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Les attitudes du public à l'égard du système de justice pénale au Canada, aux États, aux Pays-Bas, en Australie et en Grande-Bretagne

Plutôt que de vous présenter un organisme international, comme nous l'avons fait dans les numéros précédents, nous avons choisi de vous exposer aujourd'hui des études portant sur les attitudes du public dans cinq pays différents. Nous avions d'abord pensé examiner les attitudes du public dans une perspective internationale en espérant être capables de comparer les différentes études. Compte tenu de la diversité des méthodologies utilisées par les chercheurs, la tâche nous a semblé trop onéreuse; nous avons donc décidé de résumer quelques recherches intéressantes sur les attitudes du public dans différents pays et d'en mettre en lumière les principales constatations sans pour autant procéder à une analyse comparative détaillée.

Voici les principales sources que nous avons utilisées. Pour l'Australie, nous avons choisi un article de Walker, Collins et Wilson paru dans un livre intitulé Public Attitudes to Sentencing. Du côté canadien, nous vous donnons un aperçu de l'étude détaillée de Brillon, Guérin et Lamarche sur les attitudes du public canadien à l'égard des politiques criminelles. L'étude de l'Angleterre et du pays de Galles dont nous vous présentons un résumé s'inspire d'un sondage sur des questions sociales réalisé en 1986 par les chercheurs Walker, Hough et Lewis. Pour parler des Pays-Bas, nous avons retenu le sondage national de 1975 sur les attitudes du public à l'égard de la criminalité ainsi que les enquêtes sur le contrôle du crime et les victimes de la criminalité réalisées respectivement en 1982 et en 1985. Une enquête menée au Maryland en 1980 par les chercheurs Gottfredson, Warner et Taylor est un exemple du type de recherche qui se fait aux États-unis. Tous ces documents ont été réunis en un seul volume publié en 1988 sous la direction de Nigel Walker et de Mike Hough et intitulé « Public Attitudes to Sentencing: Surveys from Five Countries ».

AU CANADA
Dans une étude récente, Yves Brillon et ses collègues de l'Université de Montréal se sont intéressés aux attitudes du public canadien à l'égard de la criminalité. Les chercheurs ont interrogé un total de 817 personnes dont 614 provenaient des populations fortement urbanisées de Montréal, Toronto et Winnipeg et 203 de la population rurale des provinces de Québec, d'Ontario et du Manitoba.

On a d'abord demandé aux répondants d'indiquer quel était, à pal objectif de détourner les gens de la criminalité, 25% de protéger les citoyens contre la criminalité et 19% de faire expier leurs fautes aux délinquants. Seulement 14,7% des répondants considéraient que le principal objectif de la peine était de favoriser la réinsertion sociale des délinquants; 7% y voyaient une compensation pour les torts infligés aux victimes et 2% affirmaient qu'elle permettait à la société de se venger des criminels.

Un aspect de la recherche mérite d'être souligné : les répondants devaient préciser quel type de criminel ils avaient à l'esprit lorsqu'ils se prononçaient sur la sévérité des peines imposées. Trente-deux pour cent des personnes interrogées ont répondu qu'elles pensaient à différentes formes de meurtres, 9,7% au viol et 22,1% à d'autres formes de crimes graves crimes prémédités, actes sadiques, vols avec violence.

Interrogés sur les peines d'emprisonnement à perpétuité, 38% des personnes interrogées ont répondu qu'il était très inhumain (16,8%) et un peu inhumain (21,1%) d'emprisonner quelqu'un pendant vingt-cinq ans. Par contre, 58% des répondants étaient légèrement en désaccord (30,3%) et fortement en désaccord (27,6%) avec cette opinion, indiquant ainsi leur tendance à considérer que la prison joue une double rôle de dissuasion et de protection de la société.

Il est intéressant de noter que 72,1% des personnes interrogées étaient plutôt opposées (35,5%) ou fortement opposées (36,6%) à l'amélioration des conditions de vie des prisonniers. Ce résultat n'a rien d'étonnant si l'on se rappelle qu'environ la moitié des répondants affirmaient que les établissements correctionnels étaient luxueux. Et qui plus est, 85% des personnes interrogées étaient d'avis que les peines imposées par les juges n'étaient pas suffisamment sévères. Dans leur conclusion, les chercheurs ont fait remarquer qu'il semblait exister des liens entre les attitudes punitives des répondants et leur impression que les conditions de vie en milieu carcéral sont très bonnes. D'après les auteurs, cela indique que la population souhaite que les peines imposées et le milieu carcéral aient un caractère punitif et exercent un effet de dissuasion.

