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La Nova Scotia Sexual Behaviour Clinic (NSSBC) : évaluation, du 1er septembre 1990 au 31 mars 1991
Fondée avec 105 000 dollars et un contrat de sept mois passé entre le Service
correctionnel du Canada et Saint Mary's University, la Nova Scotia Sexual Behaviour Clinic (NSSBC)
offrait aux délinquants sexuels des sociothérapies et des thérapies individuelles
suivant le modèle cognitiviste. Les participants au programme subissaient une batterie de tests
d'évaluation psychologique avant et après le traitement dans le cadre de ce programme
communautaire. Les résultats des tests indiquaient une amélioration marquée du
comportement et des attitudes et une diminution des distorsions cognitives, conformément aux
objectifs visés, et aucun changement important des comportements non visés. Par des contacts étroits avec les organismes d'exécution, les tribunaux et le Service correctionnel du Canada, il a été possible de confirmer qu'aucun des 16 délinquants traités dans le cadre du programme n'avait commis d'infraction à la date d'échéance du contrat de sept mois. Une période de suivi supplémentaire, d'une durée de cinq mois, n'était marquée d'aucune infraction. Trois délinquants, considérés courant un fort risque de récidive, mais qui n'ont pas reçu de traitement dans le cadre du programme, ont rechuté. *Professeur, département de psychologie, Saint Mary's University. **Service correctionnel du Canada, district de la Nouvelle-Ecosse. ***Instructeur, département d'éducation physique, Saint Francis Xavier University. La NSSBC avait pour principal objectif de réduire le risque de rechute chez les délinquants sexuels notoires. Les autres objectifs de la NSSBC étaient les suivants :
Afin que le programme soit appuyé et que les intéressés soient informés du rôle et des objectifs de la NSSBC, de nombreux exposés ont été organisés à l'intention des psychologues, des agents de gestion de cas et des agents de libération conditionnelle du Service correctionnel du Canada, des juges de cours de comté, des professionnels de la santé des hôpitaux locaux, des avocats, des agents de police et des représentants de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Le contrat octroyait à la NSSBC les fonds nécessaires pour évaluer 39 délinquants et mener à bien trois cycles de sociothérapie d'une durée de 16 semaines. Évaluation Les délinquants sexuels ne sont pas tous pareils(1). Il n'a pas été possible d'isoler un facteur quelconque qui soit la cause implicite de tous les types d'infraction sexuelle, ni même qui soit commun à ces types d'infractions. En fait, dans un seul sous-type d'infraction sexuelle, on retrace divers facteurs psychologiques. La NSSBC a renoncé à employer des critères qui ne font qu'établir une distinction entre délinquants et non-délinquants. L'évaluation entreprise par la NSSBC avait plutôt pour but de fournir une description complète du délinquant et des circonstances menant à l'infraction. Ces renseignements sont utiles pour aider le délinquant à se comprendre, estimer le risque de récidive, guider le choix des options de traitement et évaluer les effets du traitement. La plupart des participants ont fait l'objet d'une évaluation durant 18 heures.
Un progiciel et du matériel hautement perfectionnés ont servi à contrôler les changements de taille du pénis (dont la réaction minimale et maximale du délinquant et le temps mis par le détenu pour se «remettre» de l'excitation) selon la nature de la stimulation sexuelle (p. ex. enregistrement vidéo et sonore, diapositives) qui variait du point de vue du type d'excitation sexuelle et de l'âge et du sexe des sujets. Le programme permettait aussi de consigner des renseignements personnels concernant le sujet (p. ex. situation professionnelle, antécédents, quotient intellectuel).
