Cette page Web a été archivée dans le Web.
Les suicides de détenus - mise au point
Études sur les suicides de détenus
Les suicides de détenus, en plus d'accabler la famille et les amis du défunt, préoccupent beaucoup le public, en partie parce que d'aucuns considèrent que l'État est responsable du bien-être de ceux qu'il condamne à purger une peine. De surcroît, le taux de suicide chez les détenus tend à être plus élevé qu'au sein de la population générale.
Pour la plupart, les récentes études sur le suicide en milieu carcéral ont été de nature rétrospective,
visant à isoler les caractéristiques du détenu suicidaire et les circonstances du suicide, généralement à des
fins préventives. Ainsi, le sexe du détenu suicidaire, son état civil et l'endroit où il s'est donné la
mort sont autant de caractéristiques utilisables comme facteurs de prévisibilité.
En revanche, ces caractéristiques ne peuvent pas être tenues pour assurées. Par exemple, même si le taux
de suicide semble plus bas chez les détenues que chez les détenus, cette conclusion n'est fondée que sur quelques études
et sur des échantillons de détenues relativement petits. En outre, quoique des études aient permis de conclure
que les détenus qui se suppriment sont plus souvent célibataires que mariés, certaines d'entre elles faisaient
exclusion des conjoints de fait. Par ailleurs, même si les recherches ont montré que les détenus qui se suicident
se trouvent plus souvent à l'hôpital ou en isolement, il arrive parfois que des détenus soient incarcérés
dans ces circonstances justement parce qu'ils sont suicidaires.
Le tableau 1 reprend les principaux résultats des recherches sur les suicides de détenus. Ces conclusions sont tirées des 13 plus récentes études empiriques sur les suicides de détenus quatre études ont été effectuées au Royaume-Uni, sept aux États-Unis, une au Canada et une en Australie.
Les conclusions des 13 études doivent être analysées avec soin. En effet, comme la méthodologie employée varie dans chaque cas, l'interprétation des résultats est difficile. La définition du suicide et des types de population carcérale diffèrent d'une étude à l'autre. Par exemple, alors que la plupart des 13 études portaient exclusivement sur les suicides confirmés par une enquête judiciaire, deux des études britanniques incluaient des échantillons de suicides probables. Aussi, certaines études s'intéressaient aux délinquants en détention provisoire alors que d'autres portaient sur les détenus purgeant une peine.
Par ailleurs, dans le cadre de certaines études, la nature de l'établissement étudié était incorrectement caractérisée - plus exactement, il n'était pas précisé si l'échantillon incluait des détenus incarcérés dans des établissements de différents types. Aussi, comme il n'y avait pas de groupe de contrôle auquel comparer le groupe de suicidés, il était impossible de déterminer si les facteurs apparemment liés au suicide n'étaient caractéristiques que des suicidés ou de l'ensemble de la population carcérale dont ceux-ci faisaient partie. Finalement, toute étude des ouvrages consacrés au suicide chez les détenus est obligatoirement confrontée au problème de l'influence de la culture. En effet, les études sont trop peu nombreuses pour permettre de se concentrer sur un pays en particulier.
Malgré ces difficultés, le recoupement de ces études permet d'ébaucher un profil du suicide chez les détenus.
Prévision et prévention
La majorité des chercheurs doute de l'exactitude avec laquelle il est possible de prévoir un suicide. À cet égard,
deux erreurs en particulier sont inévitables lorsqu'il s'agit de prévoir et de prévenir des manifestations
rares du comportement humain, comme le suicide. D'une part, certaines personnes se suicident sans qu'il ait été possible
de prévoir leur geste - on les qualifie de faux négatifs. Dans d'autres cas, on prévoit qu'une personne va
se suicider et celle-ci ne le fait pas - on parle alors de faux positif. Quand il s'agit de prévoir les suicides en milieu
carcéral, il est particulièrement difficile de limiter le nombre de faux positifs dans la mesure où un grand
nombre des traits caractéristiques des détenus suicidaires sont également présents chez une forte proportion
de la population carcérale.
Selon les ouvrages consacrés au suicide dans les prisons, certains facteurs sont particulièrement importants pour la prévision et la prévention du suicide. Ces facteurs sont repris au tableau 2.
Formation
D'après bon nombre de chercheurs et de rapports sur le suicide en prison, il faut que le personnel correctionnel et médical bénéficie d'une formation en matière de techniques de prévention du suicide. Cependant, dans les ouvrages sur le sujet, on ne trouve qu'une seule description détaillée, avec évaluation, d'un tel programme de formation: dans Crookall et McLean(1) (Canada).
En raison du nombre exceptionnellement élevé de suicides survenus dans les établissements correctionnels fédéraux au début des années 1980, le Service correctionnel du Canada a entrepris une évaluation des programmes de prévention du suicide. À l'issue de cette étude, le Service a retenu le programme de formation en prévention du suicide (PFPS) et l'a mis en oeuvre dans la région de l'Atlantique en 1984.
Conclusion
Tout comme le suicide n'a pas de cause unique, mais résulte plutôt de l'effet conjugué de nombreux facteurs - personnalité, état mental, milieu social, circonstances nouvelles, etc. -la prévention du suicide ne peut être réduite à une seule solution relevant d'une seule profession(2). Les techniques de prévention vont de l'amélioration du milieu carcéral à l'emploi de méthodes médicales pour réanimer la victime après la tentative de suicide.
De nombreux facteurs apparemment associables au suicide sont difficiles, voire impossibles, à mesurer. C'est le cas des sentiments et des impressions éveillés par les événements qui surviennent dans la vie des détenus. En conséquence, pour réussir à repérer les détenus qui sont peut-être suicidaires, il faut s'en remettre non seulement à des facteurs quantifiables caractéristiques des suicides, mais aussi à une sensibilité pour la personnalité du détenu et les circonstances sociales dans lesquelles celui-ci vit. Ce qui porte à la conclusion que l'une des plus évidentes mesures de prévention du suicide en prison, et peut-être l'une des plus importantes, est la formation du personnel.
Lloyd (C.), Suicide and Self-Injury in Prison: A Literature Review, Londres, Home Office Research and Planning Unit Report,
Her Majesty's Stationery Office, 1990.
(1)Crookall (P.) et McLean (T.), Evaluation of the Suicide Prevention Training Program in the
Atlantic Region, Ottawa, Service correctionnel du Canada, 1986.
(2)Jenkins (J.S.), « Suicide in Prisons: An Overview », Prison Medicai
Journal, n0 23, 1982, p. 6-10, p. 7.