La plupart des Canadiens semblent évaluer le caractère menaçant d'une infraction en fonction de la nature de l'infraction elle-même plutôt qu'en fonction de la personnalité du délinquant. C'est ainsi que pour un petit vol isolé, 5,4% des répondants voudraient que le délinquant soit condamné à une peine d'emprisonnement, 52,9% à une période de probation et 40,6% estiment que l'amende constitue une punition appropriée. Lorsqu'un individu multiplie les petits vols, le nombre de répondants favorables à une peine d'emprisonnement passe à 19,5%, 47,1% préfèrent une sanction sous forme de périodes de probation et 32,2% optent pour une amende. Lorsqu'il s'agit d'un vol à main armée, et même dans le cas d'une première infraction, 74,6% des répondants croient que les juges devraient recourir à une peine d'emprisonnement, 16,4% seraient favorables à une période de probation et seulement 6,4% envisageraient d'imposer une amende à l'auteur d'un tel vol.

Après la nature de l'infraction elle-même, c'est la préméditation qui est considérée comme étant le deuxième facteur le plus important (27,1% des personnes interrogées) pour évaluer le danger que représente un criminel. Viennent ensuite les circonstances entourant le crime (23,6% des répondants), les motifs du délinquant (20,4 % des répondants), la récidive (16% des répondants), la personnalité et le statut social du délinquant (8,8% des répondants) et l'âge et le sexe de la victime (2,6% des répondants).

L'analyse socio-démographique a révélé que les répondants manifestant les attitudes les plus punitives avaient un revenu de 35 000 $ ou plus; ils étaient propriétaires, anglophones, âgés de plus de 62 ans, moins instruits et habitaient en milieu rural.

En somme, les résultats des sondages démontrent que le public tient compte de différents facteurs lorsque vient le temps d'évaluer la justesse des peines imposées. Certains délinquants doivent être mis à l'écart de la société, d'autres peuvent être tolérés. Comme la plupart des répondants ont avoué penser à des criminels dangereux au moment de répondre à la plupart des questions, les auteurs en concluent que les renseignements recueillis au cours de l'enquête exagèrent le penchant punitif de la population, comme c'est le cas pour plusieurs autres sondages publics.

AUX ÉTATS-UNIS
Stephen G. Gottfredson et Ralph B. Taylor de l'Université Temple et Barbara D. Warner de l'Université d'État de New York ont procédé récemment à une vaste enquête auprès de différents groupes de l'État du Maryland auxquels ils ont demandé d'évaluer la gravité de différentes infractions. Les groupes de répondants comprenaient 112 étudiants du premier cycle, 74 soldats de la police d'État, 120 gardiens des établissements correctionnels du Maryland, 87 agents de libération conditionnelle et de probation, 23 membres du Council of Juvenile Court Judges et 41 avocats de la défense et procureurs de la Couronne. Soixante-quatorze criminels détenus dans des établissements correctionnels du Maryland ont également participé à cette étude sur une base volontaire.

Ces différents groupes étaient loin d'accorder la même gravité à toutes les infractions. Pour le groupe des détenus, les crimes contre les biens, les infractions graves aux lois sur les stupéfiants et les infractions causant des blessures à la personne étaient beaucoup moins graves que pour les autres groupes. Fait intéressant, le groupe des étudiants percevait tous les types d'infractions comme étant beaucoup plus graves que n'importe quel autre groupe. D'après les auteurs, cela peut s'expliquer par le fait que ceux qui ont une certaine expérience du système de justice pénale accordent moins d'importance aux infractions que ceux qui n'en ont aucune.

Dans une autre série d'études, les auteurs se sont intéressés à la question du consensus entre ceux qui mettent en place les politiques correctionnelles et ceux qui les subissent. En 1980, une série d'entrevues comprenant des questions ouvertes et des questions fermées a été réalisée auprès de 88 personnes du secteur correctionnel chargées de l'élaboration des politiques. Les personnes recrutées pour cette étude ont été choisies de manière à assurer la représentation des principaux responsables du système de justice pénale administrateurs correctionnels, planificateurs et autres représentants officiels de l'État (16 personnes), administrateurs et planificateurs du service correctionnel et autres représentants des institutions locales (13 personnes), représentants locaux élus (14 personnes), responsables de la surveillance (15 directeurs et surintendants), personnes chargées de faire appliquer la loi (une personne) et représentants du système judiciaire (11 personnes).