Les délinquants ont été mis au fait avant que les résultats de l'évaluation ne soient diffusés. Des rapports détaillés ont été fournis au Service correctionnel du Canada et aux autres organismes concernés. Traitement L'évaluation et le traitement étant considérés indissociables, tous les délinquants ont été évalués avant que ne débute le traitement. Une fois l'évaluation terminée, certains éléments du traitement, par exemple la façon de contrer le déni de la réalité, étaient mis en train. En outre, l'évaluation était mise à jour régulièrement durant le traitement. Le contrat prévoyait l'octroi de fonds pour trois cycles de sociothérapie d'une durée de 16 semaines. Ces sociothérapies, qui duraient environ trois heures, avaient lieu une fois la semaine. Deux thérapeutes rencontraient six à dix participants à chaque séance. La NSSBC préférait que chaque séance soit dirigée par un homme et une femme: le premier groupe était dirigé par deux hommes, un travailleur social et un agent de libération conditionnelle, tandis que le deuxième et le troisième groupes étaient dirigés par un psychologue et une agente de libération conditionnelle. Les conditions, les attentes et les lignes directrices concernant le groupe étaient clairement expliquées aux délinquants. Chaque participant devait signer un contrat de traitement stipulant ses obligations et celles des thérapeutes ainsi que les lignes directrices en matière de confidentialité. Les participants étaient avisés que leur agent de libération conditionnelle serait mis au courant s'ils commettaient des voies de fait ou participaient à d'autres activités criminelles, s'ils prévoyaient commettre des voies de fait, s'ils manquaient une réunion sans bonne excuse avec documents à l'appui, s'ils ne prenaient pas une part active durant les séances, s'ils faisaient montre d'un changement d'état mental significatif du point de vue clinique, s'ils manifestaient le désir de se suicider, s'ils se présentaient à une séance en état d'intoxication ou s'ils enfreignaient une condition d'abstinence. Le traitement comprenait sociothérapie et thérapie individuelle, la thérapie cognitiviste générale(5) et la prévention de la rechute(6), toutes clairement axées sur le comportement sexuel. De par sa conception, le programme ne visait pas toutes les préoccupations relevées au cours de l'évaluation. Par exemple, si le détenu était toxicomane, on l'envoyait à un organisme pertinent, par exemple Metro Drug Dependency ou Alcooliques Anonymes. Le traitement avait pour principaux objectifs de:
Les délinquants apprennent à reconnaître comment ils se comportent lorsqu'ils s'apprêtent à commettre une infraction et ils mettent au point des plans précis pour modifier leur comportement. Pour certains délinquants, il peut tout simplement s'agir d'appeler un ami lorsqu'ils se sentent seuls et de rencontrer cette personne pour prendre un café. Une des étapes de l'élaboration d'un bon plan de prévention de la rechute est la rédaction de cartes de rechute qui listent différents recours. Les délinquants devraient en tout temps conserver ces cartes à portée de la main afin de mettre régulièrement en pratique des recours et de rapporter les problèmes qu'ils ont éprouvé à se servir des cartes. Les agents correctionnels et les proches des délinquants étaient mis au courant de l'existence des cartes et on leur demandait de les revoir régulièrement avec les délinquants. En plus de suivre le traitement susmentionné, trois délinquants prenaient des médicaments. Deux d'entre eux prenaient une drogue pour réduire la poussée sexuelle et l'autre prenait un neuroleptique. Un groupe de soutien à long terme pour les détenus qui avaient suivi le traitement dans le cadre du programme relevait également de la NSSBC. Ce groupe se réunissait une fois par mois, pendant environ trois heures. Évaluation Le succès du programme a été évalué en retrouvant les délinquants et en retraçant l'incidence d'infractions sexuelles, d'infractions non sexuelles, d'infractions en droit strict de la libération conditionnelle entraînant l'incarcération et d'infractions en droit strict de la libération conditionnelle n'entraînant pas l'incarcération. Ces renseignements ont été fournis par le Service correctionnel du Canada et d'autres organismes d'exécution. Aucun détenu traité à la NSSBC n'a commis d'infraction sexuelle ou non sexuelle depuis la fin du traitement. Seulement un délinquant, condamné plusieurs fois pour viol, a été suspendu pour avoir enfreint les règlements de la maison de transition. Aucun autre délinquant n'a enfreint la libération conditionnelle. Trois délinquants, évalués et jugés comme posant risque élevé, mais qui n'ont pas suivi de traitement, ont commis d'autres infractions: deux d'entre eux ont commis des infractions sexuelles et l'autre a perpétré un vol. Dans la plupart des cas, les tests administrée durant l'évaluation ont révélé des troubles de comportement et de mentalité et de distorsions cognitives quant à la perception de l'infraction. Le traitement prévu pour chaque délinquant visait des déficits intellectuels, comportementaux ou psychologiques précis. Les délinquants qui ne montraient pas d'amélioration en sociothérapie devaient soit subir une autre évaluation, soit suivre une thérapie individuelle ou d'autres séances de sociothérapie; parfois, aussi, on les renvoyaient à un autre organisme. Douze des 16 délinquants ont dû suivre en moyenne 13,3 séances de thérapie individuelle, quatre d'entre eux ont dû faire un second cycle de sociothérapie et six autres ont été renvoyés à des psychiatres. Tous les délinquants ont subi, après le traitement, des tests d'évaluation de la psychopathologie, de l'estime de soi, de l'anxiété en contexte social et de la capacité à former des relations intimes, adultes et saines. Seul le sous-groupe des pédophiles comptait plus de cinq délinquants. En conséquence, les résultats des tests avant et après le traitement ne sont consignés que pour ce groupe de 10 pédophiles. Divers tests après le traitement ont été effectués une fois que les délinquants dûrent terminé la sociothérapie (voir le tableau). Tableau
