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L'incidence des milieux carcéraux sur les détenus âgés

Dans l'ensemble, les détenus âgés s'adaptent mieux aux milieux carcéraux où ils sont regroupés dans les unités résidentielles en fonction de leur âge et où la population carcérale est moins nombreuse. Cette constatation est tirée d'une d'étude traitant de l'incidence des milieux carcéraux sur les détenus âgés, entreprise en 1989 en guise de suivi à un projet de recherche mené à la State Prison of Southern Michigan (S.P.S.M.) située à Jackson, au Michigan.

Au sein de cet établissement, qui abrite quelque 6 000 détenus, les cellules sont aménagées selon deux plans : certaines cellules, disposées selon le « plan dorsal », sont situées au centre d'un couloir, ce qui donne aux détenus une vue sur les murs extérieurs des blocs cellulaires. Les autres cellules, disposées selon le « plan ouvert » courent le long des murs extérieurs; elles sont en vis-à-vis et un espace ouvert les sépare. Le plan dorsal procure plus d'intimité, mais le plan ouvert facilite l'interaction sociale (dans la mesure où les détenus peuvent se voir et communiquer à partir de leurs cellules).

Les recherches entreprises à l'origine s'intéressaient au niveau de bruit et aux besoins en matière de soins de santé des détenus selon les deux plans d'aménagement. Elles ont révélé, entre autres choses, que les blocs de cellules aménagés selon le plan dorsal étaient plus bruyants pendant plus longtemps que les blocs de cellules ouverts.

Les chercheurs ont ensuite décidé de transférer un groupe de détenus âgés de la S.P.S.M. à un autre établissement, en l'occurrence un hôpital psychiatrique inoccupé. Ce projet de suivi avait pour objet d'examiner les besoins et les exigences de ces détenus en matière de soins de santé, de même que l'incidence qu'aurait sur eux ce changement de milieu.

Le nouvel établissement se trouvait à Ionia, au Michigan; il a été aménagé dans le cadre d'un programme visant à loger des détenus âgés ayant des besoins spéciaux dans un établissement qui justement conviendrait mieux à leurs besoins. En plus de dortoirs aux lits superposés, l'établissement comptait des chambres individuelles aux deux étages. Les détenus étaient libres d'ouvrir et de fermer leur fenêtre (chaque chambre en ayant une) et de régler le chauffage puisque les chambres étaient aussi équipées de radiateurs individuels et d'une porte pleine. Une cour clôturée réservée aux détenus âgés jouxtait l'établissement. Comme on pouvait s'y attendre, le milieu correctionnel résultant de cet aménagement différait de celui de l'établissement S.P.S.M.

Quarante et un hommes, âgés en moyenne de 62 ans, ont participé à l'étude. Quarante pour cent des détenus purgeaient des peines durant entre un et deux ans tandis que 46 % de plus purgeaient des peines de dix ans ou plus. Les détenus condamnés à une peine moins longue avaient purgé, en moyenne, près d'un tiers de leur peine; les détenus emprisonnés à long terme n'avaient purgé que 14,6 % de leur peine en moyenne. Près de la moitié des détenus avaient été reconnus coupables de meurtre ou d'homicide. Quatre-vingt-trois pour cent des détenus étaient atteints d'au moins un problème de santé chronique et près de la moitié en avaient trois ou plus.

Les détenus ont pris part à des entrevues structurées explorant trois domaines clés : leur bien-être en général, leur impression sur le changement de milieu et des questions ouvertes visant à souligner ce qui influence la perception qu'ont les détenus du changement. A l'époque où eurent lieu les entrevues, les détenus passaient en moyenne deux mois à l'établissement d'Ionia.

Aux questions concernant leur bien-être en général, 69 % des détenus ont répondu que leur disposition s'était améliorée depuis le déménagement; seulement neuf pour cent des détenus ont déclaré que leur humeur s'était assombrie depuis leur arrivée. La fréquence des confrontations et des incidents a diminué dans le cas d'un quart des détenus. Trente-six pour cent des détenus ont indiqué que bien qu'ils n'eussent pas eu d'amis proches durant leur incarcération à la S.P.S.M., ils avaient forgé au moins une amitié solide depuis leur arrivée au nouvel établissement. Ce fait est d'autant plus révélateur qu'en moyenne, les détenus n'avaient passé que deux mois à Ionia par rapport à deux ou trois ans à la S.P.S.M.

Quant à leurs impressions au sujet de leur nouveau milieu, les détenus ont signalé une amélioration de leurs rapports avec les autres; ils se sont aussi déclarés satisfaits du degré d'intimité dont ils disposaient, et de l'aménagement des cellules, des chambres et des salles communes, quoique à ce chapitre, le changement n'ait pas été jugé considérable. Par contre, la participation aux activités religieuses a nettement diminué, de même que le nombre de visites d'amis et de la famille.

Les questions ouvertes ont permis de faire ressortir ce que les détenus préféraient à Ionia. Ainsi, 63 % des détenus préféraient le cadre physique à Ionia, c'est-à-dire la propreté et la disposition des lieux (salle commune, chambre, fenêtres, portes). Quatorze pour cent des détenus ont déclaré qu'ils préféraient le personnel d'Ionia à celui de la S.P.S.M. Pas loin de la moitié des détenus (45 %) ont mentionné qu'ils appréciaient la compagnie de détenus de leur âge. Seize pour cent des détenus ont ajouté qu'on leur cherchait moins souvent noise et qu'ils se sentaient davantage en sécurité à Ionia; la même proportion de détenus ont déclaré qu'ils aimaient le calme qui régnait à Ionia.

Lorsqu'on leur a demandé ce qui leur plaisait le moins, 55 % des détenus ont mentionné la perte du « statut privilégié », ou le gain de certains privilèges pour bonne conduite et pour avoir purgé une partie importante de leur peine sans anicroche. Vingt-et-un pour cent des détenus ont déclaré qu'Ionia leur plaisait à tous points de vue.

Les chercheurs ont constaté une augmentation temporaire de la demande de soins de santé après le transfert à Ionia; toutefois, d'autres indicateurs du bien-être des détenus ont reflété une nette amélioration. Ces observations témoignaient du bien-fondé d'une politique de regroupement des détenus par âge et de l'amélioration de leur milieu physique. De nombreuses suggestions visant l'amélioration des conditions de vie des détenus âgés ont été formulées à partir de ces observations:
  • le regroupement par âge des détenus dans les unités de logement, puisque cela semble ajouter un élément de sécurité personnelle;
  • l'aménagement d'espaces résidentiels de plain-pied pour les détenus âgés, car les divers problèmes de santé chroniques dont ils sont atteints limitent souvent leurs mouvements;
  • l'aménagement de locaux, au sein de l'unité de logement ou à proximité, réservés aux examens médicaux routiniers et à la prestation de services médicaux;
  • l'installation d'une porte dans chaque chambre, pour respecter l'intimité des détenus âgés et les sécuriser;
  • la réduction des mesures de sécurité comme les dispositifs carcéraux imposants et la construction à toute épreuve dans les logements destinés aux détenus âgés puisque la plupart d'entre eux ne sont ni hostiles ni agressifs.


Ernest O. Moore. "Prison Environments and Their Impact on Older Citizens". Journal of Offender Counseling, Services & Rehabilitation, 13, (1989, 2): pp. 175-191.