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Programmes pour les délinquantes

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Projet de vérification de la dotation mixte
3e et dernier rapport annuel

b) Avantages et inconvénients de la dotation mixte : Conclusions et recommandations

La question de l'emploi d'hommes dans les établissements pour femmes est effectivement complexe. Au cours de nos entrevues et de nos consultations, nous avons entendu des opinions et des impressions très diverses. Bon nombre d'entre elles faisaient écho aux problèmes et aux préoccupations évoqués par Madame la juge Arbour et mentionnés dans l'introduction à la présente section.

L'intégration des sexes est une question controversée. Elle doit tenir compte de la dignité et de la sécurité des détenu(e)s et des travailleurs (travailleuses). Elle soulève une question fondamentale : comment est-il possible de protéger la dignité et la sécurité des détenus ainsi que du personnel tout en assurant la meilleure protection possible aux détenu(e)s contre les atteintes à leur vie privée et l'inconduite sexuelle de la part de membres du personnel et d'autres non-détenus? Il faut également que nous examinions s'il est possible d'appliquer des pratiques d'emploi équitables.

Comme nous l'avons indiqué, la justification de l'emploi de travailleurs masculins comme intervenants de première ligne dans les établissements pour femmes comporte deux thèmes principaux. Les notions de mérite et de pratiques d'emploi équitables sont fondamentales pour les syndicats et leurs membres. En vertu de ces principes, les employeurs devraient recruter et promouvoir les travailleurs en fonction de leurs connaissances, de leurs compétences et de leur expérience, et non de leur sexe, de leur race ou de leur origine ethnique, de leur état apparent de personnes non handicapées, ou de leur orientation sexuelle. Tous les travailleurs, hommes et femmes, devraient être traités équitablement et conformément aux conventions collectives. Dans le cas de la dotation du personnel des pénitenciers, le syndicat propose que les intervenants de première ligne de sexe masculin soient embauchés dans les établissements pour femmes au mérite et qu'ils devraient être autorisés à faire ce que les agents de correction de sexe féminin sont elles-mêmes autorisées à faire dans les établissements pour hommes. On fait également valoir que cette similarité de la fonction et des restrictions est nécessaire, compte tenu des garanties relatives à l'égalité contenues dans la Charte canadienne des droits et libertés.

L'autre argument principal en faveur de l'emploi d'hommes aux postes d'intervenant de première ligne dans les établissements pour femmes est qu'ils constituent des modèles de comportement positif qui peuvent favoriser la réadaptation et la réinsertion sociale des détenues. Un grand nombre, pour ne pas dire la majorité, des délinquantes purgeant une peine de ressort fédéral sont des survivantes de violence sexuelle et physique et bon nombre d'entre elles n'ont jamais eu de relation positive avec un homme qui les respecte, qui fait preuve de bonté à leur égard et qui n'a pas d'attitude discriminatoire à leur égard. L'emploi d'hommes qualifiés comme intervenants de première ligne permettrait aux délinquantes d'apprendre à connaître des hommes compétents et compréhensifs qui les aideraient à guérir des violences auxquelles elles ont été soumises dans le passé, ainsi que d'apprendre à travailler avec de tels hommes.

Ceux qui sont opposés à ce que des hommes travaillent comme intervenants de première ligne invoquent trois raisons principales. La première est le risque accru d'atteinte à la vie privée et d'inconduite sexuelle ainsi que le risque connexe que cela ravive leurs craintes et produisent des « retours en arrière » que leur rappellent les violences passées auxquelles elles avaient été soumises par des hommes en position d'autorité. La possibilité apparente ou réelle d'autres violences et/ou cas d'inconduite sexuelle peut compromettre le processus de guérison chez de nombreuses détenues. On fait également valoir que le pourcentage élevé de violences sexuelles vécues par les détenues, en particulier dans le cadre de relations de confiance avec un homme, justifie l'emploi exclusif d'intervenants de première ligne de sexe féminin. Selon les tenants de ce point de vue, les dispositions relatives à l'égalité de la Charte canadienne des droits et libertés appuient la protection de la vie privée et la sécurité personnelle des détenues.

