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Les compétences que recherchent les employeurs canadiens — Un programme national

Kurtis Kitagawa, Associé de recherche principal 1
Conference Board du Canada

Le succès de la réinsertion sociale des délinquants est étroitement lié à leur capacité d’obtenir et de conserver un emploi. Pour obtenir et conserver un emploi, les délinquants doivent posséder et utiliser ce que le Conference Board du Canada2 appelle des compétences relatives à l’employabilité. Il s’agit en fait de compétences, d’attitudes et de comportements que les employeurs souhaitent retrouver chez leurs employés actuels et futurs. Dans le cadre d’une recherche commencée au début des années 1990, le Conference Board du Canada a constaté que les employeurs s’attendent à ce que leurs employés possèdent certaines compétences de base, mais aussi des compétences personnelles en gestion et des compétences pour le travail d’équipe. Ces compétences sont définies de la manière suivante. Compétences de base : communiquer, gérer l’information, utiliser les chiffres, réfléchir et résoudre des problèmes. Compétences personnelles en gestion : démontrer des attitudes et des comportements positifs, être responsable, être souple, apprendre constamment et travailler en sécurité. Compétences pour le travail d’équipe : travailler avec d’autres et participer aux projets et aux tâches.

Les compétences relatives à l’employabilité sont des compétences habilitantes qui :

  • aident une personne à accomplir ses tâches professionnelles et d’autres activités quotidiennes;
  • procurent à une personne une base pour acquérir d’autres connaissances;
  • renforcent la capacité d’une personne à s’adapter au changement.3

La pénurie de main-d’oeuvre

Les employeurs canadiens reconnaissent maintenant plus que jamais que le capital humain, ce qui inclut les compétences relatives à l’employabilité de tous les travailleurs, est un élément essentiel pour favoriser l’innovation, accroître la productivité et assurer la compétitivité et la croissance.

En même temps, ces employeurs sont en train de réaliser que le Canada est sur le point de connaître de sérieux problèmes liés au manque de compétences. Les pressions démographiques qui résultent de la chute du taux de natalité et du vieillissement de la population active, l’augmentation des exigences imposées à tous les travailleurs à la suite du développement des technologies de l’information et des communications de même que l’augmentation de la compétitivité à l’échelle mondiale ont contribué à cette situation sans précédent.

Pour la première fois de mémoire d’homme, le Canada fait face à une diminution de sa population active. Les pressions démographiques qui résultent de la chute du taux de natalité et du vieillissement de la population active ont engendré une concurrence plus forte que jamais pour une main-d’oeuvre qualifiée. Le Conference Board du Canada prévoit un déficit de 1,2 millions de travailleurs qualifiés d’ici 2025, et ce même en supposant la mise en place de politiques d’immigration vigoureuses. Les employeurs canadiens n’arrivent plus à trouver de travailleurs qui possèdent le bon agencement de qualités essentielles, de compétences, d’attitudes et de comportements relatifs à l’employabilité, d’études et d’expérience. Certaines pénuries surviennent dans des secteurs d’emplois émergents alors que d’autres sont liées à des départs à la retraite ou à la transformation d’emplois existants pour s’adapter à la concurrence, aux changements technologiques ou à de nouvelles exigences.

Les emplois qui sont présentement en demande nécessitent non seulement des études et de l’expérience, mais aussi des compétences essentielles de même que des attitudes et des comportements relatifs à l’employabilité, lesquels sont de plus en plus associés à un bon rendement dans le milieu de travail.

Capital humain : Les défis

La pénurie de main-d’oeuvre présente de nombreux défis. Pour demeurer concurrentielles à l’échelle internationale, les entreprises canadiennes doivent pouvoir compter sur un bassin de main-d’oeuvre qualifiée adéquat. Pour des raisons de concurrence et de performance, les entreprises doivent miser sur leurs points forts (p. ex. en mettant l’accent sur leurs compétences de base ou en alignant toutes leurs activités sur leur mission, leur vision et leurs valeurs). Pour les mêmes raisons, les travailleurs doivent évaluer continuellement leurs compétences (y compris leurs compétences de base et leurs attitudes relatives à l’employabilité) en fonction du rendement que l’on attend d’eux sur le marché du travail.

