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La formation de base pour adultes peut-elle contribuer à réduire la récidive?

La formation est un volet important des programmes qu'offre le Service correctionnel du Canada. Au cours de l'exercice financier 1989-1990, environ 47 % des détenus aptes aux études ou au travail ont participé à l'un ou l'autre des programmes de formation, soit un total de 5 776 délinquants. Ce chiffre représente une augmentation de 2 % du taux de participation de l'année précédente. Les programmes de formation destinés aux détenus comprennent la formation de base pour adultes et des cours de niveau secondaire, des cours de formation professionnelle ainsi que des études collégiales et universitaires (voir le graphique 1).



Graphique 1
Graphique 1
Une proportion importante des participants aux programmes de formation s'inscrit aux cours de formation de base pour adultes (FBA). À vrai dire, près d'un tiers des participants sont inscrits aux cours de FBA, souvent décrits comme étant des cours d'alphabétisation bien qu'ils conduisent en fait à l'obtention d'un certificat de lecture, d'écriture et d'arithmétique de huitième année.

La participation aux cours de FBA a augmenté très rapidement depuis 1987, année au cours de laquelle le Service correctionnel du Canada a annoncé son intention de donner priorité à ce type de formation. À l'heure actuelle, le nombre de détenus inscrits à l'un ou l'autre des programmes de FBA se maintient aux environs de 1 400, soit plus de 10 % de la population carcérale des pénitenciers fédéraux. Près de la moitié des élèves des cours de FBA sont inscrits à temps plein. Les autres partagent leur temps entre les études et le travail ou d'autres types de programmes. Les taux de participation sont à peu près équivalents dans les cinq régions, même si le taux le plus élevé d'inscriptions aux cours de FBA se retrouve dans la région de l'Atlantique et le plus faible dans la région du Québec (voir le graphique 2).


Graphique 2
Graphique 2
Lors de leur admission, les délinquants sont appelés à subir des examens d'évaluation de leurs compétences linguistiques (lecture et écriture) et mathématiques. Tous ceux qui obtiennent des résultats inférieurs aux exigences de la huitième année peuvent s'inscrire aux programmes de FBA. Le détenu moyen qui s'inscrit à la FBA possède des connaissances équivalentes à celles d'un élève de quatrième année tant en lecture et écriture qu'en mathématiques.

Au cours de l'exercice financier 1989-1990, 1 574 détenus ont réussi les examens linguistiques et mathématiques de huitième année grâce à leur participation aux programmes de FBA offerts par le Service correctionnel du Canada. Bien que ces statistiques puissent paraître impressionnantes, il faut avouer qu'un grand nombre de détenus inscrits à la FBA ne terminent jamais le programme. Certains décident, de leur propre chef, de se retirer des programmes d'études, d'autres mettent fin à leur participation parce qu'ils sont transférés dans un autre établissement et d'autres encore obtiennent leur liberté conditionnelle avant d'avoir pu terminer leur huitième année. En 1987, étaient inscrits aux programmes de FBA du Service correctionnel du Canada 3 278 détenus. À la fin de 1989, seule-ment la moitié environ de ces détenus avaient terminé les cours de FBA.

Étant donné l'importance des ressources consacrées à la FBA -au cours de l'exercice financier 1989-1990, le Service correctionnel du Canada a dépensé près de 6,5 millions de dollars à ce chapitre - les planificateurs de programmes sont pressés de connaître les retombées de ces dépenses. De toute évidence, les délinquants inscrits à la FBA augmentent leurs compétences linguistiques et mathématiques, des atouts qui devraient être à la portée de tous, estiment les Canadiens. Une question importante demeure cependant sans réponse: Dans quelle mesure la FBA permet-elle de réduire le nombre de réadmissions chez les délinquants libérés. En milieu correctionnel, bien que les enseignants tiennent souvent pour acquis que leurs efforts permettront de réduire les taux de récidive, la recherche ne confirme pas nécessairement cet espoir. En dépit des ressources investies pour maintenir un niveau élevé de participation à la FBA, le Service correctionnel du Canada possède peu d'indices lui permettant de croire que ses programmes donnent les résultats « correctionnels » souhaités.

La Direction de la recherche et des statistiques s'est intéressée récemment aux comportements postcarcéraux d'un nombre important de délinquants ayant suivi des programmes de FBA en 1988. Les résultats des délinquants ayant obtenu un diplôme de huitième année ont été comparés aux résultats de ceux qui s'étaient inscrits à la FBA mais qui, pour diverses raisons, n'avaient pas terminé le programme avant leur élargissement. Si les résultats obtenus n indiquent pas que les personnes inscrites à la FBA peuvent éviter la récidive, le fait de terminer une huitième année en milieu carcéral semble toutefois faciliter la réinsertion sociale de certains délinquants.

