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L'Office of Research and Evaluation (ORE) du Federal Bureau of Prisons des Etats-Unis

Un des tours de force que doivent réussir les chercheurs dans le domaine correctionnel est de concilier des exigences divergentes. D'une part, les gestionnaires des services correctionnels ont besoin de connaître sur le champ les résultats des évaluations, des opérations et des programmes correctionnels. En revanche, une bonne évaluation exige beaucoup de temps.

Depuis la fin des années 1950, époque où le régime carcéral fédéral a créé un organisme voué exclusivement à la recherche, les chercheurs dans le domaine correctionnel fédéral cherchent à trouver un moyen de satisfaire les besoins des gestionnaires des services correctionnels sans rien sacrifier à la qualité des recherches.

Cet article rend compte de l'évolution de l'
Office of Research and Evaluation (ORE) du Federal Bureau of Prisons (BOP) des États-Unis, de son mandat et du rôle qu'il joue dans le domaine dans la recherche. Petite histoire de l'ORE En 1959, à la suite d'une mémorable enquête sur le secteur correctionnel fédéral demandée par la Ford Foundation et dirigée par Daniel Glaser, qui était au service de l'University of Illinois à l'époque, le régime carcéral fédéral s'est doté d'un organisme de recherche.

En 1964, les résultats de l'enquête ont parus dans un ouvrage intitulé The Effectiveness of a Prison and Parole System. L'avant-propos de cet ouvrage, rédigé par Robert F. Kennedy, procureur général des États-Unis, soulignait l'intérêt soulevé par ce «nouveau » genre d'évaluation: « [ce projet] constitue un grand pas en avant dans le secteur correctionnel américain, caractérisé par le recours à des méthodes analytiques de sciences sociales pour étudier le plus vaste et le plus avancé des régimes correctionnels du monde ».

Quoique le régime carcéral fédéral eût jusqu'alors conservé des statistiques sur les détenus, l'enquête Glaser a provoqué une restructuration du service de statistiques, qui a été remplacé par une direction de la recherche et des statistiques.

L'élargissement du rôle de la recherche au sein du régime carcéral fédéral a coïncidé avec le moment où la réadaptation s'est imposée comme l'un des principaux objectifs des services correctionnels.

À la fin des années 1960 et au début des années 1970, le BOP comptait parmi les rares organismes correctionnels qui mettaient à l'épreuve des programmes de réadaptation, et l'ORE faisait partie intégrante de cet effort. À cette époque, l'ORE se consacrait principalement à l'évaluation de programmes de réadaptation dans le but de montrer comment ceux-ci avaient réussi à changer la vie des détenus.

Cette période était dominée par l'optimisme et l'espoir que soulevait la perspective d'un nouveau traitement et d'une formation susceptibles d'améliorer la vie des détenus, et le fait que la recherche permettrait de trouver les méthodes de réadaptation les plus efficaces. Des études portèrent sur divers programmes d'études et de formation professionnelle, sur les permissions de travailler ou d'étudier dans la collectivité, sur les maisons de transition, sur la gestion par unité, sur l'orientation individuelle ou collective et sur les programmes liés à la consommation de drogue et d'alcool. Des établissements intégraux, comme l'établissement à sécurité maximale d'Alcatraz et le programme pour les adolescents et les jeunes adultes de Morgantown (Virginie occidentale), furent également sondés.

Quoique d'autres projets furent mis en oeuvre à cette époque, comme les projections démographiques, l'attention était principalement focalisée sur l'évaluation des programmes.

L'ORE jouait alors le rôle d'une administration centrale qui détachait des chercheurs au sein d'établissements clés. Les scientifiques étaient chargés d'étudier sur place ce qui se passait dans les établissements. On envisagea même de créer un poste permanent de chercheur au sein de chaque établissement relevant du BOP, mais ce projet ne devait pas se concrétiser.