L'entrevue portait sur les avantages et les inconvénients du système correctionnel du Maryland, sur les origines et la gravité des problèmes au sein du secteur correctionnel, sur les solutions à court et à long termes aux problèmes du surpeuplement des prisons, sur les attitudes des gens à l'égard des changements de politiques proposés, sur l'évaluation des attitudes des autres à l'égard des changements de politiques proposés et sur les objectifs et les principes du secteur correctionnel.

En décembre 1980, une enquête sur les attitudes du public a été menée dans treize des vingt-quatre comtés du Maryland; un peu plus de 600 entrevues ont alors été réalisées. Les renseignements recueillis étaient des informations de base sur les attitudes du public à l'égard des objectifs correctionnels et des changements de politiques proposés; la formule utilisée était cependant simplifiée.

Ces études ont permis de constater un écart considérable entre l'opinion du public sur les quatre grands objectifs du secteur correctionnel et les perceptions qu'en avaient les personnes chargées d'élaborer les politiques. Ces dernières avaient nettement l'impression que le public favorisait l'objectif consistant à mettre les délinquants hors d'état de nuire alors qu'en fait, cet objectif venait à l'avant-dernier rang des préoccupations de la population. Ces personnes croyaient que le public était d'accord avec les punitions vengeresses alors qu'en fait cet objectif était le dernier souci des personnes interrogées.

Les personnes chargées d'élaborer les politiques et le public en général sont d'accord pour reconnaître que la vengeance constitue l'objectif le moins important du système correctionnel et les deux groupes accordent une très grande priorité au traitement et à la réadaptation sociale. Il y a cependant divergence sur les objectifs de mettre hors d'état de nuire et de dissuader. Une analyse plus approfondie des perceptions que les responsables des politiques ont de l'opinion publique sur certaines questions clés du secteur correctionnel a révélé que ces perceptions sont habituellement erronées. En fait, les personnes chargées d'élaborer les politiques et le grand public partagent à peu près les mêmes points de vue; les responsables des politiques surestiment cependant (par une marge de 50%) la volonté du public d'abolir la libération conditionnelle.

Les personnes interrogées lors du sondage d'opinion publique ont déclaré que le système correctionnel du Maryland n'était pas très efficace dans la réalisation de ses propres objectifs. Interrogés sur la mise en oeuvre de ces quatre objectifs au Maryland, moins de la moitié des répondants ont reconnu que le service correctionnel du Maryland faisait un bon travail. De plus, une très grande proportion des répondants (allant de 79% pour l'objectif consistant à mettre hors d'état de nuire à 70% pour l'objectif de réinsertion sociale) a déclaré qu'il fallait vraisemblablement faire davantage pour réaliser ces objectifs correctionnels.

On a souvent prétendu que la population en général n'était pas intéressée aux questions correctionnelles et qu'elle ignorait tout de ces questions. À partir de ce sondage, les auteurs sont parvenus à la conclusion contraire, du moins pour le Maryland. Ils ont découvert que la majorité des gens interrogés étaient intéressés aux questions correctionnelles, qu'ils étaient passablement bien informés des principaux problèmes auxquels devait faire face le système correctionnel d'État et qu'ils suivaient ces questions d'assez près. Il était finalement évident que le public avait des opinions bien arrêtées sur les objectifs du système correctionnel. Contrairement à la croyance populaire, le public n'est pas spécialement punitif et il insiste plutôt sur des objectifs réalistes tels que la réadaptation sociale, la dissuasion et la mise hors d'état de nuire.

AUX PAYS-BAS
En 1975, le centre de recherche et de documentation du ministère de la Justice des Pays-Bas a procédé à une enquête nationale sur les attitudes du public à l'égard de la criminalité et du contrôle de la criminalité. Des parties importantes de cette étude ont été reproduites en annexe d'un sondage national sur les victimes du crime réalisé en 1982 et présenté comme une enquête séparée en 1985.

