Service correctionnel du Canada
Symbole du gouvernement du Canada

Liens de la barre de menu commune

FORUM - Recherche sur l'actualité correctionnelle

Avertissement Cette page Web a été archivée dans le Web.

La révision judiciaire : qu'en est-il et comment touche-t-elle le secteur correctionnel fédéral?

Il y a près de 16 ans, en juillet 1976, le projet de loi C-84 a été adopté par le Parlement. Dès lors, les dispositions de la révision judiciaire aux fins de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle étaient stipulées à l'article 745 du Code criminel du Canada. L'adoption de cette loi a entraîné l'abolition de la peine de mort et l'a remplacée, pour le meurtre au premier degré et la haute trahison, par une peine d'emprisonnement à perpétuité obligatoire avec délai préalable de 25 ans à la libération conditionnelle, et de 10 à 25 ans pour meurtre au deuxième degré. (Le délai préalable à la libération conditionnelle correspond au nombre d'années que doit purger un délinquant avant de pouvoir bénéficier d'une libération conditionnelle.)

La révision judiciaire crée une exception à certaines des périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Ainsi, un délinquant coupable de haute trahison ou de meurtre au premier ou au deuxième degré qui a purgé au moins 15 ans de sa sentence peut présenter une demande pour obtenir une réduction du nombre d'années qu'il doit purger avant de devenir admissible à la libération conditionnelle. Cette disposition est prévue par l'article 745 du Code criminel. La demande de réduction du délai préalable à la libération conditionnelle doit être présentée au juge en chef de la province ou du territoire où a été prononcée la déclaration de culpabilité. Cette demande est entendue par un jury constitué à cette fin qui peut alors décider de réduire le nombre d'années que doit purger le délinquant avant d'être admissible à la libération conditionnelle.



Tableau 1
Délai préalable à la libération conditionnelle totale
pour les délinquants inculpés de meurtre
Emprisonnment à perpétuité pour
meutre avant le 4 janvier 1968
7 ans

Emprisonnment à perpétuité pour meutre du 4
janvier 1968 au 1er Jan 1974

Emprisonnment à perpétuité : peine de mort
commutée avant le 1er Jan 1974

10 ans

Emprisonnment à perpétuité pour meutre du 1er
janvier 1974 au 26 juillet 1976

Emprisonnment à perpétuité: peine de mort
commutée entre le 1er janvier 1974 au 26 juillet 1976

10 - 20 ans; possibilité de
révision judicaire aprés15 ans

Emprisonnment à perpétuité: peine de mort non
commutée au 26 Juillet 1976

Emprisonnment à perpétuité pour meutre au
premier degré au 26 juillet 1976 ou aprés

25 ans; possibilité de révision
judicaire aprés 15 ans
Emprisonnment à perpétuité pour meutre au
deuxiéme degré au 26 juillet 1976 ou aprés
10 - 25ans; possibilité de
révision judicaire aprés 15 ans
Source: Services correctionnel du Canada et Commission nationale des libération
conditionnelles. (1991) Corrections Conditional Release and Detention: A Statistique
Overview, Ottawa, Soliciteur général du Canada

Chiffres

Au mois de février 1991, il y avait au Canada 600 délinquants en train de purger une peine d'emprisonnement à perpétuité avec délai préalable à la libération conditionnelle de 15 ans ou plus. Comme groupe, ces détenus représentent environ 1 p. 100 des il 800 délinquants incarcérés dans les établissements fédéraux. Chaque année, quelque 41 délinquants sont condamnés à la réclusion à perpétuité avec délai préalable à la libération conditionnelle qui excède 15 ans. Globalement, ils représentent environ 1 p. 100 des quelque 4 300 délinquants qui entrent dans le système chaque année, soit une proportion petite mais importante des délinquants nouvellement incarcérés dans les établissements fédéraux.

