni, mais il est recommandé comme la solution idéale.
Dans le cas de l'Australie, l'Australian Institute of Criminology (AIC) assure régulièrement le suivi des décès en établissement depuis plus de 20 ans. L'AIC reçoit des statistiques d'organismes de justice pénale et tient à jour une base de données à l'aide de laquelle il produit un rapport à intervalles de quelques années. Ces rapports sont plutôt généraux et présentent des observations tirées des données. En général, ils n'examinent pas les cas aussi en détail que notre CEI.
L'utilisation de l'une ou l'autre de ces méthodes dépendra de l'engagement à maintenir le Comité d'examen indépendant pendant quelques années. Nous espérons qu'entre le CEI de cette année et celui de l'an dernier, le SCC aura une meilleure idée de la mesure dans laquelle un tel comité peut lui être utile. Nous proposons les trois options suivantes.
Option no 1 Examens su trois ans
Dans cette structure, le SCC conserverait le Comité actuel, ou certains de ses membres, ou nommerait un nouveau comité et lui attribuerait la responsabilité d'effectuer un examen des décès en établissement sur trois ans (2011-2012, 2012-2013, 2013-2014). Cette option permet de mieux tracer les tendances et l'efficacité des réponses du SCC et tient compte de certains rapports du coroner, ce qui n'est pas possible dans le format actuel. Si le comité avait suffisamment de temps, il pourrait aussi recueillir de meilleures données des années précédentes, ce qui permettrait aussi une meilleure analyse des tendances. L'apport continu d'améliorations pourrait et devrait demeurer une priorité dans l'ensemble du SCC dans le cadre du processus d'enquête actuel. Le Comité actuel appuie fortement cette option.
Option no 2 Examens comportant des responsabilités de surveillance
Par ses comités d'enquête et la Direction des enquêtes sur les incidents, le SCC a déterminé un certain nombre d'initiatives prometteuses, mais il est trop tôt pour évaluer leur efficacité (chapitre 1). Le CEI pourrait aussi surveiller le suivi d'initiatives comme l'amélioration de la qualité des patrouilles, le suivi des réussites au moyen d'un cadre de mesure du rendement, la collaboration avec les ARS et l'établissement de liens entre les activités de la Direction des enquêtes sur les incidents et les politiques et les procédures ainsi que le travail de la Direction des vérifications et de la Direction de l'évaluation. Cette option pourrait être jumelée à un modèle utilisant des examens sur trois ans.
Option no 3 Diviser les examens des décès en trois catégories (Homicides, Suicides, Surdoses, Décès accidentels)
Il serait peut-être profitable de diviser les examens par cause de décès. Les facteurs causals et les réponses de l'organisation seront différents selon qu'il s'agit d'un homicide, d'un suicide ou d'un décès accidentel, cette répartition permettrait au comité d'examen de mieux cibler les stratégies de prévention qu'il recommande. Cette option serait particulièrement utile pour la catégorie des suicides qui semble être la cause de la plupart des préoccupations liées aux décès en établissement. Encore une fois, cette option serait plus efficace avec des rapports aux trois ans.
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Le présent rapport est un compte rendu exact de l'examen mené par le Comité d'examen indépendant sur les décès en établissement survenus en 2010-2011.
Original signé par :
Dr. Michael Weinrath, Novembre 19, 2012
Dre. Tristin Wayte, Novembre 30, 2012
Dr. Julio Arboleda-Florez, Novembre 20, 2012
Notes de bas de page
- Note de bas de page 1
-
Le Dr Marc Daigle, de l'Université du Québec à Trois Rivières, était le représentant canadien au sein du comité.
- Note de bas de page 2
-
Cette documentation porte uniquement sur les surdoses non intentionnelles. Les surdoses intentionnelles sont incluses dans la catégorie des suicides.
- Note de bas de page 3
-
Voir le site Web de l'organisme CATIE (Canadian Aids Treatment Information Exchange) : http://www.catie.ca/fr/accueil.
- Note de bas de page 4
-
Nous préférerions conserver les surdoses dans une catégorie distincte, mais nous sommes malheureusement contraints d'utiliser cette méthode aux fins de comparaison.
- Note de bas de page 5
-
http://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/story/2011/01/17/bc-vancouver-bad-heroin.html?ref=rss (en anglais)
- Note de bas de page 6
-
http://www2.news.gov.bc.ca/news_releases_2009-2013/2011PSSG0059-000493.pdf (en anglais)
- Note de bas de page 7
-
Le glucagon est une hormone provoquant la sécrétion de glucose dans le sang par le foie. Une injection de glucagon fait rapidement augmenter le taux de glycémie si une personne est inconsciente en raison d'une hypoglycémie grave.
- Note de bas de page 8
-
Dans le cas no 1, les membres du comité d'enquête et la direction de l'établissement n'étaient pas du même avis quant à l'offre de séances d'aide après un stress causé par un incident critique au personnel. C'est pourquoi nous avons inscrit « non », marqué d'un astérisque, dans le tableau 9.
- Note de bas de page 9
-
Puisque l'article 24 de la Directive du commissaire 714 exige déjà que la méthadone soit entreposée à l'extérieur de l'établissement, le CCC s'est entendu avec la pharmacie de la localité rurale afin de se conformer à cette exigence à l'avenir.
- Note de bas de page 10
-
Le glucagon est une hormone provoquant la sécrétion de glucose dans le sang par le foie. Une injection de glucagon fait rapidement augmenter le taux de glycémie si une personne est inconsciente en raison d'une hypoglycémie grave.
- Date de modification :
- 2014-11-12