Lors de chacune de ces enquêtes, on a demandé aux répondants d'évaluer trois méthodes répressives pour le contrôle de la criminalité (l'incarcération, le châtiment plus sévère et les camps de travail) et trois méthodes préventives (la méthode du redressement, l'assistance sociale et les programmes d'emploi pour les ex-détenus). Ceux qui étaient favorables aux méthodes répressives avaient tendance à se montrer sceptiques à l'égard des méthodes préventives et vice versa. Le fait de se montrer favorable aux politiques répressives ou préventives ne signifie cependant pas du tout qu'on exclut l'autre possibilité. En fait, la moitié des répondants qui s'étaient montrés favorables aux mesures répressives étaient également d'accord avec les mesures préventives. D'après les données recueillies, la répression obtenait davantage d'adhérents dans les régions les plus densément peuplées des Pays-Bas. Ceux qui avaient été victimes du crime exprimaient peut-être une préférence pour les mesures préventives. Une analyse plus approfondie a révélé que les personnes plus jeunes et plus instruites étaient moins favorables à la répression que les autres.

L'appui à des méthodes répressives pour le contrôle du crime n avait connu aucune augmentation au cours de la période de dix ans séparant les deux études. Les gens se montraient un peu moins favorables aux méthodes de réadaptation, mais la majorité de la population était toujours d'accord avec ces mesures.

L'enquête nationale hollandaise menée en 1985 avait pour principal objectif d'évaluer les attitudes du public à l'égard de la détermination de la peine. Les répondants étaient invités à proposer des peines pour sept infractions types, ce qui permettait d'établir une comparaison avec les peines imposées par les tribunaux néerlandais en 1983. Sur les 17 000 répondants, 14% ont suggéré une peine d'emprisonnement ferme pouvant aller jusqu'à un an pour le vol d'une bicyclette; les tribunaux avaient condamné 23% des voleurs de bicyclettes à un peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à quatre mois. Soixante-cinq pour cent des répondants ont proposé une peine d'emprisonnement variant entre trois mois et cinq ans pour un viol; les tribunaux avaient imposé des peines d'emprisonnement à 71% des violeurs, mais ces peines étaient d'une durée plus courte, soit de un mois à un an et demi. Soixante-dix-huit pour cent réclamaient des peines d'emprisonnement de un à cinq ans pour une tentative de meurtre. Pour ce même genre d'infraction, les tribunaux avaient condamné 85% des contrevenants à des peines d'emprisonnement d'une durée maximale de quatre ans et demi.

En 1982, dix mille personnes avaient participé à une enquête sur les victimes d'actes criminels, et on leur avait posé une série de questions sur les dépenses du gouvernement pour le contrôle de la criminalité. L'enquête nationale hollandaise réalisée en 1985 reprenait ces mêmes questions. En 1982, 54% des personnes interrogées avaient déclaré qu'elles seraient favorables à une augmentation des dépenses du gouvernement pour le contrôle de la criminalité; en 1985, ce pourcentage avait atteint les 77% dont 32% avaient affirmé être prêtes à payer davantage de taxes à cette fin.

Selon les auteurs, la population semble toujours favorable à une politique criminelle qui met l'accent simultanément sur les mesures préventives et répressives. Ceux qui se sentent menacés par la criminalité favorisent une augmentation des dépenses du gouvernement pour le contrôle de la criminalité, indépendamment de leurs opinions en matière de criminologie.

EN AUSTRALIE
En 1986, l'Institut de criminologie de l'Australie a commandé une enquête au cours de laquelle 2 551 personnes choisies au hasard dans les différentes couches de la population devaient attribuer une peine appropriée à chacun des treize types d'infractions. Les répondants avaient devant les yeux une liste des différents châtiments possibles allant de la peine de mort à un simple avertissement. On leur demandait ensuite de préciser laquelle de ces peines convenait davantage au type d'infraction en cause. On leur demandait également de classer les infractions par ordre de gravité.

L'enquête a révélé que la plupart des gens étaient d'accord avec les décisions habituellement rendues par les tribunaux et qu'ils approuvaient la tendance à punir les crimes violents par des peines d'emprisonnement et les crimes contre les biens par d'autres types de peines, particulièrement par des amendes. Dans certains domaines cependant, l'opinion publique semblait différer des décisions des tribunaux et paraissait plus ou moins punitive, selon les cas. Par exemple, le public optait pour des peines d'emprisonnement pour les hommes qui battent leur épouse alors que les tribunaux imposent habituellement à ces délinquants une période de probation. Par contre, le public se montrait un peu moins sévère que les tribunaux dans les cas de fraude du système de santé.

Cinquante-trois pour cent des répondants considéraient que les personnes reconnues coupables de meurtre devaient être condamnées à des peines d'emprisonnement et 36% estimaient que les peines d'emprisonnement convenaient également aux personnes reconnues coupables de trafic d'héroïne. Fait important, un seul répondant sur quatre réclamait la peine de mort dans les cas de meurtre et un répondant sur six dans les cas de trafic de drogue. Les tribunaux ont également tendance à imposer des peines d'emprisonnement aux meurtriers et aux gros trafiquants de drogue.