Les délinquants ont parfois tendance à montrer des changements positifs selon les tests administrés après le traitement alors qu'en réalité, aucun changement ne s'est produit. Pour juger la véracité de cette tendance, on administre le test d'hostilité à l'endroit des femmes (HTW) qui évalue les attitudes non visées dans le cadre du traitement. Justement parce que le test évaluait des attitudes qui ne l'avaient pas été auparavant, aucun changement des résultats obtenus avant et après le traitement n'était prévu, le principe étant que si les délinquants montraient une amélioration d'après cette échelle, il y aurait lieu de questionner la validité des changements reflétés par d'autres échelles. Règle générale, les résultats reflètent une amélioration quant aux attitudes visées [ABC, ATW, SRI (sous-affirmation), SSEI, SADS et WIQ] et aucun changement dans les attitudes non visées (HTW). Quoique les résultats obtenus correspondent bien aux prévisions, des différences statistiques marquées quant aux résultats des tests effectués avant et après le traitement n'ont été relevées que dans le cas de l'échelle de distorsion cognitive Abel-Becker (ABC), de l'échelle des attitudes à l'endroit des femmes (ATW) et de l'inventaire des réactions sociales (SRI). En plus d'évaluer et de tester les délinquants, la NSSBC a atteint d'autres objectifs : des liens étroits ont été tissés avec les établissements correctionnels provinciaux et fédéraux: deux agents correctionnels ont reçu une formation pratique intensive. De façon générale, le nombre de services offerts aux délinquants sexuels a augmenté. Aussi un étudiant, après avoir participé au projet, s'est inscrit au programme de psychologie judiciaire de l'University of British Columbia. Résumé Les principales caractéristiques de la NSSBC sont l'évaluation rigoureuse des détenus, le lien entre l'évaluation et le traitement, l'interaction du personnel spécialisé et du personnel du Service correctionnel du Canada dans le cadre de la prestation de services, l'évaluation suivie du changement, la vitesse à laquelle les préoccupations sont communiquées au Service correctionnel du Canada et les réponses obtenues et la diversité des stratégies d'intervention employées, y compris le renvoi du délinquant à d'autres professionnels de la santé pour qu'il suive un traitement. (1)Solliciteur général du Canada. (1990). « Gestion et traitement des délinquants sexuels. Rapport du Groupe de travail sur le traitement des délinquants sexuels.». Ottawa, ministère des Approvisionnements et Services. Voir aussi R. Langevin, P. Wright et L. Handy. (1989). « Characteristics of Sex Offenders Who Were Sexually Victimized as Children », Annals of Sex Research, 2, 227-253. (2)La description de l'évaluation phallométrique fournie ici est courte et relativement simpliste. On peut obtenir une description plus complète du processus et de la méthode d'évaluation technique employés par la clinique et mis au point par celle-ci. Prière de s'adresser à la Nova Scotia Behaviour Clinic au (902) 492-2489. (3)R. Langevin. (1988). Sexual Preference Testing. Toronto: Juniper Press. Voir aussi K. Freund et R. Blanchard. (1989). « Phallometric Diagnosis of Pedophilia », Journal of Consulting and Clinical Psychology, 57, 1, 100-102. Et voir K. Freund, R. Watson et D. Rienzo. (1988). « Signs of Feigning in the Phallometric Test », Behavior Research and Therapy, 26, 2, 105-112. (4)R. Langevin. (1990). « Proposal for a New Treatment Program of Sex Offenders on Release in the Toronto Area ». Rapport non publié. (5)W.L. Marshall et H.E. Barbaree. (1988). « A Manual for the Treatment of Child Molesters ». Manuscrit non publié, Département de psychologie, Queen's University, Kingston (Ontario). Voir aussi W.L. Marshall, P. Johnston, T. Ward et R. Jones. (1990). « A Cognitive/Behavioral Approach to Treatment of Incarcerated Child Molesters: The Kia Marama Program ». Manuscrit non publié. Et voir W.L. Marshall et H.E. Barbaree. (1990). « An Integrated Theory of the Etiology of Sexual Offending », dans W.L. Marshall, D.R. Laws et H.E. Barbaree (Éds), Handbook of Sexual Assault: Issues, Theories and Treatment of the Offender. New York: Guilford Press, 257-271. (6)G.A. Marlatt. (1982). « Relapse Prevention: Theoretical Rationale and Overview of the Model », dans R.B. Stuart (Éd.), Adherence, Compliance and Generalization in Behavioral Medicine. New York: Brunner/Mazel, 3-70 et 329-378. Voir aussi G.A. Marlatt et J.R. Gordon. (1985). Relapse Prevention: Maintenance Strategies in the Treatment of Addictive Behaviors. New York: Guilford Press. Voir aussi G.A. Marlatt et JR. Gordon. (1980). « Determinants of Relapse: Implications for the Maintenance of Behavior change », dans P.O. Davidson et S.M. Davidson (Éd.), Behavioral Medicine: Changing Health Lifestyles. New York: Brunner/Mazel. Voir aussi W.D. Pithers. « Relapse Prevention with Sexual Aggressors: A Method for Maintaining Therapeutic Gain and Enhancing External Supervision », dans W.L. Marshall, D.R. Laws et H.E. Barbaree (Ed.), Handbook of Sexual Assault: Issues, Theories and Treatment of the Offender, 343-360. Et voir W.D. Pithers, J.K. Marques, C.C. Gibat et G.A. Marlatt. (1983). « Relapse Prevention with Sexual Aggressives: A Self Control Model of Treatment and Maintenance of change », dans J.G. Greer et L.R. Stuart (Ed.), The Sexual Aggressor: Current Perspectives on Treatment New York: Van Nostrand Reinhold company, 214-239. |