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L’importance de l’emploi pour la réinsertion sociale du délinquant

Robert Small 1
Services d’emploi de CORCAN, Service correctionnel du Canada

Lorsque nous rencontrons une personne pour la première fois, il arrive souvent qu’elle nous demande : « Que faites-vous pour gagner votre vie ? » Lorsque nous voulons décrire une personne à d’autres, nous le faisons souvent en évoquant son travail. C’est d’ailleurs le travail qui semble nous définir, à nos yeux et aux yeux des autres. Il nous donne un statut et du prestige, et nous permet d’évoluer dans une certaine classe sociale.

Nous savons aussi à quel point il peut être dévastateur et stressant de perdre un emploi ou de se retrouver au chômage pendant un certain temps. Pour bon nombre, cette situation mène à une faible estime de soi, à la dépression et au doute. Le travail devient notre raison d’être. Les personnes qui ne travaillent pas n’ont souvent pas de pouvoir d’achat ou n’ont pas la capacité de prendre des décisions importantes par rapport à leur situation et à leur environnement. Sans revenu et sans statut, elles peuvent devenir impuissantes.

Le défi est encore plus grand pour les gens qui perdent un emploi ou un poste en raison d’une peine d’emprisonnement. Ils doivent purger leur peine puis réintégrer une collectivité qui n’éprouve guère d’empathie à l’égard de ceux qui ont été accusés et condamnés. Une personne qui a été incarcérée peut être étiquetée pour la vie.

La réinsertion sociale d’une personne serait beaucoup plus facile si la collectivité se montrait plus tolérante envers les individus et leur permettait de se prouver, à eux-mêmes et aux autres, qu’ils peuvent redevenir des citoyens productifs et respectueux des lois. Cette tâche est rarement, voire jamais simple. Le stigmate associé à l’emprisonnement a un effet négatif sur la plupart des délinquants libérés et les portes se referment sur eux avant même qu’on ne prenne le temps d’évaluer leurs compétences ou leurs points forts.

Au cours des huit dernières années, mon rôle aux Services d’emploi de CORCAN (SEC) a été d’aider les personnes libérées de prison à trouver un emploi ou à suivre une formation convenable. Cette tâche n’est pas simple puisque les personnes que nous essayons d’aider ont souvent de multiples obstacles à surmonter avant d’être prêtes à chercher de l’emploi.

Les services d’emploi offerts par CORCAN, notamment par deux conseillers et un employé administratif recruté par la Société Saint-Léonard, tentent de réduire l’écart entre les « non aptes à l’emploi » et les « aptes à l’emploi ». Nous essayons de mettre l’accent sur les besoins, les forces, les compétences et les buts ainsi que sur de nombreux autres facteurs qui interviennent lors de la recherche de travail. Cette démarche est souvent contrecarrée par le fait qu’il y a des besoins plus pressants. Nous devons parfois répondre aux besoins essentiels, tels la nourriture, les vêtements et le logement, avant de songer à chercher un emploi pour quelqu’un. Aussi, bon nombre de nos clients cherchent du travail alors que les informations sur l’identité personnelle sont incomplètes, et qu’ils n’ont pas de vêtements de travail ou de chaussures appropriées. Tous ces facteurs de même que le manque d’argent rendent la recherche d’emploi très difficile. La « réintégration à l’emploi » s’effectuera peut-être au moyen d’un emploi au bas de l’échelle rémunéré à un taux inférieur à celui du marché. Pourtant, il ne s’agit là que de la première étape. Les obstacles présents auparavant dans la vie du délinquant, comme les obligations familiales, de piètres techniques d’adaptation ou des problèmes comme la toxicomanie, ne tarderont pas à se manifester. Il y a aussi l’obligation de suivre les programmes prescrits par le SCC. Le délinquant peut réaliser, à sa mise en liberté, qu’il fait de nouveau face à tout ce qui posait problème avant son incarcération. On ne se trompe pas en disant que les gens qui réintègrent la société doivent faire doublement leurs preuves si on les compare aux personnes qui n’ont pas purgé de peine d’emprisonnement.

La formation ou le recyclage est un moyen de surmonter les obstacles passés et actuels. Mais comment un individu peut-il se payer une formation ou du recyclage s’il ne dispose d’à peu près aucune ressource? C’est aussi plus facile à dire qu’à faire et il est idéaliste de penser que tous les clients sont aptes à un recyclage. Une formation, quelle qu’elle soit, a de la valeur et du mérite. Les employeurs demandent des certificats récents qui montrent que les employés éventuels ont une capacité d’adaptation, qu’ils peuvent être formés et qu’ils sont prêts à apprendre.

