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La violence dans les prisons: l'opinion des détenus

Selon un récent sondage mené auprès des détenus dans un établissement à sécurité maximale des États-Unis, les détenus âgés qui vivent dans la crainte et qui sont isolés socialement préfèrent éviter les situations où ils risquent de devenir victime alors que les délinquants plus jeunes qui sont incarcérés depuis plus longtemps et qui ont déjà été maltraités sont plus agressifs ou directs dans ce qu'ils font pour éloigner d'éventuels agresseurs.

Plusieurs études ont porté sur la gravité et la nature de la persécution en prison, mais rare sont celles qui ont eu pour but d'analyser l'influence de cette violence sur le comportement et les habitudes de vie des détenus. Une chose est certaine, les détenus souffrent de la violence. Par exemple, il arrive souvent que les victimes d'agressions sexuelles s'isolent volontairement pour demeurer à l'écart des autres détenus et ainsi éviter d'avoir à subir d'autres mauvais traitements. D'autres détenus usent de violence et de menaces pour dissuader ceux qui leur cherchent noise.

Méthodologie

Dans le cadre de l'étude dont il est question ici, 500 détenus d'un établissement à sécurité maximale du Tennessee, échantillon pris au hasard, ont rempli un questionnaire sur les précautions qu'ils prennent pour éviter de devenir la victime de persécution et de mauvais traitements aux mains d'autres détenus. Trois cents détenus (60 p. 100) sur les 500 de l'échantillon ont rempli le questionnaire.

En plus du questionnaire, 25 entre-vues semi-structurées avec les détenus ont eu lieu sur place.

Description de l'échantillon

Les détenus de l'échantillon avaient pour la plupart environ 35 ans et étaient célibataires. La répartition raciale dans l'échantillon était comparable à celle de la population carcérale de l'établissement, soit environ à part égale des Blancs et des Africains-Américains.

La plupart des détenus consultés avaient déjà été incarcérés au moins une fois et la peine qu'ils purgeaient, généralement pour une infraction accompagnée de violence, était plus longue que leur sentence préalable; plus du tiers des détenus purgeaient une peine pour meurtre. Ces caractéristiques reflètent la composition de l'ensemble de la population carcérale de l'établissement.

Résultats

Comme la figure permet de le constater, plus du trois quarts des détenus consultés étaient d'avis qu'ils réussissent à diminuer considérablement le risque de se trouver impliqués dans un incident violent en s'isolant des autres détenus.

De plus, environ 40 p. 100 des détenus ont ajouté qu'ils évitent certains endroits de l'établissement afin de réduire le risque de devenir la victime de persécution, notamment le réfectoire, les unités de logement, les aires de loisirs et la cour. A tous ces endroits sont rassemblés au même moment de nombreux détenus, ce qui rend difficile l'exercice d'une surveillance étroite.

Environ 40p. 100 des détenus ont précisé qu'ils passent beaucoup de temps dans leur cellule pour éviter les situations dangereuses. Seulement 5 p. 100 des détenus consultés avaient demandé à être placés en isolement protecteur pour éviter d'être persécutés.

Bien que ces résultats portent à penser que la plupart des détenus ont recours à des méthodes passives pour éviter les situations violentes, la majorité des individus de l'échantillon (69,6 p. 100) ont indiqué qu'ils avaient, à un moment donné, été contraints d'user de force avec un autre détenu pour éviter d'être persécutés ou exploités.

Plus du quart des détenus ont révélé qu'ils conservent sur leur personne ou à portée de main un « surin » - un instrument coupant semblable à un couteau -ou une autre arme pour pouvoir se protéger en cas d'attaque. En outre, près de la moitié des détenus ont mentionné qu'ils s'entraînent régulièrement avec des poids par mesure de précaution.

Deux types de comportements précautionneux

L'analyse des huit précautions mentionnées dans la figure a permis de distinguer deux grandes catégories de comportement: le comportement précautionneux passif et le comportement précautionneux agressif.



Figure 1
Figure 1
Pour se protéger, certains détenus prennent des précautions passives, comme de s'isoler des autres détenus, d'éviter de fréquenter certains endroits de l'établissement, de demeurer dans leur cellule et de renoncer à participer aux activités.

D'autres prennent des précautions agressives, c'est-à-dire qu'ils ont recours à la force, qu'ils s'arment ou qu'ils s'entraînent avec des poids.

Comme il n'est pas possible de ranger les demandes de placement en isolement protecteur dans l'une ou l'autre des catégories, ce recours a été exclu de l'analyse.

Différences entre les précautions passives et agressives

L'étude des comportements précautionneux et des caractéristiques des détenus concernés a permis d'établir un rapport entre un comportement passif ou d'évitement et les détenus âgés, la crainte et le fait pour un détenu d'avoir été menacé ou volé par le passé. Ce comportement est aussi caractéristique des détenus incarcérés pendant de plus longues périodes de leur vie. Le comportement passif s'est également avéré typique des délinquants qui comptent le moins d'amis parmi les autres détenus, qui ont le moins de proches au sein de l'établissement et qui sont d'avis que les autres détenus ne leur prêteraient pas main-forte s'ils étaient attaqués.

Tout comme le comportement passif, le comportement précautionneux agressif est fortement lié à la peur et au fait d'avoir été victime de vol ou menacé par le passe. Cependant, contrairement au comportement passif, le comportement agressif est lié au fait qu'un détenu a déjà été victime d'une attaque. Les précautions agressives sont plus communes chez les détenus plus jeunes et plus chétifs incarcérés depuis plus longtemps dans l'établissement, mais moins fréquemment dans l'ensemble.

D'autres analyses statistiques ont été faites dans le but d'isoler ceux des facteurs susmentionnés qui sont les plus caractéristiques de chaque comportement. Les facteurs les plus typiques du comportement précautionneux passif sont donc, en ordre d'importance décroissante : la peur, l'âge (détenus plus âgés), le fait d'avoir déjà été victime d'un vol, le petit nombre d'amis parmi les détenus et le peu d'aide attendue des autres détenus en cas d'attaque.

Les facteurs les plus étroitement associables à un comportement précautionneux agressif sont le fait d'avoir été menacé, l'âge (détenus plus jeunes), le fait d'avoir déjà subi une attaque, le nombre d'années d'incarcération et la peur.

Il est intéressant de constater que le soutien perçu des autres (amis et aide en cas d'attaque) figurait à deux reprises parmi les cinq facteurs d'association la plus marquée chez les détenus qui adoptent un comportement passif, comme l'isolement volontaire, pour éviter de devenir la victime d'autres détenus. Par contre, chez les détenus qui se comportent de façon agressive pour lutter contre la persécution, c'étaient deux facteurs liés aux antécédents de persécution en prison (menaces ou de violence physique) qui comptaient parmi les cinq facteurs les plus fortement liés au comportement adopté.

Conclusion

Ce sont donc les détenus plus âgés et ceux qui se sont isolés du reste de la population carcérale qui déclarent avoir généralement recours à des méthodes d'évitement passives pour limiter le risque d'être persécutés. Les détenus qui optent pour un comportement plus agressif sont habituellement plus jeunes et incarcérés depuis plus longtemps; souvent, ils avaient été impliqués dans des incidents violents, sous menace d'arme, durant leur séjour en prison au moment où ils ont rempli le questionnaire.

Malgré ces différences, les détenus adoptent vraisemblablement les deux comportements, jusqu'à un certain point, pour faire face à la menace de violence.


McCorkle (R.C.), « Personal Precautions to Violence in Prison », Criminal Justice and Behavior, n° 19, février 1992, p. 160-173.