La question du manque de compétences devient encore plus complexe lorsqu’on l’aborde sous l’aspect des compétences que doivent posséder les travailleurs qui souhaitent demeurer au travail. La nécessité de réduire les coûts, d’améliorer la qualité et d’innover se traduit par de nouvelles exigences pour tous les travailleurs. Le succès d’une entreprise dépend maintenant plus que jamais de la capacité des employés de bien communiquer, de travailler en équipe et d’être responsable de son travail.

En d’autres mots, l’accroissement de la concurrence, la diminution de la population active et l’augmentation des exigences liées aux compétences font que les Canadiens qui se préparent à entrer sur le marché du travail doivent posséder un large éventail de compétences (y compris des compétences de base et des attitudes relatives à l’employabilité). Ils doivent également être prêts à se recycler et à améliorer leurs compétences de base et leurs attitudes relatives à l’employabilité pour conserver leur emploi et progresser dans le monde du travail. Cela vaut aussi bien pour le secteur public que pour le secteur privé. En ce qui concerne le secteur public, une étude effectuée récemment (2002) par le Conference Board du Canada au sein de différents ordres de gouvernement au Canada (Construire aujourd’hui la fonction publique de demain : Recruter et maintenir les effectifs, enjeux et solutions) a montré que les six principaux points à améliorer étaient (par ordre de priorité) les suivants :

  1. la communication;
  2. la créativité et l’innovation;
  3. la capacité de gérer le stress;
  4. la faculté d’adaptation/la souplesse;
  5. le souci d’obtenir des résultats;
  6. le service à la clientèle.

Deux études importantes réalisées par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante ont constaté la même tendance au sein des petites et moyennes entreprises du secteur privé. Les auteurs d’un rapport intitulé Vers une croissance de l’emploi concluent en effet qu’une « proportion inquiétante » (45 pour cent) des entreprises ont indiqué que « l’indifférence et l’attitude médiocre des candidats face au travail » étaient en partie responsables de leur difficulté à recruter du personnel pour combler leurs postes vacants.4 Un deuxième rapport intitulé Perspectives d’embauche mentionne que :

« Ce qui est plus important que l’éducation pour un grand nombre d’employeurs/petites entreprises, ce sont des traits précis de caractère. Quel que soit le secteur ou le niveau de compétence requis, la quasitotalité des petites entreprises avec qui nous avons communiqué au cours des appels de suivi ont cité l’enthousiasme et le désir d’apprendre comme étant des qualités essentielles qu’ils recherchent lorsqu’ils engagent des jeunes. »5

Les compétences relatives à l’employabilité

À chaque problème sa solution. Cela est particulièrement vrai pour les Canadiens — y compris pour les délinquants — qui cherchent un emploi ou qui se préparent à entrer sur le marché du travail. Le Programme national des compétences relatives à l’employabilité (PNCE) allie des exercices en classe à une expérience pratique dans un milieu de travail. L’objectif du PNCE est d’aider les délinquants à reconnaître leurs compétences et à comprendre comment les utiliser de manière efficace au travail, à évaluer leurs compétences relatives à l’employabilité en fonction de leur rendement au travail et à élaborer des plans qui leur permettront d’améliorer leurs compétences — pendant qu’ils sont incarcérés. Le PNCE offre aux délinquants la possibilité d’acquérir des outils qui les aideront à réintégrer avec succès le marché du travail, à conserver un emploi et à évoluer dans le monde du travail.

Le PNCE prépare les délinquants au marché du travail en les aidant à développer leurs compétences relatives à l’employabilité, à améliorer leur jugement, à développer le respect de soi et des autres et à comprendre le lien qui existe entre efforts et réalisations, entre réalisations et gratification et finalement entre gratification et possibilité de poursuivre d’autres buts dans la vie. Cette approche est décrite plus loin.

Améliorer la capacité de jugement

Le PNCE s’appuie sur un modèle philosophique de développement humain qui considère que l’acquisition et l’utilisation de compétences relatives à l’employabilité dépendent de l’amélioration de la capacité de jugement d’une personne dans des situations de travail. En termes pédagogiques, les délinquants travaillent individuellement et en groupe (équipes de deux, petits groupes et classe au complet); ils sont appelés à examiner différents exemples de problèmes et à réfléchir à toutes sortes de situations qui existent en milieu de travail, à définir les causes de conflits potentiels ainsi qu’à proposer, à évaluer et à tester diverses solutions.