Lorsque des délinquants sortent de prison avec les mêmes compétences qu’auparavant, le même niveau de scolarité, la même éthique du travail et une attitude négative, ils ont bien des défis personnels à relever, non seulement pour réussir, mais pour ne pas retourner en prison. Notre système socio-économique détermine la valeur d’un individu en fonction de son emploi ou de sa profession et du salaire qu’il peut gagner. De plus, pour faire partie de la main-d’oeuvre actuelle, la personne doit être capable de s’adapter à un marché qui ne cesse d’évoluer, ce qui, pour bon nombre, constitue la clé de leur survie sur le marché du travail. Même les personnes qui occupent un emploi rémunéré doivent s’assurer de garder leurs compétences à jour. Pour le délinquant mis en liberté, le fait d’être dépourvu de compétences professionnelles monnayables réduit considérablement ses chances de se réinsérer dans la société.

Les délinquants en libération conditionnelle aiment bien entendre, à titre d’exemple, qu’un certificat de conducteur de chariot élévateur à fourches donne accès à un nouveau domaine d’emploi. On leur dit aussi qu’une formation de deux ans comme chef cuisinier peut marquer le début d’une carrière dans les services d’alimentation. La mise à jour des compétences informatiques s’avère essentielle pour presque tous les emplois. Ces choix nécessitent toutefois de l’argent et le libéré conditionnel n’en a pas. Il lui est donc difficile de visualiser de simples projets d’avenir qui lui semblent hors d’atteinte, sur le plan financier. Notre travail, aux SEC, consiste, lorsque c’est nécessaire, à convaincre les clients du contraire. Nous vérifions les ressources disponibles dans la collectivité et les moyens que doit prendre la personne pour y avoir accès. Le manque de ressources est un problème constant. Il n’y a tout simplement pas assez d’argent pour tous ceux qui en ont besoin pour suivre une formation. Nous devons faire comprendre au délinquant qu’il doit travailler et faire des économies afin de préparer son avenir. Le message passe difficilement lorsque la personne tient seulement à gagner l’argent nécessaire à sa subsistance. Le travail dans un métier syndiqué peut aussi présenter un attrait pour les délinquants qui viennent d’être mis en libération conditionnelle. Toutefois, les métiers syndiqués sont constitués d’une main-d’oeuvre vieillissante qui doit être remplacée. Bon nombre des libérés conditionnels qui cherchent un métier syndiqué ne sont plus dans la vingtaine et ne sont pas, par conséquent, de bons candidats pour des programmes d’apprentissage à long terme. En outre, la formation exigée pour la plupart des métiers syndiqués exige un niveau minimal de scolarité et les candidats qui se présentent dans les lieux de formation doivent avoir leur relevé de notes en main. Il y a aussi un montant initial à verser pour joindre un syndicat et suivre les programmes de formation.

Il est difficile d’essayer de rattraper des années de négligence sur le plan de l’éducation une fois la personne incarcérée, et il est tout à fait irréaliste de penser qu’un seul organisme peut s’acquitter de cette tâche. Toutefois, s’il y avait davantage de ressources communautaires « abordables » pour s’occuper de l’alphabétisation des adultes, des troubles d’apprentissage et du perfectionnement des compétences de base, on commencerait à répondre à un besoin important des personnes incarcérées. La plupart des gens qui supervisent des détenus en liberté conditionnelle ou qui travaillent dans le secteur correctionnel savent qu’il s’agit là d’un problème majeur. Une évaluation dans la collectivité du potentiel d’apprentissage, des points forts et des intérêts, coûte plus de 600 $. Et que dire de la difficulté à faire évaluer une personne qui présente un trouble d’apprentissage. Les programmes d’alphabétisation dans la collectivité ne permettent pas toujours d’évaluer les troubles d’apprentissage. La tâche est déjà suffisamment lourde lorsqu’on essaie d’apprendre à un adulte à lire et à écrire; on n’a tout simplement pas le temps d’administrer en plus une batterie de tests pour déterminer la présence d’un trouble d’apprentissage. Dans de nombreux cas, les programmes de rattrapage pour adultes sont remplis à capacité et on a dû dresser des listes d’attente. Nous essayons constamment, aux SEC, de voir quelles sont les ressources existantes qui pourraient nous aider à offrir des services d’emploi plus efficaces à nos clients et à faciliter ainsi le processus de réinsertion sociale.

