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L’emploi et l’employabilité chez les délinquants : Un aperçu

Irène Klassen 1
Emploi et employabilité, Service correctionnel du Canada

Le Service correctionnel du Canada (SCC) accorde aujourd’hui une plus grande importance à la formation liée à l’emploi afin que les détenus soient aptes à l’emploi lorsqu’ils seront mis en liberté. Le Programme d’emploi et d’employabilité (PEE) du SCC repose sur une approche stratégique et accroît les chances des détenus de trouver un emploi après leur mise en liberté et de le conserver. Le PEE fait en sorte que les détenus aient un but bien précis et il leur permet d’acquérir et de conserver les compétences générales nécessaires à l’employabilité sur le marché du travail. Selon la recherche menée par le Conference Board du Canada, les employeurs seraient disposés à donner de la formation technique dans les métiers; toutefois, ils recherchent des candidats qui possèdent déjà des compétences relatives à l’employabilité (compétences de base, compétences liées au travail d’équipe et compétences liées à la gestion personnelle).

Le processus d’emploi et d’employabilité commence au moment de l’admission par une évaluation des besoins du délinquant dans le domaine de l’emploi. Cette évaluation comporte plusieurs composantes, qui permettent une analyse exhaustive du domaine de l’emploi : évaluation initiale du délinquant (EID), entrevue du délinquant avec un agent de libération conditionnelle et un évaluateur en matière d’emploi, tests d’évaluation professionnelle, rapport sur l’emploi. Cette analyse exhaustive permet de formuler des objectifs que l’on inscrira dans le plan correctionnel du délinquant. Les délinquants doivent posséder des aptitudes fonctionnelles équivalant à la 9e année en mathématiques et en anglais pour être aiguillés vers des tests d’évaluation professionnelle.

L’objectif du plan en matière d’emploi est d’accroître l’employabilité des délinquants en leur donnant des cours de rattrapage scolaire (selon les résultats obtenus aux tests d’évaluation des besoins en matière d’éducation), en leur enseignant des compétences relatives à l’employabilité, en leur permettant d’obtenir une attestation (certificat) à court terme donnée par un tiers et en leur donnant la possibilité d’occuper dans les établissements des emplois comparables à ceux qui sont offerts dans la collectivité et qui cadrent bien avec les compétences et les intérêts des délinquants.

L’évaluation professionnelle sert à cerner les intérêts des délinquants — et donc leur genre de personnalité — ainsi que leurs aptitudes et leur capacité de recevoir une formation. Ces intérêts, habiletés et aptitudes peuvent être reliés à des possibilités d’emploi. Les résultats des tests permettent de déterminer les groupes d’emplois qui correspondent aux forces et aux besoins de chaque délinquant. Ces groupes d’emplois sont ensuite reliés aux descriptions de travail génériques des emplois qui sont offerts dans l’établissement. On a rédigé des descriptions de travail pour chacun de ces emplois. En occupant ces emplois, les délinquants peuvent acquérir les compétences, les attitudes et les comportements qu’ils pourront utiliser dans la collectivité après leur mise en liberté. Les descriptions de travail comprennent un objectif d’apprentissage, les compétences à acquérir, la durée recommandée d’occupation de l’emploi et une stratégie d’évaluation. Elles peuvent aussi aider les délinquants à rédiger un curriculum vitae. Les surveillants au travail se servent également des descriptions de travail pour évaluer l’acquisition des compétences et le rendement des délinquants. Grâce aux affectations en milieu de travail et aux possibilités de formation professionnelle, les délinquants peuvent aussi obtenir une attestation à court terme. Le SCC accorde davantage de certificats de ce genre afin d’accroître l’aptitude à l’emploi des délinquants après leur mise en liberté. En 2003-2004, environ 4 000 certificats de formation professionnelle ont été délivrés aux délinquants (3 494 à des hommes et 393 à des femmes). Les certificats décernés étaient liés à des domaines tels que la sécurité alimentaire de base, le Système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail, le nettoyage industriel, la conduite de chariots élévateurs à fourche, la sécurité dans l’industrie de la construction, pour ne nommer que ceux-là.

Dans le cadre de sa stratégie d’employabilité, le SCC met actuellement à l’essai un programme de compétences relatives à l’employabilité — élaboré en collaboration avec le Conference Board du Canada — qui est offert en classe et qui vise à enseigner aux délinquants les compétences génériques qui les aideront à trouver et à conserver un emploi dans la collectivité et à obtenir de l’avancement. Le Conference Board est le principal organisme indépendant de recherche appliquée à but non lucratif au Canada et il est affilié au Conference Board Inc., qui offre des services à près de 3 000 entreprises réparties dans 67 pays. Lorsque les délinquants s’inscrivent au programme de compétences relatives à l’employabilité, ils apprennent les onze compétences, attitudes et comportements les plus prisés par les employeurs. Ils reçoivent également une attestation « Skills Solutions » du Conference Board. À ce jour, 46 délinquants de sexe masculin ont participé au programme pilote. En collaboration avec le Conference Board du Canada, on conçoit actuellement un programme de compétences relatives à l’employabilité à l’intention des délinquantes, qui devrait être offert en mars 2005. On a intégré au programme de compétences relatives à l’employabilité une composante de recherche qui aidera le Service à mesurer les résultats.