En 1992, 45 délinquants ont pu présenter une demande de révision judiciaire. Au cours des 10 prochaines années, le nombre de délinquants qui se trouveront dans le même cas variera de 25 à 52 par an (voir le tableau 2). En moyenne, 41 délinquants pourront présenter une demande de révision judiciaire chaque année.



Tableau 2
Ventilation des cas de révision judiciaire*
par province ou la culpabilité à été prononcée et par année
Année
T-N Î-P-E N-É Qc Ont Man Man Sask Alta C-B Yuk TN-O
1988
 
 
 
 
 
2
3
 
 
 
 
 
1989
 
 
 
3
2
 
 
 
 
3
 
 
1990
 
 
 
 
8
1
 
1
1
2
 
 
1991
 
 
 
 
8
5
 
2
5
1
 
 
1992
 
 
 
 
15
14
2
6
4
4
 
 
1993
 
 
2
1
13
13
3
2
1
2
 
 
1994
1
 
 
1
13
7
1
1
1
2
 
 
1995
 
 
1
1
6
10
 
 
3
4
 
 
1996
 
 
1
 
13
11
1
2
6
5
 
1
1997
 
 
1
1
14
10
1
2
6
7
 
 
1998
2
 
2
1
6
17
3
1
7
9
 
 
1999
 
 
2
2
9
14
5
2
5
13
 
 
2000
1
 
 
2
14
13
3
1
4
6
 
 
2001
 
 
2
5
16
13
7
1
7
1
 
 
2002
1
 
1
2
11
8
4
1
2
13
 
 
Inconnu
 
 
 
1
8
15
6
 
3
4
 
1
Total
5
0
12
20
156
153
39
22
55
76
0
2
* Données au 18 février 1991 - délinquants en détention à cette date
Résultats

Au 31 mars 1992, 63 détenus étaient admissibles à la révision judiciaire. Dans 13 cas, une audition a été tenue. Cinq détenus ont obtenu l'admissibilité immédiate à la libération conditionnelle, trois ont obtenu une réduction partielle du délai préalable à la libération conditionnelle et dans cinq cas, la demande a été rejetée.

Cinq des 13 auditions ont eu lieu au Québec. Dans seulement un cas, le jury a rejeté la demande de réduction du délai préalable. En Ontario, les deux auditions qui ont été tenues se sont également soldées par un refus. D'autres cas ont été entendus au Manitoba, en Alberta et en Colombie-Britannique.

Quatre des 13 délinquants étaient incarcérés dans un établissement à sécurité minimale au moment où la demande de révision a été présentée tandis que les neuf autres délinquants se trouvaient dans des établissements à sécurité moyenne. La demande d'un des détenus enfermés dans un établissement à sécurité minimale a été refusée.

Certains délinquants qui sont admissibles à la révision judiciaire n'ont pas encore présenté une demande à cet égard. Dans le cadre d'un récent sondage mené par le Service correctionnel du Canada, ces détenus ont invoqué diverses raisons pour expliquer pourquoi ils n'avaient pas encore présenté une demande de révision judiciaire. Certains prévoient d'en faire la demande plus tard, invoquant qu'il leur faut du temps pour terminer un programme ou obtenir des conseils juridiques. Pour d'autres, l'obtention d'une aide financière aux fins d'aide juridique, qui varie de province en province, constitue un obstacle. Un petit nombre de délinquants n'ont nullement l'intention de présenter une demande de révision judiciaire.

Dans le cas des délinquants qui doivent purger 20 ans ou moins de leur peine avant d'être admissibles à la libération conditionnelle, il n'y a pas vraiment intérêt à demander la révision judiciaire. En effet, en supposant qu'ils présentent une demande de révision judiciaire à leur quinzième année d'emprisonnement ou après, l'audition se tiendra pendant la seizième année d'emprisonnement. Or, les délinquants qui doivent purger 20 ans de leur peine pour être admissibles à la libération conditionnelle bénéficient de la mise en liberté sous condition, sous forme d'absences temporaires sans escorte et de libérations conditionnelles de jour, à compter de la dix-septième année d'incarcération. Dès lors, la révision judiciaire perd de son intérêt pratique pour le délinquant.