Entre le milieu et la fin des années 1980, l'ORE changea d'orientation institutionnelle et opta pour une structure centralisée. L'administration centrale rappela tous les chercheurs qu'elle avait délégués. Ce mode de fonctionnement est encore employé par l'ORE de nos jours. En effet, l'ORE effectue la plupart de son travail à partir de son quartier général, à Washington, D.C. Elle exploite quelques installations de recherche sur le terrain, notamment à l'établissement à sécurité maximale de Marlon (Illinois), à l'établissement de Butner (Caroline du Nord) où se trouvent de nombreux détenus ayant besoin de services de santé mentale, et à plusieurs endroits où des programmes de traitement des toxicomanes sont à l'essai. L'ORE aujourd'hui - sa mission et ses projets Les rangs du personnel de recherche ont considérablement grossi depuis les débuts de l'ORE. Aujourd'hui, l'ORE emploie quelque 35 analystes et employés de soutien.

La nature des projets de recherche entrepris par l'organisme a également changé. Dans un récent rapport présenté au directeur du BOP, l'ORE énonçait sa mission en ces termes : « par le biais de la recherche en sciences sociales, compiler et diffuser de l'information sur les questions de l'heure qui se posent dans le secteur correctionnel».

D'après ce rapport, l'ORE s'occupe principalement d'effectuer des études sur la recherche d'évaluation et fondamentale, de mettre au point et d'exploiter des systèmes d'information, de rédiger et de publier des rapports, de répondre aux demandes d'information qui lui sont adressées et de fournir une aide technique. Projets de recherche d'évaluation Plusieurs projets d'envergure sont inscrits au programme de recherche d'évaluation de l'ORE, notamment une évaluation pluriannuelle des programmes de traitement des toxicomanes (TRIAD), une évaluation du programme d'incarcération choc (camp de type militaire) du BOP, une enquête sur l'efficacité de la détention à domicile avec surveillance électronique, et une enquête sur le rapport entre l'expérience de travail en établissement et la récidive.

Le projet TRIAD, qui est financé en partie par une subvention de 2,7 millions de dollars du National Institute on Drug Abuse, assure le suivi de détenus toxicomanes durant le traitement, après le traitement et pendant un temps après la mise en liberté. Les chercheurs s'intéressent particulièrement à la participation des détenus aux programmes de traitement de la toxicomanie par le biais de la surveillance des programmes de cette nature offerts dans huit unités et en effectuant des comparaisons avec des programmes de traitement ambulatoires, des programmes d'un autre genre et l'ensemble de la population carcérale.

Les chercheurs désirent identifier les circonstances et les mesures qui provoquent un changement ainsi que les facteurs qui suscitent chez une personne le désir de changer, de s'assumer et d'acquérir des habiletés d'adaptation. Ils veulent en effet mettre au point des méthodes qui donneront au délinquant l'envie de changer et qui permettront d'améliorer l'efficacité des programmes en vigueur et d'étayer la mise au point de démarches innovatrices.

L'Intensive Confinement Center (ICC) à Lewisburg (Pennsylvanie), programme d'incarcération choc du BOP, est un établissement à sécurité minimale pouvant accueillir 192 détenus. Depuis le mois de novembre 1990, l'ICC est pourvu d'un programme adapté qui équilibre un régime militaire avec les valeurs traditionnelles du BOP. Les détenus qui satisfont aux conditions de participation suivent le programme de l'ICC pendant une période déterminée pouvant atteindre six mois.

Outre ses autres composantes, le programme comprend un système de sanction équitable, un programme quotidien d'entraînement physique rigoureux, des exercices et des parades militaires, des affectations de travail, un programme de formation pour adultes, de formation professionnelle et d'enrichissement des habiletés professionnelles et un programme de mise en valeur de l'attitude individuelle positive et de l'estime de soi.