Une autre thèse fondamentale conteste la notion selon laquelle les détenues connaîtront un environnement normalisant si des hommes travaillent comme intervenants de première ligne. On soutient que la nature même du déséquilibre du pouvoir inhérent à cette relation entre la détenue et le gardien ne peut pas être considérée comme ayant un effet normalisateur. Une relation positive normalisée entre un homme et une femme n'est possible que si l'équilibre du pouvoir est meilleur. Certes, il est vrai que la plupart des délinquantes ne jouissent pas d'une complète égalité avec les hommes au sein de la collectivité, mais l'autorité considérable que les intervenants de première ligne exercent sur la vie quotidienne des détenues est aux antipodes d'un rapport fondé sur l'égalité.

Un troisième sujet de préoccupation a trait à l'incidence qu'ont sur les intervenants de première ligne de sexe féminin les restrictions nécessaires imposées au rôle de leurs collègues masculins dans les établissements pour femmes. Les IPL de sexe féminin doivent assumer toutes les tâches de sécurité à caractère invasif, ce qui réduit souvent leur rôle dans le domaine du counselling, de la planification prélibératoire et de la prestation de programmes. Ces intervenantes doivent également assumer une part importante du travail de nuit. On fait valoir que les IPL de sexe masculin font essentiellement un travail différent, travail qui, et c'est compréhensible, est plus populaire auprès des détenues, étant donné que les hommes ne font pas de fouilles à nu, d'analyses d'urine, de fouilles par palpation ou de fouilles sommaires. On considère donc que le personnel féminin est plus désavantagé et que ses conditions de travail souffrent de la présence d'IPL de sexe masculin.

Il est évident qu'il faut trouver une solution à la controverse inhérente à la dotation mixte lorsque l'on considère les conséquences chez notre voisin du Sud où il n'existe pas de politique efficace de protection des détenues contre l'inconduite sexuelle. Le système carcéral américain a été condamné dans deux rapports faisant état de violence sexuelle généralisée à l'égard des détenues. Bien que les méthodes correctionnelles canadiennes fonctionnent selon des principes très différents des méthodes américaines, les Canadiens ne doivent pas oublier que les possibilités de violence existent aussi chez eux. Un rapport de décembre de 1996 de la Human Rights Watch des États-Unis, intitulé All Too Familiar: Sexual Abuse of Women in U.S. Prisons15, montre, de manière frappante, les diverses formes de violence auxquelles les détenues sont soumises. Le rapport de 1998 d'Amnistie internationale, intitulé 'Not part of my sentence' - Violations of the Human Rights of Women in Custody, demandait que les détenues ne soient supervisées que par du personnel féminin, et qu'elles soient mieux protégées contre les représailles lorsqu'elles déclarent avoir été victimes de violence. Selon ce rapport, les viols et les autres formes de violence sexuelle déclarés ne sont probablement que la pointe de l'iceberg et c'est la raison pour laquelle Amnistie internationale réclame que les détenues soient uniquement supervisées par du personnel féminin.

Les mémoires soumis par un certain nombre d'organisations soulignaient la nécessité pour le Canada de respecter ses engagements internationaux dans le domaine des droits de la personne, notamment son accord concernant l'application volontaire de l'Ensemble des Règles minima des Nations Unies pour le traitement des prisonniers, qui obligerait le Canada à n'utiliser que des intervenants de première ligne de sexe féminin dans les établissements pour femmes.

Dans notre deuxième rapport annuel, nous recommandions que les établissements fédéraux pour femmes continuent à engager des hommes, mais uniquement si toutes les conditions qui suivent étaient mises en application :

  • que les politiques et pratiques en matière d'embauche, de sélection et de formation demeurent toutes en vigueur et qu'on revienne à la formation de dix jours axée sur les femmes;
  • qu'on établisse et applique des politiques efficaces qui précisent les rôles qui conviennent aux IPL de sexe masculin et les restrictions qui s'appliquent;
  • que les politiques et pratiques observent et respectent les besoins d'une minorité importante de délinquantes purgeant une peine de ressort fédéral, qui expriment avec force leur incapacité ou manque de volonté d'avoir à traiter avec des hommes dans les unités résidentielles après l'heure de rentrée; nous recommandions aussi que la présence d'hommes dans les unités résidentielles après l'heure de rentrée ne soit pas permise;
  • que les IPL de sexe masculin devraient composer au maximum 20 % du nombre total des intervenants.