Le groupe étudié comprenait 1 736 délinquants; tous avaient participé à un programme de FBA au cours de l'année 1988, avant d'être relâchés. On a choisi des participants de 1988 de façon à disposer de suffisamment de temps pour voir s'ils récidiveraient après leur mise en liberté. Les délinquants ont été surveillés à compter du jour de leur libération jusqu'en octobre 1990, la période moyenne de suivi étant de 1,1 an. Pour la majorité des participants à l'étude (57 %), la période de suivi fut d'au moins une année et seulement 16 % d'entre eux ont été suivis pendant moins de 6 mois.

L'échantillon comprenait 899 délinquants qui avaient terminé avec succès leur huitième année, 462 qui avaient été libérés avant d'avoir terminé le programme de FBA et 375 qui avaient volontairement choisi de se retirer de la FBA avant d'avoir complété le programme. Les taux de réadmission de ces trois groupes militent clairement en faveur du programme de FBA. Comme l'indique le graphique 3, les diplômés de huitième année affichaient les meilleurs comportements en société: seulement 30,1 % d'entre eux ont été réadmis au cours de la période de suivi comparativement à 35,7 % pour ceux qui avaient été libérés avant d'avoir terminé le cours et à 41,6 % pour ceux qui s'étaient retirés du programme de FBA. Il existe donc un écart de près de 12 % entre le taux de réadmission des finissants des cours de FBA et celui de ceux s'étant retirés des cours.

Bien entendu, l'un des pièges de cette comparaison consiste à négliger le fait que les différences de comportement observées entre les deux groupes peuvent être attribuables à des caractéristiques autres que la participation aux cours de FBA. Voilà pourquoi les trois groupes ont fait l'objet de comparaisons à partir d'un certain nombre de caractéristiques prédominantes.

Les trois groupes présentaient de grandes similitudes en regard de la durée moyenne des peines (3,5 années) et de la proportion de délinquants purgeant des peines pour une infraction violente relevant de la Loi C-67 (44 %). Les finissants des cours de FBA différaient cependant des deux autres groupes par leurs antécédents carcéraux. Trente-huit pour cent de ceux qui avaient abandonné la FBA et 33 % de ceux qui avaient été mis en liberté avant d'avoir terminé les cours avaient déjà purgé des peines fédérales, contre seulement 28 % dans le groupe des finissants. On notait également des différences dans les formes de mise en liberté accordée aux trois groupes. Ceux qui avaient complété leur FBA avaient plus de chances d'obtenir une libération conditionnelle totale (33 %) que les délinquants qui avaient abandonné en cours de route (19 %) ou qui avaient recouvré leur liberté avant d'avoir terminé le programme (24 %).



Graphique 3
Graphique 3
Ces différences initiales entre les groupes permettaient de supposer que les participants à la FBA qui n'avaient pas terminé le programme pourraient être plus vulnérables à la récidive que ceux ayant suivi les cours en entier. Habituellement, le délinquant qui a déjà été incarcéré présente des risques plus élevés de récidive et ceux qui sont en liberté surveillée ont généralement des comportements moins acceptables pour la société que ceux qui bénéficient d'une libération conditionnelle totale. Pour cette raison, il est possible d'apporter des arguments disant que les participants à la FBA auront des comportements plus acceptables à la suite de leur mise en liberté, qu'ils aient ou non terminé le programme. Afin d'écarter cette hypothèse, nous avons examiné les répercussions de la FBA sur les comportements postcarcéraux après avoir procédé à des rajustements statistiques reflétant les différences initiales observées entre les trois groupes de participants.

Concernant le risque de récidive, des analyses plus poussées ont révélé que les différences constatées entre les groupes n'éliminaient pas les liens entre la FBA et les taux plus faibles de réadmission. En fait, on a découvert non sans intérêt que la FBA semblait avoir une influence plus grande sur les délinquants préalablement décrits comme présentant des risques élevés de récidive.

Le graphique 4 qui compare l'incidence de la FBA sur les cas de libération conditionnelle totale et sur les cas de liberté surveillée illustre cette constatation. Dans les cas de libération conditionnelle totale, les faibles taux de réadmission n'ont qu'un très léger rapport avec le fait d'avoir terminé une huitième année. Qu'un libéré conditionnel ait terminé ou non ses cours de FBA, qu'il ait été mis en liberté avant d'avoir terminé ou qu'il ait abandonné ses études semble avoir peu d'incidence sur la réussite de sa réinsertion sociale, s'il profite d'une libération conditionnelle totale. Par contre, dans les cas de liberté surveillée, il semble exister un lien direct entre le fait d'avoir terminé les cours de FBA et le fait de réintégrer plus tard avec succès la société. Le comportement de ce dernier groupe était moins satisfaisant que celui du groupe ayant obtenu une libération conditionnelle totale, mais les délinquants en liberté surveillée qui avaient terminé la FBA présentaient des taux de réadmission 10 % inférieurs à ceux qui avaient abandonné leurs études prématurément.