Il y a une différence entre améliorer la capacité de jugement et transmettre des informations sur les emplois « recherchés » et les études requises pour les obtenir, bien qu’il soit très utile d’être au courant des perspectives du marché du travail lorsque vient le moment de prendre une décision au sujet de son avenir professionnel. Il y a aussi une différence entre améliorer la capacité de jugement et proposer des choix de carrière en fonction des intérêts des personnes, bien que le fait de comparer les aptitudes et les intérêts avec les qualités que doivent posséder les titulaires de différents genres de postes puisse certainement aider à faire de bons choix.

En essayant d’améliorer la capacité de jugement, le PNCE intervient davantage au niveau du comportement, c’est-à-dire qu’il aide les personnes à se changer ellesmêmes en les encourageant à prendre leur avenir en main, à améliorer leurs connaissances, leurs compétences, leurs attitudes et leurs comportements — leurs qualités intellectuelles et personnelles — et à utiliser ces qualités pour devenir les meilleures personnes possible.

Grâce au PNCE, les délinquants peuvent intégrer l’acquisition de compétences relatives à l’employabilité à leurs plans correctionnels. Ils apprennent à utiliser leurs points forts, à résoudre leurs problèmes en fonction des commentaires des animateurs et des surveillants en milieu de travail et à améliorer leurs compétences relatives à l’employabilité. Les délinquants sont encouragés à suivre leurs progrès en se constituant un portfolio dans lequel ils consignent les compétences relatives à l’employabilité qu’ils ont acquises pendant le Programme. À la fin du Programme, les délinquants reçoivent un certificat du Conference Board du Canada.

Outre le portfolio et le certificat qui attestent de leurs réalisations, le résultat le plus important est le changement que les contrevenants constatent en eux alors qu’ils deviennent plus confiants, plus aptes à faire face aux difficultés de la vie et mieux outillés pour prendre leur avenir en main.

Développer le respect

Le PNCE insiste sur le lien qui existe entre les compétences relatives à l’employabilité et les attentes du milieu de travail. En renforçant ce lien dans l’esprit des délinquants, nous espérons les aider à acquérir le sentiment d’être utiles et à valoriser l’emploi comme moyen de réaliser leur potentiel durant leur incarcération. Nous croyons également que les délinquants qui auront pris en charge le développement de leurs compétences seront plus en mesure d’obtenir un emploi stable et de réussir leur réinsertion sociale dans la collectivité — et moins susceptibles de récidiver — après leur mise en liberté.

Il est essentiel de trouver un but et une valeur au travail pour bâtir le respect et aider les délinquants à profiter de la liberté. La vraie liberté6 et la prise en charge de soi ne sont pas des concepts statiques ou encore des concessions ou des acquis ponctuels. Elles sont le fruit du travail d’une vie employée activement à développer et déployer ses compétences, à réaliser ses buts et son potentiel et à subvenir à ses propres besoins et à son propre bien-être ainsi qu’aux besoins et au bien-être de tous ceux qui dépendent de nous, par exemple de notre famille, de nos amis, de nos collègues de travail, de nos employeurs ou du public, parce que leur protection, leur soutien et leur amélioration sont notre responsabilité à tous. En tant qu’êtres humains, nous profitons au maximum de notre liberté lorsque nous avons du respect pour nous-même et pour les autres et lorsque nous utilisons nos compétences pour réaliser pleinement notre potentiel en tant que personne, membre d’une famille et membre actif de la société.

Préparation à l’emploi

En aidant les délinquants à renforcer leurs compétences relatives à l’employabilité, à améliorer leur capacité de jugement et à vivre des expériences de travail positives pendant leur incarcération, le PNCE leur permet de se préparer à travailler. Le PNCE propose plus de 100 exercices visant à améliorer l’« aptitude à l’emploi » des délinquants en améliorant leur rendement au travail dans le cadre d’expériences de travail supervisées et en les aidant à acquérir les compétences, attitudes et comportements relatifs à l’employabilité qui correspondent aux normes reconnues dans la collectivité élargie, à l’extérieur du système carcéral. Certains exercices du PNCE visent à aider les délinquants à adopter de nouvelles attitudes envers eux-mêmes, les autres et le milieu de travail. Accentuer ou créer des attitudes positives est essentiel, car un délinquant peut être « apte à travailler » sans être « disposé à travailler ». Un délinquant devient disposé à travailler lorsqu’il se respecte et qu’il respecte les autres, lorsqu’il valorise la possibilité de travailler pour gagner sa vie et lorsqu’il croit pouvoir contribuer de façon unique au monde du travail.