Au cours des visites sur place que nous avons effectuées pour ce rapport final, nous avons noté les points suivants en ce qui concerne les quatre garanties minimales :

  • Dans un certain nombre d'établissements, il n'y a pas eu de sélection ni de formation des intervenants de première ligne depuis neuf mois. Nous avons constaté que 26 des 82 répondants membres du personnel n'avaient pas encore suivi de formation axée sur les femmes, et que 24 autres en avaient suivi une version très abrégée. Un nombre important d'agents de correction de sexe masculin avaient été mutés directement de pénitenciers pour hommes vers plusieurs établissements pour femmes, sans aucun processus de sélection; neuf mois plus tard, au moment de nos entrevues, ces hommes attendaient encore de suivre une formation axée sur les femmes;
  • Dans les établissements où une formation avait été donnée, les dix jours normaux de formation avaient été ramenés à deux à cinq jours au total;
  • Il y avait des violations importantes du Protocole national, en dehors des fouilles à nu, et des fouilles sommaires/par palpation dans les établissements qui employaient des IPL de sexe masculin. Il importe de noter que si les délinquantes signalaient un nombre important de violations du Protocole et d'incidents comportant des atteintes à leur vie privée et d'inconduites sexuelles, le personnel en signalait également, bien que moins fréquemment. Dans la plupart des établissements, les IPL de sexe masculin ne manifestaient pas leur présence; ils ne frappaient pas avant de tirer le rideau de protection de la vie privée des détenues; ils participaient aux extractions de cellule, et effectuaient des dénombrements seuls ou jumelés avec d'autres hommes, même la nuit. Il faut également noter que le nombre d'incidents dans lesquels les femmes étaient partiellement ou complètement déshabillées n'a pas augmenté au cours de cette période;
  • La non-observation volontaire et générale du Protocole national par de nombreux membres du personnel montre qu'au mieux, la formation n'est pas parvenue à leur faire comprendre pourquoi des restrictions sont nécessaires, et qu'ils doivent respecter le Protocole;
  • Au cours des entrevues, 59 % des membres du personnel ont déclaré qu'ils « connaissaient un peu » ou « ne connaissaient pas du tout » le Protocole et 74 % ont été incapables de nommer une seule disposition de ce Protocole;
  • La notion de quota est difficile à concrétiser et son adoption entraîne nécessairement l'intervention de décideurs extérieurs au SCC. C'est une notion controversée. En revanche, certains directeurs de prison ont déclaré qu'ils craignaient que si l'on ne fixait pas de plafond, il y aurait une augmentation considérable du nombre d'IPL de sexe masculin, étant donné l'imminence de vacances dans ce poste.

Il semble que, dans l'ensemble du système, on comprenne mal la nécessité de l'application rigoureuse de certaines politiques et pratiques conçues pour protéger les détenues contre les atteintes à leur vie privée et l'inconduite sexuelle. À tous les niveaux, dans les établissements, dans les régions et à l'administration centrale, nombreux sont ceux pour qui les notions d'égalité sont souvent fondées sur les mêmes méthodes de traitement; c'est-à-dire que les IPL de sexe masculin dans les établissements pour femmes devraient pouvoir remplir exactement les mêmes tâches que les IPL de sexe féminin dans les établissements pour hommes. Ceux qui comprennent ce que signifie l'égalité véritable reconnaissent les différences entre les deux situations, la dynamique des sexes et/ou du pouvoir ainsi que les effets des violences sexuelles sur les femmes. Par exemple, bien que les atteintes à la vie privée puissent avoir un effet négatif sur les détenus aussi bien que sur les détenues, les incidences pour une détenue qu'un IPL de sexe masculin regarde se déshabiller sont différentes de ce qu'elles sont pour un détenu qui se déshabille devant une IPL de sexe féminin. Ils peuvent tous deux se sentir gênés d'être observés par un membre du personnel de sexe opposé, mais il est plus probable que la détenue éprouvera un sentiment de peur, de dégradation et de violation. Cela lui rappellera sans doute le contexte social et personnel dans lequel elle a fait l'objet d'actes de violence de la part d'un homme. Même chez les employés qui avaient reçu une formation, beaucoup étaient incapables de se souvenir du contenu de celle-ci ou d'expliquer les raisons pour lesquelles des restrictions étaient imposées aux IPL de sexe masculin comme le prévoit le Protocole national. La formation des intervenants de première ligne ne les a certainement pas sensibilisés à la nécessité d'observer certaines restrictions ou d'utiliser une approche axée sur les femmes. En outre, les dispositions du Protocole national pour combattre les violations ne sont jamais appliquées. Le système pénitentiaire a été conçu pour des détenus de sexe masculin. Les prisons fédérales accueillent une dizaine de milliers d'hommes et seulement quelques centaines de femmes chaque année. La tâche de réadaptation et de réinsertion des détenues coûte individuellement beaucoup plus cher. Dans ce contexte social ou historique, il faut absolument prendre des mesures pour faire face aux coûts plus élevés d'élaboration, de prestation et de gestion de programme de manière permanente. Il est tout aussi important de mettre en place un maximum de ressources dans les établissements où les délinquantes purgent leur peine. Bien que le SCC et le gouvernement fédéral se soient clairement engagés à augmenter les ressources destinées aux détenues afin de créer des établissements régionaux pour femmes, il faudrait également prévoir un financement additionnel permanent réservé à la formation et à la sélection du personnel ainsi qu'au travail systémique nécessaire pour modifier la culture d'organisation pour instaurer une égalité véritable.