Le programme de l'ICC comprend aussi une composante liée à la collectivité. Ainsi, après la libération du détenu, son agent de probation doit remplir des formulaires qui rendent compte de l'adaptation du détenu à la surveillance au sein de la collectivité. L'ORE étudie le programme pour voir dans quelle mesure les détenus qui y participent sont plus ou moins susceptibles de récidiver ou d'enfreindre une des conditions de leur mise en liberté. L'ORE envisage aussi de se renseigner sur le coût du programme pour pouvoir le comparer au coût de programmes correctionnels conventionnels.

Une autre vaste étude d'évaluation entreprise par l'ORE porte sur la faisabilité de la détention à domicile avec surveillance électronique. Au mois de janvier 1988, le BOP, l'U.S. Parole Commission et le Federal Probation System ont mis en oeuvre un programme pilote, le Community Control Project (CCP). L'évaluation de l'ORE portera sur le taux de récidive et de consommation de drogue et les caractéristiques d'emploi des participants libérés par le biais du CCP, comparativement aux détenus libérés dans des maisons de transition.

Dans le cadre du projet d'emploi postlibératoire (PREP), l'ORE évalue l'incidence de l'expérience de travail industriel et de la formation professionnelle sur la mise en liberté réussie, qui est caractérisée par la baisse des taux de récidive. Entre 1983 et 1987, des données ont été compilées sur plus de 7 000 détenus. D'après les résultats préliminaires, les détenus qui participent aux programmes visés par le projet, comparativement à ceux qui ne le font pas, sont plus susceptibles de travailler, d'être mieux payés et de ne pas récidiver après leur libération. Recherche fondamentale Aux fins de planification, les gestionnaires du BOP doivent pouvoir prévoir l'évolution démographique de la population carcérale, surtout maintenant, alors qu'elle connaît un essor phénoménal. L'ORE continue donc de travailler à la mise au point d'un prototype intégré de projection de la population carcérale.

Dans le cadre de ce travail, l'ORE compile et incorpore trois éléments liés:
  • des données fournies par d'autres organismes de justice fédéraux sur l'évolution des arrestations et des condamnations des détenus sous juridiction fédérale ainsi que des peines qui leur sont imposées; les rajustements dus à l'incidence des lignes directrices sur la détermination de la peine;
  • des données annuelles du BOP sur les cohortes incarcérées et libérées.
En attendant que ce prototype intégré soit terminé, l'ORE se sert d'une version simplifiée du troisième élément pour établir une projection annuelle de la population carcérale et de versions préliminaires des premier et deuxième éléments pour faire des projections quinquennales.

Le système de désignation du niveau de sécurité ou de classement du niveau de garde, dont la mise au point a débuté au mois de décembre 1989, est un autre projet qui intéresse beaucoup les gestionnaires du BOP. Ce nouveau système, qui a entraîné la modification des catégories et de la méthode de classement employées par le BOP, a été mis en oeuvre en février 1991. L'ORE a largement participé au contrôle de la validité de cet outil de classement, notamment en surveillant la mise en oeuvre du système et en suivant l'évolution de la population carcérale durant les six mois qui ont suivi l'entrée en vigueur de la nouvelle politique.

L'examen des études sur les traitements employés en réadaptation est un autre domaine dans lequel l'ORE effectue de la recherche fondamentale. Il cherche par là à aider ses analystes à mieux conseiller les gestionnaires de programmes correctionnels sur les façons d'améliorer la qualité des programmes. Élaboration et exploitation des systèmes d'information La mise au point du Key Indicators/Strategic Support System (KI/SSS) est un excellent exemple des efforts déployés par l'ORE au chapitre des systèmes d'information. Le KI/SSS a été mis au point parce que les administrateurs du BOP devaient pouvoir compiler et consulter, par le biais d'un seul système, le vaste fonds de données électroniques résultant des diverses activités du BOP.

Auparavant, ces gestionnaires devaient soit transmettre une demande d'information précise à ceux qui avaient accès aux sources de données à consulter, puis attendre une réponse, soit s'en remettre aux sommaires statistiques qui paraissaient régulièrement. Le KI/SSS a été mis au point pour donner aux administrateurs un accès autonome aux données et pour écourter le temps d'obtention d'information aux fins décisionnelles.