Les compétences comportent une dimension cognitive et émotionnelle. En d’autres mots, la maîtrise d’une compétence exige non seulement qu’on comprenne ce qu’est une compétence (ainsi que quand, où, pourquoi et comment la mettre à profit), mais aussi qu’on soit prêt ou motivé à l’utiliser efficacement ou adroitement. Pour que le lien se fasse entre la connaissance (savoirfaire et capacité) et la volonté d’utiliser ses compétences de manière efficace (éthique du travail et faculté d’adaptation), il faut absolument pouvoir faire preuve de respect et d’empathie. La sympathie et l’intérêt sont également nécessaires.

Par conséquent, le PNCE accorde beaucoup d’importance au respect de soi et des autres ainsi qu’à la nécessité de s’investir ou de s’engager dans la réussite d’une initiative conjointe (le travail, par exemple). Investir dans la réussite d’un milieu de travail ou d’une entreprise exige d’une personne qu’elle soit d’accord avec les besoins des clients internes et externes ou qu’elle les respecte. Pour aider les délinquants à prendre conscience de l’importance et de la dynamique du respect, le PNCE emploie des techniques de développement des compétences qui misent aussi bien sur l’introspection et l’encadrement des pairs que sur le soutien, officiel ou non, d’un animateur en classe ou d’un surveillant en milieu de travail.

Conclusion

Le PNCE a été conçu pour aider les délinquants à profiter des possibilités d’emploi qui s’offrent sur le marché du travail pour des raisons de pénurie de maind’oeuvre. Il propose aux délinquants un ensemble de stratégies ciblées et intégrées pour renforcer leurs compétences relatives à l’employabilité, améliorer leur capacité de jugement, développer leur sens du respect et leur faire comprendre les liens entre efforts et réalisations, entre réalisations et gratification et finalement entre gratification et possibilité de poursuivre d’autres buts dans la vie. ■


1 255, chemin Smyth, Ottawa (Ontario) K1H 8M7
2 Le Conference Board du Canada est un organisme de recherche appliquée sans but lucratif et indépendant le plus avancé du pays. Il s’est donné pour mission de développer le leadership dans le but de contribuer à l’avancement du Canada en aidant, par ses observations, à mieux comprendre les tendances économiques, les grands dossiers d’intérêt public et la performance des organisations. Il crée aussi des liens et assure la diffusion de la connaissance au moyen d’activités d’apprentissage, de réseaux, de publications de recherche et de services d’information taillés sur mesure. Un large éventail d’organisations des secteurs public et privé canadiens figurent parmi ses membres. Créé en 1954, le Conference Board du Canada est affilié au Conference Board Inc. qui dessert quelque 3 000 sociétés réparties dans 67 pays.
3 Les compétences relatives à l’employabilité du Conference Board du Canada (CBoC) sont étroitement liées aux compétences essentielles de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC). Les ensembles de compétences sur lesquelles s’entendent RHDCC et le CBoC, et qui sont à la base des outils et des ressources que proposent le Ministère et l’organisme, comprennent les neuf compétences essentielles suivantes : lecture de textes; utilisation de documents; calcul; rédaction; communication verbale; travail d’équipe; capacité de raisonnement; informatique; formation continue. Le Profil des compétences relatives à l’employabilité et les Compétences relatives à l’employabilité 2000+ du CBoC contiennent en outre cinq attitudes relatives à l’employabilité. Les recherches et sondages du CBoC montrent que les compétences essentielles et les attitudes relatives à l’employabilité sont nécessaires pour avoir du succès sur le marché du travail.
4 Willowdale : Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, 1996.
5 Willowdale : Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, 1998.
6 Être en liberté n’est pas le contraire d’être emprisonné ou « de se faire prendre »; la liberté, c’est un style de vie positif. Et, contrairement à ce que dit la chanson populaire Me and Bobby McGee, la liberté n’est pas « seulement un autre mot pour dire qu’on n’a rien à perdre », la liberté est un cadeau qui récompense l’effort.


 

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