Le développement d'une meilleure compréhension des complexes questions d'égalité des sexes a été marqué par un autre changement d'orientation fondamental, l'an dernier. Une idée d'ensemble plus claire se dégage des réponses des délinquantes et des membres du personnel concernant chaque aspect du Protocole de dotation mixte. La majorité des délinquantes et des membres du personnel qui ont répondu à notre question, reconnaissent que les fonctions de sécurité impliquant un contact, ce que l'on appelle habituellement le travail de première ligne, ne constituent pas des rôles qui conviennent aux IPL de sexe masculin. Il est particulièrement intéressant de constater le changement d'attitude des délinquantes à l'égard de la présence d'hommes dans les unités résidentielles la nuit. La majorité des répondantes y sont maintenant opposées. On ne peut que s'interroger sur le rapport que cela peut avoir avec l'augmentation des atteintes à la vie privée et l'interruption et (ou) l'érosion de la sélection et de la formation. Cet aperçu permet de dire que lorsque des délinquantes purgeant une peine de ressort fédéral approuvent l'emploi d'intervenants de première ligne de sexe masculin, elles veulent en fait avoir accès à des hommes qui remplissent des fonctions de counselling, d'établissement de programmes et de planification prélibératoire. Elles ne veulent pas d'hommes qui remplissent des fonctions de sécurité impliquant un contact. Comme le poste d'intervenant de première ligne combine le travail de sécurité de première ligne avec d'autres fonctions de counselling et de prestation de programmes, la seule façon pour les femmes d'avoir accès à ces hommes dans ces fonctions non liées à la sécurité, dans la situation actuelle, est que l'on continue à utiliser des intervenants de première ligne qui ne remplissent pas des fonctions de sécurité impliquant un contact.

Plusieurs autres tendances se sont dégagées au cours de l'année écoulée. Il y a un renouvellement plus important des IPL de sexe masculin et féminin dans la plupart des établissements pour femmes, ce qui a créé d'énormes difficultés en matière de dotation. Les facteurs qui ont contribué à ces mouvements d'effectif paraissent être les suivants :