En plus de ce programme, le SCC met actuellement à l’essai un programme de portfolio. Cette initiative, qui repose sur les expériences antérieures des délinquants, leur permet de préparer un portfolio de leurs compétences personnelles. Ce programme a été offert par le Nova Scotia Community College en collaboration avec le Prior Learning Assessment Centre d’Halifax. L’objectif du programme pilote était de vérifier si ce genre d’initiative pourrait être utile dans un établissement pour :

  • offrir aux délinquants des outils qui les aideraient à cerner les compétences et les habiletés qu’ils ont acquises grâce à leurs études et à leurs expériences de vie;
  • encourager les délinquants à se fixer des buts pour les prochaines étapes de leur développement personnel2.

Les résultats du premier programme de portfolio se sont révélés positifs. Douze délinquants ont été choisis en fonction d’un critère particulier, et leur participation était volontaire. Tous les candidats possédaient une expérience de travail. Dix d’entre eux ont terminé le programme avec succès et huit ont présenté officiellement leur portfolio à un vaste auditoire. De plus, huit candidats ont affirmé qu’ils désiraient poursuivre leurs études en :

  • terminant leur formation générale (FG) dans l’établissement;
  • fréquentant un collège communautaire pour obtenir un certificat dans un métier;
  • commençant des études universitaires au moyen de l’apprentissage à distance.

Tous les participants ont élaboré un plan d’action en vue d’atteindre leurs buts et ont transformé les expériences de vie qu’ils considéraient comme négatives en compétences positives et en une plus grande confiance en eux. Les résultats du programme de portfolio ont été jugés suffisamment concluants pour justifier une analyse supplémentaire. Par conséquent, le SCC est actuellement en négociation avec le Centre d’Halifax pour que le programme soit offert dans quatre établissements de la région de l’Atlantique.

Dans le but d’accroître l’employabilité des délinquants dans la collectivité, le SCC a établi environ 34 programmes de placement qui offrent aux délinquants des services de préparation à l’emploi. Ces services sont fournis grâce à des contrats de partenariat internes (SCC et CORCAN) et externes. Les contrats externes sont des ententes conclues avec des organismes communautaires locaux de prestation de services reconnus pour leur connaissance des besoins des délinquants, comme les sociétés Elizabeth Fry, John Howard et Saint-Léonard, et des organismes du secteur privé. Grâce à nos partenariats avec la collectivité, des centaines de délinquants ont trouvé un emploi dans la collectivité. Le SCC a renforcé les liens entre ses établissements et la collectivité afin que les délinquants ayant des besoins en matière d’emploi à la mise en liberté soient dirigés vers ces services d’emploi. Les programmes de placement offrent une multitude de services d’emploi : évaluations personnalisées de l’employabilité, counseling, techniques de recherche d’emploi, formation en rédaction de curriculum vitae et services de placement. Plus de 1 000 délinquants ont trouvé un emploi chaque année. Le nombre est passé de 1 036 délinquants en 2001-2002 à 1 194 en 2002-2003. À la fin de l’exercice 2003-2004, 1 193 délinquants et 70 délinquantes avaient trouvé un emploi grâce à ces services dans les domaines suivants : construction, travail non qualifié, services d’accueil, services de nettoyage et d’entretien, fabrication, centres d’appel et services de restauration. Les résultats préliminaires indiquent que les programmes de placement jouent un rôle clé dans la réinsertion des délinquants au sein de la population active.

En résumé, le PEE favorise l’employabilité. Les outils qui sont conçus et mis à l’essai visent à aider les délinquants à maximiser leurs compétences de sorte qu’à leur mise en liberté, ils soient mieux outillés pour trouver un emploi stable et le conserver. L’expérience de travail, les programmes innovateurs mis en oeuvre dans les établissements correctionnels fédéraux et les services offerts par les programmes de placement dans la collectivité constituent ce que le SCC appelle le continuum d’employabilité.

La stratégie d’emploi et d’employabilité du SCC a récemment été citée comme pratique exemplaire par le Re-entry Policy Council (Charting the Safe and Successful Return of Prisoners to the Community). Cet organisme est un réseau de décideurs et de praticiens des États-Unis dont les travaux sont guidés par des représentants de nombreux organismes. Bien que ce résultat soit très encourageant, nous devons tout de même poursuivre nos efforts pour accroître l’employabilité des délinquants afin de les aider à devenir des membres productifs de la société.


1 340, avenue Laurier Ouest, Ottawa (Ontario) K1A OP9
2 MOTT, K. The Graduates, Saltscapes, vol. 6, no 1, 2005, p. 71 à 73.
3 Ibid.