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Ce que pensent les employés du secteur correctionnel des délinquants souffrant de troubles mentaux

Peu de recherches se sont intéressées à ce que pensent les agents correctionnels des délinquants souffrant de troubles mentaux. Les auteurs d'une étude récente estiment pourtant que ces perceptions jouent un rôle important dans la gestion des soins de santé mentale offerts aux détenus.

Les agents correctionnels sont à même de repérer les délinquants ayant besoin de services de santé mentale et souvent de leur venir en aide. On sait également que le milieu carcéral joue un rôle important dans la santé mentale des détenus. Partie intégrante du milieu carcéral, les agents correctionnels sont peut-être en mesure de réduire le niveau de stress des détenus.

L'étude a évalué les perceptions des agents correctionnels à l'égard des détenus souffrant de troubles mentaux, dans l'espoir de réunir des renseignements utiles à la planification des programmes de formation des agents. Les auteurs avaient formulé comme hypothèse que les agents correctionnels ont moins de sympathie pour les délinquants souffrant de troubles mentaux qu'ils n'en ont pour les patients psychiatriques, pour les autres détenus et pour la population en général.

Les participants à l'étude ont été choisis parmi les 85 agents correctionnels à l'emploi du Pretrial Services Centre de Vancouver, un établissement à sécurité maximale. Certains agents n'ont pu être rejoints, soit parce qu'ils avaient changé de poste soit parce qu'ils étaient en vacances. Cependant, les 78 agents rejoints ont accepté de participer à l'étude.

On a demandé aux participants d'indiquer sur une échelle de 18 points comment ils percevaient les délinquants souffrant de troubles mentaux, les patients en psychiatrie, les autres prisonniers et la population en général.

L'étude cherchait également à savoir dans quelle mesure les agents étaient intéressés à recevoir davantage de formation pour s'occuper des patients souffrant de troubles mentaux. Quatre énoncés portaient sur la formation et les agents devaient classer leur perception sur une échelle allant de l'accord complet au désaccord complet.

Les agents indiquaient aussi comment ils se sentaient lors de leurs contacts professionnels avec les détenus. L'échelle en sept points leur permettait de dire s'ils sentaient qu'ils contrôlaient la situation, qu'ils étaient capables d'établir des relations, qu'ils étaient actifs, utiles, efficaces, performants, et confiants dans leurs rapports avec les détenus.

Selon les renseignements démographiques recueillis auprès des agents, il n'existait pas de lien significatif entre les attitudes et les variables individuelles. Ces variables comprenaient l'âge, le sexe, le nombre d'années de scolarité, le nombre d'années d'emploi à titre d'agent correctionnel et la fréquence approximative des contacts avec des détenus souffrant de troubles mentaux.

La moyenne d'âge des participants était de 32 ans; la plupart d'entre eux avaient fait quelques études collégiales et travaillaient pour le secteur correctionnel depuis 6,6 années en moyenne. Sur une échelle de un à cinq (5 représentant des contacts fréquents), la fréquence moyenne des contacts avec les personnes souffrant de troubles mentaux au cours des trois derniers mois s'élevait à 3,7.

Les résultats obtenus révèlent d'énormes différences entre la conception que se font les agents correctionnels de « la population en général » et des trois autres catégories (les détenus, les détenus souffrant de troubles mentaux et les patients en psychiatrie). L'opinion la plus favorable va à « la population en général », sans autre analyse des perceptions des agents à son égard.

Les comparaisons établies entre les trois autres groupes ont révélé que les détenus souffrant de troubles mentaux étaient perçus comme étant moins prévisibles, moins rationnels, et plus mystérieux que les autres détenus. Les détenus en général étaient cependant qualifiés de plus manipulateurs que les détenus souffrant de troubles mentaux.

Une deuxième comparaison a démontré que les détenus souffrant de troubles mentaux étaient perçus comme étant plus dangereux que les patients en psychiatrie. En dernier lieu, les patients en psychiatrie étaient considérés comme moins méchants et moins manipulateurs que les détenus mais également comme plus irrationnels et imprévisibles.

Dans l'ensemble, les agents correctionnels se sont dits très inquiets de devoir travailler avec des délinquants souffrant de troubles mentaux. Quatre-vingt-dix pour cent d'entre eux estimaient que cela ajoutait beaucoup de stress à leur tâche. Quatre-vingt-neuf pour cent étaient d'avis que les détenus souffrant de troubles mentaux devaient être gardés séparément du reste de la population carcérale. Presque tous les agents étaient intéressés à une formation supplémentaire visant à améliorer leurs relations avec les détenus souffrant de troubles mentaux. Par contre, ils se disaient généralement à l'aise dans leurs rapports avec le reste de la population carcérale.

D'après les agents, ce qui différencie les détenus souffrant de troubles mentaux des patients en psychiatrie, c'est le « danger » qu'ils représentent. Que cette perception soit fondée ou non, il serait bon que les programmes de formation traitent du caractère menaçant du détenu souffrant de troubles mentaux.

Cette étude indique clairement que les agents correctionnels sont préoccupés par les délinquants souffrant de troubles mentaux et qu'ils souhaiteraient avoir de meilleurs rapports avec eux.

En dernière analyse, il est important de noter que les participants à cette étude se sentent toujours mal préparés à affronter ceux qui souffrent de troubles mentaux, et ce en dépit du fait qu'ils ont reçu une formation dans le cadre des programmes les plus récents. Il serait intéressant que d'autres recherches portent sur les programmes de formation en ce domaine afin de découvrir les causes de cette insatisfaction. Il faudrait tenir compte des perceptions et besoins de ceux qui travaillent directement avec les personnes souffrant de troubles mentaux.

Il pourrait également être intéressant d'étudier dans quelle mesure la présence de détenus souffrant de troubles mentaux crée ou non des tensions au sein du reste de la population carcérale. Une telle étude devrait cependant choisir les participants avec soin afin d'éviter, autant que possible, une classification erronée des détenus.


Kropp, P., Randall, Cox, David N., Roesch, Ronald et Eaves, Derek. (1989). The Perceptions of Correctional Officers Toward Mentally Disordered Offenders. International Journal of Law and Psychiatry 1, 181-188.