  • Comme nous l'avons déjà indiqué, le personnel féminin est mécontent de la priorité accordée aux fonctions de sécurité par rapport aux fonctions de prestation de programmes et de counselling. Du fait des restrictions imposées au rôle des IPL de sexe masculin, leurs collègues féminines ont été obligées, de façon disproportionnée, d'assumer les quarts de nuit et les fonctions de sécurité impliquant un contact. Les répondants ont noté que le fait que seules des femmes effectuaient des procédures de sécurité invasives, a eu de nombreuses incidences. Les IPL remplissent en fait des fonctions différentes, selon qu'il s'agit d'hommes ou de femmes. Les IPL de sexe féminin passent une bonne partie de leurs quarts à faire le « sale travail » plutôt que le travail pour lequel elles pensaient avoir été essentiellement recrutées, c'est-à-dire, le counselling, la planification prélibératoire, la prestation de programmes. Leurs compétences dans ces domaines sont donc sous-utilisées, ce qui pousse beaucoup d'entre elles à s'en aller.
  • Les intervenants de première ligne de sexe masculin se sont déclarés frustrés par les restrictions imposées à leur rôle. Ils sont sensibles à ces restrictions et les considèrent comme une insulte à leur confiance professionnelle. Ces travailleurs veulent s'acquitter de toutes leurs responsabilités, dans tous les domaines, de manière compétente et complète. Ils ont l'impression « qu'on les considère comme des harceleurs et des violeurs en puissance », qu'importe ce qu'ils sont en réalité. Ils reconnaissent cependant aussi leur vulnérabilité, à cause de leur sexe, lorsqu'ils travaillent avec une population féminine dont de nombreux éléments ont des comportements sexuels réactionnels qui posent problème. Les IPL de sexe masculin ont également exprimé leurs inquiétudes devant le fardeau excessif imposé à leurs collègues féminines en ce qui concerne les fonctions correctionnelles et les quarts de nuit. Ils voudraient assumer leur part du travail mais le Protocole national les en empêche. Ce sentiment de frustration et l'impression qu'on fait fi de leur conscience professionnelle a peut-être contribué au départ de bon nombre d'entre eux.

La dotation initiale des postes d'IPL a donné lieu à une campagne de recrutement publique qui, dans la plupart des cas, a suscité des centaines de candidatures d'hommes et de femmes ayant une expérience appropriée du travail avec des jeunes filles et des femmes. Cette méthode de dotation semble avoir maintenant été écartée, si bien que la seule source de dotation est maintenant constituée par de nouvelles recrues générales et par des mutations latérales d'employés de pénitenciers pour hommes.

Tous ces facteurs, auxquels s'ajoutent les gels budgétaires, ont eu un effet cumulatif de suspension périodique de la formation et de la sélection des intervenants de première ligne, et par la suite, de violations du Protocole national.

En résumé, compte tenu :

  • de violations nombreuses et souvent volontaires du Protocole de dotation mixte;
  • de l'incapacité d'offrir une formation pouvant modifier les attitudes, qui sont systémiques, de ceux qui considèrent que le Protocole de dotation mixte est injuste et discriminatoire au lieu d'être fondé sur une égalité véritable;
  • de l'interruption prolongée de la sélection et de la formation, y compris pour les agents de correction de sexe masculin venus de pénitenciers pour hommes à la suite d'une mutation latérale;
  • du changement d'orientation et de la clarté plus grande des positions adoptées par la majorité des détenues qui ne veulent plus que des hommes remplissent des fonctions de sécurité entraînant des contacts;
  • du fait que le Protocole a créé une situation qui a des effets négatifs sur le rôle des IPL de sexe féminin et fait implicitement du travail de leurs collègues masculins une fonction différente;
  • du sentiment de confusion et de démoralisation engendré chez les IPL de sexe masculin par la nécessité de restreindre leurs rôles comme l'exigent la protection de la vie privé et de la sécurité des détenues;
  • de la situation systémique historique des femmes purgeant une peine de ressort fédéral dans les pénitenciers et du besoin de ressources plus élevées que cela entraîne pour assurer la garde, les soins et la réinsertion sociale de ces détenues;
  • de l'évolution de la notion d'égalité véritable en ce qui concerne les intervenants de première ligne et les détenues purgeant une peine de ressort fédéral compte tenu du fait que le Canada a signé l'Ensemble des Règles minima des Nations Unies pour le traitement des prisonniers, aux termes duquel le Canada ne doit employer que des intervenants de première ligne de sexe féminin dans les établissements pour femmes;

nous sommes parvenus à la conclusion que ces normes, y compris la nécessité d'utiliser exclusivement des intervenants de première ligne de sexe féminin, sont des normes minimales essentielles pour protéger ces femmes vulnérables contre l'inconduite sexuelle. Nous nous sommes appuyés sur ces conclusions pour présenter les recommandations suivantes :

Recommandation 1 :

Il est recommandé qu'il soit interdit à des hommes d'occuper des postes d'intervenants de première ligne. Cela signifierait notamment que ceux-ci ne seraient pas autorisés à remplir de fonction de sécurité dans les unités résidentielles et d'isolement, dans les équipes d'extraction de cellule quelle que soit l'heure de la journée, ni à remplir des fonctions d'escorte de quelque type que ce soit.