À l'heure actuelle, les gestionnaires peuvent consulter les indices clés par le biais de micro-ordinateurs installés dans 90 bureaux du BOP. Le KI/SSS permet aux gestionnaires de se tenir au fait de l'évolution des caractéristiques de la population carcérale et du personnel des établissements correctionnels et des tendances de gestion financière et d'exploitation institutionnelle. Ce système est destiné à devenir l'épine dorsale de la gestion interne et du contrôle au sein du BOP; il finira par faire partie intégrante de pratiquement toutes les fonctions exercées par le BOP.

Quoique la mise au point des indices clés ait demandé beaucoup de temps et de travail aux analystes et aux programmeurs, le système a considérablement écourté le temps que le personnel passe à effectuer des recherches pour répondre à des questions de routine sur les activités du BOP.

Un des indices clés du KI/SSS -sorte de mini-système d'information à lui seul - est l'information recueillie dans le cadre de l'enquête sur l'ambiance sociale dans les prisons, qui se déroule chaque année depuis 1988. L'opinion d'un échantillon représentatif du personnel du BOP est sondée chaque année. L'enquête s'intéresse à quatre domaines assez vastes : la santé et la sécurité individuelles, la qualité de vie, le milieu de travail et le bien-être individuel.

Pour les gestionnaires, l'enquête est une source d'information sur la perception qu'ont les employés de leur travail, du milieu de travail et du BOP en tant qu'organisme. Généralement, les résultats de l'enquête sont diffusés par le biais des indices clés dans les deux mois suivant la réception des données par l'ORE. Les variables mesurées par l'enquête sont un élément central du KI/SSS; elles rendent compte, par le biais d'une évaluation subjective, de l'ambiance dans les prisons, complétant ainsi les évaluations objectives déjà fournies par le système. Diffusion d'information et soutien technique L'ORE reconnaît l'importance de rapprocher les chercheurs et les praticiens et de veiller à ce que les résultats des recherches parviennent à ceux qui peuvent en tirer parti, tant au sein du BOP qu'à l'extérieur. Il publie donc des articles dans des bulletins internes, comme son Federal Prisons Journal et le Research Forum du BOP, ainsi que dans certains périodiques, comme Federal Probation, dans le but de communiquer les résultats de ses recherches à tout le personnel du BOP.

En plus, en publiant des articles dans des journaux spécialisés bien établis comme l'American Journal of Sociology, le Journal of Research in Crime and Delinquency et l'Annual Review of Crime and Justice, l'ORE réussit à joindre un public encore plus nombreux.

Par ailleurs, l'ORE fournit un soutien technique aux gouvernements des états et locaux, aux régimes correctionnels et, dans certains cas, à d'autres pays. Par exemple, l'ORE a aidé le Service correctionnel du Canada à mettre au point un système d'indices clés, le système d'enquête sur la population carcérale. Il est déjà arrivé à l'ORE de conseiller des organismes locaux et d'état sur des questions comme l'évolution de la population carcérale et le classement des détenus. Conclusion Quoique au fil des ans, les attentes de différents administrateurs du BOP à l'égard de l'ORE aient varié, l'ORE jouit à l'heure actuelle de l'appui des plus hauts échelons de la direction du BOP. Ces administrateurs préconisent la prise de décisions judicieuses fondées sur les faits, et ils apprécient l'utilité de la recherche à ce chapitre. En cette période marquée par l'austérité et la baisse des revenus, ces administrateurs comptent sur l'ORE pour étayer leur processus décisionnel. En outre, dans la mesure où les activités du BOP dépendent en grande partie d'une gestion efficace de l'information, il n'est pas étonnant que bon nombre d'employés de l'ORE soient mutés à des postes de direction au sein de l'organisme où ils prennent en charge leurs nouvelles fonctions, forts de l'estime qu'ils ont pour les chercheurs et de la volonté de travailler avec ces derniers.