Processus

En vertu du Code criminel, le juge en chef de chaque province ou territoire a le pouvoir d'établir des règles de pratique pour l'audition des demandes de révision judiciaire. À l'heure actuelle, de telles règles sont en vigueur dans six provinces : à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. Dans les autres provinces et territoires, des règles provisoires sont en vigueur et peuvent être invoquées en attendant l'adoption de règles de pratique formelles.

Dans tous les cas, il incombe au délinquant de demander la révision judiciaire aux fins de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Cette demande doit être présentée au juge en chef de la province ou du territoire où a été prononcée la déclaration de culpabilité. Le juge en chef décide si le délinquant est réellement admissible à la révision judiciaire, puis il avise le procureur général de la province de la demande.

Quoique le processus varie de province en province, l'audition des demandes de révision judiciaire se fait généralement en deux étapes. La première est l'audition préliminaire, ou conférence préalable à l'audition. Il y en a parfois plusieurs. La seconde étape est l'audition même.

Durant l'audition préliminaire, le tribunal aborde d'ordinaire les points qui concernent la préparation de l'audition, y compris les modalités pour la présence, l'hébergement et le transport du requérant (délinquant). Le tribunal peut également se prononcer sur la nature de l'information ou des preuves qui seront présentées au cours de l'audition. Généralement, le tribunal entend des preuves présentées par des témoins de moralité ou des experts ou sous forme de rapports ou de déclarations de faits, sur consensus du délinquant et du procureur général.

Les employés du Service correctionnel du Canada doivent prêter une attention toute particulière aux instructions données par le juge quant à la forme et au contenu du rapport sur l'admissibilité à la libération conditionnelle. Il incombe en effet au Service correctionnel du Canada de présenter ce rapport, qui constitue une description complète du caractère et de la conduite du requérant pendant l'incarcération. Il s'agit d'un résumé de nature investigatrice, objective et impartiale. Le rapport compte généralement une vingtaine de pages, et ne contient ni opinions ni recommandations. La personne qui l'a rédigé peut faire l'objet d'un contre interrogatoire sur le contenu du rapport, soit durant l'audition préliminaire soit durant l'audition même.

Dans la plupart des cas, des agents correctionnels, des intervenants professionnels et des personnes qui connaissent le délinquant sont cités à comparaître comme témoins soit par le requérant soit par le procureur général de la province. Les preuves présentées le sont généralement dans l'intention d'attester du caractère du délinquant. La révision judiciaire n'ayant pas pour objet de rappeler la culpabilité du délinquant, toute nouvelle preuve concernant l'infraction n'est généralement pas admise. Dans la plupart des cas, le détail de l'infraction sera mis en preuve au début de l'audition, sous forme de déclaration de fait approuvée par le requérant et par le procureur général.

À l'instar du procès pénal où le délinquant a été condamné, la révision judiciaire relève d'un jury de 12 personnes constitué légalement, et le processus oppose deux parties adverses: le procureur général de la province et le requérant (délinquant). Par contre, on peut dire que les rôles du procureur général (ou du procureur de la Couronne) et du requérant sont inversés pour la révision judiciaire puisque le requérant présente sa cause d'abord et que le procureur général y répond après. Des témoins peuvent être cités à comparaître par l'une ou l'autre des parties, et ils peuvent être contre-interrogés. Une fois que toutes les preuves ont été présentées, l'avocat du requérant s'adresse au jury, suivi du procureur de la Couronne. Au moment de clore l'audition, le juge s'adresse au jury à son tour et passe en revue les preuves présentées, explique le droit applicable et résume les choix qui s'offrent au jury.