Comme nous l'avons indiqué plus tôt, on a étendu le mandat du projet de vérification à la protection des délinquantes contre l'inconduite sexuelle d'un non-détenu quel qu'il soit. Il est donc indispensable d'adopter une approche générale à la prévention de l'inconduite sexuelle et de traiter efficacement et équitablement les allégations à ce sujet. Dans une des sections qui suivent, nous examinerons de quelle manière traiter les allégations d'inconduite sexuelle. La présente section porte sur la prévention des atteintes à la vie privée et sur l'inconduite sexuelle de la part d'un non-détenu, quel qu'il soit.

Le nombre d'atteintes à la vie privée des détenues par des intervenants de première ligne du sexe masculin a augmenté l'an dernier. En dehors de l'augmentation des violations dont étaient surtout responsables des IPL de sexe masculin, la vaste majorité des allégations d'inconduite sexuelle faites par les femmes purgeant une peine de ressort fédéral visaient des personnes autres que ces IPL. (La section consacrée aux Résultats décrit de manière plus complète les incidents présumés portés à l'attention des covérificateurs au cours de notre travail.) Manifestement, pour protéger les délinquantes contre l'inconduite sexuelle d'un non-détenu, quel qu'il soit, il faut également éliminer à la sélection les personnes dont l'attitude et le comportement sont inappropriés et recruter celles qui ont l'attitude, les connaissances et l'expérience appropriées. La meilleure façon d'assurer la bonne conduite des employés est de recruter les personnes qui conviennent à la situation. En leur fournissant en outre une formation axée sur les femmes, cela les préparerait à travailler en tenant compte des besoins et des points vulnérables particuliers aux détenues.

La sélection et la formation des travailleurs et des bénévoles, l'application de protocoles et de politiques efficaces, et l'imposition de certaines restrictions aux hommes en ce qui concerne le travail de sécurité et de première ligne font partie de stratégies de prévention efficaces. Il faut que la formation initiale et permanente contienne des informations suffisantes et appropriées sur le harcèlement sexuel et l'inconduite sexuelle. Cette formation devrait comprendre les éléments suivants :

  • le contenu et la justification des lois, des politiques et des restrictions conçues pour protéger les délinquantes contre les atteintes à leur vie privée et contre l'inconduite sexuelle;
  • la nécessité de respecter les lignes de démarcation entre les responsabilités professionnelles, ainsi que la nature, la dynamique du pouvoir et les responsabilités de relations fondées sur la confiance;
  • une description des personnes qui courent le plus de risque, des situations à risque élevé, ainsi que des effets d'une inconduite sexuelle sur la victime afin d'être mieux armé pour éviter, repérer les violations et en rendre compte.

Recommandation 2 :

Il est recommandé que toutes les personnes qui travaillent dans un établissement pour femmes purgeant une peine de ressort fédéral, y compris les centres de traitement régionaux et les centres correctionnels communautaires, soient soumises à une sélection et suivent une formation axée sur les femmes afin de s'assurer qu'elles ont les attitudes, les connaissances et l'expérience appropriées. La formation axée sur les femmes devrait s'étendre sur une période d'au moins dix jours et venir s'ajouter à la formation de base. La sélection devrait comprendre des vérifications du casier judiciaire afin de déterminer l'existence éventuelle de condamnations au criminel de nature sexuelle.

Comme nous l'avons déjà indiqué, on n'a, jusqu'à présent, jamais reconnu la nécessité du dégagement de sommes permanentes pour doter correctement les établissements hébergeant des femmes; on n'a pas non plus reconnu que, sur une base individuelle, ces sommes seraient probablement nettement plus élevées pour les femmes que pour les hommes. Des progrès ont été récemment réalisés dans ce domaine car plus d'argent est dépensé pour chaque détenue, ainsi que dans le domaine de la sélection et de la formation du personnel. Une certaine érosion de ce financement s'est cependant déjà produite au cours de l'année écoulée. Cette recommandation exige le dégagement de sommes permanentes plus importantes ainsi que la protection des sommes exclusivement réservées aux établissements hébergeant des délinquantes. Les répondants et les parties intéressées ont pris nettement position en faveur d'un processus de sélection et de formation adéquat et financé en permanence pour tous les membres du personnel. Compte tenu des problèmes de responsabilité déjà examinés, il est indispensable que le SCC montre qu'il a pris toutes les mesures possibles pour éliminer les employés qui ne conviennent pas à cause des risques d'inconduite sexuelle qu'ils présentent, et qu'une formation adéquate soit dispensée pour assurer un comportement approprié et l'observation des politiques, des protocoles et des exigences juridiques.