Les Services d’emploi de CORCAN évaluent les points forts, l’employabilité, la motivation à l’égard du travail et les ressources communautaires disponibles en vue d’établir un plan réalisable avec le libéré conditionnel. Nous savons évidemment que les personnes qui ont des compétences et des antécédents de travail, et qui ont le désir de changer ont plus de chance de réussir. Les personnes qui connaissent le plus de succès sont souvent celles qui parviennent à relever des défis quasi insurmontables, grâce à une motivation acharnée. Le désir de changement doit être bien réel, car nous avons souvent vu des gens qui, après la réussite initiale, sabotent tout en succombant aux affres de la toxicomanie ou en se livrant à des actes criminels. La motivation est très difficile à enseigner. C’est une qualité qui vient de l’intérieur.

Les gens dont la motivation repose sur la possibilité d’accroître leur revenu sont souvent ceux qui vont chercher une formation et qui, par conséquent, obtiennent de meilleurs emplois. La recherche d’emploi sera certainement plus efficace et plus facile si le candidat a des compétences solides à offrir à l’employeur. Un employeur peut même décider de faire abstraction d’un dossier criminel lorsque le candidat est bien préparé pour l’entrevue, possède des compétences et a une bonne attitude.

Il y a une autre réalité avec laquelle il faut composer sur le marché du travail actuel : les employeurs qui affichent des postes exigent un résumé des antécédents criminels en plus du curriculum vitae. Voilà une autre raison pour laquelle il importe de se doter des compétences et de se munir des références, des certificats professionnels et des attestations de développement personnel nécessaires. La société en général semble être de moins en moins tolérante à l’égard des personnes qui ont un dossier criminel. Nous devons éduquer le public et l’informer des réussites au chapitre de la réinsertion sociale, non seulement des échecs. Il faut tenter d’établir un équilibre entre les échecs et les cas de transitions réussies entre la prison et la collectivité.

Malheureusement, les histoires de réussite ne sont pas connues parce que les individus en cause préfèrent rester dans l’anonymat, étant donné la stigmatisation découlant d’une condamnation. Les gens sont conscients qu’il y aura un astérisque près de leur nom si on apprend qu’ils ont fait de la prison. Il arrive parfois qu’on demande une vérification de sécurité avant d’accorder une promotion. Pour bon nombre de travailleurs « en libération », cette situation a entraîné non seulement la perte de la promotion, mais aussi la perte de l’emploi.

L’ouverture d’esprit d’un employeur peut complètement transformer la vie d’une personne, surtout lorsqu’il lui donne cette chance dont elle a absolument besoin. Lorsqu’il retient les services de quelqu’un qui veut faire ses preuves, il a vite fait de réaliser qu’il s’est doté d’un bon travailleur. Il se peut que l’employeur doive se fier sur les références fournies par les instructeurs de la prison, les agents de libération conditionnelle dans la collectivité et les conseillers en emploi pour s’assurer qu’il recrute un bon travailleur. Les possibilités d’emploi diminuent considérablement pour la plupart des personnes qui choisissent de ne pas révéler leurs antécédents. Les compétences, la formation et les références prennent alors une importance cruciale. Le plus souvent, les gens ne révèlent leurs antécédents criminels que lorsqu’ils sont solidement ancrés dans leur emploi et qu’après avoir fait leurs preuves aux yeux de leur employeur.

Conclusion

Lorsque les délinquants mis en liberté présentent de graves lacunes sur le plan de la formation et des antécédents de travail, et qu’ils ont des problèmes de toxicomanie et de piètres techniques d’adaptation, il est presque impossible pour eux de trouver et de garder un emploi. La principale fonction des Services d’emploi de CORCAN n’est pas de les convaincre d’une orientation à prendre. Il s’agit plutôt de ne pas les abandonner et de les aider à identifier des choix réalisables. Ce n’est pas toujours le cas, mais parfois un bon curriculum suffit pour aider une personne à amorcer le virage qui s’impose. En général cependant, la situation est beaucoup plus complexe et exige que le client s’engage, à long terme, à participer à un programme de formation ou de recyclage. ■


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