Graphique 4
Graphique 4
Cette dernière constatation va dans le sens de ce que le chercheur D.A. Andrews a appelé le principe du « risque », qui veut que les programmes correctionnels profitent davantage à ceux qui présentent les niveaux de risque les plus élevés. La constatation de répercussions favorables de la FBA sur les cas de liberté surveillée fournit des motifs additionnels d'affirmer qu'il est possible de réduire les taux de récidive en augmentant les compétences mathématiques et linguistiques de la population carcérale.

Une autre façon d'étudier les retombées de la FBA consiste à interroger directement les délinquants afin de connaître leur opinion sur les avantages des programmes de formation en établissement. En collaboration avec la Direction de la recherche et des statistiques du Service correctionnel du Canada, Stephen Duguid, de l'Université Simon Fraser, et Joel Tax de Dunfield Research et de l'Université Trent ont récemment mené une enquête de ce genre. Ils ont interviewé 38 délinquants libérés qui avaient suivi des cours de FBA alors qu'ils purgeaient des peines dans des établissements du Service correctionnel du Canada dans les régions de l'Ontario et du Pacifique. L'étude était de loin moins ambitieuse que celle sur la réadmission; de plus, les délinquants de la région du Pacifique y étaient sous-représentés. Cette recherche a cependant permis de mieux comprendre la perception des délinquants quant à l'utilité des compétences acquises grâce à la FBA ainsi que les liens qu'ils établissent entre ces compétences et les divers aspects de leur réinsertion sociale.

Environ 47 % des répondants estimaient que la FBA les avait « énormément » aidés à poser des gestes dont ils étaient incapables auparavant. Environ 30 % des répondants estimaient que les compétences acquises grâce à la FBA les avaient « beaucoup » aidés dans leurs recherches d'emploi et un autre 30 % croyaient que les cours leur avaient été d'une « certaine » utilité. Environ la moitié des délinquants qualifiaient de « très utiles » pour leur travail les compétences acquises dans le cadre du programme de FBA. Ils voyaient dans la lecture, l'écriture, l'orthographe et les mathématiques des compétences d'égale utilité dans leur travail.

Environ un tiers des délinquants ont dit que ce qu'ils avaient appris grâce à la FBA les avait « grandement» aidés dans leurs relations avec leur famille et leurs enfants et 18 % ont déclaré que la FBA les avait « grandement » aidés dans leurs relations avec leurs amis. On avait également demandé aux répondants d'évaluer dans quelle mesure les changements survenus dans leur vie au cours des cinq dernières années s'avéraient positifs. Considérant les retombées favorables, un nombre significatif de répondants (21 %) qualifiaient de très important l'apport positif de la FBA dans leur existence.

L'une des constatations intéressantes de l'étude, qui mériterait une enquête plus poussée, réside dans le rapport entre l'acquisition d'habiletés mathématiques et les autres changements survenus dans la vie des délinquants. Ceux qui se sentaient « davantage » maîtres de leur vie accordaient une cote très élevée à l'utilité des habiletés mathématiques. Il est possible que le fait d'acquérir une facilité à manipuler les chiffres soit à l'origine d'un sentiment de contrôle de soi chez les délinquants, plus grand encore que celui que confère la maîtrise de la lecture et de l'écriture. Il est également possible que les habiletés mathématiques offrent un gage de réussite sur le marché du travail d'aujourd'hui.

Nos recherches actuelles ne permettent pas encore de préciser quels éléments des programmes de FBA sont les plus utiles à la réinsertion sociale des délinquants. Les habiletés intellectuelles acquises grâce à la FBA peuvent rendre les délinquants plus aptes à résoudre les problèmes quotidiens rencontrés au sein de la collectivité. Ou encore, le fait d'avoir réussi à terminer un programme peut donner aux délinquants un sentiment d'accomplissement et une assurance qui aident certains d'entre eux à modifier positivement certains aspects de leur vie.

Les recherches menées jusqu'à ce jour ne constituent qu'une première étape permettant au Service correctionnel du Canada de répondre à certaines des questions soulevées au sujet des avantages et de l'efficacité présumés des programmes de FBA. Les résultats constatés permettent toutefois de penser qu'il faut poursuivre l'enseignement des habiletés linguistiques et mathématiques de base.