Recommandation 3 :

Il est recommandé que des sommes suffisantes soient allouées pour assurer une sélection efficace, ainsi qu'une formation initiale et permanente axée sur les femmes, et que ces sommes soient fournies de manière permanente et totalement protégées pour chaque établissement hébergeant des délinquantes.

Le risque d'atteintes à la vie privée et d'inconduite sexuelle, y compris l'agression sexuelle, n'existe pas seulement dans le contexte des fonctions de sécurité remplies par les hommes. Il y a eu des allégations d'incidents au cours des 27 derniers mois dans un certain nombre de situations à risque élevé impliquant d'autres membres du personnel, des employés contractuels et des bénévoles de sexe masculin, ainsi que des délinquantes. Parmi les situations qui, de par leur nature même, accroissent les risques, on peut citer :

  • les possibilités pour un agresseur potentiel de se trouver seul avec une délinquante, en particulier dans un secteur non observable;
  • l'agresseur potentiel occupe une position de confiance ou d'autorité;
  • l'agresseur potentiel est en mesure de récompenser ou de punir une détenue selon qu'elle se soumet à ses ordres ou qu'elle refuse de le faire;
  • le contact physique fait partie des responsabilités, notamment les fouilles par palpation, les fouilles sommaires;
  • lorsque les craintes assumées pour la sécurité prévalent systématiquement sur les droits à la vie privée notamment lorsque la présence d'un homme dans les unités résidentielles n'est pas annoncée ou lorsque celui-ci ne frappe pas avant de tirer le rideau de protection de la vie privée;
  • l'agresseur potentiel connaît intimement la victime.

Dans la plupart des établissements pour femmes purgeant une peine de ressort fédéral, certains membres du personnel et employés contractuels occupent des fonctions qui, en elles-mêmes, présentent un risque accru d'incidents d'inconduite sexuelle et de risque d'allégations à leur égard. Ces postes, tels que ceux du personnel chargé des loisirs, des préposés à l'entretien, des instructeurs d'atelier, des conseillers religieux/spirituels et des agents qui s'occupent des magasins et de la fourniture d'articles à usage personnel aux détenues créent des situations dans lesquelles ces hommes se trouvent fréquemment seuls avec une délinquante dans des secteurs non observables. Nous avons entendu dire à de nombreuses reprises que la conception des bâtiments est telle qu'il y a des violations constantes du Protocole du fait qu'on permet à des femmes de se retrouver seules avec un travailleur masculin dans ces secteurs non observables. Certains répondants ont recommandé des postes réservés aux femmes pour certains genres de programmes, en particulier le poste d'animateur de programmes pour les survivantes de violence sexuelle. En outre, il faudrait que, lorsqu'il s'agit de postes à risque élevé qui ne sont pas occupées par des femmes, les employés se trouvent toujours dans des endroits placés sous observation permanente.

Recommandation 4 :

Il est recommandé que les postes à risque élevé soient exclusivement occupés par des femmes ou que des changements soient adoptés de manière que les détenues ne se retrouvent jamais seules avec un employé de sexe masculin dans un secteur non observable. En outre, il conviendrait que le Bureau de la sous-commissaire pour les femmes procède à un examen de tous les postes afin de déterminer si certains postes ou contrats devraient être réservés à des femmes. Une telle restriction devrait être directement liée au risque élevé d'inconduite sexuelle à l'égard de délinquantes.

Compte tenu de cet ensemble de recommandations, la question qui se pose ensuite est de savoir comment les mettre en _uvre du fait des controverses qu'elles pourraient susciter. En vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, une politique de recrutement exclusif d'IPL de sexe féminin peut être justifiée comme exigence professionnelle et, à ce titre, constituerait une exception à l'interdiction que fait la Loi de la discrimination fondée sur le sexe dans le domaine de l'emploi. On pourrait également prendre d'autres mesures en vertu de la Charte des droits. Nous examinons ces concepts en détail à la section ci-dessous.

15 Human Rights Watch (1996), All Too Familiar: Sexual Abuse of Women in U.S. State Prisons, p. 1-2.