En dépit du fait que la loi prévoit des peines plus sévères pour une fraude de 1 000 $ du système de sécurité sociale que pour une fraude de 5 000 $ du système de santé ou du système fiscal, le public semble plus indulgent pour les infractions de la première catégorie. Près des deux cinquièmes des répondants auraient opté pour des mesures non privatives de liberté à l'égard des gens ayant fraudé le système de sécurité sociale, une proportion semblable des répondants aurait imposé une amende et plus d'un cinquième d'entre eux auraient imposé aux délinquants une peine sous forme de travaux communautaires. Par contre, plus de la moitié des répondants aurait imposé des amendes aux autres auteurs de fraudes et les auteurs de fraudes du système de sécurité sociale auraient été les plus lourdement pénalisés.

Pour un vol à l'étalage d'une valeur de cinq dollars, 51% des répondants proposaient un simple avertissement de la police et toutes sortes d'autres mesures.

D'autres analyses visaient à déterminer quelles variables sociales et démographiques avaient pu influencer les répondants dans leur choix de peines. En voici les principales constatations.

Sauf pour le vol à l'étalage, l'introduction par effraction et le vol à main armée, les personnes les plus instruites avaient tendance à se montrer beaucoup plus indulgentes que les personnes moins instruites.

Les hommes étaient plus favorables que les femmes à la peine de mort pour le trafic d'héroïne (20% chez les hommes et 14% chez les femmes) et le meurtre. Les hommes étaient également plus sévères que les femmes pour les vols avec effraction et l'homosexualité masculine. Par contre, les femmes étaient légèrement plus sévères que les hommes pour la pollution industrielle (28% des femmes contre 24% des hommes estimaient que ce genre d'infraction méritait une peine d'emprisonnement), pour la brutalité envers les enfants et la négligence des employeurs (23% des femmes contre 18% des hommes estimaient que ce genre de négligence méritait une peine d'emprisonnement). Les auteurs de cette étude ont découvert avec étonnement que les hommes et les femmes proposaient des peines semblables pour les individus reconnus coupables de voies de fait sur leur épouse.

Les répondants âgés de plus de soixante ans (21%) étaient davantage portés à réclamer la peine de mort pour les trafiquants d'héroïne que les répondants âgés de vingt ans et moins (11%); les personnes plus âgées étaient également plus sévères que les jeunes de moins de vingt ans pour des fraudes du système de sécurité sociale, pour la violence conjugale, pour l'homosexualité et autres infractions frauduleuses.

Les auteurs se sont dit étonnés de constater la diversité des opinions sur la détermination de la peine, diversité révélant un très haut degré de subtilité dans les attitudes du public à l'égard de la criminalité et des sanctions imposées. Dans l'ensemble, les résultats de cette étude révèlent qu'un nombre important d'Australiens sont prêts à envisager des mesures non privatives de liberté telles que les amendes, les périodes de probation et les travaux communautaires.

EN GRANDE-BRETAGNE
Jusqu'à quel point les Britanniques sont-ils punitifs? Selon deux sondages Gallup réalisés en 1982 et 1986, les attitudes du public à l'égard du châtiment considéré comme une forme de vengeance sont demeurées les mêmes, l'appui aux mesures de réadaptation sociale a légèrement diminué, passant de 16% à 14%, tandis qu'une proportion semblable de la population (41% plutôt que 38%) estime que le châtiment doit être un moyen de dissuasion. Une fois les répondants informés du type et de la gravité de l'infraction commise et des caractéristiques du délinquant lui-même, on pourrait s'attendre à ce que les réponses ne soient plus les mêmes.

Nigel Walker de l'Université de Cambridge et Mike Hough et Helen Lewis de la Home Office Research and Planning Unit ont préparé une enquête sur les attitudes de la population à l'égard d'un certain nombre de questions sociales; cette enquête a été réalisée en 1986 dans 81 circonscriptions électorales d'Angleterre et du pays de Galles. L'échantillon était constitué de 1 249 adultes inscrits sur les listes électorales, soit environ 21 personnes dans chaque circonscription électorale. Fait impossible à prévoir, l'enquête a malheureusement coïncidé avec la publication dans les médias de nombreux articles sur les crimes sexuels, ce qui est inhabituel. Deux jours avant le début de l'enquête, le juge en chef a rendu public des lignes directrices prévoyant des peines plus sévères à l'endroit des violeurs et ces mesures ont fait l'objet d'une publicité considérable. Pendant le déroulement des entrevues, plusieurs agressions sexuelles ont retenu l'attention des médias.