Les auditions peuvent durer de quatre à huit jours. Généralement, la présentation des preuves dure quatre ou cinq jours; les adresses au jury par le requérant et la Couronne prennent une journée, après quoi le juge donne les directives nécessaires au jury et celui-ci se retire pour délibérer. La décision du jury doit être rendue par au moins les deux tiers de ses membres. Essentiellement, le jury dispose de trois options:

  1. décider de ne pas changer ni réduire le délai préalable à la libération conditionnelle;
  2. réduire le délai préalable à la libération conditionnelle;
  3. supprimer le délai préalable à la libération conditionnelle, rendant effectivement le requérant immédiatement admissible à la libération conditionnelle. Advenant que le jury tranche ainsi, cela ne signifie pas que le délinquant sera automatiquement mis en libération conditionnelle, mais plutôt qu'il peut désormais présenter une demande de libération conditionnelle à la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Des avocats du ministère de la Justice sont assignés à tous les cas de révision judiciaire pour représenter le Solliciteur général et le Service correctionnel du Canada, quoique leur rôle soit plus ou moins marqué. Il leur incombe de représenter les intérêts du ministère et du Service correctionnel du Canada en ce qui a trait au déroulement de l'audition et de conseiller les agents correctionnels qui sont appelés à comparaître comme témoins.

Points d'intérêt

On trouve des établissements qui relèvent du Service correctionnel du Canada dans toutes les régions du pays. Il peut arriver, pendant son incarcération, qu'un délinquant soit transféré à un établissement sis dans une autre région et ce, pour diverses raisons, y compris pour le rapprocher de sa famille, pour qu'il puisse prendre part à des programmes susceptibles de lui profiter ou par souci pour sa sécurité. Dans quatre des 13 cas de révision judiciaire qui ont été présentés jusqu'à présent, les délinquants étaient incarcérés dans une province qui n'était pas celle où ils présentaient leur demande de révision judiciaire (c'est-à-dire la province où la déclaration de culpabilité avait été prononcée à l'origine). Dans trois des quatre cas, les délinquants sont demeurés à l'extérieur de la province où ils avaient été condamnés jusqu'au moment de l'audition. C'est uniquement ce moment venu qu'ils ont été transférés à un établissement situé à proximité du tribunal, où ils sont restés pendant toute la durée de l'audition.

La gestion des délinquants purgeant une longue peine et la mise sur pied de programmes à leur intention posent des problèmes indéniables pour le Service correctionnel du Canada. Par exemple, le bien-fondé de l'octroi de permissions de sortir à des détenus assujettis à un délai préalable à la libération conditionnelle de 15 ans ou plus, mais qui ne se sont pas encore présentés à une audition de révision judiciaire, a déjà été mis en cause. Il importe de souligner que les permissions de sortir (ou toute autre décision, comme celle de transférer le détenu à un autre établissement) ne doivent pas être utilisées pour préparer le détenu à la révision judiciaire. La décision d'octroyer une permission de sortir doit dépendre du mérite du délinquant, et non du fait qu'une révision judiciaire a eu lieu ou non.

Résumé

Jusqu'à présent, l'expérience de la révision judiciaire a été limitée. Seulement une minorité des détenus admissibles à la révision judiciaire l'ont demandée. Sur les 13 détenus qui ont effectivement présenté une demande, huit ont bénéficié de la possibilité soit de l'admissibilité immédiate à la libération conditionnelle soit d'une réduction du nombre d'années à purger avant l'admissibilité à la libération conditionnelle.

En revanche, il y a peut-être lieu de s'attendre à une augmentation du nombre de détenus qui présentent une demande de révision judiciaire au fur et à mesure que les délinquants, les conseillers juridiques, les fournisseurs de services juridiques (aide juridique), la Couronne et les tribunaux se familiarisent avec la révision judiciaire.

Par ailleurs, le partage des décisions tant favorables que défavorables en matière de révision judiciaire indique que l'issue de ces causes est loin d'être décidée à l'avance et qu'un équilibre délicat est maintenu entre les intérêts du délinquant et ceux de la collectivité.