On a demandé aux répondants si, avant l'enquête, ils avaient eu l'occasion de lire des articles portant sur certains crimes ou s'ils en avaient entendu parler. Dans les cas où ils répondaient par l'affirmative, on leur demandait s'ils se rappelaient des détails de certains cas et spécialement de la peine imposée. Un peu plus de la moitié des personnes interrogées (54%) se rappelaient un cas récent. Soixante et un pour cent des répondants ont affirmé avoir très souvent ou assez souvent discuté de la peine imposée et 45% ont affirmé en avoir rarement discuté. Parmi les personnes qui pouvaient se rappeler un cas récent, les trois quarts seulement se souvenaient de la décision finale. Les chercheurs ont découvert avec étonnement que le taux de criminalité (31%) et la détermination de la peine (26%) comptaient parmi les sujets les plus souvent discutés entre amis et en famille.

Les répondants ont également été interrogés sur les principaux buts que poursuivaient les tribunaux en décidant d'imposer certaines peines pour des infractions telles que le vol avec effraction ou le vol qualifié. On leur donnait le choix entre l'effet de dissuasion, la vengeance collective ou individuelle, la réparation de la faute et l'expression de la désapprobation du public. Quarante-quatre pour cent des personnes interrogées ont répondu que le délinquant devait être châtié parce qu'il le méritait, 33% souhaitaient que la peine imposée exerce un effet de dissuasion et 6% avaient l'impression que la peine imposée au délinquant servait principalement à réconforter la victime.

Interrogés sur les autres genres de peines convenant à différents types d'infractions, les répondants pouvaient donner cinq réponses différentes variant de «trop indulgentes » à «trop sévères »; ils pouvaient aussi répondre qu'ils ne le savaient pas. Lorsqu'il s'agissait de viol, 90% des gens estimaient que les tribunaux étaient trop indulgents; ce pourcentage était de 87% dans les cas d'agression, de 54% dans les cas de vol avec effraction et de 17% dans les cas de vol à l'étalage. Dans ce dernier cas cependant, 15% des gens estimaient que les tribunaux étaient trop sévères.

On a ensuite proposé aux répondants des peines précises pour certaines infractions. Six scénarios différents leur étaient présentés sous forme de faux articles de journaux. Chaque scénario était accompagné d'une peine qui était soit très sévère, moyennement sévère ou indulgente, en fonction des normes en usage dans les tribunaux. Fait intéressant, les 1 215 répondants ont trouvé 203 différentes façons de classer les sept châtiments. D'après les auteurs, cette grande diversité dans la façon de classer les peines s'explique surtout par le fait que les répondants évaluent différemment les condamnations avec sursis, la probation et les travaux communautaires. L'analyse a également révélé que même si la probation et les autres mesures non privatives de liberté utilisées dans ces scénarios étaient généralement perçues comme étant plus indulgentes que l'emprisonnement tant par les personnes chargées de la détermination de la peine que par la plupart des répondants, tous n'étaient pas d'accord pour dire que la probation était une mesure plus clémente que les amendes ou le travail communautaire.

Ces constatations confirment que les peines imposées pour les crimes de droit commun sont généralement jugées acceptables par le public britannique. Conclusion Contrairement à ce que pensent les professionnels du secteur correctionnel, non seulement le public connaît-il assez bien le système de justice pénale mais il fait également preuve d'une grande ouverture d'esprit sur tous les aspects entourant cette réalité. D'après notre interprétation de ces cinq études, les gens de tous les pays sont désireux de participer à l'évolution des services correctionnels communautaires et des services correctionnels en établissements. C'est une nouvelle dont pourront se réjouir les responsables de l'éducation du public au sein du secteur correctionnel. La recherche internationale nous apprend que la population est moins punitive qu'on le croit et qu'elle est plutôt optimiste lorsqu'il s'agit de la réadaptation sociale des délinquants. En ce qui a trait à la détermination de la peine, les études font ressortir la diversité des opinions et le rôle complexe que joue le public dans l'élaboration des différents éléments du processus de justice pénale. Cela est peut-être très étonnant, mais la recherche a clairement démontré que les personnes chargées d'élaborer les politiques du secteur correctionnel avaient sous-estimé le caractère progressiste des opinions du grand public.